Conseil d’Etat, 7 /10 SSR, du 9 juillet 1997, 168629, mentionné aux tables du recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 7 /10 SSR, du 9 juillet 1997, 168629, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 10 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la Société MAISON BALLAND-BRUGNEAUX, dont le siège est … ; la société demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 95-243 du 6 mars 1995 modifiant le décret n° 59-1036 du 4 septembre 1959 portant statut des Charbonnages de France et des houillères de bassin ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome ;

Vu le code minier, notamment ses articles 145 et suivants ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz ;

Vu le décret n° 59-1036 du 4 septembre 1959 portant statut des Charbonnages de France et des houillères de bassin ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

– le rapport de M. Méda, Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Société MAISON BALLAND-BRUGNEAUX, et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de la Société Charbonnages de France,

– les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par les Charbonnages de France :

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant que si le décret attaqué devait, en vertu de l’article 45 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, être soumis à l’avis du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz, il ressort des pièces du dossier que ledit conseil, contrairement à ce que soutient la société requérante a été consulté ; que le moyen tiré par la société de ce que la consultation dudit conseil aurait été irrégulière est dépourvu des précisions permettant d’en apprécier la portée ;

Sur la légalité interne du décret :

Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe ( …) les régles concernant ( …) la création de catégories d’établissements publics » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 146 du code minier résultant des dispositions de la loi du 17 mai 1946 relative à la nationalisation des combustibles minéraux : « Les mines de combustibles minéraux nationalisées sont gérées par des établissements publics nationaux de caractère industriel et commercial dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière qui sont : 1° Un établissement public central dénommé « Charbonnages de France » dont l’activité s’exerce sur l’ensemble du territoire ; 2° Des établissements publics distincts, dénommés « Houillères du bassin de … » constitués dans chaque bassin houiller par des décrets … » ; et qu’aux termes de l’avant dernier alinéa de l’article 8 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz : « Les services de production d’électricité appartenant … aux Houillères nationales restent leur propriété … » ;

Considérant qu’en vertu de l’article 27 du décret du 4 septembre 1959 portant statut des Charbonnages de France et des Houillères de bassin, dans sa rédaction antérieure au décret attaqué du 6 mars 1995, l’établissement public « Charbonnages de France » constituait unorganisme de direction d’ensemble des houillères de bassin, de coordination de leurs activités, d’organisation des services d’intérêt commun et de représentation notamment auprès des pouvoirs publics ; que les dispositions attaquées du VIII de l’article 1er du décret du 6 mars 1995 ajoutent à celles de l’article 27 précité en confiant à Charbonnages de France une mission complémentaire de prise de participations ; que cet établissement est chargé, à ce titre, de définir et de mettre en oeuvre, en y participant éventuellement, les structures juridiques et financières permettant, en vue d’en assurer le développement, la mise en commun de certaines activités des houillères de bassin, notamment en ce qui concerne la production d’électricité ; que l’extension des missions de Charbonnages de France, à laquelle procède ainsi le décret attaqué est limitée à une participation à des structures juridiques et financières, et porte sur des activités que les houillères de bassin avaient conservées en vertu de l’article 8 de la loi du 8 avril 1946 précitée, et sur lesquelles l’établissement « Charbonnages de France » exerçait, en vertu du décret du 4 septembre 1959, un pouvoir de direction, de coordination et de contrôle ; qu’ainsi le décret attaqué du 6 mars 1995 n’a pas, en confiant à l’établissement public « Charbonnages de France » une mission de prise de participations, pour l’activité de production d’électricité, modifié la spécialité de cet établissement public, dans des conditions équivalant à la création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics ; qu’au surplus, le décret, en tant qu’il prévoit la participation de Charbonnages de France à des structures juridiques et financières, n’implique ni n’autorise aucun transfert de propriété du secteur public au secteur privé, dont la fixation des règles est également réservée au législateur par l’article 34 de la Constitution ; que, par suite, le décret attaqué n’est pas entaché d’incompétence ;

Considérant que d’une part, les dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne, ne sont pas en ellesmêmes de nature à être utilement invoquées à l’appui du recours ; que, d’autre part, si la société requérante entend se prévaloir d’une méconnaissance, par le décret attaqué, des dispositions combinées des articles 90 et 86 dudit traité, elle n’établit, ni d’ailleurs n’allègue sérieusement, que le décret attaqué ait pour objet ou pour effet de permettre à Charbonnages de France de pratiquer des abus de position dominante sur le marché de la production d’électricité ; que, par suite, les moyens tirés du droit communautaire ne peuvent qu’être écartés ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la Société MAISON BALLAND-BRUGNEAUX n’est pas fondée à demander l’annulation du décret précité du 6 mars 1995 ;

Sur les conclusions des Charbonnages de France tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi n° 91-647 :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la Société MAISON BALLAND-BRUGNEAUX à payer aux Charbonnages de France une somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Article 1er : La requête de la Société MAISON BALLAND-BRUGNEAUX est rejetée.

Article 2 : La Société MAISON BALLAND-BRUGNEAUX paiera aux Charbonnages de France une somme de 5 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : la présente décision sera notifiée à la Société MAISON BALLAND-BRUGNEAUX, aux Charbonnages de France, au Premier ministre et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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