Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 4 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la Société méditerranéenne de diététique, dont le siège est 2344, route de la Fènerie à Pegomas (06580) ; la Société méditerranéenne de diététique demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision n° 673 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables du 19 juin 2012 a confirmé la décision de la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l’ordre des experts comptables de Marseille PACAC du 14 janvier 2011 ayant, sur la plainte disciplinaire déposée par la société requérante, relaxé M. D…C…et la société Galien Expertise des fins de la poursuite disciplinaire ;
2°) de renvoyer l’affaire devant la chambre nationale de discipline ;
3°) de mettre à la charge de M. D…C…et de la société Galien Expertise la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de la contribution pour l’aide juridique au titre de l’article R. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Eric Aubry, Conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la Société Méditerranéenne de diététique et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables ;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts comptables, que M. A… et MmeB…, épouseA…, sont actionnaires de la Société méditerranéenne de diététique (SA Somedi) ; que Mme B…a souhaité céder ses actions à un tiers ; qu’à la suite du refus d’agrément de la SA Somedi et de son actionnaire majoritaire M.A…, le président du tribunal de commerce de Grasse a désigné un expert afin de déterminer la valeur des actions détenues par Mme B…; que la SA Somedi a fait valoir que l’assistance fournie à Mme B… par M.C…, expert comptable, et par la société Galien Expertise, dans le cadre de cette procédure d’expertise, était contraire aux règles applicables en matière de secret professionnel et de conflits d’intérêts de la profession d’expert comptable ; que la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l’ordre des experts comptables de Marseille-Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse a, par une décision du 14 janvier 2011, renvoyé M. C… et la société Galien Expertise des fins de poursuites disciplinaires engagées à leur encontre à la suite de la plainte déposée par la SA Somedi et fondée sur la méconnaissance des articles 4, 5 (alinéas 2 à 5), 7 et 17 du code des devoirs professionnels de l’ordre, relatifs au conflit d’intérêts et au respect du secret professionnel ; que la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts comptables a, par une décision du 19 juin 2012, contre laquelle la SA Somedi se pourvoit en cassation, confirmé la décision de la chambre régionale ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article 1843-4 du code civil : » Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible » ; qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 228-24 du code de commerce : » Si la société n’agrée pas le cessionnaire proposé, le conseil d’administration, le directoire ou les gérants, selon le cas, sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de la notification du refus, de faire acquérir les titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, soit par un actionnaire ou par un tiers, soit, avec le consentement du cédant, par la société en vue d’une réduction du capital. A défaut d’accord entre les parties, le prix des titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital est déterminé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil. Le cédant peut à tout moment renoncer à la cession de ses titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital. Toute clause contraire à l’article 1843-4 dudit code est réputée non écrite » ;
3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’en cas de refus d’agrément par une société du cessionnaire présenté par le cédant, l’évaluation des titres est réalisée par un expert désigné par le juge ; que les parties au litige sont, d’une part, le cédant, d’autre part, la société qui n’a pas agréé le cessionnaire ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la chambre nationale de discipline que, dans le cadre de la procédure prévue aux articles cités ci-dessus du code civil et du code du commerce, un expert a été désigné par une ordonnance du président du tribunal de commerce de Grasse en date du 17 juillet 2009 afin de régler le litige opposant la SA Somedi et Mme B…;
5. Considérant qu’en estimant que » la mission de M. C…et de sa société consiste à assister Mme A…personnellement dans la défense des intérêts de celle-ci dans le conflit financier qui l’oppose à son mari, et nullement d’agir contre la Somedi ou en conflit d’intérêt avec cette société « , alors que le litige n’opposait pas personnellement les deux époux mais concernait un litige dans le cadre de la procédure décrite au point précédent, la Chambre nationale de discipline a dénaturé les faits de l’espèce ; que, dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la SA Somedi est fondée à demander l’annulation de cette décision ;
6. Considérant que le conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, n’ayant pas été partie en appel et n’ayant été appelé en la cause que pour produire des observations, n’est pas partie à la présente instance ; que par suite, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge le versement à la SA Somedi de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de M. C…la somme demandée par la SA Somedi au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
7. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l’aide juridique à la charge de la SA Somedi ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : La décision du 19 juin 2012 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables.
Article 3 : La contribution pour l’aide juridique est laissée à la charge de la SA Somedi.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la SA Somedi est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. C…présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Société méditerranéenne de diététique, au Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, à M. D…C…et à la société Galien Expertise.
ECLI:FR:CESJS:2013:362410.20131113