Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, du 28 décembre 2005, 264778, inédit au recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, du 28 décembre 2005, 264778, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, 1° sous le n° 264778, la requête, enregistrée le 20 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour LA SECTION SYNDICALE DES COLLECTEURS CARCASSIERS DU SYNDICAT LES PROFESSIONNELS DU PNEU, dont le siège est 75-77, avenue Parmentier à Paris (75011) ; la SECTION SYNDICALE DES COLLECTEURS CARCASSIERS DU SYNDICAT LES PROFESSIONNELS DU PNEU demande au Conseil d’Etat l’annulation de dispositions de l’arrêté du 8 décembre 2003 relatif à la collecte des pneumatiques usagés ;

Vu, 2° sous le n° 264779, la requête, enregistrée le 20 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Dimitri A, demeurant au siège de la société NIKO PNEU SARL, route de Bellegarde à Beaucaire (30300), qui tend aux mêmes fins que la requête n° 264778 et par les mêmes moyens ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 2002-1563 du 24 décembre 2002 relatif à l’élimination des pneumatiques usagés ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Frédéric Bonnot, Rapporteur,

les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 264778 et 264779 sont dirigées contre le même arrêté ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la recevabilité de la requête n° 264778 :

Considérant qu’il résulte des termes mêmes de la requête n° 264778 qu’elle est présentée pour la SECTION SYNDICALE DES COLLECTEURS CARCASSIERS DU SYNDICAT LES PROFESSIONNELS DU PNEU ; qu’aucune disposition législative n’a conféré à une section syndicale, simple émanation, sans personnalité morale, du syndicat, qualité pour ester en justice ; qu’ainsi, la requête de la SECTION SYNDICALE DES COLLECTEURS CARCASSIERS DU SYNDICAT LES PROFESSIONNELS DU PNEU est irrecevable et doit être rejetée comme telle ;

Sur la requête n° 264779 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 541-2 du code de l’environnement « Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l’air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d’une façon générale, à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement, est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination (…), dans des conditions propres à éviter lesdits effets./ L’élimination des déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaires à la récupération des éléments et matériaux réutilisables (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 541-7 du même code « Les entreprises qui produisent, importent, exportent, éliminent ou qui transportent, se livrent à des opérations de courtage ou de négoce des déchets appartenant aux catégories définies par décret comme pouvant, soit en l’état, soit lors de leur élimination, causer des nuisances telles que celles qui sont mentionnées à l’article L. 541-2 sont tenues de fournir à l’administration toutes informations concernant l’origine, la nature, les caractéristiques, les quantités, la destination et les modalités d’élimination des déchets qu’elles produisent, remettent à un tiers ou prennent en charge. » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 541-10 « Il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs » de produits générateurs de déchets « de pourvoir ou de contribuer à l’élimination des déchets qui en proviennent » ; que l’article L. 541-22 dispose que certaines catégories de déchets visées à l’article L. 541-7 ne peuvent être traitées que dans les installations pour lesquelles l’exploitant est titulaire d’un agrément de l’administration ; que le décret du 24 décembre 2002 relatif à l’élimination des pneumatiques usagés prévoit à son article 7 que « les producteurs sont tenus de collecter ou de faire collecter, chaque année, à leurs frais, dans la limite des tonnages qu’ils ont eux-mêmes mis sur le marché national l’année précédente, les pneumatiques usagés que les distributeurs ou détenteurs tiennent à leur disposition » ; que l’article 8 du même décret dispose : « La collecte des pneumatiques usagés est subordonnée à la délivrance d’un agrément, qui est accordé, pour une durée maximale de cinq ans, par arrêté du préfet du département où est située l’installation du demandeur./ Les personnes qui sollicitent un agrément doivent justifier de leurs capacités techniques et financières à mener à bonne fin les opérations requises pour la collecte des pneumatiques usagés./ Est annexé à l’agrément le cahier des charges défini à l’article 9 /(…) Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’économie et de l’industrie fixe la procédure d’agrément et le contenu du dossier de demande d’agrément » ; qu’aux termes de cet article 9 « Le cahier des charges (…) prévoit notamment :/ a) L’obligation de collecte dans la zone concernée ; b) Les conditions techniques de ramassage, de regroupement, de tri et de transport des pneumatiques usagés collectés ; c) L’obligation de ne remettre les pneumatiques usagés qu’aux personnes qui exploitent des installations agréées (…) » ; que l’article 12 du même décret prévoit que « Les producteurs peuvent créer des organismes appropriés afin de remplir collectivement les obligations qui leur incombent en matière d’élimination des pneumatiques usagés. » ; que M. A demande l’annulation de l’arrêté du 8 décembre 2003 relatif à la collecte des pneumatiques usagés pris pour l’application de l’article 8 du décret du 24 décembre 2002 ;

Sur l’incompétence des signataires de l’arrêté du 8 décembre 2003 :

Considérant que l’article 8 du décret du 24 décembre 2002 relatif à l’élimination des pneumatiques usagés dispose qu’ « un arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’économie et de l’industrie fixe la procédure d’agrément et le contenu du dossier de demande d’agrément » ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, l’arrêté pris en application de ces dispositions n’avait à être signé ni par le garde de sceaux, ministre de la justice, ni par la secrétaire d’Etat au développement durable, pas plus que par le secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation ; que, la circonstance que les directeurs d’administration centrale qui ont signé l’arrêté contesté aient ou non reçu délégation de signature de ces deux secrétaires d’Etat est, dès lors, sans influence sur la légalité de l’arrêté attaqué ;

Sur l’exigence posée par l’arrêté attaqué que soient jointes des promesses d’engagement à la demande d’agrément :

Considérant que le requérant soutient que l’article 2 de l’arrêté du 8 décembre 2003 ne pouvait légalement prévoir de joindre à la demande d’agrément pour effectuer la collecte des pneumatiques usagés, des promesses d’engagement de producteurs en tant que ces promesses constituent une condition supplémentaire pour obtenir l’agrément qui ne serait pas prévue par le décret du 24 décembre 2002 ;

Considérant qu’il résulte des dispositions rappelées ci-dessus du code de l’environnement et du décret du 24 décembre 2002, que l’obligation de collecte des pneumatiques usagés incombe aux producteurs qui doivent la réaliser à leurs frais et que les collecteurs ne doivent remettre les pneumatiques usagés qu’aux exploitants d’une installation d’élimination agréée ; qu’ainsi, la promesse d’engagement prévue par l’arrêté contesté ne fait que retracer les liens qui doivent nécessairement s’établir entre les acteurs de la filière d’élimination de ces pneumatiques ; qu’en prévoyant que cette promesse d’engagement devait être assortie d’une garantie de suppléance du producteur en cas de défaillance du collecteur, les auteurs de l’arrêté n’ont fait que se conformer aux objectifs fixés par le législateur qui consistent à imposer aux producteurs de prendre les dispositions nécessaires pour éviter la constitution de stocks illégaux de pneumatiques usagés et dont le décret du 24 décembre 2002 assure la mise en oeuvre ; qu’ainsi, les dispositions contestées de l’arrêté pouvaient légalement prévoir que le dossier de demande d’agrément comportât de telles promesses d’engagement ;

Sur le moyen tiré de la violation de la liberté contractuelle par l’arrêté attaqué :

Considérant que M. A soutient que les promesses d’engagement qui doivent être jointes à la demande d’agrément portent atteinte à la liberté contractuelle ; qu’il formule le même grief à l’encontre des dispositions du 9ème alinéa de l’article 2 de l’arrêté qui prévoient que le collecteur doit préciser lors de la demande d’agrément les coordonnées des installations de tri où il déposera les pneumatiques usagés ; qu’il soutient également que ces dispositions placent le collecteur dans une situation de subordination par rapport au producteur dans la mesure où le collecteur est contraint de déposer les pneumatiques dans des installations choisies par le ou les producteurs ;

Considérant, toutefois, d’une part, que ces promesses d’engagement ne lient pas le collecteur exclusivement à un seul producteur et que leur contenu peut être librement déterminé ; que, d’autre part, les dispositions contestées de l’arrêté ont pour objet d’assurer le contrôle par l’administration des opérations de collecte des pneumatiques et de prévenir la constitution de dépôts illégaux ; que si, enfin, le collecteur est conduit à devoir déposer les pneumatiques usagés dans un lieu désigné par le producteur, cette obligation résultera des termes du contrat librement souscrit entre le producteur et le collecteur et non des dispositions contestées de l’arrêté ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué porte atteinte à la liberté contractuelle doit être écarté ;

Sur les moyens tirés de la violation de la liberté du commerce et de l’industrie :

Considérant que M. A n’est, tout d’abord, pas fondé à soutenir que l’effet combiné de l’institution d’un groupement de producteurs, prévue à l’article 12 du décret du 24 décembre 2002, avec celle de la promesse d’engagement, conduit à un abus de position dominante contraire à la liberté du commerce et de l’industrie ; qu’il n’est pas davantage fondé à soutenir que le cahier des charges annexé à l’arrêté, en prévoyant que le producteur, et non l’administration, détermine les modalités de ramassage des pneumatiques usagés, porterait atteinte à cette même liberté ; qu’en effet, la clause contestée du cahier des charges a seulement pour objet de faire exécuter par le collecteur une prestation selon des modalités qui permettent aux producteurs de satisfaire au mieux aux obligations prévues par les dispositions du décret du 24 décembre 2002 qui leur fait obligation, dans l’intérêt de la protection de l’environnement, d’assurer, à leurs frais, l’élimination des pneumatiques usagés ;

Sur le moyen tiré de ce que le collecteur est conduit à engager sa responsabilité vis-à-vis des sous-traitants :

Considérant que le requérant conteste la légalité du 11ème alinéa de l’article 2 de l’arrêté qui prévoit de joindre à la demande d’agrément les éventuels contrats de sous-traitants du collecteur, dans la mesure où elle expose ce dernier, si l’agrément ne lui est pas délivré, à engager sa responsabilité envers ces sous-traitants ; que, toutefois, la responsabilité qui pourrait être engagée en cas d’inexécution du contrat liant un collecteur à un sous-traitant, ne résulterait pas des dispositions contestées de l’arrêté mais du contenu des clauses du contrat négocié entre les parties ;

Sur le moyen tiré l’illégalité du délai laissé au collecteur pour faire des observations en cas de refus d’agrément :

Considérant, enfin, que le requérant soutient que le délai de dix jours laissé au collecteur pour présenter des observations en cas de refus de proposition d’agrément, prévu à l’article 4 de l’arrêté attaqué, est contraire à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration ;

Considérant, toutefois, que le refus de proposition d’agrément pris par le préfet, fait suite à une demande d’agrément par le collecteur ; que, dès lors, M. A ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui ne s’applique pas aux cas « où il est statué sur une demande » ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 8 décembre 2003 relatif à la collecte des pneumatiques usagés ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : Les requêtes de la SECTION SYNDICALE DES COLLECTEURS CARCASSIERS DU SYNDICAT LES PROFESSIONNELS DU PNEU et de M. Dimitri A sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SECTION SYNDICALE DES COLLECTEURS CARCASSIERS DU SYNDICAT LES PROFESSIONNELS DU PNEU, à M. Dimitri A, au ministre de l’écologie et du développement durable et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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