Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE VORTEX, dont le siège est 37 bis, rue Greneta à Paris (75002), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE VORTEX demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir les décisions du 21 octobre 2008 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation du service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre Skyrock en catégorie D dans les zones de Château-Thierry, Laon, Soissons, Péronne, Cambrai, Arras et Montreuil-sur-Mer, relevant du comité technique radiophonique de Lille ;
2°) d’enjoindre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de lui délivrer les autorisations en litige sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,
– les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE VORTEX demande l’annulation pour excès de pouvoir des décisions du 21 octobre 2008 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation du service Skyrock en catégorie D dans les zones de Château-Thierry, Laon, Soissons, Péronne, Cambrai, Arras et Montreuil-sur-Mer, relevant du comité technique radiophonique de Lille ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu’afin d’être en mesure d’apprécier l’intérêt respectif des différents projets de service de radio par voie hertzienne qui lui sont présentés dans une zone, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est tenu de statuer sur l’ensemble des candidatures dont il est saisi pour cette zone et de décider de leur acceptation ou de leur rejet au cours d’une même séance ; que la circonstance qu’une décision de refus soit notifiée au-delà du délai d’un mois après la publication au Journal officiel des autorisations accordées pour cette zone, prévu à l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986, est sans incidence sur la légalité de cette décision ; qu’il résulte de ce qui précède que la circonstance que les décisions de rejet des candidatures de la SOCIETE VORTEX, prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel lors de sa séance du 21 octobre 2008, lui aient été notifiées par une lettre du 23 avril 2010, alors que les décisions d’autorisation prises lors de la même séance, et que cette société n’a pas contestées, avaient été publiées au Journal officiel du 18 décembre 2008, est sans incidence sur leur légalité ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (…) 5° de la contribution à la production de programmes réalisés localement. / (…) Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission sociale de proximité (…) / Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale ;
Considérant, que, par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l’article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services en vue de l’appel à candidatures pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre ; que ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (C), services thématiques à vocation nationale (D), et services généralistes à vocation nationale (E) ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en statuant sur l’ensemble des candidatures au cours d’une même séance, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ait omis d’examiner l’intérêt particulier de chaque projet ;
Considérant, que le moyen tiré de ce que les décisions attaquées, méconnaîtraient les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;
En ce qui concerne les zones de Château-Thierry, Laon et Soissons :
Considérant que dans la zone de Château-Thierry, où émettaient un service en catégorie B et un service en catégorie D, et où huit fréquences étaient disponibles, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a retenu un service en catégorie A, un service en catégorie B, trois services en catégorie D et trois services en catégorie E ; que dans la zone de Laon, où émettaient un service de catégorie B et un service de catégorie D, et où neuf fréquences étaient disponibles, il a retenu un service de catégorie A, deux services de catégorie B, quatre services de catégorie D et deux services de catégorie E ; que dans la zone de Soissons, où émettait un service de catégorie D, et où huit fréquences étaient disponibles, il a retenu un service de catégorie A, un service de catégorie B, un service de catégorie C, trois services de catégorie D et deux services de catégorie E ; qu’il ressort des mentions des décisions rendues pour ces trois zones qu’en catégorie D, il a rejeté la candidature de Skyrock à laquelle il a préféré pour le public et ce format, Fun Radio, qui couvre à l’issue de l’appel à candidature, dans le ressort du comité technique radiophonique de Lille une population inférieure à celle couverte par Skyrock ; qu’après s’être ainsi fondé, en premier lieu, sur le critère de l’intérêt pour le public du service qu’il retenait, le Conseil supérieur de l’audiovisuel pouvait se fonder, en second lieu, comme il l’a fait, sur le critère de la diversification des opérateurs ; qu’il ressort en effet des pièces du dossier qu’après les résultats de l’appel à candidatures, le service Skyrock est autorisé dans douze zones comportant 3 038 011 habitants, tandis que le service Fun Radio est autorisé dans quinze zones comportant au total 3 015 535 habitants ; que le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas commis d’erreur de droit en veillant ainsi à éviter que soit créée une disproportion significative entre le nombre d’habitants desservis dans le ressort du comité technique radiophonique par ces deux services de radio ; qu’en choisissant par ailleurs d’accorder dans ces zones, respectivement, trois, deux et deux fréquences à des services privés d’information politique et générale classés en catégorie E, alors que leur format était déjà représenté dans la zone par le service public, il n’a pas commis d’erreur de droit, eu égard à l’intérêt qui s’attache, pour le public, au pluralisme de l’information ; que la circonstance que plusieurs des services retenus appartiennent à des groupes titulaires, après appel, d’un nombre de fréquences supérieur à celui du groupe auquel appartient le service Skyrock dans le ressort du comité technique radiophonique de Lille et dans chacune des zones précitées n’est pas, à elle seule, de nature à établir que le Conseil aurait méconnu l’impératif de diversification des opérateurs ;
En ce qui concerne la zone de Péronne :
Considérant que dans la zone de Péronne, où émettaient deux services de catégorie B, et où cinq fréquences étaient disponibles, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a retenu deux services de catégorie C, un service de catégorie D et deux services de catégorie E ; qu’il a rejeté la candidature de Skyrock destiné aux 15/35 ans, une autre radio destinée au public jeune étant déjà présente dans la zone Contact, radio de catégorie B qui vise également cette tranche d’âge ; que ce motif n’est entaché ni d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation au regard des critères énoncés à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ; que le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas méconnu dans cette zone l’objectif de juste équilibre entre les réseaux nationaux et les réseaux locaux ou régionaux ; qu’en choisissant par ailleurs d’accorder deux fréquences à des services privés d’information politique et générale classés en catégorie E, alors que leur format était déjà représenté dans la zone par le service public, il n’a pas commis d’erreur de droit, eu égard à l’intérêt qui s’attache, pour le public, au pluralisme de l’information ; que la circonstance que plusieurs des services retenus appartiennent à des groupes titulaires, après appel, d’un nombre de fréquences supérieur à celui du groupe auquel appartient le service Skyrock dans le ressort du comité technique radiophonique de Lille et dans la zone précitée n’est pas, à elle seule, de nature à établir que le Conseil aurait méconnu l’impératif de diversification des opérateurs ;
En ce qui concerne la zone de Cambrai :
Considérant que dans la zone de Cambrai, où émettait un service de catégorie E, et où six fréquences étaient disponibles, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a retenu deux services de catégorie C, deux services de catégorie D et un service de catégorie E ; qu’en catégorie D, il a notamment retenu la candidature de NRJ, dont le programme musical de variétés françaises et étrangères vise les 13/49 ans , et rejeté la candidature de Skyrock au motif que son programme musical hip hop, R’n’B et raï destiné aux jeunes urbains s’adressait à un public moins large que le programme généraliste de NRJ ; que ce motif n’est entaché ni d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation au regard des critères énoncés à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’en choisissant par ailleurs d’accorder une fréquence à un service privé d’information politique et générale classé en catégorie E, alors que ce format était déjà représenté dans la zone par le service public et par un autre opérateur privé, il n’a pas commis d’erreur de droit, eu égard à l’intérêt qui s’attache, pour le public, au pluralisme de l’information ; que la circonstance que plusieurs des services retenus appartiennent à des groupes titulaires, après appel, d’un nombre de fréquences supérieur à celui du groupe auquel appartient le service Skyrock dans le ressort du comité technique radiophonique de Lille et dans la zone précitée n’est pas, à elle seule, de nature à établir que le Conseil aurait méconnu l’impératif de diversification des opérateurs ;
En ce qui concerne la zone d’Arras :
Considérant que dans la zone d’Arras, où émettaient un service de catégorie A, un service de catégorie D et un service de catégorie E, et où treize fréquences étaient disponibles, le conseil a retenu un service de catégorie A, quatre services de catégorie B, trois services de catégorie C, quatre services de catégorie D et un service de catégorie E ; qu’en catégorie D, il a retenu les services Fun Radio, NRJ et Jazz Radio, en raison de l’intérêt de leurs programmes respectifs ; qu’il a rejeté la candidature de Skyrock, radio musicale à destination des jeunes et des jeunes adultes à laquelle a été préférée pour ce public et ce format la candidature de Fun Radio, laquelle couvre dans le ressort du comité technique radiophonique de Lille, à l’issue de l’appel à candidature une population inférieure à celle couverte par Skyrock ; que le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a, ce faisant, commis ni erreur de droit ni erreur d’appréciation ; que la circonstance que le groupe NRJ, opérateur du service NRJ, obtienne trois fréquences dans la zone, tandis que le groupe Orbus, opérateur du service Skyrock, n’en obtient aucune n’est pas par elle-même de nature à entacher le refus opposé à la SOCIETE VORTEX d’illégalité ;
En ce qui concerne la zone de Montreuil-sur-Mer :
Considérant que dans la zone de Montreuil-sur-Mer, où émettait un service de catégorie D, et où sept fréquences étaient disponibles, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a retenu trois services de catégorie A, un service de catégorie C, un service de catégorie D et deux services de catégorie E ; qu’en catégorie D, il a retenu le service Fun Radio, après avoir relevé que l’affectation de la fréquence en cause à la diffusion d’un autre programme aurait entraîné des phénomènes de brouillage qu’il n’était pas possible de prévenir en soumettant les émissions à des conditions techniques particulières ; qu’il a ensuite écarté la candidature de Skyrock au motif que ce service musical destiné aux jeunes présentait un format et visait un public proches de ceux de l’opérateur retenu ; que ce motif n’est entaché ni d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation au regard des critères énoncés à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’en choisissant par ailleurs d’accorder deux fréquences à des services privés d’information politique et générale classés en catégorie E, alors que leur format était déjà représenté dans la zone par le service public, il n’a pas commis d’erreur de droit, eu égard à l’intérêt qui s’attache, pour le public, au pluralisme de l’information ; que la circonstance que plusieurs des services retenus appartiennent à des groupes titulaires, après appel, d’un nombre de fréquences supérieur à celui du groupe auquel appartient le service Skyrock dans le ressort du comité technique radiophonique de Lille et dans la zone précitée n’est pas, à elle seule, de nature à établir que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait méconnu l’impératif de diversification des opérateurs ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions du 21 octobre 2008 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature dans les zones de Château-Thierry, Laon, Soissons, Péronne, Cambrai, Arras et Montreuil-sur-Mer ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SOCIETE VORTEX et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE VORTEX est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE VORTEX et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Copie pour information en sera adressée au ministre de la culture et de la communication.