Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 décembre 2009, 25 janvier et 23 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SA SUD RADIO SERVICES, dont le siège est aux Allées du Lac Bâtiment B BP 48148 à Labège (31681) ; la SA SUD RADIO SERVICES demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les décisions du 11 mars 2008 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a, d’une part, rejeté sa candidature en vue de l’exploitation du service de radio Sud Radio par voie hertzienne terrestre en catégorie B dans les zones de Toulon, Cannes, Nice et Briançon, relevant du comité technique radiophonique de Marseille, et a, d’autre part, délivré les autorisations d’exploitation dans ces zones ;
2°) d’enjoindre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de réexaminer l’ensemble des candidatures ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Philippe Ranquet, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Spinosi, avocat de la SA SUD RADIO SERVICES, de la SCP Boutet, avocat de la société Chérie FM Réseau et de la société NRJ Réseau et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société Virgin Radio, de la société Lagardère Active Broadcast, et de la société Europe 2 Entreprises,
– les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de la SA SUD RADIO SERVICES, à la SCP Boutet, avocat de la société Chérie FM Réseau et de la société NRJ Réseau et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société Virgin Radio, de la société Lagardère Active Broadcast et de la société Europe 2 Entreprises ;
Considérant que la SA SUD RADIO SERVICES demande l’annulation des décisions du 11 mars 2008 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a, d’une part, rejeté sa candidature en vue de l’exploitation du service de radio par voie hertzienne terrestre dénommé Sud Radio, de catégorie B, dans les zones de Toulon, Cannes, Nice et Briançon, relevant du comité technique radiophonique de Marseille, et a, d’autre part, délivré les autorisations d’exploitation dans ces zones ;
Sur les conclusions de la SA SUD RADIO SERVICES tendant à l’annulation des décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel délivrant des autorisations :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : » Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée » ; qu’il résulte de ces dispositions que le délai de recours à l’encontre des autorisations d’exploitation de services de radio court à compter de leur publication au Journal officiel et non à compter de la date de la notification des décisions rejetant les autres candidatures, même dans le cas où ces notifications interviennent après l’expiration du délai d’un mois prévu par l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, dès lors qu’il est loisible aux personnes y ayant intérêt de demander l’annulation des autorisations dans le délai de recours courant à compter de cette publication, la requérante ne saurait invoquer une méconnaissance du droit au recours garanti par l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que les autorisations attaquées ont été publiées au Journal officiel de la République française les 10, 14 et 15 mai 2008 ; que les conclusions tendant à leur annulation n’ont été enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat que le 23 décembre 2009 ; que, dès lors, elles ont été présentées tardivement et ne sont, par suite, pas recevables ;
Sur les conclusions de la SA SUD RADIO SERVICES tendant à l’annulation des décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel refusant de lui délivrer des autorisations :
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées, le Conseil supérieur de l’audiovisuel » accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / (…) / Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. / Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale » ;
Considérant, d’autre part, que, par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services en vue de l’appel à candidatures pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre ; que ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (C), services thématiques à vocation nationale (D), et services généralistes à vocation nationale (E) ;
En ce qui concerne les zones de Toulon, Cannes et Nice :
Considérant qu’il ressort des mentions des décisions attaquées que, pour apprécier l’intérêt de chaque projet pour le public de ces zones, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a comparé entre eux, dans la catégorie B, plusieurs services qu’il a qualifiés de radios musicales à vocation régionale, au nombre desquels il a fait figurer Sud Radio ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que le service Sud Radio, qui propose un programme comportant des informations générales en mettant l’accent sur les évènements du grand Sud, des émissions sportives, des émissions interactives, de l’humour et de la musique, est en fait une radio généraliste ; qu’ainsi, l’appréciation à laquelle s’est livré le Conseil de l’intérêt du service Sud Radio pour le public repose sur une appréciation matériellement inexacte ; que cette erreur de fait vicie les décisions attaquées, alors même que le Conseil a relevé que les programmes proposés par l’ensemble des services qu’il a ainsi regroupés par erreur ne prévoient pas de décrochages spécifiques d’informations destinées aux auditeurs de la zone concernée ; que, dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués à l’appui de ces conclusions, la SA SUD RADIO SERVICES est fondée à demander l’annulation des décisions du 11 mars 2008 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation du service Sud Radio dans les zones de Toulon, Cannes et Nice ;
En ce qui concerne la zone de Briançon :
Considérant, en premier lieu, qu’afin d’être en mesure d’apprécier l’intérêt respectif des différents projets de service de radio par voie hertzienne terrestre qui lui sont présentés dans une zone, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est tenu de statuer sur l’ensemble des candidatures dont il est saisi pour cette zone et de décider de leur acceptation ou de leur rejet au cours d’une même séance ; que la circonstance qu’une décision de refus soit notifiée au-delà du délai d’un mois après la publication au Journal officiel des autorisations accordées pour cette zone, prévu à l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986, est sans incidence sur la légalité de cette décision ; qu’il résulte de ce qui précède que la circonstance que la décision de rejet de la candidature de la SA SUD RADIO SERVICES, prise par le Conseil supérieur de l’audiovisuel lors de sa séance du 11 mars 2008, lui ait été notifiée par une lettre du 20 octobre 2009, alors que les décisions d’autorisation prises lors de la même séance avaient été publiées au Journal officiel des 10, 14 et 15 mai 2008, est sans incidence sur sa légalité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que dans la zone de Briançon, où étaient déjà autorisées une radio en catégorie A, deux radios en catégorie B et six radios en catégorie D, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a attribué les huit fréquences disponibles à deux radios de catégorie A, trois radios de catégorie D et trois radios de catégorie E et a rejeté la candidature du service Sud radio, en catégorie B, au motif que ses thématiques » musiques et informations locales » étaient déjà représentées dans la zone par les services Alpes 1 et R. Grand Briançonnais ; qu’en attribuant trois fréquences dans la catégorie E, qui n’était pas encore représentée dans la zone, aux services Europe 1, RTL et RMC, le Conseil a fait application des dispositions du dernier alinéa de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 selon lesquelles il doit s’assurer que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale ; qu’il a attribué trois fréquences en catégorie D à trois radios musicales dans le but de compléter et diversifier l’offre musicale dans la zone et de répondre ainsi à l’impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels ; qu’après les résultats de l’appel à candidatures, le nombre des services locaux, régionaux, thématiques et indépendants est passé de trois à cinq, par l’attribution de deux fréquences à des radios associatives de catégorie A, tandis que le nombre des réseaux nationaux passait de six à douze ; que le Conseil, alors même qu’il n’a attribué aucune fréquence dans la catégorie B, déjà représentée par deux services, n’a pas fait ainsi une inexacte application de l’ensemble des critères énoncés à l’article 29 qu’il lui appartient de concilier, parmi lesquels figure celui du juste équilibre entre les réseaux nationaux d’une part et les services locaux, régionaux, thématiques et indépendants d’autre part ;
Considérant, enfin, que la circonstance que cinq des huit services retenus appartiendraient à deux groupes qui étaient déjà titulaires dans le ressort du comité technique radiophonique de Marseille d’un nombre élevé de fréquences n’est pas, à elle seule, de nature à établir que le Conseil aurait méconnu l’impératif de diversification des opérateurs ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SA SUD RADIO SERVICES n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 11 mars 2008 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation du service Sud Radio dans la zone de Briançon ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant que l’annulation des décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 11 mars 2008 refusant de délivrer à la SA SUD RADIO SERVICES une autorisation pour les zones de Toulon, Cannes et Nice n’implique pas nécessairement que le Conseil délivre les autorisations demandées mais, seulement, qu’il se prononce à nouveau sur la candidature de la SA SUD RADIO SERVICES dans ces zones ; que dès lors, il y a lieu pour le Conseil d’Etat d’enjoindre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de réexaminer cette candidature pour ces trois zones dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions de l’association Agora FM tendant à la condamnation de la SA SUD RADIO SERVICES à lui verser une indemnité pour procédure abusive :
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du 11 mars 2008 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté la candidature de la SA SUD RADIO SERVICES en vue de l’exploitation du service Sud Radio dans la zone de Nice est entachée d’illégalité ; que la seule circonstance que les conclusions de la requête de cette société dirigées contre l’autorisation qui a été délivrée à l’association Agora FM pour la même zone par une décision du Conseil du même jour sont irrecevables pour tardiveté, ne suffit pas à caractériser de la part de la SA SUD RADIO SERVICES un usage abusif de son droit de former un recours contentieux ; que les conclusions de l’association Agora FM tendant à la condamnation de la SA RADIO SERVICES à lui verser une indemnité pour procédure abusive doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SA SUD RADIO SERVICES de la somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions ; qu’il n’y a pas lieu en revanche de mettre à la charge de l’association Agora FM et de l’association Fréquence Mistral les sommes que demande au même titre la société requérante ; qu’il n’y a pas davantage lieu de mettre à la charge de la SA RADIO SERVICES les sommes que demandent au même titre l’association Agora FM, l’association Fréquence Mistral, la société Regroupement des radios musulmanes de France Radio Orient, la société Lagardère Active Broadcast, la société Europe 2, la société Virgin Radio Réseau Sud, la société NRJ Réseau et la société Chérie FM Réseau ;
Sur les conclusions de la SA SUD RADIO SERVICES présentées au titre de l’article L. 741-2 du code de justice administrative :
Considérant qu’en application des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l’article L. 741-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat peut » prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts » ;
Considérant que, si les mémoires en défense présentés par les associations Agora FM et Fréquence Mistral reprochent à la société requérante, en des termes polémiques, de présenter les faits de manière incomplète, ils ne peuvent être regardés comme comportant des passages injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que les conclusions présentées au titre de l’article L. 741-2 du code de justice administrative par la SA SUD RADIO SERVICES doivent par suite être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les décisions du 11 mars 2008 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté la candidature de la SA SUD RADIO SERVICES en vue de l’exploitation du service Sud Radio dans les zones de Toulon, Cannes et Nice sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au Conseil supérieur de l’audiovisuel de prendre les mesures nécessaires au réexamen, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de la candidature de la SA SUD RADIO SERVICES à l’exploitation du service Sud Radio dans les zones de Toulon, Cannes et Nice.
Article 3 : L’Etat versera à la SA SUD RADIO SERVICES une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA SUD RADIO SERVICES et ses conclusions présentées au titre de l’article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Les conclusions de l’association Agora FM tendant à la condamnation de la SA SUD RADIO SERVICES à lui verser une indemnité pour procédure abusive sont rejetées.
Article 6 : Les conclusions de l’association Agora FM, de l’association Fréquence Mistral, de la société Regroupement des radios musulmanes de France radio Orient, de la société Lagardère Active Broadcast, de la société Europe 2, de la société Virgin Radio Réseau Sud, de la société NRJ Réseau et de la société Chérie FM Réseau, présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la SA SUD RADIO SERVICES, à l’association Agora FM, à l’association Fréquence Mistral, à l’association paroissiale de Carros Radio Fréquence K, à la société Regroupement des radios musulmanes de France Radio Orient, à la société Lagardère Active Broadcast, à la société Europe 2 Entreprises, à la société Virgin Radio Réseau Sud, à la société NRJ Réseau, à la société Chérie FM Réseau, à l’association CLSP Radio Active, à l’association RCF Méditerranée, à la SARL Midi Radio, à l’association Toulonnaise pour la communication, à la société CLT-UFA, à l’association Radio Chalom Nitsan, à la SARL Emotion FM, à la SARL TSF Côte d’Azur, à l’association RCF Nice Côte d’Azur, à la SARL Nice Music, à la SARL Cannes Radio diffusion, à l’association Radio Zinzine, à la SA SERC, à la SA SODERA, à la société Radio Monte Carlo, à l’association Radio Antibes et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Copie pour information en sera adressée au ministre de la culture et de la communication.