Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE BOUYGUES, dont le siège est …, représentée par son secrétaire général dûment habilité à cet effet ; la SOCIETE BOUYGUES demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 27 janvier 2004 approuvant l’avenant à la convention conclue entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société Métropole Télévision, signé le 2 février 2004 ;
2°) d’annuler l’avenant n° 3 en date du 2 février 2004 à la convention conclue entre la société Métropole Télévision et le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 24 juillet 2001 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 66537 du 24 juillet 1966 ;
Vu la loi n° 79587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 861067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Marc Lambron, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Métropole télévision,
– les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 423 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : L’autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement ;
Considérant que, saisi par la société Suez du projet de cession de la plus grande part des actions qu’elle détenait dans le capital de la société Métropole Télévision, à égalité avec RTL Group, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, se fondant sur les dispositions précitées de l’article 423 de la loi du 30 septembre 1986, a estimé, par une délibération du 20 novembre 2003, que le désengagement de la société Suez devait être précédé de la signature d’un avenant à la convention conclue le 24 juillet 2001 entre luimême et la société Métropole Télévision, destiné à apporter des garanties en termes de pluralisme, notamment par la sauvegarde du principe de limitation des droits de vote des actionnaires de référence de la chaîne, qui constituait selon lui l’une des données au vu desquelles l’autorisation initiale avait été délivrée ; que cet avenant dans lequel figurent, à l’issue du désengagement de la société Suez, la nouvelle composition du capital social de Métropole Télévision, détenu désormais à 48,3 % par RTL Group et la répartition des droits de vote, a été approuvé par une délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 27 janvier 2004, et a été signé par les deux parties le 2 février 2004 ; que la SOCIETE BOUYGUES demande l’annulation de la délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 27 janvier 2004 et de l’avenant du 2 février 2004 ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de nonrecevoir soulevées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société Métropole Télévision :
Sur la légalité externe :
Considérant que l’avenant signé le 2 février 2004 entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société Métropole Télévision n’est pas au nombre des actes qui doivent être motivés en application des dispositions des articles 32 et 426 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’il ne présente pas un caractère défavorable à l’égard de la société Métropole Télévision qui en fait l’objet et n’est pas soumis à une obligation de motivation en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; que le moyen tiré de ce qu’il ne serait pas motivé est par suite inopérant ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu’aux termes de l’article 39 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction alors en vigueur : I . Une même personne physique ou morale agissant seule ou de concert ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 49 % du capital ou des droits de vote d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dont l’audience moyenne annuelle par voie hertzienne terrestre, par câble et par satellite, tant en mode analogique qu’en mode numérique, dépasse 2,5 % de l’audience totale des services de télévision ; que l’article 413 de cette loi dispose que : Pour l’application des articles 39, 41, 411, 4111, 412 et 4121 : ( ) 2° Toute personne physique ou morale qui contrôle, au regard des critères figurant à l’article 3551 de la loi n° 66537 du 24 juillet 1966 précitée, une société titulaire d’autorisation ou a placé celle ci sous son autorité ou sa dépendance est regardée comme titulaire d’une autorisation ( ) ;
Considérant que la société requérante soutient que l’application combinée des dispositions précitées des articles 39 et 413 de la loi aurait pour effet que toute personne physique ou morale contrôlant une société titulaire d’autorisation ou l’ayant placée sous son autorité ou sa dépendance, et devant être par suite regardée comme titulaire d’une autorisation, se verrait soumise, fûtce dans l’hypothèse de participations dites en cascade, à la limite de détention du capital fixée à 49 % par le I de l’article 39 précité de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’il résulte toutefois de l’économie de la loi du 30 septembre 1986 et des textes qui l’ont ultérieurement modifiée que le législateur n’a pas entendu soumettre les personnes morales, contrôlant des sociétés titulaires de telles autorisations, à l’obligation de ne pas être ellesmêmes détenues à plus de 49 % par le même actionnaire ; que par suite le Conseil supérieur de l’audiovisuel a pu légalement, et sans qu’y fasse obstacle la circonstance que RTL Group soit détenu à plus de 80 % par le groupe Bertelsmann, approuver par la délibération et l’avenant attaqués la nouvelle répartition du capital social de la société Métropole Télévision dès lors que RTL Group n’en détenait pas plus de 49 % ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SOCIETE BOUYGUES doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE BOUYGUES le versement à la société Métropole Télévision d’une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE BOUYGUES est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE BOUYGUES versera à la société Métropole Télévision une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BOUYGUES, à la société Métropole Télévision, au Conseil supérieur de l’audiovisuel et au ministre de la culture et de la communication.