Conseil d’Etat, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 16 mars 2005, 259216, inédit au recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 16 mars 2005, 259216, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE VORTEX, dont le siège est … ; la SOCIETE VORTEX demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision en date du 4 mars 2003 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature à l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre pour la radio Skyrock dans les zones de Fontainebleau, Compiègne et Meaux ;

2°) d’annuler les décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 4 mars 2003 autorisant la société Lagardère Active Broadcast à diffuser le programme Europe 1 dans la zone de Fontainebleau, la société SERC Fun Radio à diffuser le programme Fun radio dans la zone de Compiègne, et l’association pour la promotion de l’information et de la communication à diffuser le programme 77 FM dans la zone de Meaux ;

3°) d’annuler la lettre du 20 juin 2003 par laquelle le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel lui a notifié les motifs ayant fondé le rejet de sa candidature et a rejeté son recours gracieux contre lesdites décisions d’autorisation du 4 mars 2003 ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-1087 du 30 septembre 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Carine Moreau-Soulay, Auditeur,

– les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de la société Lagardère Active Broadcast et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société SERC Fun Radio,

– les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la société SERC Fun radio :

Sur les conclusions à fin d’annulation de la lettre du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 20 juin 2003 :

Considérant que si, par lettre en date du 14 mai 2003, la SOCIETE VORTEX a formé devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel un recours gracieux contre les décisions en date du 4 mars 2003 autorisant respectivement la société Lagardère Active Broadcast, la société SERC Fun Radio et l’association pour la promotion de l’information et de la communication à diffuser le programme Europe 1, le programme Fun radio et le programme 77 FM dans les zones de Fontainebleau, Compiègne et Meaux, la lettre du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 20 juin 2003, qui se borne à notifier à la SOCIETE VORTEX la décision du 4 mars 2003 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature à l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre dans ces mêmes zones, ne saurait être regardée, compte tenu des termes dans lesquels elle est rédigée, comme une décision rejetant son recours gracieux ; que, par suite, cette lettre ne constitue pas une décision faisant grief à l’égard de la société requérante qui n’est pas manifestement recevable à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions du 4 mars 2003 :

Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 : (…) Le Conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (…) / 2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; (…) / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; / 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation. / Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. / Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. / Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale ;

Sur la zone de Fontainebleau :

Considérant que, pour écarter la candidature de la société requérante et retenir celle d’Europe 1, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, après avoir relevé qu’aucun service généraliste n’était diffusé dans la zone et qu’y étaient déjà présentes trois radios émettant des programmes musicaux, a estimé, en se fondant sur le critère de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels et sur l’objectif de diversité des programmes, que le programme d’Europe 1, radio généraliste diffusant un programme composé d’informations, de magazines, de divertissement et de musique à destination d’un large public, devait être retenu plutôt qu’un programme musical supplémentaire ; qu’il a ainsi suffisamment motivé sa décision et n’a pas méconnu les dispositions ci-dessus rappelées de la loi du 30 septembre 1986 ;

Sur la zone de Compiègne :

Considérant que pour écarter la candidature de la SOCIETE VORTEX et retenir celle de la société SERC/Fun Radio, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a fait valoir que cette dernière candidature diffusait le programme de musique de variétés composé de nombreux genres musicaux (hits, rock, groove et rap) qui s’adresse à un public transgénérationnel et que le programme du candidat retenu, qui s’adresse à un plus large public, satisfait mieux aux exigences du critère de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels et à l’objectif de diversité des programmes ; qu’en motivant ainsi sa décision, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait une inexacte interprétation des critères fixés par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il ait commis, dans l’application de ces dispositions, une erreur d’appréciation ;

Sur la zone de Meaux :

Considérant qu’après avoir relevé que les deux radios déjà présentes dans la zone émettaient des programmes musicaux et qu’aucune d’entre elles ne réalisait de programmes propres à la zone de Meaux, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a écarté la candidature de la société requérante et retenu celle de l’association pour la promotion de l’information et de la communication, au motif que le service exploité par cette association, la radio 77 FM, remplissait une mission de communication sociale de proximité en réalisant des programmes propres à la zone de Meaux, et satisfaisait mieux aux exigences du critère de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels et à l’objectif de diversité des programmes ; que si la décision attaquée mentionne certains des critères auxquels a eu recours le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour apprécier l’intérêt des projets soumis à son examen, il ressort du texte même de ladite décision que cette énumération ne présente pas un caractère limitatif ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel se soit abstenu d’examiner les candidatures au regard de l’ensemble des critères fixés par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, notamment du critère du financement et des perspectives d’exploitation du service ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la SOCIETE VORTEX, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux opérateurs déjà présents dans la zone et bénéficiant d’autorisations au titre de la catégorie B (services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié), émettaient des programmes spécifiques à la zone de Meaux ; que dès lors, en retenant le projet présenté par l’association pour la promotion de l’information et de la communication au titre de la catégorie A (services associatifs locaux), le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait une inexacte application des critères prévus par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions en date du 20 juin 2003 et du 4 mars 2003 ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d’Etat enjoigne au Conseil supérieur de l’audiovisuel de délivrer à la SOCIETE VORTEX les autorisations lui permettant de diffuser le programme Skyrock dans les zones de Fontainebleau, Compiègne et Meaux :

Considérant que la présente décision rejetant les conclusions aux fins d’annulation présentées par la SOCIETE VORTEX, les conclusions à fins d’injonction présentées par la requérante ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SOCIETE VORTEX au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de faire application desdites dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE VORTEX le versement d’une somme de 2 000 euros à la société SERC Fun Radio au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE VORTEX est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE VORTEX versera la somme de 2000 euros à la société SERC Fun radio au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative .

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE VORTEX, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, au Premier ministre, au ministre de la culture et de la communication, à la S.A.M. Lagardère Active Broadcast et à la société SERC Fun radio.


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