Conseil d’Etat, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 13 juin 2005, 265900, inédit au recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 13 juin 2005, 265900, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE VORTEX, dont le siège est … ; la SOCIETE VORTEX demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 juillet 2003 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa demande tendant à l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre pour la radio Skyrock en catégorie D dans le ressort du comité technique radiophonique de Bordeaux, dans les zones de Cognac, Confolens, l’Ile de Ré, Hagetmau, Jonzac, Saintes et Saint-Jean d’Angély ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 86-1087 du 30 septembre 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Carine Soulay, Auditeur,

– les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

Considérant que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE VORTEX pour l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre sous le nom de Skyrock en catégorie D (services thématiques à vocation nationale) dans les zones de Cognac, Confolens, l’Ile de Ré, Hagetmau, Jonzac, Saintes et Saint-Jean d’Angély, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a joint à la lettre notifiant cette décision les fiches explicitant les motifs de son rejet ; qu’un exemplaire de ces mêmes fiches est annexé au procès-verbal de la séance du 22 juillet 2003, duquel il ressort que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, au cours de la même délibération, accordé les autorisations de fréquence et adopté les motivations de rejet des autres candidatures dans les zones concernées ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait statué à la suite d’une procédure irrégulière, en se prononçant sur les motifs de rejet de la candidature de la SOCIETE VORTEX postérieurement à la séance du 22 juillet 2003, doit être écarté ; que la circonstance que la lettre de notification de la motivation de la décision de rejet de sa candidature à la SOCIETE VORTEX ne mentionnerait pas la consultation du comité technique radiophonique de Bordeaux ni la teneur de l’avis qu’il a rendu est sans influence sur la légalité de cette décision ;

Considérant que la décision contestée, qui contient les éléments de droit et de fait sur lesquels le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est fondé, est suffisamment motivée ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en s’abstenant de motiver les décisions de rejet de candidatures, a méconnu les stipulations de l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit au recours effectif devant une juridiction nationale, manque en fait ; que la société requérante, qui ne demande pas l’annulation des décisions accordant l’autorisation d’émettre dans les zones concernées par l’appel à candidatures, ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l’absence de motivation de ces décisions ;

Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (…) accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (…) / 2) du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de la presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; (…) ;

Sur la zone de Cognac :

Considérant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a attribué une des deux fréquences disponibles dans cette zone à Chérie FM en catégorie D, au motif que celle-ci présente un programme musical à destination d’un public adulte inédit sur la zone, et a ainsi rejeté la candidature de Skyrock, programme à destination d’un public jeune déjà représenté par deux radios jeunes ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE VORTEX, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel soit entachée d’une erreur de fait pour avoir relevé que deux radios déjà présentes dans la zone, NRJ et Europe 2, proposent à destination d’un public jeune un programme musical ;

Sur les zones de Saintes et de Saint-Jean-d’Angély :

Considérant que pour écarter la candidature de la SOCIETE VORTEX dans les zones de Saintes et de Saint-Jean-d’Angély, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a fait valoir qu’au regard de l’impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, des services proposant des programmes d’intérêt local étaient mieux à même de satisfaire les attentes du public de cette zone que le programme de la société requérante, qui ne propose pas de décrochage local ; qu’il a écarté la candidature de la SOCIETE VORTEX au profit de Mixx FM au motif que ce programme de proximité, basé sur des informations charentaises, satisfait mieux au critère du pluralisme des courants d’expression socioculturels que le programme musical de Skyrock sans décrochages locaux ; qu’ainsi le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait une inexacte application du critère sur lequel il s’est fondé et n’a pas commis d’erreur d’appréciation ; que la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantit à toute personne le droit à la liberté d’expression ;

Sur la zone de Confolens :

Considérant que dans la zone de Confolens, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a écarté la candidature de la SOCIETE VORTEX au profit de Mixx FM, radio de catégorie B, qui propose un programme d’intérêt local charentais avec des décrochages d’informations locales de nature à mieux satisfaire les auditeurs de Confolens qu’un programme thématique national sans décrochage local ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel se serait abstenu d’examiner la demande de la société requérante au regard de l’ensemble des critères fixés par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, parmi lesquels le critère du financement et des perspectives d’exploitation du service, notamment en fonction des possibilités du partage des ressources publicitaires, et d’apprécier l’ensemble des candidatures qui lui étaient soumises au regard de ces critères ; qu’ainsi le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait une inexacte application des dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Sur la zone de Jonzac :

Considérant que dans la zone de Jonzac, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a écarté la candidature de la SOCIETE VORTEX au profit de celle de Nostalgie au motif que le format jeune proposé par Skyrock est déjà représenté par Europe 2 en catégorie C ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE VORTEX, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait commis une erreur de fait, une erreur d’appréciation et aurait entaché sa décision d’une contradiction de motifs en relevant que le format musical proposé par la radio Skyrock, qui s’adresse à un public jeune, était déjà représenté par le service Europe 2 Jonzac, qui diffuse un programme visant également un public jeune ;

Sur les zones d’Hagetmau et de l’Ile-de-Ré :

Considérant que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE VORTEX dans les zones de l’Ile-de-Ré et de Hagetmau, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est fondé sur le critère du pluralisme des courants d’expression culturels ; qu’il a retenu la candidature du service Europe 1 dans la zone de l’Ile-de-Ré au motif que Europe 1, qui propose un programme national généraliste susceptible d’intéresser un plus vaste public que le format musical rap de Skyrock qui s’adresse à un public ciblé, essentiellement à un auditoire jeune (15 – 24 ans) ; que, dans la zone d’Hagetmau, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a retenu la candidature de la radio associative Euro Info Pyrénées Métropole, qui propose un programme d’intérêt local avec des décrochages spécifiques à Hagetmau et (…) assure mieux le pluralisme des courants d’expression socioculturels de la zone qu’un programme thématique musical national sans décrochages locaux ; qu’en se livrant à cette appréciation, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait une inexacte application du critère du pluralisme des courants d’expression socio-culturels ; que la circonstance, invoquée par la société requérante, qu’aucune radio n’émettait dans ces zones antérieurement à la décision contestée, est sans influence sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 22 juillet 2003 ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d’Etat enjoigne au Conseil supérieur de l’audiovisuel de délivrer à la SOCIETE VORTEX les autorisations lui permettant de diffuser le programme Skyrock dans les zones de de Cognac, Confolens, l’Ile de Ré, Hagetmau, Jonzac, Saintes et Saint-Jean d’Angély :

Considérant que la présente décision rejetant les conclusions aux fins d’annulation présentées par la SOCIETE VORTEX, les conclusions à fins d’injonction présentées par la requérante ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SOCIETE VORTEX au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : La requête de la SOCIETE VORTEX est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE VORTEX, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.


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