Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 19 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par la société NRJ Group, dont le siège est 22 rue Boileau à Paris (75016) ; la société NRJ Group demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 1er juillet 2010 rejetant sa demande de changement de catégorie des autorisations d’émettre du réseau » Rire et Chansons » à Avignon, Bordeaux, Dijon, Grenoble, Lyon, Marseille, Nantes, Nice et Toulouse, ainsi que la décision du 24 novembre 2010 rejetant son recours gracieux contre cette décision ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le décret n° 94-972 du 9 novembre 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Anissia Morel, Auditeur,
– les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
1. Considérant, en premier lieu, que par ses communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, faisant usage de la compétence que lui confère le deuxième alinéa de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 de déterminer des catégories de services en vue de l’appel à candidatures pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre, a déterminé cinq catégories ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E) ;
2. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes des deuxième et troisième alinéas de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 : » Dans le respect des critères mentionnés à l’article 29, notamment le juste équilibre entre les réseaux nationaux et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut donner son agrément à un changement de titulaire d’autorisation pour la diffusion de services de radio lorsque ce changement bénéficie à la personne morale qui contrôle ou qui est contrôlée par le titulaire initial de l’autorisation au regard des critères figurant à l’article L. 233-3 du code de commerce. A l’occasion de ce changement de titulaire de l’autorisation, le conseil peut, dans les mêmes conditions, donner son agrément à un changement de la catégorie pour laquelle le service est autorisé. Ce changement ne peut être agréé hors appel aux candidatures par le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’il est incompatible avec la préservation des équilibres des marchés publicitaires, notamment locaux. / Ce changement de titulaire de l’autorisation n’est pas ouvert aux services mentionnés à l’article 80 et aux services locaux, régionaux et thématiques indépendants » ;
3. Considérant qu’il résulte des dispositions des articles 29 et 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 que le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut donner son agrément à un changement, sans nouvel appel à candidatures, du titulaire d’une autorisation de diffusion d’un service de radiodiffusion sonore et, le cas échéant, de la catégorie pour laquelle ce service a été initialement autorisé, à la double condition que ce changement ne concerne pas les services associatifs éligibles au fonds de soutien (catégorie A) et les services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programmes nationaux identifiés (catégorie B) et que l’agrément ne soit pas incompatible avec la préservation des équilibres des marchés publicitaires, notamment locaux ; qu’en vertu des dispositions des articles 1er et 5 du décret du 9 novembre 1994 définissant les obligations relatives à l’accès à la publicité locale et au parrainage local des services de radio, les services de radio qui consacrent à des programmes d’intérêt local au moins trois heures de diffusion chaque jour entre 6 heures et 22 heures, peuvent diffuser des messages de publicité locale dont la durée maximale de diffusion par période de vingt-quatre heures ne peut excéder 25 % de la durée des programmes d’intérêt local ; que les services concernés par ces dispositions appartiennent aux catégories B et C ;
4. Considérant que la société NRJ Group, exploitant le réseau » Rire et Chansons » en catégorie D (service thématique à vocation nationale), demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 1er juillet 2010 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa demande de changement de titulaire et de catégorie en vue d’une exploitation de ce réseau en catégorie C (services locaux et régionaux indépendants diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale) afin d’avoir recours au marché publicitaire local dans les zones d’Avignon, Bordeaux, Dijon, Grenoble, Lyon, Marseille, Nantes, Nice et Toulouse, ainsi que de la décision du 24 novembre 2010 rejetant son recours gracieux contre cette décision ;
5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que les comités techniques radiophoniques concernés n’auraient pas été préalablement consultés manque en fait ;
6. Considérant qu’il résulte du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment de son article 49, que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent s’appliquer de manière non discriminatoire, être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ; qu’il incombe au juge national de se prononcer sur le respect de ces exigences au vu des modalités concrètes d’application de la réglementation contestée devant lui ;
7. Considérant que les dispositions précitées de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, qui soumettent le changement du titulaire de l’autorisation d’émettre et de la catégorie pour laquelle le service est autorisé à un agrément du Conseil supérieur de l’audiovisuel, s’appliquent de manière non discriminatoire ; qu’elles tendent à assurer que la modification sollicitée en dehors de tout appel à candidatures est conforme à l’intérêt du public au regard des impératifs prioritaires, énumérés par l’article 29 de la même loi, que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence ; qu’elles répondent ainsi à des motifs d’intérêt général ; que le régime d’agrément qu’elles instaurent est propre à garantir la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi et ne peut être regardé ni en lui-même, ni par les modalités concrètes de sa mise en oeuvre, comme allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ;
8. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait, pour apprécier les effets de la modification sollicitée sur les marchés publicitaires, surévalué les parts de ces marchés publicitaires en se fondant sur la part d’audience commercialisable ; qu’il n’a, par suite, pas commis d’erreur d’appréciation sur ce point ;
9. Considérant qu’il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait commis une erreur d’appréciation en estimant, au terme d’une analyse des marchés publicitaires locaux zone par zone et en tenant compte des autres services déjà exploités par la société NRJ Group au sein de chaque zone, de sa part d’audience commercialisable, des stratégies commerciales mises en place par sa régie publicitaire, des effets prévisibles de l’entrée du réseau » Rire et Chansons » sur le marché publicitaire local et notamment des risques de dégradation des conditions économiques d’autres services locaux, que si la requérante était autorisée à changer de catégorie, elle détiendrait une position dominante à Avignon, Dijon, Grenoble et Nice et qu’une atteinte serait portée aux équilibres du marché publicitaire dans les zones de Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes et Toulouse ;
10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de la société NRJ Group doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société NRJ Group est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société NRJ Group, au Conseil supérieur de l’audiovisuel et à la ministre de la culture et de la communication.
ECLI:FR:CESSR:2013:346020.20131230