Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°, sous le n°367515, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 8 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SARL Radio Média France, dont le siège est 7 rue du Colombier à Orléans (45000), représentée par son gérant ; la SARL demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les décisions du 15 janvier 2013 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a, d’une part, rejeté sa candidature pour l’attribution d’une fréquence en vue de l’exploitation d’un service de radio par voie hertzienne en mode numérique pour la diffusion d’un service de radio dénommé « Lounge Radio » et, d’autre part, autorisé la SARL Médi 1 France à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé « Médi 1 France », la SAS Onde numérique un service de même nature dénommé « On’R, la radio de toute la famille » et la SARL Paname un service de même nature dénommé « Paname » ;
2°) d’enjoindre, au besoin sous astreinte, au Conseil supérieur de l’audiovisuel de réexaminer sa candidature dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l’audiovisuel le versement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 367516, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 8 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SARL Forum Productions, dont le siège est 7 rue du Colombier à Orléans (45000), représentée par son gérant ; la SARL demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les décisions du 15 janvier 2013 par lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a, d’une part, rejeté sa candidature pour l’attribution d’une fréquence en vue de l’exploitation d’un service de radio par voie hertzienne en mode numérique pour la diffusion d’un service de radio dénommé « Météo Life » et, d’autre part, autorisé la SARL Médi 1 France à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé « Médi 1 France », la SAS Onde numérique un service de même nature dénommé « On’R, la radio de toute la famille » et la SARL Paname un service de même nature dénommé « Paname » ;
2°) d’enjoindre, au besoin sous astreinte, au Conseil supérieur de l’audiovisuel de réexaminer sa candidature dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l’audiovisuel le versement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le décret n° 87-239 du 6 avril 1987 ;
Vu le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Radio Média France et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Medi 1 France ;
1. Considérant que les requêtes de la SARL Radio Média France et de la SARL Forum Productions sont dirigées contre des décisions prises dans les mêmes zones à l’issue d’un même appel aux candidatures ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a procédé, par une décision du 26 mars 2008 modifiée par une décision du 12 avril 2012, à un appel aux candidatures pour l’édition de services de radio multiplexés diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique à temps complet ou partagé en bande III dans les zones de Paris, Marseille et Nice ; que la SARL Radio Média France et la SARL Forum Productions demandent l’annulation, d’une part, des décisions du CSA du 15 janvier 2013 rejetant leurs candidatures pour l’attribution de fréquences en vue de l’exploitation des services de radio de catégorie D par voie hertzienne en mode numérique dénommés respectivement « Lounge Radio » et « Météo Life » et, d’autre part, des décisions n° 2013-80, n° 2013-101 et n° 2013-96 du même jour, par lesquelles le CSA a autorisé la SARL Médi 1 France, la SAS Onde numérique et la SARL Paname à exploiter des services de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommés, respectivement, « Médi 1 France », « On’R, la radio de toute la famille » et « Paname » ;
Sur la légalité externe des décisions attaquées :
3. Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers que les décisions attaquées ont été prises lors d’une séance à laquelle les neuf membres du CSA ont assisté ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que le quorum de six membres prévu à l’article 4 de la loi du 30 septembre 1986 n’était pas atteint manque en fait ;
Sur la légalité interne des décisions rejetant les candidatures de la SARL Radio Média France et de la SARL Forum Productions :
4. Considérant que l’appel aux candidatures tel que modifié par la décision mentionnée ci-dessus du 12 avril 2012 fixait la date limite de dépôt des candidatures au 31 mai 2012 ; que le dernier alinéa de l’article 5 de la décision du 26 mars 2008, non modifiée sur ce point, précisait que : » Après la date limite de dépôt des dossiers, toute modification apportée à une candidature, qui serait considérée comme substantielle par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ferait que la candidature correspondante serait regardée comme nouvelle et, dès lors, rejetée au motif de l’irrecevabilité » ;
5. Considérant qu’il ressort des pièces des deux dossiers que les dossiers de candidature de la SARL Radio Média France et de la SARL Forum Productions déposés avant le 31 mai 2012 ne comportaient ni plan de financement prévisionnel des services pour lesquels une autorisation était demandée, ni description précise de la programmation de ces services ; que les sociétés ont déposé, le 13 juin 2012, des documents relatifs à leur financement et à leur programmation ; qu’ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le motif retenu par le CSA pour rejeter la candidature de la SARL Radio Média France, tiré de ce que le dossier de candidature ne comportait, avant la date limite de dépôt des candidatures, ni plan de financement prévisionnel du service permettant d’apprécier sa capacité à en assurer effectivement l’exploitation, ni description de la programmation du service permettant d’apprécier son intérêt pour le public, n’est pas entaché d’inexactitude matérielle ; qu’il en va de même du motif retenu pour écarter la candidature de la SARL Forum Productions tiré de ce qu’en l’absence d’éléments précis garantissant l’exploitation pérenne du service, le Conseil n’était pas en mesure d’apprécier sa viabilité économique et son intérêt pour le public ;
Sur la légalité interne de l’autorisation accordée à la SARL Médi 1 France :
6. Considérant que ni la SARL Médi 1 France, ni aucun de ses actionnaires ne figurent sur la liste des sociétés énumérées par les articles 44 et 45 de la loi du 30 septembre 1986 qui définissent le secteur public de la communication audiovisuelle ; que, par suite, sans que la société requérante ne puisse utilement invoquer le fait que l’Etat est actionnaire de la SOFIRAD, elle-même actionnaire de la SARL Médi 1 France, le CSA n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant, pour attribuer une fréquence à la SARL Médi 1 France, sur la procédure générale d’attribution des fréquences et non sur celle qui est réservée aux entreprises du secteur public de la communication audiovisuelle ;
7. Considérant que, pour accorder des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique sur le fondement du II de l’article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA doit apprécier l’intérêt de chaque projet au regard des impératifs prioritaires mentionnés à l’article 29 et des critères mentionnés aux 1° à 5° du même article ; qu’en vertu du 2° de cet article, le CSA doit tenir compte du financement et des perspectives d’exploitation du service ; que si les requérantes font valoir qu’à la date de la décision attaquée le greffier du registre du commerce avait adressé un courrier à la SARL Médi 1 France en vue de l’inscription d’une cessation d’activité à l’adresse indiquée, cette procédure résultait d’un changement d’adresse de la société, conformément aux prescriptions de l’article R. 123-125 du code de commerce ; que si le même registre fait apparaître que l’une des sociétés actionnaires de la SARL Médi 1 France bénéficie d’une immatriculation temporaire depuis sa dissolution en 2001, cette circonstance est sans incidence sur le patrimoine de l’entreprise ; qu’ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la SARL Médi 1 France serait confrontée à des difficultés financières ; que le moyen tiré de ce qu’en octroyant une autorisation à cette société le CSA aurait fait une inexacte application du critère du financement et des perspectives d’exploitation du service doit, par suite, être écarté ;
Sur la légalité interne de l’autorisation accordée à la SAS Onde numérique :
8. Considérant que, par la décision attaquée, le CSA a accordé à la SAS Onde numérique une autorisation d’usage de la ressource radioélectrique en bande III pour l’exploitation du service « On’R, la radio de toute la famille » qu’elle édite dans les zones de Paris, Marseille et Nice ; qu’il a par ailleurs accordé à la même société, par une décision du même jour, une autorisation d’usage de la ressource radioélectrique sur la bande L pour diffuser sur l’ensemble du territoire national, en qualité de distributeur, un service multiplexé accessible exclusivement aux usagers souscrivant un abonnement payant et comprenant vingt services de radio et deux services autres que de radio, la SAS Onde numérique étant l’éditeur de cinq des services de radio ainsi que des deux services autres que de radio ; que le service « On’R, la radio de toute la famille » est consacré à des émissions de débats sur des sujets variés et doit être, selon le dossier de candidature, exclusivement composé de programmes des cinq radios éditées par la SAS Onde numérique dans le cadre du bouquet distribué en bande L ;
9. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 : » Nul ne peut être titulaire d’une ou plusieurs autorisations relatives chacune à un service de radio dont l’audience potentielle cumulée terrestre dépasse 20 % des audiences potentielles cumulées de l’ensemble des services de radio, publics ou autorisés, diffusés par voie hertzienne terrestre (…) » ; que pour l’application de cette disposition, qui ne vise que les services de radio, il ne peut être tenu compte des services autres que de radio que la SAS Onde numérique édite sur la bande L ; que l’audience potentielle cumulée de la SAS Onde numérique pour l’ensemble des services édités en bande L doit être limitée aux auditeurs équipés d’un récepteur adéquat et ayant souscrit un abonnement ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les cinq services de radio que la SAS Onde numérique édite sur bande L et le service « On’R, la radio de toute la famille », pour lequel cette société détient une autorisation en bande III pour les zones de Paris, Marseille et Nice, conduisent la société à dépasser le seuil d’audience potentielle cumulée ci-dessus rappelé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le CSA aurait méconnu les dispositions de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 doit être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit au point 7, le CSA doit apprécier, pour l’attribution des autorisations, l’intérêt de chaque projet au regard des impératifs prioritaires mentionnés à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, c’est à dire la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence ;
11. Considérant, d’une part, que, par ses décisions du 15 janvier 2013, le CSA a accordé des autorisations d’usage sur la bande III à 67 éditeurs pour l’exploitation de 107 services de radio dans la zone de Paris et à 54 éditeurs pour l’exploitation du même nombre de services dans les zones de Marseille et de Nice ; que les programmes des services autorisés ont des contenus très variés ; qu’ainsi, le CSA n’a pas méconnu les impératifs prioritaires de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression culturels et de diversification des opérateurs en accordant à la SAS Onde numérique l’autorisation de diffuser dans les trois zones le programme « On’R, la radio de toute la famille » ;
12. Considérant, d’autre part, que si les sociétés requérantes soutiennent que l’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique en bande III pour l’exploitation du service « On’R, la radio de toute la famille » dans les zones de Paris, Marseille et Nice, conjuguée avec l’autorisation de distribuer et d’éditer certains services en bande L, permettrait à la SAS Onde numérique d’abuser d’une position dominante et la mettrait en situation d’entraver le libre exercice de la concurrence, elles n’apportent pas, à l’appui de ce moyen, de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 8 du décret du 6 avril 1987 : » Les messages publicitaires doivent être clairement annoncés et identifiés comme tels » ; que si les programmes diffusés par « On’R, la radio de toute la famille » seront repris parmi ceux qui sont diffusés par les cinq services de radio édités par la SAS Onde numérique dans le cadre du bouquet payant pour lequel elle a reçu une autorisation de diffusion en bande L, ces programmes ne sauraient cependant être regardés comme des » messages publicitaires » au sens de ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le CSA aurait méconnu ces dispositions en accordant l’autorisation attaquée ne peut qu’être écarté ;
Sur la légalité interne de l’autorisation accordée à la SARL Paname :
14. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la SARL Paname est une filiale dont le capital est entièrement détenu par le groupe Novapress ; que son dossier de candidature comportait des indications relatives aux modalités de financement du service pour lequel une autorisation était sollicitée ; que le moyen tiré de ce qu’en accordant une autorisation à la SARL Paname, le CSA aurait fait une inexacte application du critère du financement et des perspectives d’exploitation du service n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien fondé ;
15. Considérant que si les requérantes font valoir que les services « Lounge radio » et « Météo Life » qu’elles proposaient étaient plus originaux et plus à même de satisfaire les attentes du public dans les zones de Paris, Marseille et Nice que le service « Paname », cette circonstance, à la supposer exacte, est sans incidence sur la légalité de l’autorisation accordée à la SARL Paname dès lors qu’il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les candidatures de la SARL Radio Média France et de la SARL Forum Productions ont été écartées pour un motif étranger à toute comparaison ; que le moyen tiré de ce qu’en accordant une autorisation à la SARL Paname le CSA aurait fait une inexacte application des critères de l’intérêt du public et de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels doit, par suite, être écarté ;
16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL Radio Média France et la SARL Forum Productions ne sont pas fondées à demander l’annulation des décisions qu’elles attaquent ; que leurs conclusions aux fins d’injonction et leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de chacune d’elles le versement à la société SARL Médi 1 France de la somme de 3 500 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la SARL Radio Média France et de la SARL Forum Productions sont rejetées.
Article 2 : La SARL Radio Média France et la SARL Forum Productions verseront chacune la somme de 3 500 euros à la SARL Médi 1 France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL Radio Média France, à la SARL Forum Productions, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, à la ministre de la culture et de la communication, à la société Médi 1 France, à la SAS Onde numérique et à la SARL Paname.
ECLI:FR:CESSR:2015:367515.20150204