Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 2 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’association calédonienne pour la liberté d’expression et le pluralisme des médias (ACLEPM), dont le siège est 2 rue de Monaco B.P. 9545 à Nouméa (98807), le Parti politique « Calédonie ensemble », dont le siège est 13 route du Vélodrome à Nouméa (98800) et M. B… A…, demeurant… ; l’Association calédonienne pour la liberté d’expression et le pluralisme des médias et autres demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2011-1295 du 20 décembre 2011 du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) autorisant l’association Culture et Loisirs à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé » Radio Rythme Bleu » (RRB) en Nouvelle-Calédonie, la décision n° 2011-1296 du CSA du 20 décembre 2011 autorisant les Editions Populaires (EDIPOP) à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé » Radio Djiido » en Nouvelle-Calédonie, la décision n° 2011-1297 du CSA du 20 décembre 2011 autorisant l’association Le trait d’union à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé » Radio Baie des Tortues » en Nouvelle-Calédonie, la décision n° 2011-1298 du CSA du 20 décembre 2011 autorisant l’association Union des groupements de parents d’élèves (UGPE) à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé » Radio Hmelöm » en Nouvelle-Calédonie, la décision n° 2011-1299 du CSA du 20 décembre 2011 autorisant l’association Comité d’entraide au développement en Province sud à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé » Dynamik Sud » en Nouvelle-Calédonie, la décision n° 2011-1300 du CSA du 20 décembre 2011 autorisant la société Nouméa Radio Jocker 2000 SARL à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne en modulation de fréquence intitulé » NRJ Nouvelle Calédonie » en Nouvelle-Calédonie et la décision n° 2011-1301 du CSA du 20 décembre 2011 autorisant l’association Culture, Information, Communication, Animation (CICA) à exploiter un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé » Fréquence Nord FM » en Nouvelle-Calédonie ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de l’association calédonienne pour la liberté d’expression et le pluralisme des médias, du Parti politique » Calédonie ensemble » et de M. A…et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Nouméa radio jocker 2000 SARL ;
1. Considérant que, par décision en date du 19 juillet 2011, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a procédé, sur le fondement de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, à un appel à candidatures pour l’exploitation de services de radio diffusés par voie hertzienne en modulation de fréquence à temps complet en Nouvelle Calédonie ; que M. B… A…, membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le parti politique » Calédonie Ensemble » et l’Association calédonienne pour la liberté d’expression et le pluralisme des médias (ACLEPM), demandent l’annulation des décisions n° 2011-1295 et n° 2011-1296 du 20 décembre 2011 du CSA autorisant respectivement l’association » Culture et Loisirs » à utiliser vingt-cinq fréquences pour exploiter un service de radio de catégorie B intitulé » Radio Rythme Bleu » (RRB) en Nouvelle-Calédonie et l’association » Les Editions Populaires » (EDIPOP) à utiliser vingt-cinq fréquences pour y exploiter un service de radio de catégorie B intitulé » Radio Djiido « , ainsi que des décisions n° 2011-1297 à 2011-1301 du même jour autorisant respectivement les associations » Le trait d’Union « , » Union des groupements de parents d’élèves » (UGPE), » Comité d’entraide au développement en Province Sud « , la société Nouméa Radio Jocker 2000 SARL et l’association » Culture, Information, Communication, Animation » (CICA) à utiliser chacune une fréquence pour exploiter un service de radio de catégorie B en Nouvelle-Calédonie ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision n° 2011-1300 :
2. Considérant que les requérants déclarent se désister de leurs conclusions tendant à l’annulation de la décision n° 2011-1300 par laquelle le CSA a délivré une autorisation à la société Nouméa Radio Jocker 2000 SARL pour l’exploitation d’un service de radio de catégorie B par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence intitulé » NRJ Nouvelle Calédonie » ; que ce désistement d’instance est pur et simple ; que rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte ;
Sur les conclusions dirigées contre les autres décisions :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que l’ordre du jour et les dossiers de la séance au cours de laquelle le CSA a adopté les décisions attaquées n’auraient pas été communiqués aux membres du collège dans les délais prescrits par son règlement intérieur manque en fait ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des pièces du dossier que les décisions attaquées ont été adoptées lors de la réunion plénière du 20 décembre 2011 en présence de l’ensemble des membres du CSA ; que les règles de quorum prévues par le règlement intérieur du CSA, fixé par la délibération du 12 février 2008, n’ont donc pas été méconnues ;
5. Considérant qu’aux termes de l’article 37 de la loi organique du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie : » Le gouvernement est consulté en matière de communication audiovisuelle : / (…) – par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur toute décision réglementaire ou individuelle relevant de sa compétence ou concernant la société nationale de programme chargée de la conception et de la programmation d’émissions de télévision et de radiodiffusion sonore destinées à être diffusées outre-mer, lorsque ces décisions intéressent la Nouvelle-Calédonie » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le CSA, après avoir consulté le gouvernement de Nouvelle-Calédonie sur l’appel aux candidatures, puis sur la liste des candidatures déclarées recevables, a, le 22 novembre 2011, demandé son avis sur la liste des candidats qu’il envisageait de retenir, en joignant notamment à cette liste une fiche détaillant la programmation de chaque candidat et des fiches retraçant, zone par zone, la répartition prévisionnelle des services ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la consultation n’aurait pas été régulière doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
6. Considérant que si les requérants soutiennent que le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait figurer dans la liste des fréquences concernées par l’appel aux candidatures certaines fréquences disponibles, sans que la décision de ne pas pourvoir ces fréquences soit légalement justifiée, une telle circonstance, à la supposer établie, serait sans incidence sur la légalité des autorisations délivrées à l’issue de la procédure mais pourrait seulement, le cas échéant, entacher d’illégalité les refus opposés aux candidats non retenus ; que le moyen est, par suite, inopérant ;
7. Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : » Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte :…2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; …Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale » ;
8. Considérant que le CSA a défini par sa décision du 19 juillet 2011 relative à l’appel aux candidatures litigieux deux catégories de radios, la catégorie A correspondant aux services associatifs et la catégorie B correspondant aux services radiophoniques locaux ou régionaux indépendants ; qu’il a autorisé respectivement l’association » Culture et Loisirs » à utiliser vingt-cinq fréquences en vue de l’exploitation d’un service de radio de catégorie B intitulé » Radio Rythme Bleu » (RRB) et l’association » Les Editions populaires » (EDIPOP) à utiliser également vingt-cinq fréquences en vue de l’exploitation dans la même catégorie d’un service de radio intitulé » Radio Djiido » ; que le service RRB, qui s’adresse à un public jeune-adulte et adulte de 23-55 ans, est un service ancré localement et qui accorde une place importante à l’information nationale métropolitaine, tandis que » Radio Djiido « , qui défend l’identité kanak, diffuse de l’information locale et s’adresse à des publics de tous âges ; que, par ailleurs, d’une part, si les services » Radio Baie des Tortues » et » Fréquence Nord FM « , dont les autorisations sont également contestées, diffusent en partie les programmes du service » RRB « , ils proposent également des programmes locaux spécifiques à destination d’un public jeune adulte, adulte et senior et une programmation musicale diversifiée ; que, d’autre part, si les services » Radio Hmelöm » et » Dynamik Sud « , dont les autorisations sont contestées, reprennent pour partie des programmes de » Radio Djiido « , ils diffusent également une programmation musicale diversifiée ; que, dans ces conditions, le CSA, en délivrant l’ensemble des autorisations contestées, n’a pas méconnu l’objectif de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels et a pris en compte l’intérêt pour le public des programmes, ainsi que la loi lui en fait l’obligation ; que les requérants, qui se bornent à soutenir que les autorisations délivrées auraient pour conséquence de privilégier deux partis politiques, ne soutiennent pas, en tout état de cause, que le CSA aurait écarté des projets dont la contribution au pluralisme aurait été supérieure à celle des candidatures qu’il a retenues ;
9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête, que les conclusions présentées par M. A…, » Calédonie Ensemble » et l’Association calédonienne pour la liberté d’expression et le pluralisme des médias, dirigées contre les décisions n° 2011-1295, n° 2011-1296, n° 2011-1297, n° 2011-1298, n° 2011-1299 et n° 2011-1301 doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance des conclusions dirigées contre la décision n° 2011-1300 du 20 décembre 2011.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M.A…, du parti politique » Calédonie Ensemble » et de l’Association calédonienne pour la liberté d’expression et le pluralisme des médias (ACLEPM) est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’Association calédonienne pour la liberté d’expression et le pluralisme des médias, au parti politique « Calédonie ensemble », à M. B… A…, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’association « Culture et loisirs », à l’association « Les éditions populaires » (EDIPOP), à l’association « Le trait d’union », à l’association « Union des groupements de parents d’élèves » (UGPE), à l’association « Comité d’entraide au développement en province sud », à la société « Nouméa radio jocker 2000 SARL » et à l’association « Culture, information, communication, animation » (CICA).
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la culture et de la communication.
ECLI:FR:CESSR:2014:358223.20140411