Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la société anonyme CANAL 9, dont le siège social est au …, représentée par son président en exercice ; la société CANAL 9 demande au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 21 juillet 1998 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dans les zones de Cannes, Nice, Marseille, Saint-Raphaël, Toulon, Aix et Avignon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Sanson, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête dirigées contre le refus d’autorisation opposé à la société CANAL 9 dans les zones de Marseille, Aix-en-Provence et Toulon :
Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel « accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publication de presse » ;
Considérant que, si le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, en vertu des dispositions précitées de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, tenir compte, lorsqu’il accorde une autorisation, de l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication, il ne peut légalement déduire de ce qu’un candidat n’est pas présent dans la zone concernée qu’il ne satisfait pas au critère précité qui est relatif au professionnalisme des opérateurs, ni retenir la candidature d’un autre opérateur pour le seul motif que ce dernier est déjà présent dans cette zone ; qu’il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a écarté, dans la zone de Toulon, la candidature de la société CANAL 9 au profit de « RFM » en estimant que cette radio « précédemment autorisée sur cette zone, qui bénéficie d’une expérience acquise et d’un public fidèle » satisfaisait ainsi mieux que CANAL 9 « au critère de l’expérience acquise » ; que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a écarté la candidature de CANAL 9 dans les zones de Marseille et Aix-en-Provence au profit de certains opérateurs autorisés depuis plusieurs années dans ces zones, au motif que ces opérateurs « ont acquis une notoriété et un public fidèle », éléments constitutifs « d’une expérience dont ne peut se prévaloir Chante France » ; qu’en se fondant ainsi exclusivement sur le fait que la société CANAL 9 n’était pas présente dans les zones de Marseille, Aix-en-Provence et Toulon et en autorisant d’autres candidats sur le seul critère de l’expérience acquise dans les zones concernées, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a entaché sa décision d’une erreur de droit ;
Sur les autres conclusions de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986 : « Les refus d’autorisation sont notifiés aux candidats et motivés » ; que pour rejeter, par une décision du 21 juillet 1998, la candidature de la société CANAL 9 dans les zones de Cannes, Nice, Saint-Raphaël et Avignon, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a invoqué, pour chacune des zones concernées, les impératifs du pluralisme des courants d’expression socioculturels et de la diversification des opérateurs et des programmes ; que l’extrait du procès-verbal de la séance au cours de laquelle ces décisions ont été prises, qui est joint à la lettre notifiant le rejet de la candidature, permet d’identifier ceux des critères énumérés à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée sur lesquels le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est particulièrement fondé, ainsi que les éléments de fait qu’il a retenus pour estimer qu’au regard de ces critères la candidature de la société CANAL 9 devait être écartée ; que, dès lors, la décision attaquée satisfait à l’obligation faite par l’article 32 susvisé au Conseil supérieur de l’audiovisuel de motiver les refus d’autorisation ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 précitée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel : « assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ; il veille à favoriser la libre concurrence ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes » ; qu’en indiquant, pour motiver sadécision d’écarter la candidature de CANAL 9 dans les zones de Cannes, Nice, Saint-Raphaël et Avignon, poursuivre un objectif de diversification des programmes, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a fait une inexacte application ni des dispositions précitées ni des critères de pluralisme des courants d’expression socioculturels et de diversité des opérateurs prévus à l’article 29 de la loi précitée ; qu’ainsi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a entaché sa décision d’aucune erreur de droit ;
Considérant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a écarté la candidature de la société CANAL 9 dans la zone de Nice au motif, d’une part, qu’existaient déjà plusieurs radios diffusant des programmes dont la tonalité musicale était proche de celle proposée par Chante France et, d’autre part, que le choix d’un service proposant un programme à destination d’un public jeune était mieux à même de satisfaire l’impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels et l’objectif de diversification des programmes ; qu’ainsi la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait méconnu les dispositions de l’article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
Considérant que, dans les zones de Saint-Raphaël et d’Avignon, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est fondé sur les critères de pluralisme des courants d’expression socioculturels et de diversification des opérateurs et des programmes pour écarter la candidature de la société CANAL 9 ; que si cette dernière soutient que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait commis une erreur d’appréciation dans l’application de ces critères en retenant des radios dont les programmes étaient très proches de celui proposé par CANAL 9, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle satisfaisait mieux auxdits critères que les candidats retenus ; que, par suite, le moyen tiré d’une erreur d’appréciation doit être écarté ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société CANAL 9 n’est fondée à demander l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel qu’en tant qu’elle a rejeté sa demande d’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dénommé « Chante France » dans les zones de Marseille, Aix-en-Provence et Toulon ;
Sur les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la société CANAL 9 qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l’Etat la somme que le Conseil supérieur de l’audiovisuel demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 21 juillet 1998 est annulée en tant qu’elle a rejeté la candidature de la société CANAL 9 dans les zones de Marseille, Aix-en-Provence et Toulon.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société CANAL 9 est rejeté.
Article 3 : Les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société CANAL 9, au Conseil supérieur de l’audiovisuel au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.