Conseil d’Etat, 5 SS, du 14 avril 1999, 197807, inédit au recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 5 SS, du 14 avril 1999, 197807, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE « CANAL 9 », dont le siège social est au 37 bis de la rue Grenéta à Paris (75002) ; la SOCIETE « CANAL 9 » demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 21 avril 1998 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dans les zones de Montluçon, Vichy, Aurillac et Limoges ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

– le rapport de M. Blanc, Conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de la requête dirigées contre le refus d’autorisation opposé à la SOCIETE « CANAL 9 » dans les zones de Montluçon, Vichy et Aurillac :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que, si le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, en vertu des dispositions précitées de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, tenir compte, lorsqu’il accorde une autorisation, de l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication, il ne peut légalement déduire de ce qu’un candidat n’est pas présent dans la zone concernée qu’il ne satisfait pas au critère précité, qui est relatif au professionnalisme des opérateurs, ni retenir la candidature d’un autre opérateur pour le seul motif que ce dernier est déjà présent dans cette zone ; qu’il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a écarté, dans les zones de Montluçon, Vichy et Aurillac la candidature de la SOCIETE « CANAL 9 » au profit d’opérateurs précédemment autorisés dans ces zones, au motif que ces opérateurs « répondent mieux que Chante France au critère de l’expérience acquise dans la zone, expérience dont ne peut se prévaloir Chante France » ; qu’en se fondant ainsi exclusivement sur le fait que la SOCIETE « CANAL 9 » n’était pas présente dans les zones de Montluçon, Vichy et Aurillac et en autorisant d’autres candidats sur le seul critère de l’expérience acquise dans les zones concernées, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a entaché sa motivation d’une erreur de droit ;

Sur les conclusions de la requête dirigées contre le refus d’autorisation opposé à la SOCIETE « CANAL 9 » dans la zone de Limoges :

Considérant qu’aux termes de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986 : « Les refus d’autorisation sont notifiés aux candidats et motivés » ; que pour rejeter, par une décision du 21 avril 1998, à l’issue de l’appel aux candidatures partiel lancé le 3 juin 1997 en vue de l’exploitation de fréquences radioélectriques par voie hertzienne dans les régions Auvergne et Limousin, la candidature de la SOCIETE « CANAL 9 » dans la zone de Limoges, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a invoqué l’impératif du pluralisme des courants d’expression socioculturels et de la diversité des programmes ; que l’extrait du procès-verbal de la séance au cours de laquelle cette décision a été prise, qui est joint à la lettre notifiant le rejet de la candidature, permet d’identifier les critères énumérés à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée sur lesquels le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est particulièrement fondé, ainsi que les éléments de fait qu’il a retenus pour estimer qu’au regard de ces critères la candidature de la SOCIETE « CANAL 9 » devait être écartée ; que, dès lors, la décision attaquée satisfait à l’obligation faite par l’article 32 susvisé au Conseil supérieur de l’audiovisuel de motiver les refus d’autorisation ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 précitée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel : « assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ; il veille à favoriser la libre concurrence ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes » ; qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel « accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tientégalement compte : 1° de l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publication de presse » ;

Considérant qu’en se référant, pour écarter la candidature de « CANAL 9 » dans la zone de Limoges, à l’objectif de diversification des programmes, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait une inexacte application des critères de pluralisme des courants d’expression socioculturels et de diversité des opérateurs prévus à l’article 29 de la loi précitée ; qu’ainsi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a entaché sa décision ni d’une erreur de droit ni d’une erreur d’appréciation ;

Considérant que si la société requérante soutient que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait méconnu les dispositions de l’article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986 modifiée lui faisant l’obligation de tenir compte de l’expérience acquise des candidats dans les activités de communication ainsi que des possibilités de partage des ressources publicitaires locales entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle, il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas commis, au regard de ces critères, d’erreur d’appréciation ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE « CANAL 9 » est fondée à demander l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel en tant qu’elle a rejeté sa demande d’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dénommé « Chante France » dans les zones de Montluçon, Vichy et Aurillac ;

Sur les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à la suppression de certains passages des mémoires de la SOCIETE « CANAL 9 » :

Considérant qu’aucun passage des mémoires de la SOCIETE « CANAL 9 » ne présente un caractère injurieux ou diffamatoire ; que les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à leur suppression ne peuvent dès lors qu’être rejetées ;

Sur les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la SOCIETE « CANAL 9 » qui ne peut être regardée, dans la présente instance, comme la partie perdante, soit condamnée à payer à l’Etat la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Article 1er : La décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 21 avril 1998 est annulée en tant qu’elle a rejeté la candidature de la SOCIETE « CANAL 9 » dans les zones de Montluçon, Vichy et Aurillac.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE « CANAL 9 » et les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à la suppression de certains passages des mémoires de la SOCIETE « CANAL 9 » sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE « CANAL 9 », au Conseil supérieur de l’audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.


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