Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juin 1998 et 23 juillet 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE EMAP FRANCE et pour la SOCIETE EMAP INTERNATIONAL MAGAZINE SA, dont les sièges sont au … (75754) ; la SOCIETE EMAP FRANCE et la SOCIETE EMAP INTERNATIONAL MAGAZINE SA demandent au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 28 mai 1998 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a donné son agrément à la reprise du groupe RMC par le groupement NRJ, Pierre Fabre, La Dépêche du midi et LV & Co ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social et notamment ses articles 4 à 8 ;
Vu la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d’application des privatisations décidées par la loi du 2 juillet 1986 ;
Vu l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 93-1041 du 3 septembre 1993 modifié pris pour l’application de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
– les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE EMAP FRANCE et de la SOCIETE EMAP INTERNATIONAL MAGAZINE SA, de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la société NRJ et de la société Sud Communication et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Crédit commercial de France,
– les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la société NRJ et la société Sud Communication ;
Considérant que, par une décision prise lors de sa réunion plénière du 28 mai 1998 et rendue publique le même jour, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a donné son agrément au projet de cession de la participation que la société financière de radiodiffusion (Sofirad) détient dans le groupe RMC ; que cette opération avait pour effet de faire passer la radio « RMC » sous le contrôle de la holding Sud Communication SA, la radio « Nostalgie » sous le contrôle du groupe NRJ et la radio « Montmartre F.M. » sous le contrôle de la société LV & Co ;
Considérant qu’aux termes de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : « L’autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement » ; qu’il appartient au Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de la loi pour autoriser l’exploitation d’un service de radiodiffusion, de rechercher si les modifications envisagées dans le capital de sociétés titulaires d’autorisation d’exploitation de fréquences de radiodiffusion par voie hertzienne terrestre sont de nature à remettre en cause les choix opérés lors de la délivrance de ces autorisations ; qu’il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n’emporte par elle-même aucun changement de catégorie pour les services de radiodiffusion sonore concernés ; qu’en outre, en ce qui concerne RMC et Sud Radio, la décision d’autorisation est assortie de l’engagement pris par les acquéreurs de maintenir le format et l’identité de ces radios ; qu’ainsi, en estimant que les changements envisagés pouvaient, compte tenu de l’ensemble des caractéristiques des services de radiodiffusion en cause et des engagements pris par les opérateurs concernés, au sujet notamment de la nature des programmes, de la régie publicitaire ou de l’utilisation des ressources publicitaires locales, recevoir son accord, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas méconnu les dispositions législatives précitées ;
Considérant que les sociétés requérantes invoquent les dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 aux termes desquelles : « Le Conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence » et celles de l’article 41-4 de la même loi qui ajoute que le Conseil supérieur de l’audiovisuel « saisit le Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le secteur de la communication audiovisuelle » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a tenu compte des autorisations dont les différentes sociétés étaient titulaires à la date de sa décision et de l’audience des radios concernées et qu’il n’a pas méconnu les dispositions précitées de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée en estimant que l’opération envisagée n’engendrait pas de risques d’abus de position dominante ; qu’en particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que le groupe N.R.J. se soit trouvé, du fait de la reprise d’Euler Investissements et de la radio « Nostalgie », et compte tenu notamment des engagements pris, dans une position susceptible de permettre un abus de position dominante ; qu’ainsi, la décision attaquée, qui ne méconnaît pas l’impératif de diversification des opérateurs, n’a pas été prise en violation des articles 29 et 41-4 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de la décision du 28 mai 1998 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a donné son agrément à la cession des intérêts que la Sofirad détient dans le groupe RMC ;
Sur les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE EMAP FRANCE et de la SOCIETE EMAP INTERNATIONAL MAGAZINE S.A. la somme que le Conseil supérieur de l’audiovisuel demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE EMAP FRANCE et de la SOCIETE EMAP INTERNATIONAL MAGAZINE S.A. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EMAP FRANCE, à la SOCIETE EMAP INTERNATIONAL MAGAZINE S.A., à la société Sud Communication, à la société NRJ, à la Sofirad, au Crédit commercial de France, à la société Radio Monte Carlo, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, au ministre de la culture et de la communication et au Premier ministre.