Conseil d’État, 4ème sous-section jugeant seule, 25/03/2013, 353428, Inédit au recueil Lebon

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Conseil d’État, 4ème sous-section jugeant seule, 25/03/2013, 353428, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l’ordonnance n° 1100303 du 13 octobre 2011, enregistrée le 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Denis a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la société Ecran Sud et la société Investissement et commerce cinéma ;

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2011 au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis, présentée par la Société Ecran Sud, dont le siège est 79, rue Pasteur à Saint -Denis (97405), représentée par son gérant en exercice, et la société Investissement et commerce cinéma, dont le siège est 51 rue Michel Ange à Sainte-Marie (97438), représentée par son président en exercice ; la société Ecran Sud et la société Investissement et commerce cinéma demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 janvier 2011 de la Commission nationale d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique accordant à la société foncière de la Plaine et à la société Mascareignes Kino l’autorisation préalable pour la création d’un établissement de 10 salles et 1 876 places à Saint-Pierre (La Réunion) ;

2°) de mettre solidairement à la charge de l’Etat, de la société foncière de la Plaine et de la société Mascareignes Kino une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code du cinéma et de l’image animée ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;

Vu le décret n° 2009-1393 du 11 novembre 2009 ;

Vu le décret n° 2011-921 du 1er août 2011 ;

Vu l’arrêté du 5 décembre 2008 pris pour l’application du III de l’article R. 752-7 du code de commerce et relatif à la demande portant sur les projets d’aménagement cinématographique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Hervé Guichon, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

– les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la société foncière de la Plaine et de la société Mascareignes Kino,

– les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la société foncière de la Plaine et de la société Mascareignes Kino ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société foncière de la Plaine :

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

1. Considérant qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article R. 752-51 du code de commerce :  » Le commissaire du gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu’il présente à la commission nationale.  » ; que ces avis sont au nombre des actes dont la validité est subordonnée à la signature par une personne habilitée à engager le ministre concerné ;

2. Considérant que le moyen tiré de ce que la sous-directrice de la qualité du cadre de vie n’avait pas compétence pour signer l’avis transmis à la commission nationale au nom du ministre chargé de l’écologie manque en fait ;

3. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ;

4. Considérant que si les sociétés requérantes soutiennent que le directeur du cabinet du ministre de la culture n’était pas compétent pour signer, au nom du ministre, l’avis transmis à la Commission nationale d’aménagement commercial par lequel le ministre s’appropriait, comme il pouvait le faire, l’analyse de la directrice du Centre national du cinéma et de l’image animée, il ressort des pièces du dossier que, en l’espèce, cette irrégularité, à la supposer établie, est en tout état de cause restée sans influence sur la légalité de la décision attaquée et n’a pas privé les intéressés d’une garantie ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que l’avis du ministre chargé de la culture aurait été irrégulièrement émis doit être écarté ;

5. Considérant, enfin, que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d’aménagement commercial, les décisions qu’elle prend doivent être motivées, cette obligation n’implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d’appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu’en l’espèce, en se fondant notamment sur l’intérêt du projet au regard du rééquilibrage de l’offre cinématographique dans le sud de la Réunion ainsi que sur les effets positif de la localisation envisagée en centre-ville en termes d’aménagement du territoire et sur le caractère satisfaisant du projet en ce qui concerne sa qualité architecturale et son insertion paysagère, la commission nationale a satisfait à cette obligation ; que le moyen tiré d’une motivation insuffisante de la décision attaquée doit donc être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

En ce qui concerne la composition du dossier de la demande d’autorisation :

6. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 752-6 du code de commerce, alors applicable :  » La demande d’autorisation prévue (…) à l’article 30-2 du code de l’industrie cinématographique est présentée (…) par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l’immeuble  » ; qu’aux termes du III de l’article R. 752-7 du même code : « La demande portant sur les projets d’aménagement cinématographique est accompagnée de renseignements et documents dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la culture (…)  » ; que l’article 1er de l’arrêté du 5 décembre 2008, pris pour l’application de cette disposition, prévoit que cette demande  » est accompagnée des renseignements et documents suivants : / (…)5° Un plan cadastral précisant les parcelles concernées et la superficie du terrain accompagné, pour l’ensemble de ces parcelles, de l’un des titres suivants : (…) un titre habilitant à construire sur les parcelles concernées (…) 11° Une étude destinée à permettre d’apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l’article 30-3 du code de l’industrie cinématographique et justifiant du respect des principes posés par l’article 30-1 du même code. Cette étude comporte (…) b) Les éléments permettant d’apprécier l’effet potentiel du projet sur l’aménagement culturel du territoire, la protection de l’environnement et la qualité de l’urbanisme en indiquant (…) l’accessibilité de l’établissement, les différents modes de transports publics présents ou futurs, les accès pédestres et cyclistes, la desserte routière et les flux de circulation dans la zone d’influence cinématographique, les différents parcs de stationnement présents ou futurs à proximité de l’établissement de spectacles cinématographiques ainsi que le nombre de places existantes ou envisagées dans ces parcs (…)  » ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la société foncière de la Plaine est titulaire d’un compromis de vente signé entre elle et la société immobilière du département de la Réunion, propriétaire des parcelles sur lesquelles est envisagé son projet, valable à la date où la commission nationale a statué ; que les sociétés pétitionnaires ont complété leur dossier de demande d’autorisation s’agissant notamment des éléments sur l’accessibilité, la desserte et les parcs de stationnement ainsi que le plan cadastral répondant aux prescriptions précitées du code de commerce ; que dès lors le moyen tiré de ce que la commission nationale se serait prononcée au vu d’un dossier incomplet doit être écarté ;

En ce qui concerne l’appréciation de la commission nationale :

8. Considérant qu’aux termes de l’article 30-1 du code de l’industrie cinématographique, résultant de l’article 105 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dans la rédaction applicable à la date de la décision attaquée, depuis lors codifié à l’article L. 212-6 du code du cinéma et de l’image animée :  » Les créations, extensions et réouvertures au public d’établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l’offre cinématographique, d’aménagement culturel du territoire, de protection de l’environnement et de qualité de l’urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d’une offre diversifiée que la qualité des services offerts  » ; qu’aux termes de l’article 30-3 du même code, désormais codifié à l’article L. 212-9 du code du cinéma et de l’image animée :  » Dans le cadre des principes définis à l’article 30-1, la commission d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L’effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d’influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l’établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d’autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement contractés en application de l’article 90 de la loi n° 82-52 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ; / b) La nature et la diversité culturelle de l’offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l’accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L’effet du projet sur l’aménagement culturel du territoire, la protection de l’environnement et la qualité de l’urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L’implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d’influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d’une animation culturelle et le respect de l’équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L’insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet  » ;

9. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’autorisation d’aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d’équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi ; qu’il appartient aux commissions d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu’elles se prononcent sur les dossiers de demande d’autorisation, d’apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d’évaluation et indicateurs mentionnés à l’article 30-3 du code de l’industrie cinématographique, désormais codifié à l’article L. 212-9 du code du cinéma et de l’image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d’équipements en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d’attraction du projet ;

10. Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée aura pour effet de compenser le déséquilibre de l’offre cinématographique existant dans la partie sud de l’île de La Réunion, en offrant de meilleures conditions d’accueil du public et en diversifiant l’offre de films sur la ville et la région de Saint-Pierre ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée porterait atteinte à la diversité de l’offre cinématographique doit être écarté ;

11. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé sera réalisé dans une zone située en front de mer, au centre-ville de Saint-Pierre, renforçant ainsi l’attractivité de cette zone, conformément aux priorités du schéma de cohérence territoriale du Grand-Sud ; que si la localisation du projet comporte des inconvénients s’agissant de la circulation automobile, elle présente l’avantage d’offrir de bonnes conditions d’accès par les transports en commun et les modes de transport doux ; que le projet présente une qualité architecturale satisfaisante et une bonne insertion paysagère même si le projet devra respecter, lors de sa réalisation, la protection spécifique dont bénéficie un arbre remarquable situé dans cette zone ; qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la commission nationale aurait fait une inexacte appréciation de l’objectif d’aménagement du territoire et de qualité de l’urbanisme et de l’environnement du projet doit être écarté ;

12. Considérant, en outre, que si les sociétés requérantes soutiennent que l’autorisation litigieuse permettra aux bénéficiaires de ladite autorisation d’abuser de leur position dominante, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée aurait pour effet, par elle-même, d’entrainer un abus de position dominante en faveur des sociétés concernées ; que, par suite, ce moyen ne peut qu’être écarté ;

13. Considérant enfin que la seule circonstance que les pétitionnaires aient omis de mentionner dans le dossier de demande que la présence d’une nappe phréatique pouvait faire obstacle à la réalisation de l’ensemble des places de parking projetées ne saurait suffire à établir que la décision de la commission nationale ait été obtenue par la fraude ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de la décision attaquée ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, de la société foncière de la Plaine et de la société Mascareignes Kino qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que les sociétés requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des sociétés foncière de la Plaine et Mascareignes Kino au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : La requête de la société Ecran Sud et de la société Investissement et commerce cinéma est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées pour la société foncière de la Plaine et la société Mascareignes Kino au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ecran Sud, à la société Investissement et commerce cinéma, à la société foncière de la Plaine, à la société Mascareignes Kino, au médiateur du cinéma, au centre national du cinéma et de l’image animée et à la Commission nationale d’aménagement commercial cinéma.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture et de la communication.

ECLI:FR:CESJS:2013:353428.20130325


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