Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1), sous le n° 353386, l’ordonnance n° 1002581 du 13 octobre 2011, enregistrée le 17 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Caen a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la SA Burano ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2010 au greffe du tribunal administratif de Caen et 13 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par la SA Burano, dont le siège est avenue de Bischwiller à Vire (14500), et tendant à :
1°) l’annulation pour excès de pouvoir de la décision n° 502 T du 22 septembre 2010 par laquelle la Commission nationale d’aménagement commercial a accordé à la SAS Carrefour Property l’autorisation préalable requise en vue de créer un hypermarché à l’enseigne « Carrefour Market » d’une surface de vente totale de 3 300 m², à Vire (Calvados) ;
2°) la mise à la charge de l’Etat de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2), sous le n° 358703, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 avril 2012 et 21 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par la SA Burano, dont le siège est avenue de Bischwiller à Vire (14500), représentée par son président directeur général en exercice ; la société requérante demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision n° 502 T du 17 janvier 2012 par laquelle la Commission nationale d’aménagement commercial a accordé à la SAS Carrefour Property France l’autorisation préalable requise en vue de créer un hypermarché à l’enseigne « Carrefour Market » d’une surface de vente totale de 3 300 m² à Vire (Calvados) ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
Vu le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;
Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;
Vu l’arrêté du 21 août 2009 fixant le contenu de la demande d’autorisation d’exploitation de certains magasins de commerce de détail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions de la requête n° 358703 tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 17 janvier 2012 :
En ce qui concerne les avis des ministres intéressés :
2. Considérant qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article R. 752-51 du code de commerce : » Le commissaire du gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu’il présente à la commission nationale » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 752-16 du même code : » Pour les projets d’aménagement commercial, l’instruction des demandes est effectuée conjointement par les services territorialement compétents chargés du commerce ainsi que ceux chargés de l’urbanisme et de l’environnement » ;
3. Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les ministres intéressés, au sens de l’article R. 752-51 du code de commerce, sont ceux qui ont autorité sur les services chargés d’instruire les demandes, soit les ministres en charge du commerce, de l’urbanisme et de l’environnement ; qu’il ressort des pièces du dossier que ces avis ont bien été présentés, en l’espèce, à la commission nationale, et ont été signés par les personnes dûment habilitées à cet effet ;
En ce qui concerne la composition du dossier de la demande :
4. Considérant qu’aux termes de l’article R. 752-7 du code de commerce : » I. – La demande d’autorisation est accompagnée : / 1° D’un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; / 2° Des renseignements suivants : / a) Délimitation de la zone de chalandise du projet telle que définie à l’article R. 752-8 (…) / II. – La demande est également accompagnée d’une étude destinée à permettre à la commission d’apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l’article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d’apprécier les effets du projet sur : / 1° L’accessibilité de l’offre commerciale ; / 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; / 3° La gestion de l’espace ; / 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; / 5° Les paysages et les écosystèmes. » ;
5. Considérant que si la société requérante soutient que le dossier du pétitionnaire ne permettait pas à la commission d’apprécier l’impact du projet, faute d’indications fiables sur le nombre et l’emprise des places de stationnement prévues au projet, il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire avait fourni des informations suffisantes sur ce point ;
En ce qui concerne l’appréciation de la Commission nationale d’aménagement commercial :
6. Considérant qu’il appartient aux commissions d’aménagement commercial, lorsqu’elles se prononcent sur un projet d’exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l’article L. 752-1 du code de commerce, d’apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l’article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 752-6 du même code ; que l’autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;
7. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la commission nationale a pu, sans commettre d’erreur de droit, vérifier les effets du projet sur la répartition des grandes surfaces commerciales dans l’agglomération de Vire sans être tenue d’effectuer cette analyse au niveau de l’ensemble de la zone de chalandise ;
8. Considérant que la société requérante soutient que la décision attaquée aurait méconnu l’objectif fixé par le législateur en matière d’aménagement du territoire en ce que le projet crée un déséquilibre entre les différentes communes comprises dans la zone de chalandise ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet participe au dynamisme de la zone, contribue à diminuer les déplacements de clientèle de la zone de chalandise vers les autres pôles commerciaux de la région et, par suite, ne porte pas atteinte à l’animation de la vie urbaine et rurale de la zone ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
9. Considérant que la société requérante soutient que la décision attaquée aurait méconnu l’objectif fixé par le législateur en matière de développement durable en raison de l’insuffisance des engagements du pétitionnaire en termes de qualité environnementale et des mauvaises conditions d’accès en transport en commun ou par modes de circulation douce ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que, d’une part, le projet autorisé prévoit la mise en place de dispositifs permettant la réduction des consommations d’énergie et le recyclage des déchets, et que, d’autre part, le site bénéficie d’une desserte par les transports collectifs et d’accès pédestres et cyclistes ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
10. Considérant que la société requérante soutient que l’autorisation renforce la position dominante du pétitionnaire dans la zone de chalandise et entraîne, dès lors, un risque d’abus de cette position dominante ; que, toutefois, la seule circonstance, à la supposer établie, que la SAS Carrefour Property France dispose d’une position dominante dans la zone de chalandise n’est pas de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité, dès lors qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que l’autorisation aurait pour effet, par elle-même, d’entraîner un abus de position dominante dans la zone de chalandise du projet par le groupe concerné ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la Commission nationale d’aménagement commercial n’a pas fait une inexacte application des dispositions rappelées ; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions de la requête n° 353386 tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 22 septembre 2010 :
12. Considérant que le retrait, postérieurement à l’introduction de la requête, de la décision attaquée par la décision du 17 janvier 2012 étant définitif, les conclusions de la SA Burano tendant à son annulation pour excès de pouvoir sont devenues sans objet ; que, par voie de conséquence, il n’y a pas lieu d’y statuer ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SA Burano la somme de 5 000 euros à verser à la SAS Carrefour Property France au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête présentée par la SA Burano sous le n° 358703 est rejetée.
Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 353386.
Article 3 : La SA Burano versera à SAS Carrefour Property France la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA Burano, à la SAS Carrefour Property France et à la Commission nationale d’aménagement commercial.
ECLI:FR:CESJS:2013:353386.20131023