Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société La Calèche, M. A… AH…, M. AL… W…, Mme Y… AA…, Mme AJ… B…, Mme AD… T…, Mme AF… AG…, Mme AP… L…, Mme AI… AQ…, Mme AO… N…, Mme K… O…, M. D… AK…, Mme E… P…, Mme S… I…, M. AR… G…, Mme Q… AM…, Mme U… AB…, Mme M… AE…, Mme AT… AS…, Mme C… H…, Mme R… V…, Mme AN… Z…, Mme J… X… et M. AC… F… ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre la décision du 5 mai 2021 n° 2021-021 prise conjointement par le directeur de l’Agence Régionale de Santé (ARS) Provence Alpes-Côte d’Azur et la présidente du conseil départementale des Bouches-du-Rhône portant cessation définitive d’activité de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) La Calèche, en deuxième lieu, de suspendre la décision du 5 mai 2021 n° 2021-022 prise conjointement par le directeur de l’Agence Régionale de Santé Provence (ARS) Alpes-Côte d’Azur et la présidente du conseil départementale des Bouches-du-Rhône portant désignation d’un administrateur provisoire au sein de l’EHPAD La Calèche et, en dernier lieu et subsidiairement, d’enjoindre à l’ARS Provence Alpes-Côte d’Azur et au département des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de cet EHPAD et au besoin de désigner un administrateur provisoire au sein de l’EHPAD sur le fondement des dispositions du V de l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et de la famille. Par une ordonnance n° 2105249 du 23 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société La Calèche et autres demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance ;
3°) de mettre solidairement à la charge l’Etat et du département des Bouches-du-Rhône, la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– les deux décisions litigieuses ont été prise en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure en ce que les autorités administratives qui en sont les auteurs leur ont laissé un délai trop bref pour faire valoir leurs observations ;
– la condition d’urgence est satisfaite dès lors, en premier lieu, que la fermeture totale et définitive de l’EHPAD en litige implique, à très court terme, une liquidation judiciaire de la société La Calèche et une perte financière d’au minimum huit millions d’euros, en deuxième lieu, que la fermeture de cet établissement hébergeant encore trente personnes âgés dépendantes nuirait gravement à la santé des résidents et, en dernier lieu, que la fermeture de l’établissement menace directement l’emploi des quarante-cinq salariés et porte préjudice à leur situation financière ;
– il est porté une atteinte grave et manifestement illégale, en premier lieu, à la liberté d’entreprendre, à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété, en deuxième lieu, à la liberté d’aller et venir, à la liberté des résidents de choisir leur lieu de vie et d’hébergement médicalisé et à leur droit de recevoir les traitements et soins les plus appropriés à leur état de santé et, en dernier lieu, au droit à l’emploi et la liberté de choix de son lieu de travail.
– les décisions sont entachées d’erreurs de fait et d’erreur d’appréciation dès lors que la fermeture de l’établissement constitue une mesure disproportionnée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 521-2 du même code : » Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) « . En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.
2. Il appartient à toute personne demandant au juge administratif d’ordonner des mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier à très bref délai d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Il appartient au juge des référés d’apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant, comme de l’ensemble des circonstances de l’espèce, si la condition d’urgence particulière requise par l’article L. 521-2 est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu’il entend défendre mais aussi l’intérêt public qui s’attache à l’exécution des mesures prises par l’administration.
3. Il résulte de l’instruction que par deux décisions du 5 mai 2021, le directeur de l’Agence Régionale de Santé ( ARS) Provence Alpes-Côte d’Azur et la présidente du conseil départementale des Bouches-du-Rhône ont, d’une part, prononcé la cessation définitive d’activité de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) La Calèche et, d’autre part, désigné un administrateur provisoire au sein de cet établissement à compter du 10 mai 2021 pour une durée de 4 mois renouvelable une fois. La société La Calèche et autres relèvent appel de l’ordonnance du 23 juin 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce qu’il ordonne, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de ces deux décisions.
4. Pour justifier de l’urgence, les requérants soutenaient devant le premier juge que la fermeture définitive de l’établissement La Calèche et la mise en place d’une administration provisoire entraînerait nécessairement un transfert précipité des résidents vers d’autres établissements, ce qui risquait de gravement nuire à leur santé, menacerait gravement l’emploi du personnel qui ne pourrait sans doute pas faire l’objet d’un reclassement au sein d’un autre établissement du même groupe et serait source, pour la société La Calèche, d’un très grave préjudice financier impliquant, à très court terme, sa liquidation judiciaire.
5. Toutefois, en premier lieu, les requérants ne justifient pas davantage en appel que devant le tribunal administratif de ce que les mesures contestées impliqueraient un départ précipité des résidents de l’EHPAD La Calèche vers d’autres établissements, alors qu’a été mise en place une administration provisoire de cet établissement d’une durée de quatre mois, renouvelable une fois, pour précisément permettre d’organiser les départs en corrélation avec les familles, et que le département des Bouches-du-Rhône soutenait sans être contredit devant le tribunal administratif, et sans l’être davantage en appel, que les transferts qui doivent intervenir à court terme ont été prévus et organisés depuis plusieurs semaines.
6. En deuxième lieu, ainsi que l’a relevé le juge des référés du tribunal administratif, la seule circonstance, que pour les salariés, un reclassement au sein du seul autre établissement du groupe Belage situé dans les Bouches-du-Rhône puisse s’avérer difficile ne suffit pas à caractériser une situation d’urgence, au sens des dispositions de l’article L. 521-2 précité, alors que l’administrateur provisoire a la charge également de mettre en place un reclassement ou de nouvelles formations pour le personnel de l’établissement.
7. En dernier lieu, si la société La Calèche produit en appel une attestation de son expert-comptable selon laquelle l’exploitation de l’EHPAD en litige constitue sa seule activité et indiquant que l’arrêt de l’exploitation entraînerait un tarissement de ses recettes rendant impossible la couverture de ses charges fixes et inéluctable, à court terme, sa mise en liquidation judiciaire ainsi, par suite, qu’une perte en capital pour son actionnaire, la mise en place pour quelques mois d’une administration provisoire a pour effet de permettre une mise en extinction progressive de l’activité sans interruption brutales des recettes. Si les décisions contestées sont de nature à causer à terme, pour la société exploitante et son actionnaire, un préjudice financier, cette circonstance ne paraît pas de nature à caractériser une situation d’urgence au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative justifiant le prononcé par le juge des référés d’une mesure à très bref délai. Au surplus, eu égard aux motifs pour lesquels elles ont été prises, tirés du constat de graves carences en termes de gouvernance, d’organisation des soins, de conditions d’hébergement et de politique de gestion des risques de nature à compromettre la sécurité et le bien-être physique et moral des résidents, un intérêt public s’attache à l’exécution des décisions contestées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande pour défaut d’urgence. La requête ne peut par suite qu’être rejetée par application des dispositions de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions formées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la société La Calèche et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société La Calèche, première dénommée, pour l’ensemble des requérants.
Copie en sera adressée à l’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur et au département des Bouches-du-Rhône.
ECLI:FR:CEORD:2021:454362.20210721