Conseil d’Etat, 2 / 6 SSR, du 20 juillet 1988, 94970, publié au recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 2 / 6 SSR, du 20 juillet 1988, 94970, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 5 février 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Pietro X…, détenu à la maison d’arrêt de Chambéry à Chambéry (73000), et tendant à l’annulation du décret du 3 décembre 1987 accordant son extradition aux autorités italiennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal italien et le code pénal français ;

Vu la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu la loi du 10 mars 1927 ;

Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

– le rapport de Mme Leroy, Auditeur,

– les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, avocat de M. Pietro X…,

– les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne viserait qu’une seule des deux demandes d’extraditions présentées par les autorités italiennes manque en fait ;

Considérant que, pour déclarer que les faits et la peine retenus contre M. X… répondaient aux exigences de l’article 2 de la convention européenne d’extradition, laquelle figurait dans les visas du décret attaqué, le Premier ministre n’était pas tenu de citer les dispositions de cet article ;

Considérant que le délit de dénonciation calomnieuse fait l’objet d’une définition similaire dans l’article 368 du code pénal italien et dans l’article 373 du code pénal français ; que le fait que des circonstances aggravantes aient été retenues par le ministère public italien à l’encontre de M. X… n’est pas suceptible de modifier la nature du délit et de faire regarder comme non remplie la condition de double incrimination posée par l’article 2-1 de la convention européenne d’extradition ;

Considérant qu’il résulte des principes généraux du droit de l’extradition que, sauf erreur évidente, il n’appartient pas aux autorités françaises, lorsqu’elles se prononcent sur une demande d’extradition, de connaître de la réalité des charges pesant sur la personne réclamée ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le délit de banqueroute frauduleuse retenu à l’encontre de M. X… a donné lieu à la délivrance d’un mandat d’arrêt en date du 16 mars 1983 ; qu’un nouvel acte de poursuite est intervenu le 18 mars 1985, lorsqu’a été recueilli le témoignage du syndic de faillite des sociétés Isomer et Abto, dont M. X… était l’un des dirigeants de fait ; qu’ainsi, lors de la demande d’extradition formulée de ce chef le 6 avril 1987, les faits n’étaient pas prescrits au regard de la loi française ;

Considérant qu’en raison de l’avis négatif émis le 3 juillet 1987 par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Chambéry, l’extradition de M. X… n’a pas été accordée pour les faits de contrebande aggravée de gas-oil pour lesquels il a fait l’objet de deux condamnations prononcées les 5 juillet 1982 et 20 juin 1984 par la cour d’appel de Turin ; que, toutefois, le délit de banqueroute frauduleuse pour lequel l’extradition a été accordée par le décret attaqué, constitué par l’appropriation des profits illicites tirés de ladite contrebande, réalisée sous le couvert des sociétés Isomer et Abto, et qui a eu pour conséquence une diminution de l’actif de ces deux sociétés au préjudice de leurs actionnaires et créanciers, est distinct du délit de contrebande ; que, par suite, M. X… n’est pas fondé à soutenir que son extradition aurait dû aussi être refusée sur ce point ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 1 de la convention européenne d’extradition tel qu’il résulte des réserves exprimées par le gouvernement français : « Donneront lieu à extradition les faits punis par les lois de la partie requérante et de la partie requise d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins 2 ans ou d’une peine plus sévère. Lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue, ou qu’une mesure de sûreté a été infligée sur le territoire de la partie requérante, la sanction prononcée devra être d’une durée d’au moins quatre mois » ; que cependant, aux termes du 2 du même article : « Si la demande d’extradition vise plusieurs faits distincts punis chacun par la loi de la partie requérante et de la partie requise d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté, mais dont certains ne remplissent pas la condition relative au taux de la peine, la partie requise aura la faculté d’accorder également l’extradition pour ces derniers » ; qu’ainsi M. X…, dont l’extradition a été accordée aux autorités italiennes par le décret attaqué pour les faits de dénonciation calomnieuse et banqueroute frauduleuse, pouvait également être extradé pour les faits de corruption, qui sont distincts du délit de contrebande, bien que la condamnation prononcée de ce chef à son encontre, le 20 juin 1984, par la cour d’appel de Turin n’ait été que de deux mois de réclusion ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X… n’est pas fondé à demander l’annulation du décret du 3 décembre 1987 accordant son extradition aux autorités italiennes ;

Article 1er : La requête de M. X… est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X…, au Premier ministre et au Garde des sceaux, ministre de la justice.


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