Conseil d’État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 13/07/2011, 312285

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Conseil d’État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 13/07/2011, 312285

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 14 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE FTR, dont le siège est 10, rue de la Cense à Villeneuve d’Ascq (59650) ; la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE FTR demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 13 novembre 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a réformé le jugement du 1er décembre 2005 du tribunal administratif de Lille et remis à sa charge les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1997 à 2000 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts modifié notamment par la loi n° 88-1193 du 29 décembre 1988 et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Anne Berriat, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP Ghestin, avocat de la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE FTR,

– les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ghestin, avocat de la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE FTR ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le capital de la société en commandite par actions DFMA, détenu jusqu’au 22 décembre 1989 à hauteur de 29,94 % par MM. Pierre, Michel et Jacques , frères associés commandités exerçant collégialement la gérance de la société DFMA, et à hauteur de 70,06 % par leurs neuf enfants associés commanditaires, a été transféré à cette date aux neuf enfants de MM. à la faveur d’une donation à leur profit ; que MM. Pierre, Michel et Jacques ont continué à en exercer collégialement la gérance en qualité de commandités ; qu’en mai 1990, la société DFMA a fait l’acquisition de 95,002 % des parts de la société Léon Masson, qui étaient détenues par MM. ; que ces deux sociétés ont opté, à compter du 1er janvier 1991, pour le régime de l’intégration fiscale au sens de l’article 223 A du code général des impôts ; que, par des redressements notifiés en 2000 et en 2002, les services fiscaux ont réintégré les charges financières des sociétés du groupe dans son résultat d’ensemble pour les exercices clos de 1997 à 2000, sur le fondement des dispositions du septième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts ; que la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE FTR, venant aux droits de la société DFMA, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 13 novembre 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a, d’une part, réformé le jugement du 1er décembre 2005 du tribunal administratif de Lille et, d’autre part, remis à sa charge les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1997 à 2000 ;

Considérant que le septième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts dispose, dans sa rédaction issue de l’article 13 de la loi de finances rectificative pour 1988 applicable aux années d’imposition en litige :  » Lorsqu’une société a acheté, après le 1er janvier 1988, les titres d’une société qui devient membre du même groupe aux personnes qui la contrôlent, directement ou indirectement, ou à des sociétés que ces personnes contrôlent, directement ou indirectement, les charges financières déduites par les sociétés membres du groupe sont rapportées au résultat d’ensemble pour une fraction égale au rapport du prix d’acquisition de ces titres à la somme du montant moyen des dettes, de chaque exercice, des entreprises membres du groupe (…)  » ;

Considérant qu’à défaut de définition du contrôle à l’article 13 de la loi de finances rectificative pour 1988, la notion de contrôle y figurant doit être regardée comme résultant de l’article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dans sa rédaction en vigueur à la date de chaque opération ;

Considérant que, si les dispositions des articles L. 226-1 et suivants du code de commerce relatifs aux sociétés en commandite par actions confient des pouvoirs de gestion étendus aux commandités exerçant la gérance de telles sociétés, la notion de contrôle d’une société doit, pour l’application des dispositions précitées de l’article 223 B du code général des impôts, s’entendre de l’exercice, direct ou indirect, individuel ou de concert, en application de dispositions légales ou conventionnelles, des droits de vote en assemblée des actionnaires, soit majoritaire, soit permettant de déterminer les décisions ;

Considérant qu’en se fondant, pour estimer que MM. détenaient le contrôle de la société en commandite par actions DFMA, d’une part sur la nature des pouvoirs légalement détenus par les gérants dans une société en commandite par actions, alors qu’ils sont, au regard de leur définition légale, sans conséquence sur le contrôle susceptible d’être exercé par la détention de droits de vote en assemblée générale et doivent, pour apprécier l’exercice éventuel d’un contrôle sur la désignation des dirigeants, être examinés au vu des stipulations statutaires pertinentes, et, d’autre part, sur la circonstance que les actionnaires de la société dont ils étaient les gérants étaient leurs enfants, sans rechercher si, alors que MM. n’étaient plus actionnaires de cette société à la date de l’acquisition de la société Léon Masson, il existait en droit ou en fait des conditions permettant de les regarder comme exerçant un contrôle au sens précédemment défini, la circonstance que les actionnaires fussent les enfants, pour la plupart majeurs, des gérants ne pouvant du reste en aucune manière constituer une telle condition, la cour administrative d’appel de Douai a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la notion de contrôle d’une société doit, pour l’application des dispositions du septième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts, s’entendre de l’exercice, direct ou indirect, individuel ou de concert, en application de dispositions légales ou conventionnelles, des droits de vote en assemblée des actionnaires, soit majoritaire, soit permettant de déterminer les décisions ; qu’il résulte de l’instruction que MM. n’étaient plus actionnaires de la société en commandite par actions DFMA à la date de l’acquisition de la société Léon Masson ; que c’est à bon droit que le tribunal administratif a retenu que cette condition de contrôle devait s’apprécier à la date de l’opération d’acquisition en cause, sans que l’administration pût valablement se référer à la période antérieure à cette opération ; que la circonstance que les neuf actionnaires de la société DFMA fussent les enfants, pour huit d’entre eux majeurs, de MM. ne saurait suffire pour caractériser un contrôle de la société par ces derniers ; qu’il n’est pas allégué que d’autres conditions de droit ou de fait permettaient de les regarder comme exerçant un contrôle au sens précédemment défini ; que, par suite, MM. ne contrôlaient pas la société en commandite par actions DFMA, au sens du septième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts, à la date de l’acquisition des parts de la société Léon Masson par la société DFMA ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a déchargé la société FTR des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 1997 à 2000 ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE FTR de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 13 novembre 2007 est annulé.

Article 2 : Le recours présenté par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie devant la cour administrative d’appel de Douai est rejeté.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 3000 euros à la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE FTR sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE FTR et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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