Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société De Cambracq a demandé au tribunal administratif de Pau la réduction de la cotisation d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices 2012 et 2013 et la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Par un jugement n° 1600521 et 1600522 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Pau a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, par voie de conséquence, un non-lieu à statuer sur la demande en décharge de l’impôt sur les sociétés.
Par un arrêt n° 18BX02059 du 9 juillet 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel du ministre de l’action et des comptes publics, annulé ce jugement, remis à la charge de la société les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux et rejeté les conclusions de la société à fin de décharge de l’impôt sur les sociétés.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 septembre 2020, 9 décembre 2020 et 5 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société De Cambracq demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,
– les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Société De Cambracq ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 juin 2022, présentée par la société De Cambracq ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société De Cambracq, qui exerce une activité de marchand de biens, a vendu, entre 2012 et 2013 quatre terrains à bâtir issus de la division d’une propriété comprenant une maison sur un terrain formé de deux parcelles, situé sur le territoire de la commune de Boucau, ensemble immobilier qu’elle avait acquis le 25 septembre 2012. Elle a aussi cédé, le 21 octobre 2013, comme terrain à bâtir, un terrain issu de la division parcellaire d’une propriété comprenant une maison sur un terrain entouré d’une parcelle, situé sur le territoire de la commune de Tarnos, ensemble immobilier qu’elle avait acquis le 23 avril 2013. A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2014, l’administration fiscale a remis en cause l’application à ces ventes du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévue par l’article 268 du code général des impôts. La société De Cambracq se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 9 juillet 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel du ministre de l’action et des comptes publics, annulé le jugement du tribunal administratif de Pau du 25 janvier 2018, remis à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont le tribunal avait prononcé la décharge et rejeté sa demande de décharge d’impôt sur les sociétés.
2. En premier lieu, le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b. de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. « .
3. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les actes de vente à la société De Cambracq des propriétés acquises les 25 septembre 2012 et 23 avril 2013 désignaient les biens vendus comme » une maison individuelle à usage d’habitation (…) avec un terrain autour « . Si l’acte de vente du 23 avril 2013 mentionnait l’existence d’une déclaration préalable de division et comportait en annexe une décision en date du 14 janvier 2013 du maire de Tarnac ne faisant pas opposition à cette déclaration, les documents d’arpentage procédant à la division effective des parcelles ainsi acquises sont postérieurs à cet acte de vente. Il en va de même pour la division des parcelles acquises le 25 septembre 2012. Il s’ensuit qu’en relevant, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, que lors de leur achat par la société requérante les terrains en litige n’avaient pas le caractère de terrain à bâtir alors même qu’ils avaient pu faire l’objet d’une déclaration préalable antérieure de division, pour en déduire que leur revente ne pouvait être placée sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, ne l’a pas entaché d’erreur de droit.
5. En deuxième lieu, en jugeant, ainsi qu’il a été dit au point 3, que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts ne s’applique pas à une cession de terrain à bâtir qui, lors de son acquisition, avait le caractère d’un terrain bâti, la cour a suffisamment motivé son arrêt dès lors que, contrairement à ce que soutient la société requérante, elle n’avait pas développé, devant les juges du fond, de moyen autonome tiré de la méconnaissance du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée par les dispositions de l’article 268 du code général des impôts.
6. En dernier lieu, en écartant la demande de la société requérante tendant à la prise en compte des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée en litige pour réduire le montant de ses cotisations d’impôt sur les sociétés au motif que la vérification de comptabilité dont cette dernière avait fait l’objet n’avait porté que sur la taxe sur la valeur ajoutée et que, par suite, elle ne pouvait demander le bénéfice du mécanisme de déduction des rappels de taxe de l’assiette de l’impôt sur les sociétés prévu par l’article L. 77 du livre des procédures fiscales, la cour n’a ni dénaturé ses écritures, ni insuffisamment motivé son arrêt.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société De Cambracq n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Les conclusions qu’elle a présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société De Cambracq est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société De Cambracq et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l’issue de la séance du 2 juin 2022 où siégeaient : Mme Nathalie Escaut, conseillère d’Etat, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d’Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.
Rendu le 17 juin 2022.
La présidente :
Signé : Mme Nathalie Escaut
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Bratos
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Leporcq
ECLI:FR:CECHS:2022:443893.20220617