Conseil d’Etat, 10 / 9 SSR, du 25 novembre 2002, 240821, mentionné aux tables du recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 10 / 9 SSR, du 25 novembre 2002, 240821, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE LA VIENNE, dont le siège est … et l’ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE, dont le siège est … ; l’UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE LA VIENNE et l’ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE demandent au Conseil d’Etat d’annuler les décisions implicites de rejet opposées par le ministre de l’économie des finances et de l’industrie aux demandes formées par X… FRANCE le 19 septembre 2001 et l’UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE LA VIENNE le 20 septembre 2001 ayant pour objet de mettre en demeure Electricité de France de se conformer aux dispositions de l’article 44 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, et d’enjoindre à l’Etat 1°) de mettre en demeure Electricité de France de se conformer aux dispositions de l’article 44 de ladite loi en cessant toute action et opération commerciale, technique ou financière destinée à dynamiser et promouvoir la demande d’électricité de la part de clients non éligibles situés sur le territoire national, 2°) de mettre en conformité les obligations imparties par l’Etat à Electricité de France par le contrat passé avec l’Etat le 14 mars 2001, 3°) de prendre les mesures nécessaires pour imposer à Electricité de France le respect de ses missions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la communauté européenne ;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Vu la directive 96/92/CE du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Tabuteau, Conseiller d’Etat,

– les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat d’Electricité de France,

– les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence du Conseil d’Etat en premier ressort :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 311-1 du code de justice administrative : « le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : …5° des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif » ; que la décision implicite par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a rejeté les demandes des associations requérantes tendant à ce qu’il mette en demeure Electricité de France de se conformer aux dispositions de l’article 44 de la loi susvisée du 10 février 2000, mette en conformité les obligations imparties à Electricité de France par le contrat conclu le 14 mars 2001 et prenne les mesures nécessaires pour garantir le respect par Electricité de France de ses missions produit des effets à l’égard de toute personne susceptible de bénéficier de l’offre Vivrelec et a ainsi un champ d’application qui s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif ; que le Conseil d’Etat est dès lors compétent en premier ressort pour connaître des conclusions dirigées contre cette décision ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Electricité de France ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie :

Considérant qu’aux termes de l’article 44 de la loi du 10 février 2000 : « I- Electricité de France a pour objet de produire, de transporter et de distribuer de l’électricité. Cet objet inclut la fourniture, l’importation et l’exportation d’électricité. Dans le cadre de cet objet, Electricité de France peut également exercer en France sous réserve des dispositions du 2 et du 3 ci-dessous, toutes les activités qui y concourent directement ou indirectement … III – Electricité de France, en dehors de sa mission de fourniture d’électricité, et les filiales qu’il contrôle directement ou indirectement , ne peuvent proposer aux clients non éligibles présents sur le territoire national que des prestations de conseil destinées à promouvoir la maîtrise de la demande d’électricité. Ils ne peuvent offrir de services portant sur la réalisation ou l’entretien des installations intérieures, la vente et la location d’appareils utilisateurs d’énergie » ;

Considérant qu’Electricité de France a proposé, à compter de 1997, et renouvelé en 2001, une offre présentée sous le label « Vivrelec » en partenariat avec des intervenants du secteur de la construction d’habitations afin de favoriser l’installation et l’utilisation du chauffage électrique dans les meilleures conditions techniques et économiques ; que ce projet comportait notamment l’établissement d’études thermiques personnalisées, la conception d’installations permettant une utilisation rationnelle de l’énergie électrique et l’accès auprès d’organismes financiers à des prêts à taux avantageux ; que si cette démarche n’avait pas pour objet de permettre à l’utilisateur de déterminer le meilleur choix énergétique possible entre les différentes sources d’énergie disponibles, elle contribuait à la maîtrise de la demande d’électricité en incitant à la réalisation d’installations les plus économes possibles ; que ce projet consistait ainsi pour Electricité de France à participer à des actions ou des prestations de conseils destinées à promouvoir la maîtrise de la demande d’électricité conformément au III de l’article 44 de la loi du 10 février 2000 précitée ; que dès lors le moyen tiré de la violation de cet article ne peut qu’être écarté ;

Considérant, d’une part que si les associations requérantes soutiennent que le projet « Vivrelec » aurait été mis en oeuvre dans des conditions insuffisamment transparentes, elles n’invoquent sur ce point aucune disposition législative ou réglementaire qui aurait été méconnue par Electricité de France, que, d’autre part, contrairement à ce qu’elles soutiennent, les règles de droit interne ne sont pas incompatibles avec les objectifs déterminés par l’article 3 de la directive 96/92/CE du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité ;

Considérant que les associations requérantes soutiennent que les décisions attaquées seraient intervenues en méconnaissance du principe d’égalité dans la mesure où d’une part l’offre Vivrelec proposée par Electricité de France, ne peut bénéficier, notamment dans ses aspects financiers, aux usagers n’utilisant pas l’électricité pour leur chauffage et où d’autre part les tarifs de fourniture de l’électricité ne différencient pas l’utilisation d’énergie électrique pour le chauffage, alors que la production énergétique nécessaire pour y faire face est à l’origine de surcoûts pour Electricité de France ;

Considérant que, d’une part, les avantages financiers proposés aux bénéficiaires de l’offre Vivrelec bénéficiaient à toutes les personnes susceptibles de réaliser une installation électrique comprenant le chauffage de l’habitation ; que d’autre part, si le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce qu’un traitement différent soit réservé, pour des motifs d’intérêt général, aux différentes catégories d’utilisateurs d’électricité et notamment à ceux qui choisissent le chauffage électrique, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’intérêt général imposait que la tarification des services de fourniture d’énergie électrique distinguât les installations comportant un chauffage électrique des autres ; qu’ainsi le moyen tiré de la violation du principe d’égalité ne peut être accueilli ;

Considérant que la possibilité pour les bénéficiaires de l’offre Vivrelec d’obtenir des prêts à un taux avantageux en raison d’un partenariat entre Electricité de France et le Crédit foncier, avantage que d’autres distributeurs d’énergie pouvaient envisager de proposer, ne mettait en tout état de cause pas Electricité de France en situation d’exploiter une position dominante de façon abusive ; qu’ainsi la décision attaquée n’est pas incompatible avec les stipulations claires des articles 81 et 82 du traité instituant la communauté européenne, et ne méconnaît pas les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions des associations requérantes tendant à l’annulation des décisions du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, rejetant leurs demandes, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que par suite, les conclusions à fin d’injonction des associations requérantes ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner les associations requérantes à payer à Electricité de France la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Article 1er : Les requêtes de l’ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE et de l’UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE LA VIENNE sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions d’Electricité de France tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE LA VIENNE, à l’ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE, à Electricité de France et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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