Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°), sous le n° 143647, l’ordonnance en date du 15 décembre 1992, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 18 décembre 1992, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Bordeaux a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la requête présentée à cette cour par M. Paul X… et Mme Claude Y… ;
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux le 4 décembre 1992, présentée par M. Paul X…, demeurant … et par Mme Claude Y…, demeurant … et tendant à :
1°) l’annulation du jugement du 24 septembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l’annulation et au sursis à l’exécution des délibérations des 19 novembre 1990 et 10 mai 1991 par lesquelles le conseil municipal de Bordeaux a autorisé la création d’une société d’économie mixte locale « Gaz de Bordeaux » et les a condamnés à verser à la ville de Bordeaux la somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) l’annulation de ces délibérations des 19 novembre 1990 et 10 mai 1991 du conseil municipal de Bordeaux ;
3°) la condamnation de la ville de Bordeaux à leur verser une somme de 30 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu 2°), sous le n° 143648, l’ordonnance en date du 15 décembre 1992, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 18 décembre 1992, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Bordeaux a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la requête présentée à cette cour par le Comité mixte à la production de la société d’économie mixte locale Gaz de Bordeaux venant aux droits du comité mixte à la production de la régie municipale du Gaz de Bordeaux ;
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux le 4 décembre 1992, présentée par le Comité mixte à la production de la société d’économie mixte locale Gaz de Bordeaux, venant aux droits du comité mixte à la production de la régie municipale du Gaz de Bordeaux, dont le siège est … et tendant à :
1°) l’annulation du jugement du 24 septembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l’annulation et au sursis à l’exécution des délibérations des 19 novembre 1990 et 10 mai 1991 par lesquelles le conseil municipal de Bordeaux a autorisé la création d’une société d’économie mixte locale « Gaz de Bordeaux » et l’a condamné à verser à la ville de Bordeaux la somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) l’annulation de ces délibérations des 19 novembre 1990 et 10 mai 1991 du conseil municipal de Bordeaux ;
3°) la condamnation de la ville de Bordeaux à lui verser une somme de 30 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 8 avril 1946 ;
Vu la loi du 2 août 1949 ;
Vu la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret du 22 juin 1946
Vu le code des communes
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Simon-Michel, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Boulloche, avocat de la ville de Bordeaux,
– les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n° 143647 de M. X… et de Mme Y… et n° 143648 du Comité mixte à la production de la société d’économie mixte locale Gaz de Bordeaux sont dirigées contre un même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité des décisions attaquées, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes de première instance :
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux allégations des requérants, le Comité mixte à la production de la société d’économie mixte locale Gaz de Bordeaux a disposé, en temps utile, d’une information complète lui permettant, à chaque étape du processus de décision et compte tenu de l’état d’avancement des études, d’apprécier la teneur du projet de transformation de cette régie en société d’économie mixte locale et d’en mesurer les conséquences, et qu’il a pu ainsi débattre dudit projet ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que les consultations effectuées les 25 septembre 1990 et 7 mai 1991 seraient intervenues dans des conditions irrégulières manque en fait ;
Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi susvisée du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz : « à partir de la promulgation de la présente loi, sont nationalisés (…) 2° la production, le transport, la distribution, l’importation et l’exportation du gaz combustible » ; qu’en vertu des dispositions de l’article 3 de cette même loi, la gestion des entreprises nationalisées de gaz est confiée à un établissement public national dénommé « Gaz de France, Service national », assurant également, jusqu’à la mise en place des établissements publics à caractère industriel et commercial dénommés « Gaz de France, Service de production et de distribution », la prise en charge et le fonctionnement du service de production et de distribution ; que l’article 23 de cette même loi modifiée dispose enfin : « Les sociétés de distribution à économie mixte dans lesquelles l’Etat ou les collectivités publiques possèdent la majorité, les régies ou services analogues constitués par les collectivités locales sont maintenus dans leur situation actuelle, le statut de ces entreprises devant toujours conserver le caractère particulier qui leur a donné naissance d’après les lois et décrets en vigueur ou futurs » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les concessions de distribution publique de gaz ne peuvent être confiées qu’à Gaz de France, sous réserve des exceptions prévues par la loi de nationalisation et notamment des sociétés d’économie mixte, régies ou services qui existaient à la date d’entrée en vigueur de cette loi ; que, toutefois, le législateur n’a entendu maintenir ces sociétés d’économie mixte, régies ou services dans leur situation existant à cette date, interdisant ainsi l’extension de leur activité, que pour celles des activités limitativement énumérées à l’article 1er, 2° précité et qui ont été nationalisées ; qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que les délibérations attaquées du conseil municipal transformant la régie municipale du Gaz de Bordeaux en société d’économie mixte locale auraient pour effet d’étendre la zone géographique desservie par cette régie par rapport à celle existant à la date d’entrée en vigueur de la loi du 8 avril 1946 ou d’étendre son intervention à des activités non exercées à cette date et entrant dans le champ d’application de l’article 1er, 2° de cette loi ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que les délibérations attaquées violeraient l’article 23 de la loi du 8 avril 1946 ne peut qu’être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la ville de Bordeaux détiendra plus de la moitié du capital social de la société d’économie mixte locale que les délibérations attaquées ont pour objet de substituer à la régie municipale du gaz ; qu’ainsi ladite société appartiendra au secteur public ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que les délibérations attaquées constitueraient un transfert illégal d’une entreprise du secteur public au secteur privé manque en fait ;
Considérant, en quatrième lieu, qu’en vertu de l’article 1er de la loi susvisée du 7 juillet 1983 relatives aux sociétés d’économie mixte locales, la création d’une telle société est subordonnée notamment à la condition que « les communes, les départements, les régions ou leurs groupements détiennent, séparément ou à plusieurs, plus de la moitié du capital de la société et des voix dans les organes délibérants » ; qu’il est constant que les statuts de la société d’économie mixte locale appelée à se substituer à la régie municipale de Gaz de Bordeaux, que la délibération attaquée du 10 mai 1990 a pour objet d’approuver, disposent que le capital social est constitué à hauteur de 52% d’apports en nature de la ville de Bordeaux et que son conseil d’administration se compose de 13 membres parmi lesquels figurent 8 représentants de la ville de Bordeaux et des collectivités locales desservies par la société ; qu’il suit de là que, nonobstant la circonstance que, dans certaines hypothèses prévues à l’article 21 des statuts, les décisions du conseil d’administration doivent être adoptées par une majorité qualifiée de 10 membres sur 13, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de la loi du 7 juillet 1983 auraient été méconnues ne peut qu’être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu’il résulte des pièces du dossier que la ville de Bordeaux a fait reposer son choix de transformer la régie municipale en société d’économie mixte locale sur des considérations tenant à l’intérêt communal et au fonctionnement du service ; que l’opportunité de sa décision ne saurait être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir ; que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation des délibérations du conseil municipal de Bordeaux du 19 novembre 1989 et du 10 mai 1990 autorisant la création d’une société d’économie mixte locale se substituant à la régie municipale du Gaz de Bordeaux ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la ville de Bordeaux qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer les sommes demandées par les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le comité mixte à la production requérant, M. X… et Mme Y… à verser à la ville de Bordeaux la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes de M. X… et Mme Y… et du Comité mixte à la production de la société d’économie mixte locale Gaz de Bordeaux sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Bordeaux tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Paul X…, à Mme Claude Y…, au Comité mixte à la production de la société d’économie mixte locale Gaz de Bordeaux, à la ville de Bordeaux, au ministre de l’intérieur, et au ministre des technologies de l’information et de La Poste.