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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/01617 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MHME
[J]
C/
Société MAINTIEN ADOM RHÔNE
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 01 Février 2019
RG : 17/04613
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 18 MAI 2022
APPELANTE :
[D] [J]
née le 1er décembre 1966 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Thibaut DE BERNON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société MAINTIEN ADOM RHÔNE
[Adresse 8]
[Localité 4]
représentée par Me Anne-claire TAUVEL-VICARI de la SELARL AEQUITAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Mai 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
[D] [J] a été embauchée à compter du 4 septembre 2015 en qualité d’assistante de vie par la société APC SERVICES, suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne (IDCC 3127).
Par avenant au contrat de travail régularisé le 1er décembre 2016, la durée du travail de [D] [J] a été ramenée à 24 heures hebdomadaires.
Le contrat de travail de [D] [J] a été transféré à la SARL MAINTIEN ADOM RHONE en mars 2017, suite au rachat par cette société de la société APC SERVICES.
La SARL MAINTIEN ADOM RHONE a sanctionné [D] [J] d’un avertissement, par correspondance datée du 4 juillet 2017.
Par correspondance du 11 juillet 2017, la SARL MAINTIEN ADOM RHONE a convoqué [D] [J] à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif disciplinaire, fixé au 24 juillet suivant, et l’a mise à pied à titre conservatoire.
[D] [J] a dû bénéficier d’un arrêt de travail à compter du 11 juillet 2017 ensuite de l’accident du travail dont elle venait d’être victime, prolongé par la suite de façon ininterrompue jusqu’au 14 septembre 2017. Par décision du 5 septembre 2017, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône a refusé la prise en charge de cet arrêt de travail au titre de la législation sur les risques professionnels.
La SARL MAINTIEN ADOM RHONE a procédé au licenciement de [D] [J] pour faute grave, par correspondance du 27 juillet 2017.
Le 18 décembre 2017, [D] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes indemnitaires et salariales au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement en date du 1er février 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon ‘ section activités diverses, a :
DIT ET JUGÉ que le licenciement pour faute grave de [D] [J] par la SARL MAINTIEN ADOM RHONE était justifié ;
En conséquence,
DÉBOUTÉ [D] [J] de sa demande de nullité du licenciement et de l’intégralité de ses demandes relatives à son licenciement par la SARL MAINTIEN ADOM RHONE ;
DÉBOUTÉ [D] [J] de ses demandes relatives à la violation de la vie privée ;
DÉBOUTÉ [D] [J] de ses demandes relatives à la violation de la liberté d’expression ;
DÉBOUTÉ [D] [J] de ses demandes relatives aux élections de délégués du personnel ;
DÉBOUTÉ [D] [J] de ses demandes relatives au rappel de salaires lié au temps de trajet ;
DÉBOUTÉ les deux parties de tout surplus éventuel dans leurs demandes ;
CONDAMNÉ [D] [J] aux entiers frais et dépens d’instance.
[D] [J] a interjeté appel de cette décision le 1er mars 2019.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 janvier 2022 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [D] [J] sollicite de la cour de :
A titre liminaire,
DÉBOUTER la société MAINTIEN ADOM RHONE de sa demande de voir écarter ses pièces ;
A titre principal,
RÉFORMER en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 1er février 2019 ;
Statuant à nouveau,
DIRE ET JUGER que son licenciement est nul au regard du contexte de harcèlement moral et de l’arrêt de travail pour accident du travail ;
DIRE ET JUGER que son licenciement ne repose ni sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse, aucune déloyauté ou concurrence déloyale ne pouvant lui être sérieusement reprochée ;
DIRE ET JUGER que l’employeur a commis de multiples manquements supplémentaires (violation de la liberté d’expression, violation du droit au respect de la vie privée et de l’obligation d’organiser des élections professionnelles) qui ouvriront droit à réparation spécifique ;
DIRE ET JUGER que la société MAINTIEN ADOM RHONE doit payer le temps de trajet entre deux interventions et qu’il lui doit à ce titre une somme de 200 euros ;
En conséquence,
CONDAMNER la société MAINTIEN ADOM RHONE à lui payer les sommes suivantes :
– dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat, en net 10 000 euros,
– dommages-intérêts spécifiques au titre de l’exécution déloyale du contrat et au caractère vexatoire du licenciement, en net 5 000 euros,
– indemnité compensatrice de préavis, en brut 1 015 euros,
– outre indemnité de congés payés y afférents, en brut 101,50 euros,
– indemnité de licenciement, en net 382 euros,
– dommages-intérêts pour violation de la liberté d’expression 5 000 euros,
– dommages-intérêts pour violation de la vie privée 5 000 euros,
– dommages-intérêts pour défaut d’organisation d’élection des délégués du personnel 5 000 euros,
– salaire pour les temps de trajet entre intervention 200 euros ;
CONDAMNER la société MAINTIEN ADOM à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la même aux entiers dépens de première instance et d’appel, liquidés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et avec distraction au profit de Maître Thibaut de BERNON, Avocat sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er juillet 2019, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL MAINTIEN ADOM RHONE sollicite de la cour de :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement pour faute grave de [D] [J] était justifié et en ce qu’il a, en conséquence, débouté Madame [J] de l’ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
DIRE ET JUGER que Madame [J] n’a subi aucun harcèlement moral ;
DIRE ET JUGER que l’accident du 11 juillet 2017 n’est pas un accident du travail ;
DIRE ET JUGER que Madame [J] n’a subi aucune violation de sa liberté d’expression ;
En conséquence,
LA DÉBOUTER de sa demande de nullité du licenciement ;
DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave de [D] [J] est justifié et qu’il n’a pas été vexatoire ;
En conséquence,
LA DÉBOUTER des demandes indemnitaires formulées à ce titre ainsi que de celles de préavis et de congés payés sur préavis ;
DIRE ET JUGER que le contrat n’a pas été exécuté de manière déloyale par la société ;
En conséquence,
LA DÉBOUTER de la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre ;
DIRE ET JUGER que Madame [J] ne justifie pas de sa demande afférente aux temps de trajet et l’en débouter ;
CONSTATER qu’elle n’a pas violé la liberté d’expression et la vie privée de [D] [J] ;
LA DÉBOUTER des demandes formulées à ce titre ;
DIRE ET JUGER que la demande afférente au défaut d’organisation des élections du personnel est infondée et en conséquence en débouter [D] [J] ;
CONDAMNER [D] [J] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;
CONDAMNER [D] [J] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente instance ;
CONDAMNER [D] [J] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 27 janvier 2022, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 1er mars 2022.
SUR CE :
Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Or, la SARL MAINTIEN ADOM RHONE, qui fait valoir que Madame [J] n’a pas communiqué certaines de ses pièces simultanément au dépôt de ses écritures, en méconnaissance des dispositions de l’article 906 du code de procédure civile, ne formule aucune prétention de ce chef dans le dispositif des écritures dont elle saisit la cour.
– Sur les temps de trajet :
[D] [J] soutient en substance, à l’appui de ses demandes relatives à la rémunération des temps de trajet, que, à compter du changement de propriétaire de l’entreprise, ses heures de trajet ne lui ont plus été rémunérées, en méconnaissance des dispositions applicables de la convention collective.
La SARL MAINTIEN ADOM RHONE fait notamment valoir, en réponse, que la salariée ne produit aucun élément tendant à établir que son employeur lui serait redevable de salaires au titre des temps de trajet, dès lors que :
– les stipulations conventionnelles prévoient que les temps de trajet ne constituent pas du temps de travail effectif ;
– Madame [J] n’établit pas qu’avant le rachat du fonds de commerce de la société APC SERVICES en février 2017, les temps de trajet lui auraient été payés.
* * * * *
L’article 6 du code de procédure civile dispose que, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder.
L’article 9 du même code prévoit par ailleurs qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Et l’article 954 du code de procédure civile dispose ainsi que les conclusions d’appel dont les parties entendent saisir la cour doivent formuler expressément leurs prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
Or, au soutien de sa demande de rappel de salaire « pour les temps de trajet entre intervention », [D] [J] produit les copies de plusieurs « plannings » – dont certaines totalement illisibles – détaillant ses interventions pour le compte de la SARL MAINTIEN A DOM RHONE, ainsi que des états justificatifs des heures effectuées.
Les pièces ainsi produites, qui ne supportent aucune indication sur les lieux d’intervention de l’intéressée, ne permettent toutefois aucune appréciation des temps de trajet susceptibles d’avoir été exposés par la salariée au cours de sa période d’emploi, que [D] [J] ne prend d’ailleurs pas la peine de détailler dans la demande de rappel de salaire globale dont elle saisit la cour.
Madame [J] sollicite « également la réformation de la décision de première instance et en raison de la violation de ses droits à ce titre par son employeur, une somme de 2.000,00 euros », sans toutefois estimer devoir appuyer sa demande sur des moyens de droit ou de fait.
Le jugement déféré, qui a débouté [D] [J] des demandes indemnitaire et salariale qu’elle formait au titre des temps de trajet, ne peut donc qu’être confirmé.
– Sur le respect de la vie privée :
[D] [J] fait valoir, au soutien de sa demande indemnitaire, que son droit au respect de sa vie privée et familiale « n’a manifestement pas été respecté, des éléments de la vie privée de Madame [D] [J] (notamment son divorce et son souhait de créer une entreprise) ayant été divulgué et utilisé contre elle ».
La SARL MAINTIEN A DOM RHONE fait principalement valoir, en réponse, qu’aucune atteinte à la vie privée et familiale ‘ qui lui était d’ailleurs totalement inconnue ‘ n’est objectivée par sa salariée.
* * * * *
La salariée expose, à l’appui de sa demande indemnitaire, que « des éléments de la vie privée de Madame [D] [J] (notamment son divorce et son souhait de créer une entreprise) ayant été divulgués et utilisés contre elle », sa vie privée n’aurait pas été respectée par son employeur.
[D] [J] ne fonde toutefois ses allégations sur aucun fait précis, matériellement vérifiable, et ne produit aucune pièce probante susceptible d’en établir la réalité.
Le jugement déféré, qui a débouté [D] [J] de sa demande indemnitaire, doit ainsi être confirmé.
– Sur l’élection des délégués du personnel :
[D] [J] fait valoir, au soutien de sa demande indemnitaire, que le défaut d’organisation des élections professionnelles lui a porté préjudice dès lors que l’absence de délégués du personnel dans l’entreprise ne lui a pas permis de trouver des réponses à ses questions sur ses conditions de travail, ni de dénoncer sa situation de harcèlement et de souffrance au travail.
La SARL MAINTIEN A DOM RHONE fait principalement valoir, en réponse, que sa salariée n’objective pas le préjudice dont elle sollicite réparation de ce chef alors que :
– l’intéressée n’a jamais sollicité l’organisation d’élections professionnelles dans l’entreprise, et a fait valoir directement auprès de son employeur, par de multiples correspondances, ses réclamations au titre de l’exécution du contrat de travail ;
– la société a été confrontée à une situation de carence lors de l’organisation des dernières élections professionnelles.
* * * * *
Il ressort des dispositions de l’article L. 2312-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la relation de travail, que la mise en place de délégués du personnel dans l’entreprise est obligatoire lorsque son effectif atteint au moins onze salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.
Or, la SARL MAINTIEN A DOM RHONE, qui ne soutient et ne justifie pas que ses effectifs se seraient situés à un niveau inférieur au seuil ainsi prévu, n’objective pas qu’elle aurait procédé à la période de l’emploi de [D] [J], ainsi qu’elle y était tenue aux termes des dispositions précitées, à l’organisation d’élections de délégués du personnel en son sein.
Et l’employeur, qui allègue « d’une situation de carence aux dernières élections professionnelles », sans toutefois préciser la période en cause, ne produit aucune pièce probante au soutien de ses affirmations.
Or, au regard des missions confiées aux délégués du personnel par les dispositions des articles L. 2323-1 et suivants du code du travail dans leur rédaction alors applicable, et de la protection leur étant conférée pour leur exercice, et nonobstant les connaissances juridiques comme la capacité personnelle à porter ses propres demandes et revendications prêtées à [D] [J] par l’employeur, le manquement de la SARL MAINTIEN A DOM RHONE ainsi mis en évidence a privé la salariée d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts dans l’entreprise, et porté atteinte aux droits fondamentaux que l’intéressée tirait tant de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 que de l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 8 § 1 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.
Et, en l’absence de pièces justificatives produites de ce chef par [D] [J], le préjudice moral en étant résulté pour elle peut être évalué, compte-tenu notamment de la durée de la relation de travail, à la somme de 500 euros, dont la SARL MAINTIEN A DOM RHONE lui devra réparation, par information du jugement déféré.
– Sur la rupture du contrat de travail :
[D] [J] soutient en substance, à l’appui de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, que :
– « Les termes de la lettre de licenciement ainsi que sa chronologie démontrent incontestablement (qu’elle) a été licenciée uniquement parce qu’elle s’autorisait à demander des explications sur ses conditions de travail », de sorte que le licenciement constitue « un abus manifeste » de l’employeur, portant atteinte à sa liberté d’expression ;
– les griefs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, relatifs à ses réclamations relatives au respect du contrat de travail et au paiement des heures de travail et de déplacement, ne peuvent valablement caractériser un manquement à son obligation de loyauté et justifier la rupture du contrat de travail ;
– Les remarques, interrogations, demandes d’éclaircissements ou de modifications au sujet des conditions de travail dont elle a saisi l’employeur relèvent de sa liberté d’expression ;
– l’employeur ne peut valablement lui faire grief d’avoir créé une société concurrente, alors que cette société n’a jamais été en activité, qu’elle avait informé son employeur de sa création et sollicité un congé de création d’entreprise, et que, salariée à temps partiel, elle n’était soumise à aucune clause d’exclusivité ;
– les allégations de son employeur relatives à des tentatives de débauchage de personnel sont totalement infondées ;
– elle a en réalité fait l’objet de dénigrement, de décrédibilisations et de harcèlement de la part de sa nouvelle responsable hiérarchique dans le but de la pousser à quitter l’entreprise ;
– son licenciement, intervenu dans un contexte de harcèlement moral, est nul ou, à tout le moins, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La SARL MAINTIEN ADOM RHONE fait principalement valoir, en réponse, que :
– aucune atteinte à la liberté d’expression n’est objectivée par sa salariée, qui usait pour sa part d’un ton largement excessif dans ses correspondances à l’employeur ;
– l’appelante ne caractérise aucun fait de harcèlement moral précis et se contente d’affirmer qu’elle aurait été « discréditée, offensée et harcelée » par sa nouvelle responsable hiérarchique, qui l’aurait « clairement prise en grippe, la dénigrant, décrédibilisant, la harcelant de toute part pour la faire quitter l’entreprise », et ne produit aucune pièce au soutien de ses affirmations ;
– au demeurant, la salariée refusait de se déplacer à l’agence mais ne produit aucun écrit au soutien de ses affirmations relatives à l’existence d’un harcèlement, et verse aux débats des certificats médicaux postérieurs à la rupture de la relation de travail qui ne permettent pas d’objectiver l’existence d’un lien de causalité entre la dégradation de l’état de santé qu’elle invoque et ses conditions de travail ;
– en dépit du caractère inadapté et agressif de ses manifestations, toutes les demandes formulées par [D] [J] ont reçu réponse de sa responsable hiérarchique ;
– l’arrêt de travail de [D] [J] n’étant pas d’origine professionnelle, ses prétentions au titre de la nullité du licenciement fondée sur les articles L. 1226-13 et L. 1226-9 et suivants du code du travail ne sont pas valablement fondées ;
– « Madame [J] n’a pas été licenciée « sur la base d’explications qu’elle demandait » mais au visa de graves manquements aux obligations générales et contractuelles d’exécution loyale et de bonne foi du contrat, notamment illustrés par le fait « qu’elle a créé sa propre entreprise » » ;
– la salariée ne conteste pas l’avertissement qui lui a été notifié le 30 juin 2017 à raison, déjà, de manquements à son obligation de loyauté et de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail ;
– la création à l’insu de l’employeur le 23 juin 2017, soit pendant la relation contractuelle, d’une société à l’activité strictement identique et donc concurrente à la sienne, caractérise un manquement grave de la salariée à ses obligations découlant du contrat de travail justifiant la rupture immédiate de la relation de travail.
* * * * *
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-2 du code du travail qu’il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement, d’une part, et de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis, d’autre part.
Les motifs invoqués par l’employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables et il ressort de l’article L. 1235-1 du code du travail qu’il appartient au juge d’apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.
Et, en cas de saisine du juge, la lettre de licenciement fixe les limites du litige de sorte que, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constituerait en réalité une mesure de rétorsion à l’exercice légitime de ses libertés fondamentales.
Au cas particulier, la SARL MAINTIEN A DOM RHONE a procédé au licenciement de [D] [J] pour faute grave par correspondance du 27 juillet 2017 rédigée dans les termes suivants :
« Nous vous avons convoqué(e) à un entretien préalable à licenciement pour faute grave le 24 juillet 2017 dernier.
Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.
Nous vous exposons ci-dessous les faits qui nous amènent à prendre la décision de vous licencier pour faute grave.
Vous avez été embauchée par la société APC SERVICES pour exercer à compter du 4 septembre 2015 les fonctions d’Assistante de vie.
En date du 1er mars 2017, votre contrat de travail a été transféré au sein de la société MAINTIEN ADOM RHONE à l’agence de [Localité 7] située [Adresse 3] à [Localité 7].
L’article 19 de votre contrat de travail, qui est un rappel des obligations générales d’exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail, stipule expressément :
« Madame [J] [D] s’interdit tout acte contraire aux intérêts de la Société, pendant toute l’exécution de son contrat de travail. Seront considérés comme des manquements à ce principe, notamment, le fait de créer une entreprise concurrente, ainsi que celui d’entrer au service des clients actifs de la société pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers ».
Le 10 juillet dernier, nous avons appris par un de nos collaborateurs que vous aviez cherché à débaucher, que vous veniez de créer (en date du 2 juin 2017) une société concurrente à la nôtre, la société ESPERANCES SERVICES que vous présidez.
Ce faisant vous avez gravement manqué à vos obligations générales et contractuelles rappelées ci-dessus. Il nous est, dans ces conditions et compte-tenu du risque en terme notamment de détournement de notre clientèle, impossible de vous maintenir dans le lien contractuel, même pendant la durée du préavis.
Cette faute grave s’inscrit, au surplus, dans un contexte plus global de déloyauté qui nous a, notamment, contraint à vous notifier un avertissement le 30 juin dernier.
Dans la mesure où votre licenciement repose sur une faute grave, votre contrat de travail prendra fin à la date d’envoi de la présente, sans préavis ni indemnité de licenciement.
Par ailleurs, la mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée le 11 juillet 2017 ne vous sera pas rémunérée (…) ».
Or, tandis que l’article L. 1222-1 du code du travail rappelle que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, il convient de relever que :
– le contrat de travail à durée indéterminée à temps plein conclu le 4 septembre 2015 entre la SARL APC et [D] [J] stipulait expressément (« Article 19 ‘ PRINCIPE GENERAL DE LOYAUTE ») que : « Madame [J] [D] s’interdit tout acte contraire aux intérêts de la Société, pendant toute l’exécution de son contrat de travail. Seront considérés comme des manquements à ce principe, notamment, le fait de créer une entreprise concurrente, ainsi que celui d’entrer au service des clients actifs de la Société pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers » ;
– par avenant au contrat de travail régularisé le 1er décembre 2016, la durée du travail de [D] [J] a été ramenée consensuellement à 24 heures hebdomadaires ;
– [D] [J] a fait procéder le 23 juin 2017, en qualité de présidente, à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la SASU ESPERANCE SERVICES, domiciliée à [Localité 5] (69), dont l’activité d’« assistance à la personne âgée et handicapée » avait débuté le 2 juin précédant.
Il apparaît ainsi que, si la SARL MAINTIEN A DOM RHONE n’établit pas que, ainsi qu’elle le soutient, [D] [J] aurait cherché à débaucher l’un de ses salariés au profit de la société qu’elle venait de constituer, celle-ci venait de créer, sans l’en informer, une société dont l’activité était directement concurrente à la sienne, tant matériellement que géographiquement, alors qu’elle était encore à son service.
Or, par sa nature et au regard des circonstances ci-dessus rappelées, ce manquement de [D] [J] à l’obligation de loyauté à laquelle elle était tenue vis-à-vis de son employeur était d’une gravité telle qu’il empêchait toute poursuite de la relation de travail, même pendant la durée limitée du préavis.
Et, contrairement à ce qu’affirme péremptoirement [D] [J], « Les termes de la lettre de licenciement ainsi que sa chronologie » sont à eux seuls largement insuffisants à établir que, ainsi qu’elle le soutient, la mesure de licenciement dont elle a fait l’objet constituerait en réalité une mesure de rétorsion ensuite des demandes d’explications sur ses conditions de travail, dont elle avait d’ailleurs pu saisir son employeur tout au long de la relation de travail, et l’usage légitime de sa liberté d’expression en ces occasions.
Enfin, [D] [J], qui fait valoir en dernier lieu que son licenciement pour faute grave aurait été prononcé « dans ce contexte de harcèlement moral », ne se prévaut d’aucun élément de fait précis, matériellement vérifiable, au soutien de ses allégations.
Et les certificats médicaux du docteur [E] du 19 juillet 2017 et du docteur [F] du 1er août suivant qu’elle produit aux débats sont insuffisants, à eux seuls, à caractériser des éléments de fait susceptibles de laisser présumer, même pris dans leur ensemble, qu’elle aurait été victime de harcèlement moral au cours de sa période d’emploi.
Le jugement déféré, qui a débouté [D] [J] des demandes indemnitaires et salariales qu’elle formait au titre de la mise à pied conservatoire et du licenciement dont elle a fait l’objet, d’une part, et de la violation de sa liberté d’expression, d’autre part, doit par conséquent être confirmé.
– Sur l’exécution du contrat de travail :
[D] [J], qui sollicite la condamnation de la SARL MAINTIEN ADOM RHONE au paiement de « dommages et intérêts spécifique(s) au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail (article 1222-1 du code du travail) et au caractère vexatoire du licenciement, en net : 5 000 euros », ne fonde sa prétention sur aucun moyen de droit ou de fait articulé, et n’invoque aucune pièce au soutien de sa prétention.
La SARL MAINTIEN ADOM RHONE fait notamment valoir, en réponse, que la salariée ne démontre pas le manquement de l’employeur à l’une quelconque de ses obligations contractuelles dont elle se prévaut.
* * * * *
L’article 6 du code de procédure civile dispose que, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder.
L’article 9 du même code prévoit par ailleurs qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Et l’article 954 du code de procédure civile dispose ainsi que les conclusions d’appel dont les parties entendent saisir la cour doivent formuler expressément leurs prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
Pourtant, [D] [J], qui sollicite l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de la demande indemnitaire qu’elle formait au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et du caractère vexatoire du licenciement, n’a pas entendu préciser, dans la discussion des prétentions et des moyens des conclusions dont elle saisit la cour, les faits propres à fonder sa prétention ni, a fortiori, viser ni produire les pièces justificatives susceptibles d’en établir la réalité.
Le jugement déféré ne peut, dès lors, qu’être confirmé de ce chef.
– Sur les demandes accessoires :
La SARL MAINTIEN A DOM RHONE, partie perdante au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit supporter les dépens de l’instance.
Pour autant, les circonstances de l’espèce comme les situations économiques des parties ne justifient pas, en équité, qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a débouté [D] [J] de la demande indemnitaire qu’elle formait au titre du défaut d’organisation d’élections des délégués du personnel et en ce qu’il l’a condamnée au paiement des dépens de première instance ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la SARL MAINTIEN A DOM RHONE à verser à [D] [J] la somme de cinq cents euros (500 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la carence de l’employeur dans l’organisation des élections professionnelles ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées, en cause d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL MAINTIEN A DOM RHONE au paiement des dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE