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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRÊT DU 17 Mars 2011
(n° 13 , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/00083 IB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Octobre 2009 par le conseil de prud’hommes de EVRY section industrie RG n° 06/01108
APPELANTS
Madame [W] [Y]
Chez Me [R] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparante en personne, assisté de Me Antoine FABRE, avocat au barreau de VERSAILLES
Syndicat CGT SNECMA [Localité 7]
[Adresse 6]
[Adresse 9]
[Localité 5]
représenté par Me Antoine FABRE, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉE
SA SNECMA GROUPE SAFRAN
sis [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-Marie DUPUY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 61 substitué par Me Pierre SAFAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E1916
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle BROGLY, Conseillère qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l’appel régulièrement interjeté par Madame [W] [Y] à l’encontre du jugement prononcé le 22 octobre 2009 par le Conseil de Prud’hommes d’EVRY , section Industrie, statuant en formation de départage sur le litige l’opposant à la SA SNECMA GROUPE SAFRAN.
Vu le jugement déféré aux termes duquel le Conseil de Prud’hommes :
– a débouté Madame [W] [Y] de ses demandes.
– a débouté la SA SNECMA de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– a condamné Madame [W] [Y] et le Syndicat CGT de l’établissement SNECMA [Localité 8] aux dépens.
Vu les conclusions visées par le Greffier et développées oralement à l’audience, aux termes desquelles :
Madame [W] [Y] et le Syndicat CGT du site SNECMA [Localité 5] [Localité 7], appelants, poursuivent l’infirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes et demandent en conséquence à la Cour :
– de constater que la société SNECMA a refusé de façon persistante de faire droit à la demande de communication de pièces ordonnée par le Conseil de Prud’hommes.
– de dire et juger que Madame [W] [Y] a fait l’objet d’une discrimination salariale interdite en raison de son sexe.
– de condamner la SA SNECMA GROUPE SAFRAN :
* à réévaluer son salaire mensuel de 573 € à compter de la date de l’arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard.
* à lui verser la somme de 100 561,50 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination salarial ainsi que la somme de 30 168 € résultant du préjudice incident sur les droits à la retraire.
– de condamner la SA SNECMA GROUPE SAFRAN aux dépens d’appel, ainsi qu’à lui verser la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– subsidiairement, d’ordonner toute mesure utile de vérification personnelle par la Cour et notamment de se rendre en tout lieu utile de l’entreprise SNECMA afin d’entendre toute personne intéressée, recueillir tout témoignage, informations, documents nominatifs concernant Madame [Y] et les salariés du panel communiqué et particulièrement leur rémunération et son évolution depuis leur engagement, les postes occupés et les formations suivies durant l’exécution de leur contrat de travail.
La SA SNECMA, poursuit la confirmation du jugement déféré et demande en conséquence à la Cour de débouter Madame [W] [Y] et le Syndicat CGT de toutes leurs demandes.
CELA ETANT EXPOSE
Madame [Y], titulaire d’un BTS en fabrication obtenu en 1982, a été engagée le 24 mars 1983 par la SA SNECMA en qualité d’agent technique, niveau IV, échelon 2, coefficient 270.
A sa demande, Madame [Y] a bénéficié du 15 septembre 1987 jusqu’au 14 septembre 1989, d’un congé pour création d’entreprise.
A son retour au sein de la société SNECMA, Madame [Y] a retrouvé le poste qu’elle occupait avant son départ.
A compter du 1er novembre 1991, Madame [Y] est devenue technicien de gestion de production, niveau IV, échelon 3, coefficient 285.
A partir du 16 octobre 1997, Madame [Y] a occupé de nouvelles fonctions de technicien de maintenance en mécanique machines-outils. Elle a parallèlement suivi un programme de formation destiné à lui permettre d’occuper ce nouveau poste, comprenant une formation relative à la sécurité des personnels de maintenance et une initiation à l’hydraulique stationnaire.
Madame [W] [Y], ainsi que 7 autres salariées ont saisi le 21 décembre 2006 le Conseil de Prud’hommes d’Evry d’une action en reconnaissance de discrimination salariale à raison du sexe.
SUR CE
Sur la discrimination.
Sur sa situation personnelle, Madame [W] [Y] rappelle :
– avoir été engagée le 24 mars 1983 par la SA SNECMA en qualité de gestionnaire de production puis de technicienne de maintenance.
– qu’elle perçoit un salaire de 2 155 € au coefficient 305, qu’elle a un BAC F1 et un BTS fabrication mécanique.
Elle souligne :
– qu’ont été constatées au sein de l’entreprise, des variations de salaires importantes qui ne s’expliquent pas par des éléments objectifs mais par une discrimination sexuelle et qui relèvent d’une violation du principe d’un salaire égal pour les hommes et les femmes exerçant une activité comparable.
– que le constat de ce différentiel a été posé par le Comité d’Etablissement dans ses avis sur les rapports d’égalité professionnelle.
– que, malgré le jugement avant dire droit, la SA SNECMA n’a toujours pas produit les pièces utiles exigées, ce qui suffit à recevoir sa demande.
– qu’elle perçoit un salaire inférieur à celui d’autres salariés auxquels elle se compare.
– que la SA SNECMA ne justifie pas ces différences de salaire par des critères objectifs.
La SA SNECMA réplique :
– qu’elle a une obligation générale de confidentialité à l’égard des données personnelles de ses salariés, ce qui explique qu’elle a communiqué à la salariée d’une part, l’ensemble des éléments permettant de justifier de manière objective sa situation et d’autre part, des éléments non nominatifs de comparaison et notamment un panel établi par le service du personnel de l’établissement d'[Localité 5] [Localité 7].
– que l’évolution de carrière d’un salarié dépend principalement de ses compétences, de son expérience et de ses mérites, de sorte qu’une évolution de carrière considérée comme lente ne suffit pas en soi à révéler l’existence d’une discrimination.
– que l’employeur peut donc individualiser les salaires, dès lors qu’un salarié n’est pas défavorablement traité en raison d’un motif illicite.
– que la salariée doit établir qu’elle a été discriminée et qu’elle avait des compétences lui permettant de prétendre à un salaire et une qualification supérieurs.
– qu’il doit être établi un lien entre le sexe et la différence de traitement.
– que la situation de la salariée doit être comparée avec celle de salariés recrutés à la même époque, dans la même catégorie, ayant la même qualification à l’embauche.
– qu’un décrochement visible doit être constaté par rapport à la rémunération des autres salariés.
– que Madame [W] [Y] a bénéficié de 1988 à 2004 de 6 augmentations et 4 promotions individuelles, soit une fréquence normale de mesures au sein de la société.
– que la comparaison faite par elle avec les autres salariés ne répond par aux critères de comparaison fixés par la Cour de Cassation, ces salariés n’ayant pas les mêmes responsabilités, les mêmes diplômes, la même catégorie, la même ancienneté.
Des dispositions des articles L 1132-1, L 1134-1 et L 3221-6 du Code du Travail, il ressort qu’aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération à raison de son sexe.
En cas de litige, il incombe au salarié qui se prétend lésé par une mesure salariale discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il appartient à l’employeur de justifier que la disparité de la situation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Pour tenter d’établir la discrimination dont elle se prétend victime, Madame [D] [L] ne peut valablement comparer sa situation personnelle avec des données statistiques collectives de l’entreprise, la discrimination devant s’apprécier individuellement et personnellement pour chaque salarié.
Par suite, doivent être écartées comme ne répondant pas aux critères exigés pour permettre une comparaison utile, les analyses qu’elle effectue :
– sur la rémunération de 7 hommes et d’une femme mécaniciens au sein du service de maintenance en 2005.
– du niveau de salaire de 6 hommes et une femme ayant obtenu le BTS et travaillant comme technicien au sein de la maintenance au mois de mai 2005.
– du niveau de salaire de 8 hommes et une femme ayant obtenu le BTS en 1980 et travaillant à la SNECMA en 1999
Afin de déterminer s’il y a ou non atteinte au principe d’égalité de traitement, il appartient au Juge de comparer la carrière du salarié qui se prétend discriminé avec celle des autres salariés justifiant de la même ancienneté, recrutés dans la même catégorie et ayant la même qualification, le critère de l’âge étant indifférent.
Madame [W] [Y] compare l’évolution de sa carrière avec celle de Messieurs [Z] et [B] qui font partie, tous deux, du Service Maintenance Moyens de Production et qui appartiennent au secteur IW alors que celui de Madame [Y] est IC / IK.
Messieurs [Z] et [B] attestent cependant que les machines de leur secteur sont équivalentes à celles de Madame [Y], ni plus compliquées, ni plus simples.
Sur la situation de Monsieur [Z].
Monsieur [Z], titulaire d’un CAP Ajusteur Outilleur, a été engagé en 1982 au coefficient 215 en qualité d’ouvrier, a été promu au coefficient 215 en 1987, au coefficient 240 en 1991 au coefficient 255 en 1992, au coefficient 270 en 1997, au coefficient 285 en 1998, puis est passé au coefficient 305 en 2002. Il exerce depuis 1988 les fonctions de Mécanicien de maintenance.
Madame [Y], titulaire d’un Bac F1 et d’un diplôme de BTS fabrication mécanique, a été embauchée le 24 mars 1983, dans la catégorie technicienne, en tant que gestionnaire de gestion au coefficient 270, et a rejoint le service de la maintenance en 1997. Elle a obtenu le coefficient 305 en 2001.
La comparaison de carrière fait ressortir que :
– Monsieur [Z] a été engagé un an plus tôt que Madame [Y] en qualité d’ouvrier et à un coefficient très inférieur, qui peut s’expliquer par le fait qu’il disposait de diplômes d’un niveau inférieur à ceux de sa collègue, qu’il n’a obtenu le coefficient 270 qu’à partir de 1997, soit 14 ans après Madame [Y], d’où une évolution de carrière beaucoup plus lente dans un premier temps.
– Monsieur [Z] a occupé les fonctions de Mécanicien de maintenance à partir de 1988, soit huit années avant Madame [Y].
La rémunération de Madame [Y] a été supérieure à celle de Monsieur [Z] de 1983 jusqu’en 1985, puis légèrement inférieure en 1986 et 1987, la différence s’accentuant à partir de 1988.
La SA SNECMA justifie cette différence de rémunération entre les deux salariés à partir de 1988, qui s’élevait à la somme de 542 € en 2006, année de la saisine du Conseil de Prud’hommes :
– par le fait que Madame [Y] a bénéficié d’un congé pour création d’entreprise du 15 septembre 1987 au 14 septembre 1989, de sorte que la suspension de son contrat de travail pendant cette période a une incidence sur le déroulement de sa carrière (pas d’augmentation individuelle durant ces deux années).
– par le fait que Monsieur [Z] a exercé les fonctions de mécanicien de maintenance neuf années avant Madame [Y] de sorte qu’il disposait d’une expérience très supérieure, et que par ailleurs il a suivi pendant plusieurs mois après son embauche une formation en électricité.
Les évolutions de carrière de chacun des deux salariés ne permettent pas de caractériser une discrimination salariale, la carrière de Monsieur [Z] ne pouvant être utilement comparée à celle de Madame [Y] en raison d’une embauche dans une catégorie et à une qualification différentes, la carrière de Madame [Y] ayant en outre été interrompue à sa demande durant deux années.
Sur la situation de Monsieur [B].
Monsieur [B], titulaire d’un CAP Tourneur, a été engagé en 1975 au sein de la SNECMA, soit huit années avant Madame [Y], en qualité d’ouvrier au coefficient 190, puis a obtenu le coefficient 215 en 1979, le coefficient 240 en 1990, le coefficient 255 en 1993, le coefficient 270 en 1996, le coefficient 285 en 2000, le coefficient 205 en 2005. Il exerce depuis 1994 les fonctions de Mécanicien de maintenance, soit trois ans avant Madame [Y].
Il y a lieu de rappeler que Madame [Y], titulaire d’un Bac F1 et d’un diplôme de BTS fabrication mécanique, a été embauchée le 24 mars 1983, dans la catégorie technicienne, en tant que gestionnaire de gestion au coefficient 270, et a rejoint le service de la maintenance en 1997. Elle a obtenu le coefficient 305 en 2001.
La comparaison de carrière fait ressortir que :
– Monsieur [B] a été engagé huit ans avant Madame [Y] en qualité d’ouvrier et à un coefficient très inférieur, qui s’explique par le fait qu’il dispose d’un diplôme d’un niveau inférieur à ceux de sa collègue, qu’il n’a obtenu le coefficient 270 qu’en 1996, soit 13 ans après Madame [Y], d’où une évolution de carrière beaucoup plus lente.
– Monsieur [B] a occupé les fonctions de Mécanicien de maintenance à partir de 1998, soit une année après Madame [Y].
La rémunération de Madame [Y] a été supérieure à celle de Monsieur [B] de 1983 jusqu’en 1989, puis légèrement inférieure (moins de 50 €) en 1990 et 1991, la différence s’accentuant à partir de 1994.
La SA SNECMA justifie cette différence de rémunération entre les deux salariés à partir de 1994, qui s’élevait à la somme de 418 € en 2006, année de la saisine du Conseil de Prud’hommes :
– par le fait que Madame [Y] a bénéficié d’un congé pour création d’entreprise du 15 septembre 1987 au 14 septembre 1989, de sorte que la suspension de son contrat de travail pendant cette période a une incidence sur le déroulement de sa carrière (absence d’augmentation individuelle durant deux années).
– par le fait que Monsieur [B] disposait à l’époque où il a été affecté au service de mécanicien de maintenance, soit un an après Madame [Y], d’une expérience de 23 ans en qualité d’ouvrier.
Les évolutions de carrière de chacun des deux salariés ne permettent pas de caractériser une discrimination salariale, la carrière de Monsieur [Z] ne pouvant être utilement comparée à celle de Madame [Y] en raison d’une embauche dans une catégorie et à une qualification différentes, la carrière de Madame [Y] ayant en outre été interrompue à sa demande durant deux années.
De son côté, la SA SNECMA verse aux débats un panel correspondant aux critères exigés pour une comparaison utile, faisant état de la rémunération au jour de l’introduction de la demande, de tous les salariés embauchés à la même époque que Madame [Y], dans la même catégorie qu’elle et avec la même qualification.
La SA SNECMA expose que si la rémunération de Madame [Y] se situe dans la partie inférieure du groupe de salariés constituant le panel, c’est au regard de la suspension de son contrat de travail durant deux ans, qui est bien évidemment étrangère à toute discrimination.
La SA SNECMA démontre par la production d’un panel de 44 salariés, que quatre d’entre eux sont des femmes, ce qui s’explique par des raisons sociologiques et que le positionnement de trois femmes (autres que Madame [Y]) fait ressortir que leur rémunération est comparable à celle des hommes.
La comparaison entre les situations des salariés ne fait ressortir aucune différence de traitement entre Madame [W] [Y] et ses collègues masculins, tant du point de vue de l’évolution de leur carrière que de la rémunération.
Les quelques différences relevées sont sans incidence puisque dans les hypothèses où elles apparaissent, l’ensemble des critères permettant une comparaison utile ne sont pas réunis.
Par suite, la demande subsidiaire de Madame [Y] tendant à voir ordonner toute mesure utile de vérification personnelle par la juridiction est sans objet.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré ayant débouté la salariée de toutes ses demandes.
Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Succombant en son recours, Madame [W] [Y] sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Il y a lieu en équité de laisser à la charge de la SA SNECMA ses frais non compris dans les dépens exposés devant la Cour.
PAR CES MOTIFS.
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Déboute la SA SNECMA de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne Madame [W] [Y] aux dépens d’appel.
Le Greffier, Le Président,