AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Marc X…, demeurant …,
en cassation d’un arrêt rendu le 19 décembre 1996 par la cour d’appel de Colmar (Chambre sociale, Section A), au profit de la société Crédit de l’Est, société anonyme, dont le siège est … aux Vins, 67000 Strasbourg,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l’audience publique du 7 avril 1999, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Besson, conseiller référendaire rapporteur, M. Finance, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, MM. Soury, Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Besson, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X…, de la SCP Monod et Colin, avocat de la société Crédit de l’Est, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X… a été engagé le 28 novembre 1979 par la société Crédit de l’Est, en qualité d’inspecteur-démarcheur, moyennant une rémunération comportant un salaire de base, une prime d’ancienneté « par séquences de deux années révolues », des primes trimestrielles « d’un montant essentiellement variable », une gratification de fin d’année et une prime de participation ; que ce contrat stipulait qu’il pouvait faire « l’objet d’une mutation au siège ou dans l’une des autres agences du Crédit de l’Est sur décision unilatérale de la direction » et qu’il s’engageait « à accepter toute mutation éventuelle à venir étant précisé que la société Crédit de l’Est prendrait à sa charge tous les frais inhérents à un tel déplacement »; que M.Deutsch, après avoir obtenu un congé de deux ans pour création d’entreprise, à compter du 1er novembre 1989, n’a pu être réintégré dans l’emploi qu’il occupait auparavant à Sarreguemines et a refusé un poste d’attaché commercial à Belfort ; qu’ayant été licencié, avec dispense d’effectuer son préavis, pour ce refus, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Colmar, 19 décembre 1996) de l’avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen, d’une part, qu’en application de l’article L. 122-32-16 du Code du travail, à l’issue du congé pour création d’entreprise, le salarié retrouve son précédent emploi ; que ce n’est que lorsque l’emploi qu’il occupait n’est plus libre que peut lui être proposé un emploi similaire ; que tel n’est pas le cas lorsque le poste a seulement été pourvu par un salarié engagé en remplacement, lequel peut être licencié pour un motif réel et sérieux, voire muté sur un autre emploi ; qu’en considérant que l’employeur avait satisfait à son obligation en proposant à M. X… un emploi similaire à son précédent emploi sans constater l’impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de reclasser le salarié qu’il occupait avant son départ en congé, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 122-32-16 du Code du travail ; alors, d’autre part, qu’à tout le moins, si le salarié ne peut être reclassé dans son précédent emploi, il doit, à l’issue du congé, retrouver un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente; que la cour d’appel, qui s’est contentée, pour dire que la société Crédit de l’Est avait satisfait à son obligation, d’affirmer que l’exposant ne démontrait pas que l’emploi d’attaché commercial à Belfort n’était pas similaire ou semblable à celui qu’il occupait à Sarreguemines, a fait peser sur le salarié la charge d’une preuve qu’il ne lui incombait pas de rapporter et violé, ensemble, les articles L. 122-32-16 du Code du travail et 1315 du Code civil ; alors, enfin, que M. X… soutenait dans ses conclusions qu’il appartenait au juge de vérifier si la rémunération dont il aurait pu bénéficier sur l’agence de Belfort était équivalente à celle de Sarreguemines ; que M.Deutsch soutenait qu’à l’agence de Sarreguemines, il bénéficiait de primes liées aux résultats de l’agence correspondant à 16,18 % de son revenu ; qu’il exposait que les résultats dégagés par l’agence de Belfort étaient inférieurs à ceux de Sarreguemines et qu’alors que le poste auquel il était affecté n’existait pas, rajoûter un salarié à Belfort revenait à diminuer les primes de chacun d’entre eux ; que la cour d’appel qui, sans rechercher comme elle y était invitée, si M. X… pouvait prétendre dans l’emploi qui lui était proposé à une rémunération au moins équivalente à celle dont il bénéficiait à Sarreguemines, s’est contentée, par adoption des motifs des premiers juges, d’affirmer qu’il n’était pas établi que les primes perçues à Belfort soient inférieures à celles touchées à Sarreguemines, a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 122-32-16 du Code du travail ;
Mais attendu que si l’article L. 122-32-16 du Code du travail dispose qu’à l’issue du congé pour création d’entreprise le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente la cour d’appel, sans inverser la charge de la preuve, a relevé, par motifs propres et adoptés, que le poste qu’occupait M. X… à Sarreguemines était désormais indisponible, et qu’il s’était vu proposer à l’issue de son congé et conformément à la clause de mobilité qui figurait dans son contrat de travail, un emploi correspondant d’attaché commercial à Belfort ;
Et attendu qu’elle a constaté, d’une part, que la société Crédit de l’Est établissait avoir préservé la rémunération fixe du salarié en lui garantissant le même coefficient hiérarchique et en maintenant sa classification indiciaire, et d’autre part, qu’il n’était pas établi, au vu des chiffres produits, que les primes perçues à Belfort soient inférieures à celles perçues à l’agence de Sarreguemines; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;