Confusion de patrimoine : les risques de la convention de trésorie

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Confusion de patrimoine : les risques de la convention de trésorie

Si une partie des avances entre sociétés a été remboursée, si ces ‘avances de trésorerie’ n’ont été accompagnées d’aucune contrepartie pour l’une des sociétés, la privant au contraire d’une partie de sa trésorerie, ces avances peuvent, dès lors, être qualifiées de relations financières anormales caractérisant une confusion de patrimoine au sens de l’article L. 621-2 du code de commerce.

Expertise sur la valeur des parts sociales

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [X] [R] a été désigné par ordonnance du juge commissaire du 13 novembre 2020 avec mission de ‘déterminer la valeur des parts sociales de la société SAS JD’A Investissement Brésil détenues par la société JD’A (SAS)’ -soit 255 titres représentant 51 % du capital social- , mission qui a été étendue par ordonnance du 13 avril 2022 à la détermination de ‘la valeur des parts sociales détenues par la société JD’A (SAS) dans le capital de la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien’.

La mission de l’expert avait pour objet une étude de valorisation des titres de la société JD’A Investissement Brésil, afin de rechercher la valeur globale de l’entreprise en tenant compte de ses éléments financiers et des ses différentes caractéristiques intrinsèques (forces et faiblesses).

Celle-ci n’a réalisé aucun chiffre d’affaires sur les trois exercices 2016 à 2019 et l’actif net comptable affiche des fonds propres négatifs au 31 décembre 2019 pour -1 376 030 euros.

Le principal poste d’actif s’intitule ‘créance rattachée à participation’ pour un montant de 1 719 497 au 31 décembre 2019, déprécié à hauteur de 1 203 648 euros, soit 515 849 euros net.

Avances de trésorerie suspectes

L’expert relève que les flux financiers consistent en des ‘avances de trésorerie’ consenties pour un montant de 2 464 500 euros du 7 mars 2014 au 28 février 2018 et un remboursement de 745 003,11 euros le 14 novembre 2018. Ces avances de trésorerie ont bénéficié à une société dénommée ‘Holding groupe JD’A’ qui n’est autre que la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien.

Le solde des avances de trésorerie au 31 décembre 2019 consentis à la société JD’A Investissement Brésil par la SAS JD’A dans le cadre de la convention de trésorerie du 1er janvier 2013 est d’un montant de 1 164 944 euros. Cette trésorerie a été progressivement ‘transférée’ entre le 7 mars 2014 et le 14 novembre 2018 en direction de la société JD’A Participacao Ltda pour parvenir à un solde total de 1 710 496,89 euros au 31 décembre 2019.

L’expert en conclusion, estime que la valeur des parts sociales de la société JD’A Investissement Brésil détenues par la SAS JD’A semble nulle, prise isolément.

Quant à la valeur des parts détenues par la SAS JD’A dans le capital de la société JD’A Participacao Ltda société de droit brésilien, l’expert considère qu’elle ne peut être approchée précisément en raison de l’absence de données exhaustives sur les actifs et passifs. L’expert a pu identifier la présence d’actifs valorisables pour un montant d’environ 532 000 euros.

L’expert n’a pas relevé de caractère anormal ou irrégulier concernant la convention de gestion centralisée de trésorerie passée entre la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil le 1er janvier 2013.

Cette convention prévue aux articles L 511-5 et suivants du code monétaire et financier, est signée entre deux sociétés ayant entre elles des liens capitalistiques forts, des intérêts financiers commun et qui conviennent de participer à un système conventionnel de centralisation de leur trésorerie respective dont l’objet est de permettre la double faculté pour la filiale de déposer ses excédents de trésorerie auprès de la mère ou d’emprunter à celle-ci, sous forme d’avances en compte courant, les fonds dont elle aura éventuellement besoin dans le cadre de son activité (gestion des besoins et des excédents de trésorerie).

La convention, conclue en janvier 2013, pour une durée indéterminée, prévoit :

– le mode de fonctionnement détaillé de la centralisation ou de l’avance de trésorerie, sous forme d’avances à la disposition des sociétés filiales présentant des besoins en trésorerie les fonds permettant de couvrir lesdits besoins,

– le remboursement des avances et la rémunération de ces avances au moyen d’un taux d’ intérêt conventionnel,

– une clause prévoyant l’entrée et la sortie des sociétés,

– les démarches en cas de litige.

Elle précise, enfin, l’indépendance des parties quant à leur gestion et à la poursuite de leur objet social et l’obligation de tenir une comptabilité tenue conformément aux règles en vigueur, reflétant les opérations et les mouvements de trésorerie propres à chacune d’elles.

En revanche, ces avances de trésorerie ont profité, non pas à la société JD’A Investissement Brésil pour les besoins de non activité, mais à la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien, pour un solde total au 31 décembre 2019 de 1719 496,89 euros.

A cet égard, les explications apportées à l’expert par les appelants sur ces transferts de fonds (annexe A 14 du rapport de M. [R]), selon lesquelles en 2018, la totalité des comptes courants JD’A ‘France’, (8 633 655 réals brésiliens) a été transférée dans la filiale JD’A Brésil pour financer l’acquisition d’un immeuble, son entretien et des travaux en vue de la revente à un groupe hôtelier, en l’occurrence, le groupe Accor pour la somme de 10 000 000 réals brésiliens. En raison des difficultés financières de la SAS JD’A, un remboursement des avances a été fait le 13 novembre 2018 à hauteur de 3 150 00 réals (745 033 euros selon le taux de change en vigueur), dont 710 000 au profit de la SAS JD’A, confirment les constatations de l’expert.

Au vu de ces éléments, la convention de trésorerie liant la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil a permis que des transferts de fonds effectués entre 2014 et 2018 entre la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil, à hauteur de 2 556 660 euros (8 633 655 réals brésiliens) bénéficient pour l’essentiel à la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien, qui n’était pas partie à la convention de gestion centralisée de trésorerie, pour financer ses opérations d’acquisition/revente de biens immobiliers au Brésil.

Si une partie de ces avances a été remboursée à hauteur de 745 033 euros, dont 710 000 euros au profit de la SAS JD’A, il n’en reste pas moins que ces ‘avances de trésorerie’, à hauteur de la somme de 1 160 944 euros, n’ont été accompagnées d’aucune contrepartie pour la SAS JD’A, la privant au contraire d’une partie de sa trésorerie, et peuvent, dès lors, être qualifiées de relations financières anormales entre la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil, caractérisant une confusion de patrimoine au sens de l’article L. 621-2 du code de commerce.

Ordonnance de clôture révoquée

Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture rendue le 14 décembre 2023, il a été décidé de révoquer ladite ordonnance afin de permettre l’intervention volontaire de la Sarl Epilogue en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS JD’A.

Jonction des procédures

Il a été ordonné la jonction des procédures enregistrées concernant la même décision dont appel opposant les mêmes parties.

Extension de la procédure

La procédure de liquidation judiciaire a été étendue à la société JD’A Investissement Brésil en raison de la confusion de patrimoines caractérisée par des flux financiers anormaux entre les sociétés.

Confirmation du jugement

Le jugement a été confirmé en toutes ses dispositions, notamment en ce qui concerne la qualification de confusion de patrimoine entre les sociétés.

Demandes accessoires

Les demandes accessoires des appelants ont été rejetées, et la Sarl Epilogue a été allouée une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les appelants ont été condamnés aux dépens d’appel.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT DE JONCTION ET AU FOND

DU 22 FEVRIER 2024

N° 2024/49

Rôle N° RG 23/05894 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLFRT

JONCTION avec le RG 23/11294

[N] [V]

S.A.S. JD’A INVESTISSEMENT BRESIL

C/

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT

Le Procureur Général

SAS JDA

S.A.R.L. EPILOGUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Delphine CO

Me Bruno

BOUCHOUCHA

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 17 Mars 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 2023000757.

APPELANT (sur RG 23/05894)

Monsieur [N] [V]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 6] (BRESIL)

représenté par Me Delphine CO de la SELARL SELARL MANENTI & CO, avocat au barreau de MARSEILLE,

assisté de Me Julien MALLET de la SELASU MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

APPELANTE (sur RG 23/05894 et RG 23/11294)

S.A.S. JD’A INVESTISSEMENT BRESIL,

immatriculée au RCS de TARASCON sous le n° 790 068 472, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

représentée par Me Delphine CO de la SELARL SELARL MANENTI & CO, avocat au barreau de MARSEILLE,

assistée de Me Julien MALLET de la SELASU MVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE (sur RG 23/05894)

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT

représentée par Me [W] [K], ayant son domicile professionnel [Adresse 4], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JD’A

représentée par Me Bruno BOUCHOUCHA de la SELARL BSB, avocat au barreau de TARASCON,

assistée de Me Kim VIGOUROUX, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

INTIMEE (sur RG 23/11294)

S.A.S. JD’A

dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège (signification par huissier faite le 20/09/2023 remise à personne habilitée)

défaillante

Monsieur Le Procureur Général

demeurant Cour d’appel d’Aix-en-Provence – 20, place de Verdun – 13616 AIX EN PROVENCE CEDEX

défaillant

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE (sur RG 23/05894)

S.A.R.L. EPILOGUE,

immatriculée au RCS de Montpellier sous le n° 980 989 321 ayant son siège social [Adresse 3], représentée par Me [W] [K], domicilié [Adresse 4], agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société JD’A, aux lieu et place de la SELARL ETUDE BALINCOURT, suivant ordonnance du 14 novembre 2023.

représentée par Me Bruno BOUCHOUCHA de la SELARL BSB, avocat au barreau de TARASCON,

assistée de Me Kim VIGOUROUX, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 Janvier 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Gwenael KEROMES, Présidente a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Février 2024.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Février 2024,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement rendu le 3 mai 2019, le tribunal de commerce de Tarascon, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société JD’A, SAS créée en octobre 2006, dont l’objet social est ‘travaux de maçonnerie générale, revêtements des sols et murs. Peinture, décoration, négoce de tous matériaux liés à la construction et au bâtiment.

Me [W] [K], de la Selarl Etude Balincourt, ayant été désigné liquidateur judiciaire.

La SAS JD’A détient la totalité du capital social de la société JD’A Investissement Brésil, SAS spécialisée dans la gestion d’équipements hôteliers, achat, revente de complexes hôteliers, créée en décembre 2012, sa filiale.

Dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’égard de la société JD’A SAS, M. [R], technicien, a été désigné par le tribunal pour évaluer la valeur des droit sociaux détenus par la SAS JD’A dans la société JD’A Investissement Brésil .

La Selarl Etude Balincourt en sa qualité de liquidateur judiciaire :

– sur la base du rapport de M. [R] et des documents comptables de la société JD’A Investissement Brésil, estimant qu’il ressortait de ces documents des flux anormaux entre la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil, de sorte que la SAS JD’A détient une créance sur la société JD’A Investissement Brésil à hauteur de 1 164 944 euros au 31 décembre 2021,

– par ailleurs informée d’un transfert de la trésorerie de la société JD’A Investissement Brésil vers une autre société de droit brésilien, la société JD’A Participacao Ltda, limitant fortement le remboursement de sommes versées par la SAS JD’A à la société JD’A Investissement Brésil, susceptible de constituer un détournement des actifs revenant à la procédure collective,

a engagé devant le tribunal de commerce de Tarascon, en application de L. 621-2 du code de commerce, une action aux fins d’extension de la procédure de liquidation judiciaire, tenant à la confusion de patrimoine et à la fictivité de la personne morale, de la SAS JD’A à la société JD’A Investissement Brésil.

Par jugement rendu le 17 mars 2023, le tribunal de commerce a ordonné l’extension de la liquidation judiciaire prononcée à l’égard de la SAS JD’A à la société JD’A Investissement Brésil et maintenu les organes de la procédure.

M. [N] [V], exerçant son droit propre, et la société JD’A Investissement Brésil ont interjeté appel de la décision (sous le numéro RG 23/05894) sans intimer toutefois la SAS JD’A.

La SAS JD’A Investissement Brésil a interjeté appel du même jugement le 1er septembre 2023, en intimant la SAS JD’A.

Une ordonnance d’incident rendue le 14 décembre 2023, a rejeté la demande aux fins d’irrecevabilité de l’appel interjeté par M. [N] [V] et la société JD’A Investissement Brésil, dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile et ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Par conclusions d’intimée n°2 déposées et notifiées par RPVA le 21 décembre 2023, la société Epilogue, représentée par Me [W] [K], désignée en lieu et place de la Selarl Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JD’A SAS, demande à la cour :

– le rabat de la clôture,

– de recevoir la Sarl Epilogue, désignée en lieu et place de la Selarl Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de SAS JD’A, en son intervention volontaire ;

A titre principal et liminaire,

– déclarer [N] [V] et la société JD’A Investissement Brésil irrecevables en leur recours formé à l’encontre du jugement rendu le 17 mars 2023, faute d’avoir intimé la société JD’A au titre de son droit propre et du principe d’indivisibilité ;

A titre subsidiaire sur le fond,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 mars 2023 par le tribunal de commerce de Tarascon en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

– débouter M. [N] [V] et la société JD’A Investissement Brésil de toutes leurs demandes – condamner M. [N] [V] au paiement de la somme de 3 000 euros au profit de la Sarl Epilogue représentée par Me [K] ès qualités, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le conseil des appelants a adressé par RPVA un courrier demandant le rejet de la demande de rabat de l’ordonnance de clôture prononcée le 14 décembre 2023 et des écritures déposées le 21 décembre 2023. Elle annonce à cet égard des conclusions qui seront prises dans les prochains jours.

Par avis déposé le 11 décembre 2023, le ministère public indique s’en rapporter aux écritures du mandataire judiciaire dans cette affaire.

MOTIFS

Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture rendue le 14 décembre 2023 :

L’article 803 alinéa 1er du code de procédure civile, dispose que la clôture peut être révoquée s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

En l’espèce, il appert que l’ordonnance de clôture doive être révoquée afin de permettre l’intervention volontaire de la Sarl Epilogue désignée aux lieu et place de la Selarl Etude Balincourt, en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS JD’A, par ordonnance du 14 novembre 2023 (pièce n°10 de l’intimée), dont la mise en cause est nécessaire.

Compte tenu de l’ordonnance d’incident rendue le 14 décembre 2023, non frappée d’un déféré, et de l’abandon exprimé à l’audience par le conseil de la Sarl Epicure, venant aux lieu et place de la Selarl Etude Balincourt, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS JD’A, de son moyen tiré de l’irrecevabilité du recours formé par M. [V] et la société JD’A Investissement Brésil il devient sans objet de statuer sur la demande tendant à voir déclarer ces derniers irrecevable en leur recours formé contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tarascon le 17 mars 2023, étant rappelé que la société JD’A Investissement Brésil a interjeté appel du jugement précité le 1er septembre 2023 enregistré sous le numéro RG 23/11294) et régulièrement intimé la SAS JD’A, dont le liquidateur judiciaire intervient volontairement à l’instance.

Il y a lieu d’ordonner, dans un souci de bonne administration de la justice, la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/05894 et RG 23/11294, qui concernent la même décision dont appel opposant les mêmes parties.

Au fond,

En application des dispositions de l’article L. 621-2 du code de commerce, applicables à la liquidation judiciaire par renvoi de l’article L 641-1 du code de commerce, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes morales ou physiques en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

Pour caractériser la confusion des patrimoines le tribunal de commerce a relevé :

– que la Selarl Etude Balincourt a pu établir que la SAS JD’A a procédé à des versements injustifiés et sans contrepartie, à raison de la somme de 1 164 944 euros au bénéfice de la société JD’A Investissement Brésil dont le dirigeant, M. [N] [V] est également celui de la SAS JD’A ;

– que la convention de gestion centralisée de trésorerie en date du 1er novembre 2013, produite dans le cadre des opérations d’expertise concernant la valeur des actions de la société JD’A Investissement Brésil détenues par la SAS JD’A et de celles de la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien, ne permettaient pas de justifier les versements litigieux en l’absence de date certaine de la dite convention et de plafond des avances susceptibles d’être consenties,

– que ces avances ayant entraîné l’appauvrissement de la SAS JD’A, sont incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales et caractérisent l’existence d’une relation financière déséquilibrée entre la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil;

– que l’existence de flux financiers anormaux entre des deux sociétés

Pour contester le dit jugement, les appelants font valoir que contrairement à ce qui est avancé par le liquidateur judiciaire et retenu par le tribunal de commerce :

– les versements à hauteur de 1 164 944 euros émanant de la SAS JD’A vers la société JD’A Investissement Brésil relèvent de relations normales entre une société mère et sa filiale et il n’est pas démontré en quoi, dans un groupe de sociétés, les conventions de trésorerie et de change, les avances de fonds par la société mère révèlent des relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoine entre les sociétés.

– le fait que les sociétés aient le même dirigeant et dont l’une détient la quasi-totalité du capital social de l’autre, ne saurait induire une confusion de patrimoine entre ces deux dont l’activité est indépendante, un actif et un passif propre et dans lesquelles les flux financiers entre elles interviennent dans le cadre d’une convention de gestion centralisée de trésorerie.

– la convention de gestion centralisée de trésorerie a été régularisée le 1er janvier 2013 entre la SAS JD’A, la société JD’A Investissement Brésil, et n’est entachée d’aucune irrégularité.

La Sarl Epilogue ès qualités considère pour sa part que la convention des gestion centralisée de trésorerie, dépourvue de plafond et de date certaine n’est pas régulière, et que les sommes versées par la SAS JD’A à la société JD’A Investissement Brésil à hauteur de 1 164 944 euros étaient dépourvues de toute contrepartie.

Elle estime que les sommes versées par la SAS JD’A à la société JD’A Investissement Brésil étaient dépourvues de toute contrepartie au profit de la SAS JD’A, et que le transfert d’actif à hauteur de la somme précitée, constitue nécessairement à flux anormal constitutif d’une confusion de patrimoine justifiant l’extension de la procédure de liquidation judiciaire à la société JD’A Investissement Brésil.

Sur ce,

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [X] [R] a été désigné par ordonnance du juge commissaire du 13 novembre 2020 avec mission de ‘déterminer la valeur des parts sociales de la société SAS JD’A Investissement Brésil détenues par la société JD’A (SAS)’ -soit 255 titres représentant 51 % du capital social- , mission qui a été étendue par ordonnance du 13 avril 2022 à la détermination de ‘la valeur des parts sociales détenues par la société JD’A (SAS) dans le capital de la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien’.

La mission de l’expert avait pour objet une étude de valorisation des titres de la société JD’A Investissement Brésil, afin de rechercher la valeur globale de l’entreprise en tenant compte de ses éléments financiers et des ses différentes caractéristiques intrinsèques (forces et faiblesses).

Celle-ci n’a réalisé aucun chiffre d’affaires sur les trois exercices 2016 à 2019 et l’actif net comptable affiche des fonds propres négatifs au 31 décembre 2019 pour -1 376 030 euros.

Le principal poste d’actif s’intitule ‘créance rattachée à participation’ pour un montant de 1 719 497 au 31 décembre 2019, déprécié à hauteur de 1 203 648 euros, soit 515 849 euros net.

L’expert relève que les flux financiers consistent en des ‘avances de trésorerie’ consenties pour un montant de 2 464 500 euros du 7 mars 2014 au 28 février 2018 et un remboursement de 745 003,11 euros le 14 novembre 2018. Ces avances de trésorerie ont bénéficié à une société dénommée ‘Holding groupe JD’A’ qui n’est autre que la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien.

Le solde des avances de trésorerie au 31 décembre 2019 consentis à la société JD’A Investissement Brésil par la SAS JD’A dans le cadre de la convention de trésorerie du 1er janvier 2013 est d’un montant de 1 164 944 euros. Cette trésorerie a été progressivement ‘transférée’ entre le 7 mars 2014 et le 14 novembre 2018 en direction de la société JD’A Participacao Ltda pour parvenir à un solde total de 1 710 496,89 euros au 31 décembre 2019.

L’expert en conclusion, estime que la valeur des parts sociales de la société JD’A Investissement Brésil détenues par la SAS JD’A semble nulle, prise isolément.

Quant à la valeur des parts détenues par la SAS JD’A dans le capital de la société JD’A Participacao Ltda société de droit brésilien, l’expert considère qu’elle ne peut être approchée précisément en raison de l’absence de données exhaustives sur les actifs et passifs. L’expert a pu identifier la présence d’actifs valorisables pour un montant d’environ 532 000 euros.

L’expert n’a pas relevé de caractère anormal ou irrégulier concernant la convention de gestion centralisée de trésorerie passée entre la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil le 1er janvier 2013.

Cette convention prévue aux articles L 511-5 et suivants du code monétaire et financier, est signée entre deux sociétés ayant entre elles des liens capitalistiques forts, des intérêts financiers commun et qui conviennent de participer à un système conventionnel de centralisation de leur trésorerie respective dont l’objet est de permettre la double faculté pour la filiale de déposer ses excédents de trésorerie auprès de la mère ou d’emprunter à celle-ci, sous forme d’avances en compte courant, les fonds dont elle aura éventuellement besoin dans le cadre de son activité (gestion des besoins et des excédents de trésorerie).

La convention, conclue en janvier 2013, pour une durée indéterminée, prévoit :

– le mode de fonctionnement détaillé de la centralisation ou de l’avance de trésorerie, sous forme d’avances à la disposition des sociétés filiales présentant des besoins en trésorerie les fonds permettant de couvrir lesdits besoins,

– le remboursement des avances et la rémunération de ces avances au moyen d’un taux d’ intérêt conventionnel,

– une clause prévoyant l’entrée et la sortie des sociétés,

– les démarches en cas de litige.

Elle précise, enfin, l’indépendance des parties quant à leur gestion et à la poursuite de leur objet social et l’obligation de tenir une comptabilité tenue conformément aux règles en vigueur, reflétant les opérations et les mouvements de trésorerie propres à chacune d’elles.

En revanche, ces avances de trésorerie ont profité, non pas à la société JD’A Investissement Brésil pour les besoins de non activité, mais à la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien, pour un solde total au 31 décembre 2019 de 1719 496,89 euros.

A cet égard, les explications apportées à l’expert par les appelants sur ces transferts de fonds (annexe A 14 du rapport de M. [R]), selon lesquelles en 2018, la totalité des comptes courants JD’A ‘France’, (8 633 655 réals brésiliens) a été transférée dans la filiale JD’A Brésil pour financer l’acquisition d’un immeuble, son entretien et des travaux en vue de la revente à un groupe hôtelier, en l’occurrence, le groupe Accor pour la somme de 10 000 000 réals brésiliens. En raison des difficultés financières de la SAS JD’A, un remboursement des avances a été fait le 13 novembre 2018 à hauteur de 3 150 00 réals (745 033 euros selon le taux de change en vigueur), dont 710 000 au profit de la SAS JD’A, confirment les constatations de l’expert.

Au vu de ces éléments, la convention de trésorerie liant la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil a permis que des transferts de fonds effectués entre 2014 et 2018 entre la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil, à hauteur de 2 556 660 euros (8 633 655 réals brésiliens) bénéficient pour l’essentiel à la société JD’A Participacao Ltda, société de droit brésilien, qui n’était pas partie à la convention de gestion centralisée de trésorerie, pour financer ses opérations d’acquisition/revente de biens immobiliers au Brésil.

Si une partie de ces avances a été remboursée à hauteur de 745 033 euros, dont 710 000 euros au profit de la SAS JD’A, il n’en reste pas moins que ces ‘avances de trésorerie’, à hauteur de la somme de 1 160 944 euros, n’ont été accompagnées d’aucune contrepartie pour la SAS JD’A, la privant au contraire d’une partie de sa trésorerie, et peuvent, dès lors, être qualifiées de relations financières anormales entre la SAS JD’A et la société JD’A Investissement Brésil, caractérisant une confusion de patrimoine au sens de l’article L. 621-2 du code de commerce.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Les appelants, succombant en leurs prétentions, sont infondés en leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu d’allouer à la Sarl Epilogue ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS JD’A la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants seront condamnés aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Vu, l’ordonnance d’incident du 14 décembre 2023 ;

Vu, l’ordonnance rendue ce jour prononçant la révocation de l’ordonnance de clôture du 14 décembre 2013 et fixant la nouvelle clôture au 10 janvier 2024,

Déclare sans objet la demande tendant à voir déclarer irrecevable l’appel interjeté par M. [V] et la société JD’A Investissement Brésil contre le jugement rendu par le tribunal de commerce Tarascon le 17 mars 2023 ;

Ordonne la jonction, sous le numéro RG 23/05894, de la procédure enregistrée sous le numéro RG 23/11294 et dit qu’il sera statué par un seul et même arrêt ;

Déboute les appelants de leurs demandes ;

Confirme le jugement rendu le 17 mars 2023 par le tribunal de commerce de Tarascon en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société JD’A Investissement Brésil et M. [N] [V] à payer à la Sarl Epilogue ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS JD’A la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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