Conformité du bouton « finaliser ma commande » au droit de la consommation

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Conformité du bouton « finaliser ma commande » au droit de la consommation
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Pour valider le paiement du consommateur, les professionnels du commerce électroniques sont libres de recourir à toute mention de leur choix, pourvu qu’il ressorte sans ambiguïté de cette mention que le consommateur est tenu par une obligation de paiement dès qu’il active le bouton de commande ou la fonction similaire.

Formule inscrite sur le bouton de commande

Une formule inscrite sur le bouton de commande ou sur une fonction similaire, telle que la formule « finaliser la réservation », est « analogue » à la mention « commande avec obligation de paiement » si le contexte de l’achat est conforme et suffisamment clair pour faire comprendre au consommateur qu’il s’agit d’un paiement.  

Finalisation d’un processus de commande

La finalisation d’un processus de commande entraînant une obligation de paiement pour le consommateur est une étape fondamentale, en ce qu’elle implique que le consommateur accepte d’être lié non seulement par le contrat à distance, mais également par cette obligation. Dès lors, considérer que, par l’activation d’un bouton ou d’une fonction similaire, le consommateur devrait inférer des circonstances de ce processus qu’il s’engage à payer de manière contraignante alors que la mention figurant sur ce bouton ou cette fonction ne lui permet pas d’identifier de telles conséquences avec une certitude absolue reviendrait à porter atteinte à cet objectif.

Position de la CJUE

Selon la CJUE, le juge du fond doit notamment vérifier si le terme « réservation » est, selon la langue utilisée, tant dans le langage courant que dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, nécessairement et systématiquement associé à la naissance d’une obligation de paiement. Dans la négative, force serait de constater le caractère ambigu de l’expression « finaliser la réservation », de sorte que cette expression ne pourrait pas être considérée comme étant une formule analogue à la mention « commande avec obligation de paiement », visée à l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83.

De façon plus générale, il est important de veiller à ce que, dans le cas des contrats à distance conclus par l’intermédiaire de sites internet, le consommateur soit en mesure de lire et de comprendre pleinement les principaux éléments du contrat avant de passer sa commande.

À cette fin, il convient de prendre en compte les éléments à afficher à proximité de la confirmation requise pour passer la commande. Il est également important de veiller à ce que, dans de telles situations, le consommateur soit en mesure de déterminer le moment où il contracte l’obligation de payer le professionnel. Dès lors, il convient d’attirer spécialement l’attention du consommateur, au moyen d’une formulation dénuée d’ambiguïté, sur le fait que passer commande entraîne l’obligation de payer le professionnel. 

______________________________________________________________

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

ARRÊT DE LA COUR

Huitième chambre

7 avril 2022

Dans l’affaire C-249/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Amtsgericht Bottrop (tribunal de district de Bottrop, Allemagne), par décision du 24 mars 2021, parvenue à la Cour le 21 avril 2021, dans la procédure

Fuhrmann-2-GmbH

contre

B.,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Fuhrmann-2-GmbH, par Me C. Ewen, Rechtsanwalt,

pour la Commission européenne, par Mme I. Rubene et M. M. Kellerbauer, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Fuhrmann-2-GmbH à B. au sujet de la formation ou non d’un contrat d’hébergement liant ces deux personnes.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 4, 5, 7 et 39 de la directive 2011/83 sont rédigés en ces termes :

« (4)

Conformément à l’article 26, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le marché intérieur doit comporter un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des biens et des services et la liberté d’établissement sont assurées. L’harmonisation de certains aspects des contrats de consommation à distance et hors établissement est nécessaire pour promouvoir un véritable marché intérieur des consommateurs offrant un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises, dans le respect du principe de subsidiarité.

(5)

[…] [U]ne harmonisation complète de l’information des consommateurs et du droit de rétractation dans les contrats de vente à distance et hors établissement contribuera à un niveau de protection élevé des consommateurs et à un meilleur fonctionnement du marché intérieur sur le plan des relations entre entreprises et particuliers.

[…]

(7)

L’harmonisation complète de certains aspects réglementaires essentiels devrait considérablement augmenter la sécurité juridique, tant pour les consommateurs que pour les professionnels. Consommateurs et professionnels devraient ainsi pouvoir s’appuyer sur un cadre réglementaire unique, fondé sur des concepts juridiques clairement définis régissant certains aspects des contrats entre les entreprises et les consommateurs au sein de l’Union. Cette harmonisation devrait avoir pour effet d’éliminer les barrières créées par la fragmentation de la réglementation et d’achever le marché intérieur dans ce domaine. L’unique moyen d’éliminer ces barrières est d’établir des règles uniformes au niveau de l’Union. Les consommateurs devraient bénéficier en outre d’un niveau commun élevé de protection dans toute l’Union.

[…]

(39)

Il est important de veiller à ce que, dans le cas des contrats à distance conclus par l’intermédiaire de sites internet, le consommateur soit en mesure de lire et de comprendre pleinement les principaux éléments du contrat avant de passer sa commande. À cette fin, il convient de prendre des dispositions dans la présente directive concernant les éléments à afficher à proximité de la confirmation requise pour passer la commande. Il est également important de veiller à ce que, dans de telles situations, le consommateur soit en mesure de déterminer le moment où il contracte l’obligation de payer le professionnel. Dès lors, il convient d’attirer spécialement l’attention du consommateur, au moyen d’une formulation dénuée d’ambiguïté, sur le fait que passer commande entraîne l’obligation de payer le professionnel. »

4

L’article 1er de cette directive dispose :

« L’objectif de la présente directive est de contribuer, en atteignant un niveau élevé de protection du consommateur, au bon fonctionnement du marché intérieur en rapprochant certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux contrats conclus entre les consommateurs et les professionnels. »

5

L’article 2 de ladite directive énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

7)

“contrat à distance”, tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ;

[…] »

6

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la même directive :

« La présente directive s’applique, dans les conditions et dans la mesure prévues par ses dispositions, à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Elle s’applique également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz, d’électricité ou de chauffage urbain, y compris par des fournisseurs publics, dans la mesure où ces biens sont fournis sur une base contractuelle. »

7

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/83 se lit comme suit :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes :

a)

les principales caractéristiques du bien ou du service, dans la mesure appropriée au support de communication utilisé et au bien ou service concerné ;

[…]

e)

le prix total des biens ou services toutes taxes comprises ou, lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l’avance du fait de la nature du bien ou du service, le mode de calcul du prix et, s’il y a lieu, tous les frais supplémentaires de transport, de livraison ou d’affranchissement et tous les autres frais éventuels ou, lorsque de tels frais supplémentaires ne peuvent raisonnablement être calculés à l’avance, la mention qu’ils peuvent être exigibles. Dans le cas d’un contrat à durée indéterminée ou d’un contrat assorti d’un abonnement, le prix total inclut le total des frais par période de facturation. Lorsque de tels contrats sont facturés à un tarif fixe, le prix total inclut également le total des coûts mensuels. Lorsque le coût total ne peut être raisonnablement calculé à l’avance, le mode de calcul du prix est communiqué ;

[…]

o)

la durée du contrat, s’il y a lieu, ou, s’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée ou à reconduction automatique, les conditions de résiliation du contrat ;

p)

s’il y a lieu, la durée minimale des obligations du consommateur au titre du contrat ;

[…] »

8

L’article 8 de cette directive, intitulé « Obligations formelles concernant les contrats à distance », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Si un contrat à distance devant être conclu par voie électronique oblige le consommateur à payer, le professionnel informe le consommateur d’une manière claire et apparente, et directement avant que le consommateur ne passe sa commande, des informations prévues à l’article 6, paragraphe 1, points a), e), o) et p).

Le professionnel veille à ce que le consommateur, lorsqu’il passe sa commande, reconna[isse] explicitement que celle-ci implique une obligation de payer. Si, pour passer une commande, il faut activer un bouton ou une fonction similaire, le bouton ou la fonction similaire porte uniquement la mention facilement lisible “commande avec obligation de paiement” ou une formule analogue, dénuée d’ambiguïté, indiquant que passer la commande oblige à payer le professionnel. Si le professionnel ne respecte pas le présent alinéa, le consommateur n’est pas lié par le contrat ou par la commande. »

Le droit allemand

9

L’article 312j, paragraphes 3 et 4, du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil, ci-après le « BGB ») dispose :

« (3) Pour les contrats [de consommation par voie électronique portant sur une prestation à titre onéreux fournie par le professionnel], le professionnel doit concevoir la situation de commande de manière à ce que le consommateur, lorsqu’il passe sa commande, reconnaisse explicitement qu’il se soumet à une obligation de payer. Lorsque la commande est passée au moyen d’un bouton, l’obligation du professionnel visée à la première phrase n’est satisfaite que dans le cas où le bouton porte uniquement la mention facilement lisible “commande avec obligation de paiement” ou une formule analogue, dénuée d’ambiguïté.

(4) Les contrats [de consommation par voie électronique portant sur une prestation à titre onéreux fournie par le professionnel] ne sont formés que si le professionnel satisfait à l’obligation qui lui incombe au titre du paragraphe 3. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

10

Fuhrmann-2 est une société de droit allemand qui est propriétaire de l’hôtel Goldener Anker à Krummhörn-Greetsiel (Allemagne). Les chambres de cet hôtel peuvent être louées, entre autres, par l’intermédiaire du site Internet www.booking.com, une plate-forme de réservation, entre autres, d’hébergements en ligne.

11

Le 19 juillet 2018, B., qui a la qualité de consommateur, a consulté ce site Internet pour rechercher des chambres d’hôtel à Krummhörn-Greetsiel pour la période allant du 28 mai 2019 au 2 juin 2019. Parmi les résultats de recherche affichés figuraient les chambres de l’hôtel Goldener Anker. B. a alors cliqué sur l’image correspondant à cet hôtel, ce qui a entraîné l’affichage des chambres disponibles ainsi que des informations supplémentaires relatives, entre autres, aux équipements et aux prix proposés par ledit hôtel pour la période choisie. Ayant décidé d’y réserver quatre chambres doubles, B. a, après avoir cliqué sur le bouton « je réserve », renseigné ses données personnelles ainsi que les noms des personnes l’accompagnant avant de cliquer sur un bouton portant la mention « finaliser la réservation ».

12

B. ne s’est pas présenté à l’hôtel Goldener Anker le 28 mai 2019.

13

Par courrier du 29 mai 2019, Fuhrmann-2 a, conformément à ses conditions générales, facturé des frais d’annulation à B. à hauteur de 2240 euros, en lui fixant un délai de cinq jours ouvrables pour régler ce montant. B. n’a pas versé la somme réclamée.

14

Fuhrmann-2 a saisi la juridiction de renvoi, l’Amtsgericht Bottrop (tribunal de district de Bottrop, Allemagne), en vue du recouvrement de cette somme. À l’appui de son recours, Fuhrmann-2 estime que B. a, par l’intermédiaire du site Internet www.booking.com, conclu avec elle un contrat d’hébergement portant sur plusieurs chambres de son hôtel pour la période comprise entre le 28 mai 2019 et le 2 juin 2019. Elle considère en particulier que la mention « finaliser la réservation », que l’exploitant de ce site Internet a choisi d’inscrire sur le bouton de réservation, satisfait à l’obligation prévue à l’article 312j, paragraphe 3, du BGB, lequel impose au professionnel de faire figurer sur le bouton de passation de commande la mention facilement lisible « commande avec obligation de paiement » ou une formule analogue dénuée d’ambiguïté. Dans ces conditions, B. serait tenu de lui verser une indemnité d’annulation à hauteur de 2240 euros.

15

La juridiction de renvoi expose que le succès de l’action en justice de Fuhrmann-2 dépend de la question de savoir si, au regard de la mention « finaliser la réservation » figurant sur le bouton de réservation du site Internet www.booking.com, il peut être considéré qu’il a été satisfait à l’obligation prévue à l’article 312j, paragraphe 3, du BGB, lequel transpose en droit allemand l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83. Dans l’affirmative, cela impliquerait, en vertu de l’article 312j, paragraphe 4, du BGB, qu’un contrat d’hébergement s’est valablement formé entre les parties et que Fuhrmann-2 est fondée à réclamer l’indemnité d’annulation.

16

La juridiction de renvoi précise qu’une autre juridiction allemande a jugé qu’il convenait de prendre en compte l’ensemble des circonstances qui entourent le processus de commande et, notamment, la conception de ce dernier afin de déterminer si une mention telle que celle utilisée par l’exploitant du site Internet www.booking.com constitue une formule analogue, dénuée d’ambiguïté, à la mention « commande avec obligation de paiement », visée à l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, deuxième phrase, de la directive 2011/83.

17

Au regard du libellé de cette disposition, la juridiction de renvoi doute cependant de l’approche retenue par cette juridiction allemande et tend à considérer qu’il doit résulter de la mention inscrite sur le bouton lui-même que, par l’activation de ce dernier, le consommateur a conscience de se soumettre à une obligation de paiement juridiquement contraignante. Or, dans le cadre de cette dernière approche, la juridiction de renvoi estime que le terme « réservation » figurant dans la mention « finaliser la réservation » n’est, dans le langage courant, pas nécessairement associé à l’obligation de payer une contrepartie financière, mais est également souvent utilisé comme synonyme de « retenir ou conserver gratuitement à l’avance ». Dès lors, il conviendrait de conclure que, en l’occurrence, l’obligation prévue à l’article 312j, paragraphe 3, deuxième phrase, du BGB n’a pas été satisfaite.

18

Dans ces conditions, l’Amtsgericht Bottrop (tribunal de district de Bottrop) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive [2011/83] doit-il être interprété en ce sens que, pour déterminer si un bouton ou une fonction similaire, dont l’activation fait partie d’un processus de commande dans le cadre d’un contrat à distance conclu par voie électronique, au sens du premier alinéa de cette disposition, et qui ne porte pas la mention “commande avec obligation de paiement”, porte une formule analogue, dénuée d’ambiguïté au sens de cette disposition, indiquant que passer la commande oblige à payer le professionnel, il convient de se fonder exclusivement sur la mention inscrite sur le bouton ou la fonction similaire ? »

Sur la question préjudicielle

19

Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens que, pour déterminer, dans le cadre d’un processus de commande relatif à la conclusion d’un contrat à distance par voie électronique, si une formule inscrite sur le bouton de commande ou sur une fonction similaire, telle que la formule « finaliser la réservation », est « analogue » à la mention « commande avec obligation de paiement », au sens de cette disposition, il convient de se fonder sur la seule mention figurant sur ce bouton ou cette fonction similaire ou bien s’il convient également de prendre en compte les circonstances entourant le processus de commande.

20

Il convient de relever, à titre liminaire, que les contrats à distance sont définis, en vertu de l’article 2, point 7, de la directive 2011/83, comme « tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ». Il en résulte qu’un contrat de service conclu entre un professionnel et un consommateur sur une plate-forme de réservation d’hébergements en ligne, telle que celle en cause au principal, relève de la notion de « contrat à distance » et partant, en l’absence d’application des exclusions prévues à l’article 3, paragraphes 2 à 4, de la directive 2011/83, du champ d’application de cette directive, tel qu’il est défini à l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci.

21

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 1er de la directive 2011/83, lu à la lumière de ses considérants 4, 5 et 7, cette directive vise à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en garantissant leur information et leur sécurité dans les transactions avec les professionnels. En outre, la protection des consommateurs dans les politiques de l’Union est consacrée à l’article 169 TFUE ainsi qu’à l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (arrêt du 10 juillet 2019, Amazon EU, C-649/17, EU:C:2019:576, point 39).

22

C’est au regard de cet objectif que l’article 8 de la directive 2011/83 impose au professionnel un certain nombre d’obligations formelles relatives aux contrats à distance, comme l’indique l’intitulé de cette disposition. Le paragraphe 2 de cet article prévoit ainsi différentes obligations qui incombent au professionnel lorsque, comme cela est le cas dans l’affaire au principal, le contrat à distance est conclu par voie électronique et s’accompagne d’une obligation de paiement pour le consommateur.

23

Selon l’article 8, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2011/83, le professionnel doit informer le consommateur d’une manière claire et apparente, directement avant que le consommateur ne passe sa commande, des informations prévues à l’article 6, paragraphe 1, sous a), e), o) et p), de cette directive et portant, en substance, sur les principales caractéristiques du bien ou du service concerné, sur le prix total, sur la durée du contrat ainsi que, le cas échéant, sur la durée minimale des obligations mises à la charge du consommateur.

24

L’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83 prévoit, quant à lui, que le professionnel doit veiller à ce que le consommateur, lorsqu’il passe sa commande, reconnaisse explicitement que celle-ci implique une obligation de payer. Cette disposition précise que, dans le cas où l’activation d’un bouton ou d’une fonction similaire est nécessaire pour passer la commande, le bouton ou la fonction similaire doit uniquement porter la mention facilement lisible « commande avec obligation de paiement » ou une formule analogue, dénuée d’ambiguïté, indiquant que le fait de passer la commande oblige le consommateur à payer le professionnel, faute de quoi ledit consommateur n’est pas lié par le contrat ou par la commande.

25

Il ressort des trois points précédents du présent arrêt que, lorsqu’un contrat à distance est conclu par voie électronique au moyen d’un processus de commande et s’accompagne d’une obligation de paiement pour le consommateur, le professionnel doit, d’une part, fournir à ce consommateur, directement avant la passation de la commande, les informations essentielles relatives au contrat et, d’autre part, informer explicitement ledit consommateur que, en passant la commande, ce dernier est tenu par une obligation de paiement.

26

S’agissant de cette dernière obligation, il ressort du libellé clair de l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, deuxième phrase, de la directive 2011/83 que le bouton de commande ou la fonction similaire doit porter une mention facilement lisible et dénuée d’ambiguïté indiquant que le fait de passer la commande oblige le consommateur à payer le professionnel. Si cette disposition mentionne la formule « commande avec obligation de paiement », il ressort aussi du libellé de celle-ci que cette dernière formule revêt un caractère exemplatif et que les États membres sont autorisés à admettre que le professionnel utilise toute autre formule analogue, à condition que celle-ci soit dénuée d’ambiguïté quant à la naissance de cette obligation.

27

Dès lors, dans le cas où, comme en l’occurrence, une réglementation nationale visant à transposer cette disposition ne contient pas, à l’instar de la directive elle-même, d’exemples précis de formules analogues, les professionnels sont libres de recourir à toute mention de leur choix, pourvu qu’il ressorte sans ambiguïté de cette mention que le consommateur est tenu par une obligation de paiement dès qu’il active le bouton de commande ou la fonction similaire.

28

Par ailleurs, il ressort tout aussi clairement du libellé de l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, deuxième phrase, de la directive 2011/83, lu en combinaison avec le terme « explicitement » visé à l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, première phrase, de celle-ci, que c’est le bouton ou la fonction similaire qui doit comporter la formule visée à cette disposition, de telle sorte que, compte tenu également de ce qui a été indiqué au point précédent du présent arrêt, seule la mention figurant sur ce bouton ou cette fonction similaire doit être prise en compte pour déterminer si le professionnel a satisfait à l’obligation qui lui incombe de veiller à ce que le consommateur, lorsqu’il passe sa commande, reconnaisse explicitement que celle-ci implique une obligation de paiement.

29

Cette interprétation est confortée par le considérant 39 de la directive 2011/83 dont les deux dernières phrases précisent que l’attention du consommateur doit spécialement être attirée, au moyen d’une formulation dénuée d’ambiguïté et, partant, sans aucune référence à une appréciation globale des circonstances, sur le fait que la passation de commande entraîne pour lui une obligation de paiement, de sorte qu’il peut ainsi déterminer de manière précise le moment où il contracte cette obligation.

30

Ladite interprétation est également corroborée par l’objectif poursuivi par la directive 2011/83, consistant à garantir un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information, ainsi qu’il ressort du point 21 du présent arrêt. En effet, il y a lieu de relever que la finalisation d’un processus de commande entraînant une obligation de paiement pour le consommateur est une étape fondamentale, en ce qu’elle implique que le consommateur accepte d’être lié non seulement par le contrat à distance, mais également par cette obligation. Dès lors, considérer que, par l’activation d’un bouton ou d’une fonction similaire, le consommateur devrait inférer des circonstances de ce processus qu’il s’engage à payer de manière contraignante alors que la mention figurant sur ce bouton ou cette fonction ne lui permet pas d’identifier de telles conséquences avec une certitude absolue reviendrait à porter atteinte à cet objectif.

31

Par ailleurs, si la Cour a jugé que, dans l’interprétation des dispositions de la directive 2011/83, il convient d’assurer, ainsi que l’énonce le considérant 4 de cette directive, un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises, tout en respectant la liberté d’entreprise de l’entrepreneur telle que consacrée à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2019, Amazon EU, C-649/17, EU:C:2019:576, point 44 et jurisprudence citée), il y a lieu de constater qu’une telle mise en balance n’est pas pertinente en l’occurrence, étant donné que la rédaction ou la modification d’une mention figurant sur un bouton ou une fonction de commande électronique n’implique aucune charge notable de nature à nuire à la compétitivité ou à la liberté d’entreprise des professionnels concernés.

32

Compte tenu des considérations exposées au point 26 du présent arrêt, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire au principal, la formule « finaliser la réservation » peut être considérée, en langue allemande, au regard des seuls termes utilisés par cette formule et indépendamment des circonstances entourant le processus de réservation, comme analogue à la mention « commande avec obligation de paiement » visée à l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83. Si cette vérification incombe exclusivement à la juridiction de renvoi, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut néanmoins, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans sa décision (arrêt du 3 février 2021, FIGC et Consorzio Ge.Se.Av., C-155/19 et C-156/19, EU:C:2021:88, point 59 et jurisprudence citée).

33

À cet égard, la juridiction de renvoi devra notamment vérifier si le terme « réservation » est, en langue allemande, tant dans le langage courant que dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, nécessairement et systématiquement associé à la naissance d’une obligation de paiement. Dans la négative, force serait de constater le caractère ambigu de l’expression « finaliser la réservation », de sorte que cette expression ne pourrait pas être considérée comme étant une formule analogue à la mention « commande avec obligation de paiement », visée à l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83.

34

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens que, pour déterminer, dans le cadre d’un processus de commande relatif à la conclusion d’un contrat à distance par voie électronique, si une formule inscrite sur le bouton de commande ou sur une fonction similaire, telle que la formule « finaliser la réservation », est « analogue » à la mention « commande avec obligation de paiement », au sens de cette disposition, il convient de se fonder sur la seule mention figurant sur ce bouton ou cette fonction similaire.

Sur les dépens

35

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 8, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, doit être interprété en ce sens que, pour déterminer, dans le cadre d’un processus de commande relatif à la conclusion d’un contrat à distance par voie électronique, si une formule inscrite sur le bouton de commande ou sur une fonction similaire, telle que la formule « finaliser la réservation », est « analogue » à la mention « commande avec obligation de paiement », au sens de cette disposition, il convient de se fonder sur la seule mention figurant sur ce bouton ou cette fonction similaire.

Signatures

Langue de procédure : l’allemand.


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