L’Association Habitat et Insertion a engagé des travaux de réhabilitation et a commandé des menuiseries à la société Descamps, sur la base d’un devis de mai 2017. La pose des menuiseries a échoué en raison de dimensions incorrectes, entraînant le refus de l’Association de payer la facture de 20 144,39 euros. En mars 2018, la société Descamps a assigné l’Association en justice pour obtenir le paiement de cette somme, ainsi que des dommages-intérêts pour résistance abusive. Le tribunal de Béthune a débouté la société de ses demandes et a condamné celle-ci à verser 1 500 euros à l’Association pour frais irrépétibles. La société Descamps a interjeté appel. Une expertise a été ordonnée, et le rapport a été déposé en mai 2023. Dans ses conclusions, la société a demandé la réformation du jugement et le paiement de la somme initiale, ainsi que des dommages-intérêts. L’Association a demandé la confirmation du jugement initial et des dommages-intérêts supplémentaires. La cour a finalement condamné l’Association à payer la somme de 20 144,39 euros à la société Descamps, tout en déboutant cette dernière de ses demandes de dommages-intérêts et en condamnant l’Association aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 12/09/2024
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N° de MINUTE :
N° RG 21/01072 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TO3M
Jugement (N° 18/01249)
rendu le 05 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Béthune
APPELANTE
La SAS Descamps [Localité 5]
prise en la personne de ses représentants domiciliés
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
Association Habitat & Insertion
prise en la personne de son président
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Edouard Dubout, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 02 avril 2024, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Véronique Galliot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024 après prorogation du délibéré en date du 29 août 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2024
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L’Association Habitat et Insertion (l’Association) a entrepris des travaux de réhabilitation, extension, démolition et reconstruction d’un logement à [Localité 7].
Elle a contacté la société Descamps [Localité 5] (la société Descamps) en vue de la livraison des menuiseries du lot « menuiseries extérieures et intérieures serrurerie ».
Après l’établissement de plusieurs devis, l’Association Habitat et insertion a passé commande sur la base d’un devis du 2 mai 2017 pour les logements AD [Cadastre 3] et AD [Cadastre 4] pour un montant de 16 003,87 euros TTC.
La pose des menuiseries n’a pas été possible en raison d’une absence de concordance des dimensions. L’Association Habitat et Insertion a de ce fait refusé de payer à la société Descamps [Localité 5] la facture n° 648259 d’un montant de 20 144,39 euros TTC.
Par acte d’huissier du 27 mars 2018, la société Descamps Béthune a fait citer l’Association Habitat et insertion devant le tribunal de grande instance de Béthune afin de la voir condamner à lui payer la somme de 20 144,39 euros, avec intérêts outre celle de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi que les frais irrépétibles.
Par jugement du 5 mai 2020, le tribunal judiciaire de Béthune a débouté la société Descamps Béthune de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée à payer à l’Association Habitat insertion la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, a débouté les parties du surplus de leurs prétentions, a dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire du jugement et a condamné la société Descamps Béthune aux dépens de l’instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 18 février 2021, la société Descamps a interjeté appel des chefs du jugement l’ayant déboutée de toutes ses demandes et l’ayant condamnée à payer à l’Association Habitat Insertion une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
Par arrêt avant dire droit du 07 juillet 2022, la cour a ordonné une expertise confiée à M. [V].
L’expert a déposé son rapport le 30 mai 2023.
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 09 juin 2023, la société Descamps [Localité 5] demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, de :
-Réformer la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de Béthune en date du 5 mai 2020 en ce qu’elle a débouté la société Descamps Béthune de ses demandes en paiement et l’a condamnée à 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens ;
-Débouter l’Association Habitat et Insertion de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
-Condamner l’Association Habitat et Insertion au paiement de la somme de 20 144,39 euros avec les intérêts au taux de 3 % à compter de l’échéance de la facture ;
-Condamner l’Association Habitat et Insertion au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
-Condamner l’Association Habitat et Insertion au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;
Y ajoutant en cause d’appel,
-Condamner l’Association Habitat et Insertion au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;
-Condamner l’Association Habitat et Insertion aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel ainsi qu’aux frais d’expertise et dont recouvrement au profit de Me Catherine Trognon-Lernon, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 août 2021, l’Association Habitat Insertion demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Descamps [Localité 5] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en dommages et intérêts et – condamner la société Descamps [Localité 5] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles
– la condamner aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 février 2024.
Sur la demande en paiement
La société Descamps fait valoir que l’Association est un professionnel du bâtiment ; que les parties se sont accordées sur le devis du 02 mai 2017 après de nombreux échanges, que le CCTP a certes été cité comme référence, mais il ne lui est pas opposable dès lors qu’elle n’est qu’un fournisseur et qu’on ne saurait donc soutenir pour rejeter sa demande que les menuiseries livrées ne sont pas conformes au CCTP. elle ajoute qu’elle a fait des propositions pour permettre l’adaptation des menuiseries aux ouvrages.
L’Association Habitat Insertion réplique que les menuiseries ne sont pas conformes aux cotes du CCTP qui ont été communiquées à la société Descamps, dès lors peu importe qu’elle ait signé le bon de livraison les menuiseries ne sont pas conformes à ce qui était exigé.
* * *
Aux termes de l’article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1104 précise que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En l’espèce, il est constant que l’Association a pour activité la construction de bâtiments dans le cadre de chantiers d’insertion et est donc un professionnel de la construction, en conséquence ne pèse pas sur la société Descamps une obligation de conseil et d’information, l’Association étant à même d’apprécier les caractéristiques des biens vendus.
Il est également constant que c’est l’Association qui s’est vue confier, par le maître de l’ouvrage, la réalisation du lot menuiseries sur le chantier de construction de logements à [Localité 7], elle devait donc respecter le CCTP établi par le maître d’oeuvre et devait dans le cadre des commandes passées s’assurer que les produits commandés répondaient au CCTP.
Il ne ressort d’aucun des échanges de correspondances entre l’Association et la société Descamps que le CCTP ait été intégré par l’Association dans le champ de ses relations contractuelles avec le fournissueur des menuiseries.
Par le courriel du 18 octobre 2016, l’Association a transmis le CCTP à M. [O] de la société Descamps à titre d’information, pour lui permettre de présenter une offre de prix.
La suite des échanges entre la société Descamps et l’Association montre que le projet a évolué entre les parties sans qu’il ne soit plus fait référence au CCTP.
C’est ainsi que plusieurs devis ont été adressés à l’Association, le 10 novembre 2016 et le 14 novembre 2016, le 29 novembre 2016, le 17 février 2017, le 06 mars 2017, celle-ci n’a formulé aucune observation sur les dimensions des menuiseries alors qu’elles apparaissent clairement sur les devis.
En février 2017, la société Descamps a modifié son offre en raison d’une modification des maçonneries, celles-ci devant être prévues avec des volets roulants pour coffre demi-linteau. Le 28 février 2017, M. [O] de la société Descamps a adressé des plans de réservations pour les châssis, attirant l’attention sur les dimensions de la menuiserie.
C’est finalement un devis du 02 mai 2017 qui a été accepté par l’Association et a donné lieu à la livraison du 15 septembre 2017 acceptée sans réserve.
L’ Association produit un courrier du maître d’oeuvre, le cabinet Arko-Lys indiquant avoir refusé les menuiseries en raison de ce qu’elles présentaient une dimension inférieure à ce qui était prévu.
Il ressort du rapport de M. [V], expert judiciaire, que bien que les dimensions des menuiseries diffèrent du CCTP, celles-ci pouvaient parfaitement être mises en place, moyennant recours à un procédé d’adaptation; l’expert indiquant dans ses conclusions « les menuiseries sont compatibles, leur éviction s’apparente à un gaspillage éhonté, pour chacun des éléments, y compris pour les références 1-2-3-5 qui auraient pu bénéficier de cornières Louineau, par précaution. Ces compléments étant alors garantis étanches par leur collage et leur recouvrement, par les coulisses de volets roulants. »
L’Association était seule tenue par les termes du CCTP éventuellement modifié par le maître d’oeuvre. Il lui appartenait, alors qu’elle a été en pourparlers pendant plusieurs mois avec le fournisseur et s’est vu proposer différents devis, de s’assurer que les dimensions des menuiseries correspondaient à l’attente du maître d’oeuvre et du maître de l’ouvrage.
Elle a accepté le devis puis la livraison des menuiseries sans formuler aucune réserve et ne peut démontrer que le fournisseur aurait pas manqué à ses obligations, elle doit être tenue au paiement de la facture soit 20 144,39 euros TTC, le jugement sera infirmé.
La société Descamps sollicite que cette condamnation soit assortie des intérêts au taux de 3 % à compter de l’échéance de la facture. Ni le devis, ni la facture ne font mention du paiement d’intérêts au taux de 3 % à titre de clause pénale, la société Descamps sera déboutée de cette demande, il convient en revanche de dire que la condamnation portera intérêt au taux légal à compter du 27 mars 2018, date de l’assignation.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Le jugement étant infirmé et l’Association condamnée au paiement de l’indemnité sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
La société Descamps sollicite de son côté une indemnité de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, mais ne développe aucun moyen à l’appui de cette prétention, aucun préjudice n’étant invoqué, elle sera déboutée de cette demande.
Sur les demandes accessoires,
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile, l’Association sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise et il sera fait application au profit de Me Trognon Lernon des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’Association Habitat et Insertion sera en outre condamnée à payer à la société Descamps une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour l’ensemble de la procédure.
La cour
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté l’Association Habitat Insertion de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau
Condamne l’Association Habitat et Insertion à payer la somme de 20 144,39 euros TTC à la société Descamps [Localité 5] avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2018,
Déboute la société Descamps [Localité 5] de ses demandes de dommages et intérêts et de condamnation de l’Association a payé un intérêt de 3 % à compter de l’échéance de la facture,
Y ajoutant
Déboute l’Association Habitat Insertion de sa demande d’indemnité de procédure,
Condamne l’Association Habitat Insertion aux dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais d’expertise,
Dit qu’il sera fait application au profit de Me Trognon Lernon des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne l’Association Habitat Insertion à payer à la société Descamps [Localité 5] une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille