Contrôle de l’URSSAF PACALa SARL [5] a été soumise à un contrôle par l’URSSAF PACA concernant l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. Ce contrôle a abouti à une lettre d’observations datée du 19 novembre 2018. Mise en demeure et contestationLe 11 mars 2019, une mise en demeure a été adressée à la SARL [5] pour le recouvrement d’un montant de 87 158 euros, correspondant aux cotisations sociales et majorations de retard. En réponse, la SARL [5] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille le 13 novembre 2019 pour contester le rejet de la Commission de recours amiable, qui avait confirmé le redressement. Demandes des partiesLors de l’audience, la SARL [5] a demandé l’annulation du redressement et de la mise en demeure, tandis que l’URSSAF PACA a soutenu la régularité de la procédure de contrôle et a demandé la confirmation du redressement ainsi que le paiement de la somme due. Examen des frais professionnelsLe tribunal a examiné le chef n° 2 concernant les frais professionnels non justifiés. Selon le code de la sécurité sociale, les avantages en nature ou en argent doivent être soumis à cotisations, sauf pour les frais professionnels justifiés. L’inspecteur a constaté que les indemnités forfaitaires de déplacements attribuées aux ouvriers portugais n’étaient pas justifiées, car ces derniers étaient logés gratuitement. Arguments de la SARL [5]La SARL [5] a soutenu que ses salariés, résidant au Portugal, ne pouvaient pas regagner leur domicile chaque jour et devaient donc bénéficier des indemnités de grand déplacement. L’entreprise a affirmé que les conditions pour l’exonération de cotisations étaient remplies. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que la SARL [5] n’avait pas prouvé l’existence de frais supplémentaires de double résidence. En conséquence, le redressement et les majorations de retard ont été maintenus. La SARL [5] a été déboutée de ses demandes et condamnée à payer la somme de 87 158 euros à l’URSSAF PACA. Conclusion et appelLe tribunal a déclaré le recours de la SARL [5] recevable mais mal fondé, et a condamné la société aux dépens de l’instance. Il a également précisé que tout appel devait être formé dans un délai d’un mois suivant la notification de la décision. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les bases légales du redressement opéré par l’URSSAF PACA ?Le redressement opéré par l’URSSAF PACA repose principalement sur l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que : « Tout avantage en nature ou en argent alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations ; à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel. » Cet article établit le principe selon lequel les cotisations sociales s’appliquent à tous les avantages fournis par l’employeur, sauf pour les frais professionnels justifiés. En complément, l’arrêté du 20 décembre 2002 précise les conditions d’indemnisation des frais professionnels. Selon l’article 1 de cet arrêté : « Les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions. » Ainsi, pour qu’une indemnité soit exonérée de cotisations, l’employeur doit prouver que les frais engagés par le salarié sont effectivement liés à son activité professionnelle. Quels sont les critères d’exonération des indemnités de grand déplacement ?Les critères d’exonération des indemnités de grand déplacement sont définis par l’article 5 de l’arrêté du 20 décembre 2002, qui stipule que : « Lorsqu’aucune déduction forfaitaire spécifique n’est appliquée et que les circonstances de fait sont établies, les allocations forfaitaires de grand déplacement en métropole sont présumées utilisées conformément à leur objet et donc exonérées de cotisations, lorsqu’elles ne dépassent pas les limites fixées par les textes en vigueur. » Pour qu’un salarié soit considéré en grand déplacement, deux conditions doivent être remplies : 1. La distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement doit être d’au moins 50 kilomètres (trajet aller). 2. Les transports en commun ne doivent pas permettre de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (trajet aller). Dans le cas de la SARL [5], l’inspecteur a constaté que les ouvriers portugais étaient logés gratuitement, ce qui remet en question leur statut de grand déplacement. Quels éléments doivent être fournis par l’employeur pour justifier les frais professionnels ?Pour justifier les frais professionnels, l’employeur doit produire des justificatifs clairs et précis, comme le stipule l’article 2 de l’arrêté du 20 décembre 2002 : « L’indemnisation des frais professionnels s’effectue : 1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l’employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. 2° Soit sur la base d’allocations forfaitaires ; l’employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l’utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. » Dans le cas présent, la SARL [5] n’a pas réussi à prouver que ses salariés engageaient des frais supplémentaires de double résidence, ce qui a conduit à la réintégration des indemnités dans l’assiette des cotisations. Quelles sont les conséquences d’un jugement défavorable pour la SARL [5] ?Les conséquences d’un jugement défavorable pour la SARL [5] sont multiples. Selon le jugement, la SARL est : 1. Déboutée de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions. 2. Condamnée à payer à l’URSSAF PACA la somme de 87 158 euros au titre de la mise en demeure du 11 mars 2019. 3. Condamnée aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que : « La partie perdante est condamnée aux dépens. » De plus, la SARL doit être consciente que tout appel de la décision doit être formé dans un délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément à l’article 538 du Code de procédure civile, sous peine de forclusion. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
JUGEMENT N°24/04477 du 14 Novembre 2024
Numéro de recours: N° RG 19/06484 – N° Portalis DBW3-W-B7D-W6IK
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.R.L. [5]
domiciliée : chez C/O BUROXIA
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Jorge MENDES CONSTANTE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Mathilde EXTREMET, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par madame [V] [Y], Inspecteur de l’organisme, munie d’un pouvoir régulier,
DÉBATS : À l’audience publique du 26 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : DEPARIS Eric, Vice-Président
Assesseurs : PFISTER Laurent
MARTOS Francis
L’agent du greffe lors des débats : DESCOMBAS Pierre,
L’agent du greffe lors du délibéré : COULOMB Maryse,
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Novembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
La SARL [5] a fait l’objet d’un contrôle portant sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires sur la période courant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, par un inspecteur du recouvrement de l’Union de Recouvrement pour la Sécurité Sociale et les Allocations Familiales de Provence-Alpes-Côte d’Azur (ci-après URSSAF PACA), qui s’est traduit par une lettre d’observations en date du 19 novembre 2018.
Une mise en demeure n° 64523187 a été délivrée le 11 mars 2019 à l’encontre de la SARL [5] en vue du recouvrement de la somme de 87 158 euros au titre des cotisations sociales et majorations de retard dues pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.
Par requête expédiée le 13 novembre 2019, la SARL [5], a saisi, par le biais de son conseil, le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020, aux fins de contester la décision explicite de rejet de la Commission de recours amiable rendue le 26 juin 2019 et notifiée le 17 octobre 2019 maintenant le chef de redressement n° 2.
Après une phase de mise en état, l’affaire a été retenue à l’audience du 26 juin 2024.
Par voie de conclusions soutenues oralement par son conseil, la SARL [5] demande au tribunal de :
annuler le redressement contesté ;annuler la mise en demeure adressée à la SARL [5] datée du 11 mars 2019 pour un montant de 87 158 euros.
L’URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique soutenant oralement ses conclusions, demande pour sa part au tribunal de :
dire et juger que la procédure de contrôle est régulière ;confirmer le redressement opéré ;dire et juger que les chefs de redressement contestés sont justifiés en leur entier, dans leur principe et leur montant ;valider le redressement notifié à la SARL [5] ;confirmer la décision explicite de rejet de la Commission de recours amiable du 26 juin 2019 ;confirmer le bien-fondé du chef de redressement n° 2 tant dans son principe que dans son montant ;valider la mise en demeure du 11 mars 2019 dans son principe et son montant ;A titre reconventionnel,
condamner la SARL [5] au paiement de la somme de 87 158 euros soit 81 024 euros au titre des cotisations et contributions sociales et 6 134 euros au titre des majorations de retard ;rejeter toutes les autres demandes et prétentions de la SARL [5].
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux observations et conclusions des parties à l’audience, reprenant l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 14 novembre 2024.
Sur le chef n° 2 : Frais professionnels non justifiés – principes généraux – 87 158 euros ;
En vertu de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, tout avantage en nature ou en argent alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations ; à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.
En application de l’article 1 de l’arrêté du 20 décembre 2002, « les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions.
Les sommes à déduire de l’assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés (…) »
En application de l’article 2 de l’arrêté du 20 décembre 2002, « l’indemnisation des frais professionnels s’effectue :
1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l’employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;
2° Soit sur la base d’allocations forfaitaires ; l’employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l’utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9. ».
Enfin, en application de l’article 5 du même arrêté, lorsqu’aucune déduction forfaitaire spécifique n’est appliquée et que les circonstances de fait sont établies (salarié empêché de regagner sa résidence pour des raisons professionnelles et ainsi exposé à des frais supplémentaires de nourriture et de logement), les allocations forfaitaires de grand déplacement en métropole sont présumées utilisées conformément à leur objet et donc exonérées de cotisations, lorsqu’elles ne dépassent pas les limites fixées par les textes en vigueur.
L’allocation forfaitaire n’est réputée utilisée conformément à son objet que si elle est exclusive de toute autre forme d’indemnisation par l’employeur des dépenses de même nature. Le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller) ;et les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (trajet aller).
En l’espèce, l’inspecteur du recouvrement a constaté l’attribution d’indemnités forfaitaires de déplacements internationaux, d’un montant de 30 euros par jour, aux ouvriers portugais employés par la SARL [5], alors que ceux-ci sont logés gratuitement par l’entreprise dans des résidences hôtelières situées à proximité des chantiers sur lesquels ils travaillent. L’inspecteur a ainsi considéré que les conditions d’attribution de cette indemnité n’étaient pas réunies et a procédé à la réintégration des montants correspondants dans l’assiette des cotisations et contributions sociales, à l’exclusion des paniers repas.
La SARL [5] conteste ce point en soutenant que l’hébergement provisoire de ses salariés dans des chambres d’hôtel ou des logements meublés ne correspond pas à leur résidence habituelle qui se situe au Portugal, les adresses des résidences où logent les salariés ne constituant pas leur lieu de résidence effectif.
L’employeur considère que ses salariés étrangers doivent pouvoir bénéficier des indemnités de grand déplacement, exonérées de cotisations sociales dans la mesure où :
la résidence principale des salariés est établie à l’étranger ;
le déplacement entre leur résidence principale et leur lieu de travail en France est supérieur à 50 kilomètres d’une part, et la distance ne peut être parcourue en transport en commun pour une durée inférieure à 1h30 (trajet aller) d’autre part ;
les salariés concernés engagent des frais supplémentaires engendrés par leur double résidence.
La SARL [5] fait valoir qu’il est impossible pour les salariés de regagner chaque jour leur résidence habituelle située au Portugal.
Pour soustraire les sommes versées de l’assiette des cotisations sociales, l’employeur doit justifier du fait que le salarié ne pouvant regagner chaque jour sa résidence principale engage des frais de double résidence.
Or, lorsque l’ouvrier étranger est logé gratuitement par l’entreprise à proximité de celle-ci, ou lorsqu’il ne dispose d’aucune résidence métropolitaine déclarée à l’embauche, il ne peut être considéré comme étant en grand déplacement dès lors qu’il n’engage aucun frais supplémentaire de double résidence, même s’il est en situation de déplacement.
Au surplus, l’empêchement pour le salarié de regagner son domicile doit être en lien avec son activité professionnelle, et ne peut résulter d’une simple convenance personnelle, sauf à priver d’effet le principe édicté par l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
Il ne peut être considéré qu’un salarié étranger, acceptant un contrat de travail en France, conserve son lieu habituel de résidence à l’étranger pour d’autres motifs que de pure convenance personnelle, et qu’une telle situation ne peut être analysée comme un grand déplacement.
Faute de production d’un quelconque élément tendant à établir l’existence de frais supplémentaires de double résidence, rien ne permet de justifier les indemnités versées, les seules affirmations de la société [5] dans ses conclusions ne suffisant pas à y satisfaire.
Il s’ensuit que les conditions d’exonérations édictées par les dispositions précitées ne sont pas réunies, et que la SARL [5] devra être déboutée de sa contestation à ce titre.
En conséquence, le redressement opéré de ce chef ainsi que les majorations de retard doivent être maintenus dans leur principe comme leur montant.
Au regard de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de débouter la requérante de son recours, et de maintenir le redressement pour la somme de 87 158 euros soit 81 024 euros au titre des cotisations sociales et 6.134 € au titre des majorations de retard pour les années 2016 et 2017.
Les dépens de la présente instance seront mis à la charge de la SARL [5], partie perdante, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe et en premier ressort ;
DÉCLARE recevable, mais mal fondé, le recours introduit par la SARL [5] à l’encontre de la décision explicite de rejet de la Commission de recours amiable de l’URSSAF PACA relative à la mise en demeure n° 64523187 du 11 mars 2019 d’un montant de 87 158 euros au titre du redressement opéré pour les années 2016 et 2017 ;
DÉBOUTE la SARL [5] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNE la SARL [5] à payer à l’URSSAF PACA la somme de 87 158 euros au titre de la mise en demeure du 11 mars 2019 ;
CONDAMNE la SARL [5] aux dépens de l’instance, en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile ;
DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l’article 538 du code de procédure civile.
L’AGENT DE GREFFE LE PRÉSIDENT