Contexte de l’AffaireM. [G] [B] et Mme [Z] [K] ont interjeté appel d’un jugement rendu le 4 avril 2023. Ils contestent la décision qui les a déboutés de leur demande d’annulation des actes de cautionnement et qui a condamné les appelants à payer des sommes à la société la Brasserie [Localité 7]. Demandes des AppelantsDans leurs conclusions déposées le 30 mai 2024, M. [G] [B] et Mme [Z] [K] demandent à la cour d’infirmer le jugement en question, d’annuler les cautionnements souscrits en garantie du prêt et de l’aide au développement accordés à la société la Taverne du Château, et de débouter la Brasserie [Localité 7] de toutes ses demandes. Arguments des AppelantsLes appelants soutiennent que les mentions manuscrites des cautionnements ne respectent pas les prescriptions légales, notamment en ce qui concerne la clarté des engagements et la conformité aux exigences de l’article L341-2 du code de la consommation. Ils affirment également que les cautionnements étaient manifestement disproportionnés à leurs revenus et patrimoine respectifs. Réponse de la Brasserie [Localité 7]La société la Brasserie [Localité 7] a demandé la confirmation du jugement initial et a également sollicité la condamnation des appelants à payer des frais d’appel. Elle conteste les arguments des appelants concernant la nullité des cautionnements et la disproportion de leurs engagements. Décisions de la CourLa cour a confirmé que les actes de cautionnement relatifs au prêt pour travaux étaient valides, mais a infirmé le jugement concernant les cautionnements liés à l’aide au développement, les déclarant nuls. La Brasserie [Localité 7] a été déboutée de sa demande de paiement à ce titre. Sur la Disproportion des EngagementsLa cour a examiné les arguments des appelants concernant la disproportion de leurs engagements de caution. Elle a constaté que les appelants n’avaient pas fourni de preuves suffisantes pour établir que leurs engagements étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus au moment de leur souscription. Obligation d’Information AnnuelleConcernant l’obligation d’information annuelle des cautions, la cour a jugé que la Brasserie [Localité 7] était un créancier professionnel et qu’elle n’avait pas respecté son obligation d’informer les cautions, ce qui a conduit à la déchéance des intérêts échus. Dispositions AccessoiresLes dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ont été confirmées, les appelants étant condamnés à payer des frais d’appel à la Brasserie [Localité 7]. Conclusion de la CourLa cour a statué en faveur des appelants concernant la nullité des cautionnements liés à l’aide au développement, tout en confirmant d’autres aspects du jugement initial. Les appelants ont été condamnés à payer des frais d’appel à la Brasserie [Localité 7]. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
NLG
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 08 Mars 2023
RG n° 22/00772
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2024
APPELANTS :
Monsieur [G] [B]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [Z] [K]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Renan DROUET, avocat au barreau de CAEN,
Assistés de Me Anthony BEM, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. LA BRASSERIE [Localité 7]
N° SIRET : 455 502 088
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 7]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Jean-Jacques SALMON, substitué par Me Philippe SALMON, avocats au barreau de CAEN,
Assistée de Me Eric DHORNE, avocat au barreau de SAINT-OMER
DEBATS : A l’audience publique du 1er juillet 2024, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 24 octobre 2024 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
*
* *
Le 30 juillet 2012, la SAS La taverne du château, exploitant une activité de bar brasserie, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Caen.
M. [G] [B] en était le président et Mme [Z] [K] la directrice générale.
Par acte sous seing privé du 5 février 2013, la SAS La taverne du château a souscrit un prêt auprès du CIC Nord Ouest d’un montant de 184.175 euros pour une durée de 84 mois au taux de 7,50% afin de financer des travaux du fonds de commerce.
La société Brasserie [Localité 7] s’est portée caution du bon remboursement de ce prêt en contrepartie de l’approvisionnement exclusif de la SAS La taverne du château en bières.
M. [G] [B] et Mme [Z] [K] se sont portés caution du remboursement du prêt au profit de la société Brasserie [Localité 7] dans la limite de la somme de 184.175 euros.
Parallèlement, suivant acte sous seing privé du 17 juin 2013, la société Brasserie [Localité 7] a octroyé à la société La taverne du château une aide au développement d’un montant de 35.000 euros, cette aide étant assortie d’une convention de fourniture exclusive. Au terme du même acte, M. [B] et Mme [K] se sont chacun portés caution du remboursement des sommes qui ne seraient pas amorties dans le cadre du contrat de 100 HI/an pendant 7 ans dans la limite de 35.000 euros.
Par jugement en date du 30 octobre 2013, tribunal de commerce de Caen a ouvert au bénéfice de la société La taverne du château une procédure de redressement judiciaire et a désigné Me [C] [I] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 6 juin 2017, le tribunal de commerce de Caen a prononcé la résolution du plan de redressement judiciaire et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société La taverne du château.
Le 17 juin 2017, la société Brasserie [Localité 7] a déclaré ses créances auprès de maître [I], ès qualités, pour les sommes de :
– 160.073,58 euros au titre du prêt consenti par le CIC,
– 26.230 euros au titre des sommes non amorties sur l’aide au développement.
Par lettres recommandées avec avis de réception du 23 janvier 2018, M. [G] [B] et Mme [Z] [K] ont été mis en demeure de rembourser sous quinzaine :
– la somme de 160.073,58 euros due au titre de leur engagement de caution relatif au prêt de 184.175 euros accordé par la SA CIC Nord Ouest à la SAS La taverne du château ;
– la somme de 26.230 euros due au titre de leur engagement de caution relatif au solde non amorti de l’aide au développement accordée à la SAS La taverne du château.
Ces mises en demeure sont restées sans effet.
Par actes d’huissier de justice du 24 janvier 2022, la SAS Brasserie Saint-Omer a assigné M. [G] [B] et Mme [Z] [K] devant le tribunal de commerce de Caen.
Par jugement du 8 mars 2023, le tribunal de commerce de Caen a :
– débouté M. [G] [B] et Mme [Z] [K] de leur demande de nullité de cautionnement ;
– dit que la société Brasserie [Localité 7] peut se prévaloir des engagements de caution de M. [G] [B] et Mme [Z] [K] ;
– condamné solidairement M. [G] [B] et Mme [Z] [K] à payer à la société Brasserie [Localité 7] la somme de 160.073,58 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 23/01/2018 et ce, dans la limite de la somme de 184.175 euros chacun ;
– condamné solidairement M. [G] [B] et Mme [Z] [K] à payer à la société Brasserie [Localité 7] la somme de 26.230 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 23/01/2023 et ce, dans la limite de la somme de 35.000 euros chacun ;
– ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, à compter du prononcé du jugement ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– débouté La Brasserie [Localité 7] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ,
– dit que M. [G] [B] et Mme [Z] [K] pourront s’acquitter de leurs dettes moyennant 23 échéances mensuelles de 100 euros et une 24ème échéance pour solde de tout compte, la première échéance devant intervenir le 10 du mois suivant la signification du présent jugement et les suivantes au même quantième du mois ,
– dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à son terme, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible
– rappelé que le jugement suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier, et que les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le tribunal ;
– condamné solidairement M. [G] [B] et Mme [Z] [K] à payer à la société Brasserie [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné solidairement M. [G] [B] et Mme [Z] [K] aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s’élevant à la somme de 93,58 euros, dont TVA 15,60 euros.
Par dernières conclusions au fond déposées le 30 mai 2024, M. [G] [B] et Mme [Z] [K] demandent à la cour de :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a déboutés de leur demande d’annulation des actes de cautionnements, dit que la Brasserie [Localité 7] pouvait se prévaloir des cautionnements, les a condamnés à paiement, ordonné la capitalisation des intérêts, les a condamnés au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– Juger que les mentions manuscrites des cautionnements souscrits en garantie du bon remboursement du prêt et de l’aide au développement par M. [G] [B] et Mme [Z] [K] ne sont pas conformes aux prescriptions légales ;
En conséquence,
– Annuler les cautionnements souscrits par M. [G] [B] et Mme [Z] [K] en garantie du bon remboursement du prêt et de l’aide au développement accordés à la société la Taverne du Château ;
– Débouter la société la Brasserie [Localité 7] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
– Juger que les cautionnements souscrits par M. [G] [B] et Mme [Z] [K] en garantie du bon remboursement du prêt et de l’aide au développement accordés à la société la Taverne du Château étaient manifestement disproportionnés à leurs revenus et patrimoine respectifs au moment de leurs conclusions,
En conséquence :
– Déclarer inopposables à M. [G] [B] et Mme [Z] [K] les cautionnements souscrits en garantie du bon remboursement du prêt et de l’aide au développement accordés à la société la Taverne du Château ;
A titre infiniment subsidiaire :
– Juger que la société la Brasserie [Localité 7] ne rapporte pas la preuve de l’information des cautions annuellement depuis la conclusion des engagements de caution solidaire et jusqu’à ce jour ;
– Juger que la société la Brasserie [Localité 7] ne rapporte pas la preuve de l’information des cautions sur les incidents de paiements intervenus depuis la conclusion des engagements de caution solidaire et jusqu’à ce jour ;
– Juger que le contrat d’aide au développement assorti d’une convention de fourniture exclusive enregistrée le 17 juin 2013 ne porte aucune mention s’agissant d’intérêts conventionnels ;
En conséquence,
– Prononcer la déchéance du droit de la société la Brasserie [Localité 7] aux intérêts échus et intérêts ou pénalités de retard, conventionnels ou légaux ;
– Débouter la société la Brasserie [Localité 7] de ses demandes de condamnation au paiement des intérêts échus, des pénalités et des intérêts de retard, conventionnels ou légaux ;
En tout état de cause :
– Confirmer le jugement pour le surplus ;
– Condamner la société la Brasserie [Localité 7] à payer à M. [G] [B] et Mme [Z] [K] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société la Brasserie [Localité 7] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions au fond déposées le 7 août 2023, la SAS Brasserie [Localité 7], demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris,
Y ajoutant,
– Condamner M. [G] [B] et Mme [Z] [K] à payer la somme de 2.000 euros en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [G] [B] et Mme [Z] [K] aux entiers frais et dépens de l’instance y compris d’appel.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 5 juin 2024.
Par ordonnance du 20 juin 2024, la présidente de chambre a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formulée par l’intimée.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Il sera relevé que les conclusions déposées par l’intimée le 6 juin 2023 soit après l’ordonnance de clôtures sont irrecevables.
Sur la nullité des actes de cautionnement
Selon l’article 2292 ancien du code civil applicable à la cause, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
Selon l’article L341-2 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. »
Les appelants soutiennent que les actes de cautionnement ne respectent pas les formalités prescrites par l’article L341-2 du code de la consommation dès lors que :
– concernant le cautionnement du prêt pour travaux, l’acte de cautionnement de M. [B] n’est pas daté et n’indique pas son lieu de signature, le montant du cautionnement n’est pas apparent,les actes de cautionnements ne visent pas le bon article pour fonder la solidarité, les cautions s’engagent à rembourser les sommes à la caution et non au débiteur principal ;
– concernant le cautionnement de l’aide au développement, les mentions écrites diffèrent des prescriptions légales, la somme n’étant pas écrite en toutes lettres dans l’acte signé par M. [B], aucune mention ne précise ce que la somme garantie couvre ni que la caution s’engage à rembourser les sommes sur ses revenus et ses biens propres et aucune renonciation aux bénéfices de division et de discussion n’est stipulée.
Les appelants font valoir que l’ensemble de ses anomalies entache la compréhension que les cautions ont pu avoir de la nature et de la portée de leurs engagements.
L’intimée indique que les cautions ont parfaitement compris l’étendue de leurs engagements, les mentions ne contenant aucune complexité de nature à altérer la compréhension de leur engagement.
Concernant le cautionnement du prêt assorti d’une convention de fournitures
L’engagement de caution de M. [B], annexé au contrat de prêt qu’il a conclu pour le compte de la société La taverne du château, est signé.
L’absence de date n’est pas une cause de nullité (Cass. Com 15 mai 2019, n°17-28.875) pas plus que ne l’est l’absence d’indication du lieu de signature.
Il sera relevé qu’il est mentionné dans l’acte de caution les dates des première et dernière échéances de remboursement du prêt et la durée du cautionnement.
Le montant cautionné est précisé et repris dans la mention manuscrite en chiffres et en lettres, mention manuscrite qui reprend les exigences des dispositions du code de la consommation.
La caution déclare renoncer expressément au bénéfice de division et de discussion et deux textes sont visés à ce sujet à savoir l’article applicable à la date de l’engagement soit l’article 2298 du code civil dans les dispositions préimprimées et l’ancien article 2021 du code civil dans la mention manuscrite.
Il s’agit de l’ancienne numérotation du même texte, ce qui n’a pu affecter la compréhension de leur engagement par les cautions.
Par ailleurs, le cautionnement est donné au profit de la Brasserie de [Localité 7] qui s’est portée caution du débiteur principal étant précisé qu’on peut se rendre caution non seulement du débiteur principal mais encore de celui qui l’a cautionné et qu’aucune confusion n’apparaît à ce titre ni dans l’acte de prêt ni dans les actes de cautionnement.
Il s’en déduit que les cautionnements souscrits au titre du prêt relatif aux travaux établissent avec certitude la volonté de s’engager des cautions, les arguments soulevés par les appelants n’étant pas de nature à influer sur la compréhension des cautions du sens et de la portée de leur engagement.
Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu’il a retenu que les actes de cautionnement souscrits par M. [B] et Mme [K] garantissant le prêt accordé pour les travaux ne sont pas nuls.
Concernant le cautionnement relatif au contrat d’aide au développement
La mention écrite par les cautions est la suivante : ‘En me portant caution de la SAS La taverne du château dans la limite de 35.000 euros (trente cinq mille euros), je m’engage à rembourser à la brasserie de [Localité 7] les sommes qui ne seraient pas amorties dans le cadre du contrat de 100HL/an pendant 7 ans.’
Il apparaît que cette mention manuscrite n’est pas conforme aux exigences de l’article L341-2 du code de la consommation en ce qu’elle ne précise pas que la caution s’engage à rembourser les sommes dues sur ses revenus et ses biens.
Cette omission affecte à elle seule le sens et la portée de la mention quant à l’assiette du gage du créancier qui n’est pas précisée.
Les engagements de caution souscrits par M. [B] et Mme [K] sont donc nuls.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens et la Brasserie [Localité 7] sera déboutée de sa demande en paiement formée à ce titre.
Sur la disproportion du contrat de prêt assorti d’une convention de fournitures
Selon l’article L341-4 ancien du code de la consommation applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
M. [B] et Mme [K] soutiennent que leur engagement de caution était disproportionné au moment de leur engagement, que la Brasserie [Localité 7] est bien un créancier professionnel de telle sorte qu’ils sont fondés à invoquer les dispositions de l’article L341-4 du code de la consommation, que c’est à la Brasserie [Localité 7] de rapporter la preuve du retour à meilleure fortune lors de l’engagement des poursuites.
La Brasserie [Localité 7] soutient qu’elle n’est pas un créancier professionnel au sens du code de la consommation dès lors que son objet est la fabrication de bière et que de surcroît elle n’était pas créancière au moment des engagements de caution.
Elle indique qu’en tout état de cause, les appelants ne rapportent pas la preuve d’une disproportion manifeste de leurs engagements à la date de leurs souscriptions à défaut de justifier de leur patrimoine et qu’ils ne justifient pas de leurs situations financières au moment où ils ont été appelés en paiement.
Il résulte de l’article L341-4 susvisé que le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale. (Com., 21 juin 2023, pourvoi n°21-24.691)
En l’espèce, la société Brasserie [Localité 7] s’est portée caution du prêt de 184.175 euros octroyé par la CIC Nord Ouest à la SAS La taverne du château en contrepartie de l’engagement de cette dernière de se fournir auprès de la Brasserie [Localité 7] pendant 7 ans.
Le sous cautionnement de M. [B] et de Mme [K] a donc été obtenu dans le cadre des activités professionnelles de la société Brasserie [Localité 7] étant précisé que l’obligation de garantie de la Brasserie [Localité 7] a pris naissance à la date à laquelle le débiteur principal a contracté sa dette et que l’obligation de la sous-caution, qui a pour objet de garantir la caution non pas contre le risque auquel cette dernière est exposée de devoir payer le créancier à la place du débiteur principal défaillant mais contre celui de ne pas pouvoir obtenir du débiteur principal le remboursement des sommes qu’elle a payées pour son compte en exécution de son propre engagement, prend naissance à la même date et couvre l’intégralité de ces sommes, peu important la date de leur exigibilité (Com., 9 février 2022, pourvoi n°19-21.942), de telle sorte que la Brasserie [Localité 7] avait bien la qualité de créancière.
Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions de l’article L341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement de caution par rapport à ses biens et à ses revenus.
La preuve de ce que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, lui permet de faire face à son obligation repose sur l’établissement financier.
En l’espèce, aucune fiche patrimoniale n’a été remplie par les cautions.
M. [B] justifie avoir déclaré pour l’année 2012 un revenu de 54.770 euros outre des salaires taxés au quotient à hauteur de 114.994 euros.
Il ressort de l’acte notarié du 5 septembre 2012 que dans le cadre de la cession du fonds de commerce à la société La taverne du château, il s’est engagé comme caution solidaire pour sûreté de la somme de 520.000 euros, étant précisé que le contrat de prêt avec engagement de caution au profit de la Brasserie [Localité 7] a été enregistré le 4 février 2013.
M. [B] indique qu’il ne disposait d’aucun patrimoine.
Il a pour autant déclaré pour l’année 2012 les intérêts d’un prêt habitation principale.
Or, il ne justifie aucunement de la valeur de son bien immobilier pas plus que de l’absence de toute épargne notamment par une attestation de sa banque.
Dès lors, il y a lieu de constater que M. [B] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la disproportion manifeste de son engagement de caution.
Mme [K] a déclaré en 2012 des revenus d’un montant de 42.851 euros.
Elle était mariée sous le régime de la séparation de biens.
Il ressort de l’acte notarié du 5 septembre 2012 que dans le cadre de la cession du fonds de commerce à la société La taverne du château, elle s’est engagée comme caution solidaire pour sûreté de la somme de 520.000 euros, étant précisé que le contrat de prêt avec engagement de caution au profit de la Brasserie [Localité 7] a été enregistré le 4 février 2013.
Mme [K] était propriétaire en indivision d’une maison avec son époux.
Cette maison a été évaluée lors du divorce de l’intéressée en décembre 2014 à la somme de 220.000 euros (pièce 10 des appelants) et celle-ci a perçu à cette date une soulte de 81.400 euros correspondant au montant de ses droits, soit 37% de la valeur de la maison.
L’avis d’imposition 2013 sur les revenus 2012 fait apparaître une déclaration de revenus de capitaux mobiliers.
Mme [K] ne justifie donc pas de l’absence de toute épargne au moment de son engagement.
Dès lors, elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la disproportion manifeste de son engagement de caution.
Dès lors, à défaut pour les cautions de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de leurs engagements respectifs à la date de ceux-ci, la Brasserie [Localité 7] est bien fondée à se prévaloir des cautionnements de M. [B] et de Mme [K] souscrits en garantie du prêt assorti d’une convention de fournitures.
Sur l’information annuelle des cautions
Sur le fondement de l’article L341-6 du code de la consommation, les appelants sollicitent la déchéance de tous les intérêts échus depuis la date de conclusion de leurs engagements faisant valoir que la Brasserie [Localité 7], créancier professionnel, n’a pas respecté son obligation d’information annuelle.
La Brasserie [Localité 7] conteste pouvoir être qualifiée de créancier professionnel et soutient que seule la banque était en mesure d’informer annuellement les appelants du montant de la dette.
Selon l’article L341-4 du code de la consommation dans sa version applicable à la cause, le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.
La preuve de l’exécution de l’obligation incombe au créancier.
Cette information est due jusqu’à l’extinction de la dette.
Comme exposé ci-dessus, la Brasserie [Localité 7] doit être considérée comme un créancier professionnel.
La Brasserie [Localité 7] était donc soumise à l’obligation d’information annuelle de la caution étant précisé que la banque était soumise à son égard à la même obligation et que la Brasserie [Localité 7] disposait donc des informations visées par l’article précité.
La Brasserie ne conteste pas que l’obligation d’information annuelle de la caution n’a pas été remplie.
Elle ne peut donc réclamer le paiement des pénalités et intérêts de retard.
Le jugement entrepris, non contesté par la Brasserie [Localité 7], sera confirmé en ce qu’il a condamné solidairement les appelants au paiement de la somme de 160.073,58 euros correspondant au capital restant dû (pièces 3 et 4 de l’intimée) avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018, date de la mise en demeure de payer, et ce dans la limite de 184.175 euros chacun.
La capitalisation des intérêts sera confirmée, les intimés ne présentant aucun moyen à l’appui de leur demande d’infirmation du jugement sur ce point.
Il est relevé que la disposition du jugement déboutant la Brasserie [Localité 7] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive n’a pas fait l’objet d’un appel de telle sorte que cette décision est définitive.
Sur les dispositions accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, exactement appréciées, seront confirmées.
Les appelants, qui succombent à titre principal, seront condamnés solidairement aux dépens d’appel, à payer à la Brasserie [Localité 7] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et seront déboutés de leur demande formée à ce titre.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et dans les limites de l’appel ;
Constate que les conclusions de l’intimée déposées le 6 juin 2024 sont irrecevables ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M.[G] [B] et Mme [Z] [K] de leur demande de nullité des cautionnements souscrits en grantie de l’aide au développement et en ce qu’il a condamné solidairement M. [G] [B] et Mme [Z] [K] à payer à la société Brasserie [Localité 7] la somme de 26.230 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2023 et ce dans la limite de 35.000 euros chacun ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit que les cautionnements souscrits par M. [G] [B] et par Mme [Z] [K] le 17 juin 2013 en garantie de l’aide au développement sont nuls ;
Déboute la société Brasserie [Localité 7] de sa demande en paiement à ce titre ;
Condamne solidairement M. [G] [B] et par Mme [Z] [K] à payer à la Brasserie [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Déboute M. [G] [B] et par Mme [Z] [K] de leur demande formée à ce titre ;
Condamne solidairement M. [G] [B] et par Mme [Z] [K] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY