SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mars 2022
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 276 F-D
Pourvoi n° J 20-17.591
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 MARS 2022
M. [U] [G], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 20-17.591 contre l’arrêt rendu le 11 mars 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l’opposant :
1°/ à l’AGS CGEA Île-de-France Est, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [E] [N], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Syed Rashid,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [G], après débats en l’audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2020) et les productions, M. [G],
se prévalant d’un contrat de travail conclu avec la société Syed Rashid, société par actions simplifiées à associé unique (SASU), immatriculée au RCS sous le numéro 797640547, a saisi la juridiction prud’homale pour contester un licenciement notifié le 16 juillet 2015 et obtenir paiement de diverses sommes.
2. La SASU Syed Rashid a soulevé l’incompétence du conseil de prud’hommes en raison de l’inexistence du contrat de travail.
3. Cette société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 mai 2016, M. [N] étant désigné en qualité de liquidateur.
4. Le conseil de prud’homes ayant, par jugement du 20 octobre 2016, admis l’existence d’un contrat de travail et condamné la société SASU Syed Rashid au paiement de diverses sommes, l’AGS-CGEA Ile de France-Est, a formé tierce opposition afin de contester la qualité de salarié de M. [G], en invoquant l’existence de deux sociétés Syed Rashid ayant le même dirigeant, le même siège social et deux numéros de RCS différents, l’une, la société n° 797640547, créée le 9 septembre 2013 avec un commencement d’activité à cette date et une immatriculation au 7 octobre 2013 et liquidée le 11 mai 2016, l’autre, la société n° 524695640, créée le 3 septembre 2010.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [G] fait grief à l’arrêt de déclarer recevable la tierce opposition et d’infirmer le jugement du 12 avril 2018 ayant mis à la charge de l’employeur diverses indemnités et des dommages-intérêts en lien avec la rupture de son contrat de travail, et de le débouter de l’ensemble de ses demandes, alors :
« 1° / que d’une part, en cas de changement d’employeur, l’article L. 1224-1 du code du travail impose un transfert automatique des contrats qui se poursuivent avec le repreneur impérativement et immédiatement au jour de la cession et ce, sans qu’aucune formalité ne soit requise, aucune information des salariés concernés n’étant imposée aux employeurs successifs ; qu’au cas présent, selon la cour d’appel, le contrat de travail de M. [G] a été signé avec la société Syed Rashid dont le numéro RCS est 524695640 ; il résulte par ailleurs du relevé de carrière de M. [G] qu’en 2013, il a été déclaré comme salarié de la société Syed Rashid dont le numéro RCS est 524695640 et par la société Syed Rashid dont le numéro RCS est 797640547, et a, par la suite, continué à être déclaré comme salarié de cette même société n° 797640547 en 2014 et en 2015 ; qu’ainsi le transfert du contrat de travail de M. [G] de la société Syed Rashid n° 524695640 à la société Syed Rashid n° 797640547 s’étant effectué automatiquement sans que le salarié en soit nécessairement averti, la cour d’appel ne pouvait retenir l’inexistence d’un contrat de travail en considérant que la création d’une nouvelle entreprise par le même gérant n’avait aucune incidence sur la poursuite de ce contrat de travail, sans violer le texte susvisé ;
2°/ que, d’autre part, il résulte de l’article L. 1221-1 du code du travail que c’est à celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail apparent de rapporter la preuve de son caractère fictif ; qu’au cas présent, la preuve de l’inexistence d’un contrat de travail était à la charge de l’AGS à laquelle il appartenait ainsi de démontrer l’absence de lien de subordination et l’absence de transfert du contrat de travail ; qu’ainsi la cour d’appel, qui considère qu’aucun élément ne démontre l’existence d’un lien de subordination et que le salarié ne « démontre aucune modification dans la situation juridique de l’employeur et que la création d’une nouvelle entreprise par le même gérant n’a aucune incidence sur la poursuite de l’activité de la société signataire du contrat de travail de M. [G] et par voie de conséquence sur la poursuite de ce contrat de travail » a inversé la charge de la preuve en violation de l’article susvisé. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir constaté que M. [G] produisait un contrat de travail signé avec la société Syed Rashid, immatriculée au RCS sous le numéro 524695640, ainsi que des bulletins de salaire portant le même numéro et un relevé de carrière mentionnant le versement de cotisations par cette société, la cour d’appel en a déduit que ces éléments établissaient l’existence d’un contrat de travail apparent entre cette société et M. [G].
7. Elle a ensuite estimé qu’il n’était nullement démontré que ce contrat de travail avait été transféré à la société Syed Rashid, immatriculée sous le numéro 797640547, la création de cette société, le 9 septembre 2013, n’ayant aucune incidence sur la poursuite de l’activité de la société signataire du contrat de travail, de sorte que M. [G] était salarié de la société Syed Rashid inscrite sous le numéro 524695640 et non de la société Syed Rashid inscrite sous le numéro 797640547.
8. Elle a, enfin, retenu que la production de bulletins de salaires, édités avec le numéro de la seconde société, ne pouvait suffire à démontrer l’existence d’un nouveau contrat de travail entre M. [G] et cette société, laquelle avait indiqué, ainsi que cela résulte du jugement du 20 octobre 2016, que M. [G] était l’associé et non le salarié de cette nouvelle société.
9. De l’ensemble de ces éléments, la cour d’appel, sans inverser la charge de la preuve, a pu déduire que le caractère fictif du contrat de travail était établi.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.