Conflits entre associés : décision du 7 mars 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/07661

Conflits entre associés : décision du 7 mars 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/07661

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 07 MARS 2024

N° 2024/161

Rôle N° RG 23/07661 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLNOT

[U] [M] veuve [Y]

[D] [R] [Y]

S.C.I. [I]

C/

S.E.L.A.R.L. [18]

Société SCP [B] [X]

[O] [Y]

S.E.L.A.R.L. [10]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Christophe DELMONTE de la SCP IMAVOCATS

Me Sandra JUSTON

Me Karine DABOT RAMBOURG

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 13 juillet 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01853.

APPELANTS

Madame [U] [M] veuve [Y]

née le [Date naissance 4] 1940 à [Localité 37], demeurant [Adresse 9]

Monsieur [D] [Y]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 34], demeurant [Adresse 9]

S.C.I. [I]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 8]

représentés par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistés de Me Cédric PUTIGNY-RAVET, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

Madame [O] [Y]

née le [Date naissance 7] 1969 à [Localité 34] demeurant [Adresse 40]

représentée par Me Sandra JUSTON susbtituée par Me SIMON THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Michel MONTAGARD de l’AARPI MONTAGARD & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, plaidant

PARTIES INTERVENANTES

SCP [B] [X]

intervenante volontaire

prise en la personne de Me [V] [X], ès qualités de mandataire successoral à la succession de monsieur [D] [Y], désignée à ces fonctions suivant jugement rendu le 10 février 2023 par le tribunal judiciaire de Nice

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Christophe DELMONTE de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON, plaidant

S.E.L.A.R.L. [18]

intervenante forcée

représentée par Me [C] [T] ès qualités d’administrateur provisoire de la SCI [19]

dont le siège social est situé [Adresse 5]

représentée par Me Karine DABOT RAMBOURG, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Quentin MATHIEU, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

S.E.L.A.R.L. [10]

intervenante forcée

prise en la personne de Maître [E] [A], ès qualités d’administrateur judiciaire à l’indivision successorale de madame [O] [Y]et monsieur [D] [Y]

nommé à ces fonctions en remplacement de la SELARL [18], par jugement du Tribunal Judiciaire d’Avignon du 20 décembre 2022

dont le siège social est situé [Adresse 3]

représentée par Me Karine DABOT RAMBOURG, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Quentin MATHIEU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 30 janvier 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme NETO, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 mars 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société civile Immobilière (SCI) [19], qui a été immatriculée le 7 juin 1995, est propriétaire de biens immobiliers faisant partie d’un ensemble immobilier dénommé les résidences du [23], comportant sept copropriétés, situé [Adresse 8], au sein duquel est exploité le [23] de [Localité 12], détenu par la société anonyme (SA) [24], elle-même détenue majoritairement par la famille [Y].

Ces sociétés ont été constituées par feu [D] [Y] qui, à son décès le [Date décès 6] 2002, a laissé pour lui succéder :

– Mme [U] [M] veuve [Y], conjointe survivante ;

– [G] [Y], sa fille ;

– [O] [Y], sa fille ;

– [D] [R] [Y], son fils.

Un partage partiel successoral est intervenu, suivant acte notarié en date 12 décembre 2006, qui désintéresse Mme [G] [Y] de ses droits dans la succession par attribution et soulte.

Aux termes des statuts mis à jour au 21 décembre 2009, le capital social de la société [19] comporte 100 parts réparties de la manière suivante :

– Mme [U] veuve [Y] est usufruitière de 60 parts et propriétaire de 10 parts ;

– Mme [O] [Y] est nue propriétaire de 30 parts et propriétaire de 15 parts ;

– M. [D] [Y] est nu propriétaire de 30 parts et propriétaire de 15 parts ;

– la succession de feu [D] [Y] est propriétaire de 60 parts.

Depuis le décès de [D] [Y], son défunt époux, Mme [U] veuve [Y] est la gérante de la société [19], tandis que M. [D] [Y], son fils, est le président directeur général de la société [24]. Mme [O] [Y] était en charge de la supervision du secrétariat juridique de la société [19] et des autres sociétés familiales.

Invoquant une paralysie de la SCI [19] dans un contexte successoral très litigieux, soit des circonstances rendant impossible son fonctionnement normal et la menaçant de péril imminent, Mme [O] [Y] l’a fait assigner, par actes d’huissier en date du 10 novembre 2021, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, ainsi que Mme [U] [Y] et M. [D] [Y], aux fins de voir, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, désigner un administrateur provisoire de la société avec mission de se substituer à la gérante et d’exercer les pouvoirs dévolus par la loi et les statuts au gérant.

Etait partie à cette procédure Me [C] [T], membre de la SELARL [18], agissant en qualité d’administrateur provisoire à l’indivision successorale des nus propriétaires, Mme [O] [Y] et M. [D] [Y], à la suite de sa désignation par ordonnance initiale en date du 4 novembre 2019 rendue par le président du tribunal judiciaire d’Avignon.

Par ordonnance contradictoire en date du 13 juillet 2022, ce magistrat a :

– désigné en qualité d’administrateur provisoire de la SCI [19] la SELARL [18], prise en la personne de Me [C] [T], administrateur judiciaire, avec mission de gérer activement et passivement ladite société, conformément aux dispositions légales et statutaires, en lieu et place de la gérante, Mme [U] [Y] née [M] ;

– dit qu’il devra rendre annuellement compte de sa gestion au président du tribunal judiciaire de Grasse ou à son délégataire et solliciter la taxation de ses honoraires et émoluments conformément aux dispositions légales présidant à la rémunération des administrateurs judiciaires ;

– condamné in solidum la SCI [19], Mme [U] [Y] et M. [D] [R] [Y] aux dépens de l’instance ;

– débouté Mme [O] [Y], la SCI [19], Mme [U] [Y], M. [D] [R] [Y] et la SELARL [18] de leur demande formée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé que la désignation d’un administrateur judiciaire chargé d’un mandat général de gestion constituait une mesure exceptionnelle destinée à remédier à une situation de crise aig’e de nature à paralyser le fonctionnement de la société et à mettre gravement en péril les intérêts sociaux, il a estimé que ces deux conditions cumulatives étaient remplies en l’espèce.

Il a relevé que les pièces produites par Mme [O] [Y] établissaient notamment que :

– l’ensemble immobilier de la société [19] n’était pas valorisé, certains locaux n’étant pas loués et d’autres étant occupés par la société [24], avec ou sans aucun contrat de bail écrit, à titre gratuit ou onéreux mais sans aucune révision des loyers, et par des tiers sans aucune révision des loyers et renouvellement des baux ;

– les associés de la société [19] étaient en conflit, Mme [U] [Y] étant à la fois gérante de cette société et présidente du conseil d’administration de la société [24], ce qui a conduit la cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt en date du 16 mars 2020, a confirmé la décision ayant désigné un administrateur provisoire de l’indivision [Y] avec pour mission d’administrer et de veiller à ses intérêts ainsi que de la représenter, en demande et en défense devant les tribunaux, laquelle mission a été prorogée à plusieurs reprises avec des actions menées en justice par l’administrateur provisoire, et notamment celle en nullité de la convention de location-gérance faute d’avoir été autorisée en assemblée générale extraordinaire de la société [24] ;

– Mme [O] [Y] avait été en litige avec la gérante de la société [19], la cour d’appel d’Aix-en-Provence ayant, par arrêt du 10 juin 2021, condamné ladite société à régler à Mme [O] [Y] la somme provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur le remboursement de son compte courant ;

– Mme [U] [Y] avait fait preuve d’une carence délibérée en s’abstenant de répondre depuis plusieurs années, de manière complète, aux interrogations de Mme [O] [Y] et à celles de l’administrateur de l’indivision successorale sur l’état des actifs et la gestion des baux, tel que cela résulte des différents courriers versés aux débats, entraînant le rejet des résolutions soumises aux assemblées générales ;

– Mme [O] [Y] s’en remettait, pour la gestion de la société [19] à la société [24] de [Localité 12] et à la société [13], locataire gérant, lesquelles n’hésitaient pas à s’immiscer dans le fonctionnement de la société [19], faisant observer que la société [24] de [Localité 12] a racheté la créance du compte courant d’associé de M. [D] [Y] pour un montant de 295 330,46 euros alors que cette société n’est pas associée de la société [19], que cette dernière n’a pas la trésorerie suffisante pour régler cette dette et que M. [D] [Y] a informé sa soeur de son projet de céder ses parts sociales détenues dans la société [19] au profit de la société [13] pour un prix de 1 768 922 euros ;

– au 31 décembre 2020, Mme [U] [Y], qui reconnaissait avoir perçu directement les loyers destinés à la société, avait une dette de 537 008,42 euros, représentant plus de la moitié du bilan de la société, ramenée par la suite à la somme de 345 354,84 euros ;

– le chiffre d’affaires de la société avait baissé, comme étant passé de 145 215 euros en 2018 à 83 839 euros en 2020, avec des charges de copropriété qui ne sont pas réglées par la société [24], outre des locaux non loués ou loués mais sans révision des loyers.

Il a donc considéré, qu’indépendamment de l’opposition grave entre les associés, en désaccord permanent, entravant le fonctionnement normal de la société [19], le péril imminent était caractérisé par l’absence de préservation et de valorisation de ses actifs sociaux, par une gestion faite dans l’intérêt du groupe [13] et par l’immixtion de celui-ci dans une société familiale, par l’intermédiaire de la société [24] qu’il contrôlait, en imposant le maintien d’une situation locative contraire à l’intérêt social et en se faisant octroyer une créance sur la société aux lieu et place de la société dont il envisageait d’acquérir les parts dans son intérêts exclusif, de sorte que l’atteinte à l’intérêt social était caractérisée.

Il a indiqué que les administrateurs judiciaires qui avaient déjà été désignés n’avaient pas vocation à gérer la société [19] aux lieu et place de la gérante et que la désignation de la SELARL [18], qui est déjà l’administrateur provisoire de l’indivision existant entre Mme [O] [Y] et M. [D] [Y], en tant qu’administrateur provisoire de la société [19] n’était pas contraire aux intérêts de la société dès lors qu’un associé pouvait toujours être désigné en tant que gérant.

Suivant déclaration transmise au greffe le 21 juillet 2022, la société [19], Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions en intimant Mme [O] [Y] et Me [C] [T] de la SELARL [18] pris en sa qualité d’administrateur provisoire de l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et de M. [D] [Y].

Par requête en date du 29 juillet 2022, ils ont sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe. Cette requête sera rejetée par ordonnance en date du 29 juillet 2022.

Par ordonnance en date du 23 septembre 2022, l’affaire a été fixée à l’audience du 9 mai 2023 avec une clôture de l’instruction fixée au 12 avril précédent.

Par arrêt en date du 9 mai 2023, l’affaire a fait l’objet d’un retrait du rôle avant d’être réinscrite au rôle des affaires en cours à la demande de Mme [O] [Y] par conclusions transmises le 30 mai 2023.

Par exploit d’huissier en date du 5 juin 2023, la société [19], Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] ont assigné en intervention forcée Me [E] [A] de la SELARL [10], en tant qu’administrateur provisoire à l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et M. [D] [Y], désigné par jugement en date du 20 décembre 2022 par le tribunal judiciaire d’Avignon en remplacement de la SELARL [18].

Aux termes de conclusions transmises le 22 juin 2023, Me [V] [X] de la SCP [B] [X], agissant en tant que mandataire successoral avec pour mission d’administrer provisoirement la succession de M. [D] [Y], désigné par jugement en date du 10 février 2023 par le tribunal judiciaire de Nice, est intervenue volontairement à la procédure.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises le 15 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, la société [19], Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de :

– débouter, à titre principal, Mme [O] [Y] et la SELARL [18], prise en la personne de Me [C] [T], ès qualités, et tout autre concluant, de leur demande de désignation d’un administrateur provisoire de la société [19], et les débouter de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– cantonner, à titre subsidiaire, la mission de l’administrateur provisoire à la seule représentation de la société [19] dans le cadre de la procédure initiée contre Mme [U] [Y], selon acte introductif d’instance du 27 octobre 2023, pendante devant le tribunal judiciaire de Nice ;

– désigner, à titre infiniment subsidiaire, en lieu et place de la SELARL [18], tout autre administrateur judiciaire qu’il plaira à la cour de nommer ;

– condamner, en tout état de cause, in solidum Mme [O] [Y] et la SELARL [18], prise en la personne de Me [C] [T], ès qualités, à leur verser, à chacun, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Ils affirment que les deux conditions requises pour pouvoir procéder à la désignation d’un administrateur provisoire ne sont pas remplies.

Tout d’abord, ils soulignent qu’une telle nomination n’est pas une mesure destinée à permettre aux minoritaires d’une société de défendre leurs intérêts, quelle que soit l’importance des intérêts en conflit. Ils relèvent que le fonctionnement de la société n’est pas paralysé dès lors qu’elle est valablement représentée par une gérante en exercice et que les assemblées générales des associés se réunissent régulièrement pour délibérer conformément à la loi et aux statuts sur convocation de la gérante. Ils considèrent donc que l’antagonisme entre la gérante majoritaire et une associée minoritaire ne permet pas de justifier la désignation sollicitée.

Ensuite, concernant le fonctionnement anormal de la société, ils relèvent qu’il résulte de l’article 1855 du code civil que la gérante n’est pas tenue de répondre aux demandes incessantes d’une associée qui n’agit que par pure intention belliqueuse. Ils exposent que Mme [O] [Y] a été destinataire, chaque année, des documents sociaux et qu’elle était parfaitement informée de la situation de la société. Ils indiquent n’être en rien responsable de l’abstention de Me [T] lors de l’assemblée générale pour l’approbation des comptes de l’exercice de 2019 et soulignent que le défaut d’approbation des comptes d’une société ne justifie pas la désignation d’un administrateur provisoire. Ils relèvent que les comptes de l’exercice 2020 ont été soumis lors de l’assemblée générale du 17 février 2022 après plusieurs reports dus à l’absence de Me [T]. Ils démentent toute immixtion d’autres sociétés dans le fonctionnement de la société [19]. Ils notent que la société [24] est détenue à 75 % par la famille [Y], dont Mme [O] [Y], de sorte qu’elle n’a aucun intérêt à porter atteinte à la société [19], faisant observer qu’elle n’a jamais chercher à recouvrer sa créance, à l’inverse de Mme [O] [Y] qui a cherché à obtenir le remboursement de son propre compte courant d’associée d’un montant de 257 789,45 euros. Ils exposent également que le projet de cession de M. [D] [Y] ne porte aucun préjudice à la société [19] étant donné que Mme [O] [Y] a pu refuser de donner son agrément. Ils démentent le fait que Mme [U] [Y] aurait autorisé la société [13], lors du contrat de location-gérance, à utiliser de nouveaux locaux, sans bail ni loyer, le seul engagement ayant été pris lors de l’assemblée générale du 24 juillet 2020 (résolution n°22) étant de maintenir les baux dont bénéficie la société [24] en l’état, ce qui est courant et non attentatoire aux intérêts de la société [19].

En outre, concernant l’absence de péril imminent, ils relèvent que la baisse du chiffre d’affaires n’est pas la conséquence d’une difficulté de gestion mais résulte de la mise en liquidation judiciaire d’un locataire, la société [38], titulaire d’un bail d’un local conclu le 1er juin 2014 et expirant le 31 mai 2023 pour un loyer annuel de 42 000 euros, charges et taxes en sus, laquelle a cessé de régler ses loyers à compter du mois de septembre 2019 avant de restituer les locaux le 30 novembre 2021, l’arriéré locatif s’élevant à près de 100 000 euros. Ils exposent que, s’agissant des autres locaux commerciaux, seules des caves qui se trouvent dans les immeubles [16], [17], [26] et [21] sont vides, outre le fait que les magasins occupés par la société [25] se trouvant dans l’immeuble [26] ont été entièrement rénovés, à ses frais, pour un montant de près de 320 000 euros. Ils relèvent que le retard pris dans le paiement des charges ne s’est produit qu’à une seule reprise en 20 ans et s’explique par des erreurs d’acheminement par le syndic des appels de fonds, faisant observer que Me [T] était également en retard dans le paiement des appels de charges. Ils indiquent que Mme [U] [Y] a remboursé sur son compte courant d’associé plus de 353 000 euros depuis 2019, de sorte qu’elle n’est plus que débitrice de 193 000 euros.

Enfin, ils soulignent que la société ne fonctionne plus normalement depuis la désignation de l’administrateur provisoire qui n’entreprend aucune démarche pour trouver un nouveau locataire concernant les locaux qui étaient loués à la société [38], sachant que les candidats qui ont été trouvés par eux-mêmes n’ont pas été acceptés par Mme [O] [Y] sans aucune raison valable. Ils relèvent également qu’aucune assemblée générale n’a été convoquée pour approuver les comptes de l’exercice 2021. Dans tous les cas, ils soulignent que Me [T], en tant que représentant de l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et M. [D] [Y], a été remplacé par Me [A], en raison de difficultés liées à sa désignation, d’un exercice chaotique de sa mission et des procédures judiciaires initiées, de sorte qu’il ne peut être désigné en tant qu’administrateur provisoire de la société [19].

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 15 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, Mme [O] [Y] sollicite de la cour qu’elle :

– déclare irrecevables et mal fondés les appelants en leur appel ;

– déclare irrecevables les conclusions prises par Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] pour le compte de la société [19] qui ne peut être représentée devant la cour que par Me [T], agissant ès qualités ;

– confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise, sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles ;

– déboute les appelants de leurs demandes ;

– condamne les appelants in solidum à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance ;

– les condamne in solidum à lui verser la somme de 10 000 euros sur le même fondement pour les frais exposés en appel ;

– les condamne aux entiers dépens.

Elle soutient que les conditions sont remplies pour la désignation d’un administrateur provisoire.

Concernant les circonstances rendant impossible le fonctionnement anormal de la société, elle se prévaut tout d’abord d’une carence délibérée de la gérance.

Elle souligne que sa mère vote au sein de la société pour son propre compte comme détenant 10 parts et pour le compte de l’indivision successorale qui détient 60 parts, de sorte qu’elle assure, en tant que gérante, la gestion quotidienne de la société, et exerce le contrôle des assemblées générales ordinaires. Elle relève que, depuis 2019, sa mère gère la société dans l’intérêt exclusif du groupe [15], comme le démontrent les actes signés par cette dernière et son frère à partir du mois de juin 2019. Elle expose que ces derniers ont envisagé de vendre à la société [25] leurs parts sociales, représentant 25 %, pour un prix de 3 776 183,20 euros, sous plusieurs conditions, parmi lesquelles la conclusion d’un contrat de location-gérance d’une durée initiale de 21 ans, renouvelable, de la nomination de quatre membres du groupe [15] au conseil d’administration de la société [25], de la cession de 33 % du capital de la société [36] et la décision du conseil de réaliser une opération immobilière sur les jardins du [23] en bordure de la croisette. Elle souligne qu’un contrat de location-gérance a été consenti le 13 septembre 2019 par la société [25] à la société [13] portant sur le fonds de commerce d’hôtel-restaurant, et ce, alors même que les loyers ne sont pas en adéquation avec la valeur locative des biens, certains étant même occupés à titre gratuit, et que seule la société [25] sera tenue des augmentations éventuelles de loyers et/ou des loyers qui pourraient être réclamés concernant les biens occupés à titre gratuit, de sorte que le contrat de location-gérance a été conclu au détriment des consorts [Y], propriétaires des murs donnés à bail à l’hôtel et de ceux de la société [19], étant donné qu’il dévalorise les actifs immobiliers. Elle relève que, le 27 septembre 2019, 33 % des parts sociales de la société [36] ont été vendues au groupe [15]. Elle souligne que plusieurs promesses de cession ont été signé le 27 septembre 2019 en faveur du même groupe portant sur des droits immobiliers dépendant de la succession dans le périmètre du [23] et de la nue-propriété et de l’usufruit des parts sociales de la société [19] et des actions de la société [25] dépendant de la succession, le tout avec des conditions suspensives stipulées au seul bénéfice du groupe qui seule peut y renoncer, ce qui paralysent les droits de sa soeur et de son frère. Elle note qu’un pacte d’actionnaires a été signé par sa mère et son frère avec le groupe [13] le 27 septembre 2019 en présence des sociétés [25], [28] et la société [19], sans qu’elle n’en soit informée avant le mois d’octobre 2023, aux termes duquel ils se sont engagés à voter favorablement au sein des trois sociétés à toutes les délibérations dictées par le groupe [13] pendant une durée de 21 ans, renouvelable. Elle fait observer que la société [19] est intervenue pour que soient maintenues en vigueur les conditions des baux et qu’elle s’interdise de vendre les actifs immobiliers dont elle est propriétaire.

Elle se prévaut d’une gestion défaillante en ce que sa mère refuse de s’expliquer sur l’état des actifs et la gestion des baux en n’apportant aucune réponse à ses courriers des 8 novembre 2018, 21 janvier 2019, 20 juillet 2019 et 17 décembre 2020 en vue notamment des assemblées générales des 22 juillet 2019 et 10 mars 2021 après report. Elle indique que Me [T], ne disposant pas plus d’informations, a rejeté les comptes présentés au titre de l’année 2019 et a refusé de donner quitus à la gérante pour sa gestion en s’abstenant. Elle souligne que sa mère viole son droit d’information étant donné qu’elle ne lui communique pas les documents sociaux et ne répond pas à ses questions et que, alertée de la nécessité de préserver les droits de la société, elle ne fait rien.

Elle expose que sa mère a abandonné la gestion entre les mains de la société [25] et du locataire-gérant, la société [13], qui contrôle la première. Elle souligne que sa mère est intervenue au contrat de location gérance pour garantir que les baux ne fassent l’objet d’aucune modification de quelque nature que ce soit, s’agissant notamment des conditions financières qui y sont stipulées, et que l’occupation et l’exploitation des lieux se poursuivent sans qu’il y soit apporté la moindre modification. Ce faisant, elle indique que sa mère ne fera rien pour gérer les actifs de la société dans le respect de l’intérêts social mais qu’elle est, au contraire, prête à autoriser la société [13], locataire gérante de la société [25], à occuper de nouveaux locaux sans aucun bail ni loyer, et ce, pendant 42 ans. Elle souligne que tout cela n’a été fait que pour servir les seuls intérêts de sa mère et son frère dès lors qu’il s’agissait d’une condition essentielle à la cession de leurs actions au sein de la société [25]. Par ailleurs, dans ses rapports avec la copropriété, elle souligne que sa mère laisse exercer ses droits de gérante de la société [19] par M. [L], directeur du [23] et salarié de la société [13], qui se présent seul aux assemblées générales de la copropriété [26], aux côtés de M. [S], directeur général de la société [25], et collaborateur direct de M. [N], maître de l’affaire de [13], de sorte que sa mère laisse M. [L] approuver des résolutions contraires à l’intérêt social de la société [19], ce qui est le cas de la résolution n° 22 de l’assemblée générale du 24 juillet 2020 qui autorise le renouvellement annuel du contrat de concession portant sur l’occupation des 26 parkings de la société [19] sans aucune contrepartie financière.

Elle insiste sur la situation locative qui ne cesse de se dégrader en l’absence de révision des loyers, de recouvrement des charges des loyers et des charges de copropriété impayés, de biens occupés gratuitement, et pour certains sans aucun bail écrit, faisant observer que les 16 caves dont se prévalent les appelants sont des locaux d’une superficie pouvant représenter 100 m2 transformés en salles d’archives comptables et/ou de stockage et occupés par la société [25] sans aucune contrepartie financière.

Elle se prévaut d’une immixtion des sociétés [13] et [25] dans le fonctionnement de la société en ce que la société [25] a racheté la créance en compte courant d’associé de M. [D] [Y] pour un montant de près de 300 000 euros alors qu’elle n’est même pas l’associée de la société [19], ce qui est contraire à l’objet social de la société [25] et risque de mettre en péril la société [19] qui accuse un résultat de moins de 35 000 euros au titre de l’exercice 2020. Elle souligne que dans les comptes du 31 décembre 2022, cette dette a été ramenée à celle de près de 75 000 euros, ce qui peut expliquer le non-paiement des loyers entre les mains de l’administrateur. De même, elle relève que son frère lui a transmis, le 7 décembre 2020, son projet de céder ses parts dans la société [19] en sollicitant son agrément au profit de la société [13] pour un montant de près de 1 800 000 euros, ce qui démontre que la société [13] cherche à prendre une participation dans la société [19], qui est familiale, pour consolider son investissement au sein de la société [25], et non pour préserver l’intérêt social de la société [19]. Elle insiste sur le fait que, si la famille [Y] détient toujours la majorité du capital de la société [25], cette majorité se sert à rien étant donné que sa mère, usufruitière, vote aux assemblée de la société [25] dans le sens que lui dicte le groupe [13].

Elle expose que, dans le cadre de la gestion courante de la société, sa mère encaisse la totalité de la trésorerie de la société, avec un compte courant d’associé débiteur, au 31 décembre 2020, à la somme de 537 008,42 euros, représentant plus de la moitié du bilan de la société.

Ensuite, elle se prévaut d’un fonctionnement chaotique des obligations juridiques et comptables de la société, en ce que les associés sont convoqués tardivement aux assemblées générales et que les réponses apportées à ses interrogations montrent que l’intérêt social n’est pas préservé par la gérante qui privilégie les intérêts de la société [25], contrôlée par le groupe [13] au détriment des intérêts de l’indivision successorale et de ceux de la société [19].

Enfin, elle relève un abandon des actifs sociaux en ce que rien n’est fait pour louer les locaux vides, réviser les loyers, recouvrer les charges et taxes foncières et cesser l’occupation à titre gratuit de nombreux locaux. Elle indique que le chiffre d’affaires et les bénéfices ne cessent de baisser depuis 2019 et ne correspondent pas à des locaux d’une telle dimension situés en bordure de la croisette.

Concernant le péril imminent, elle indique qu’il résulte de ce qui précède, à savoir que les actifs sociaux ne sont pas préservés, qu’ils sont gérés dans l’intérêt exclusif du groupe [13] qui contrôle la société [25] et occupe les locaux de la société en tant que locataire gérant et dans l’intérêt personnel de la gérante, qui prélevait la totalité de la trésorerie, et en raison de l’immixtion dans la société familiale d’un tiers, à savoir le groupe [13], directement ou par l’intermédiaire de la société [25] qu’il contrôle. Elle insiste sur le fait qu’il n’est pas question de la disparition de la société mais de l’atteinte à l’intérêt social. Elle souligne que sa mère et son frère sont partis à Dubai en laissant le groupe [13] gérer la société selon des règles dictées par M. [S] et avec l’unique volonté de réaliser une opération immobilière sur le parc du [23] de [Localité 12], sans aucune considération pour la société [19].

Concernant la désignation de Me [T], elle relève qu’aucune autorité judiciaire n’a remis en cause ses actes et actions et qu’il a été régulièrement reconduit dans sa mission de représentant de l’indivision successorale. Elle souligne que ce dernier a engagé une action en sollicitant la nullité du contrat de location gérance. Elle insiste sur le fait que le changement d’administrateur a été justifié par la défiance manifestée ouvertement par son frère, sachant que le tribunal a donné pour mission au nouvel administrateur de poursuivre les instances judiciaires en cours, ce qui démontre que les actions engagées par Me [T] étaient justifiées. Elle indique que la paralysie de la société résulte de la mésentente entre les associés et non de la carence de l’administrateur.

Concernant l’intervention forcée de Me [E] [A] de la SELARL [10], ès qualités, elle indique que celle-ci résulte du fait qu’elle remplace Me [C] [T] de la SELARL [18], qui a été partie à la procédure de première instance et est partie à hauteur d’appel, en tant qu’administrateur provisoire à l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et M. [D] [Y], lesquels détiennent 60 % du capital de la société en tant que nus-propriétaires. Elle souligne qu’elle a pour mission de représenter une indivision entre les nus-propriétaires en application de l’article 815-6 du code civil tandis que Me [X] a été désignée en qualité de mandataire successoral sur le fondement de l’article 813-1 du code civil et représente tous les héritiers, y compris Mme [U] [Y], de sorte qu’il n’y a aucune confusion entre les deux missions. Elle relève enfin que sa demande de prise d’acte ne constitue pas une prétention.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 11 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, Me [C] [T] de la SELARL [18], en tant qu’administrateur provisoire de la société [19], demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance entreprise ;

– condamner tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle expose que de graves litiges opposent les associés de la société [19], lesquels entravent son fonctionnement normal et ont des répercussions sur la préservation de ses actifs sociaux. Elle fait état de la procédure aux termes de laquelle la société [19] a été condamnée à verser à Mme [O] [Y] une provision de 100 000 euros à valoir sur le remboursement de son compte courant d’associé. Elle relève que l’exigibilité de cette somme, augmentée des intérêts de retard, expose la société [19] à l’ouverture d’une procédure de collective compte tenu de sa faible trésorerie. Elle expose avoir assigné Mme [U] [Y] en paiement d’une somme de plus de 300 000 euros afin de reconstituer l’actif de la société [19].

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 5 juillet 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, Me [E] [A] de la SELARL [10], en tant qu’administrateur provisoire à l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et M. [D] [Y], demande à la cour de :

– à titre principal, prendre acte que son intervention forcée n’est pas fondée faute d’intérêt et la rejeter ;

– à titre subsidiaire, prendre acte qu’elle est favorable à la désignation d’un administrateur provisoire de la société [19] ;

– confirmer en conséquence l’ordonnance entreprise ;

– condamner tout succombant à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle expose que son intervention forcée à la procédure ne se justifie pas dès lors que, si sa mission consiste à représenter, ès qualités, l’indivision successorale composée de Mme [O] [Y] et M. [D] [Y], nus-propriétaires, sa mission s’est trouvée vidée de toute substance avec la désignation d’un mandataire successoral en la personne de Me [V] [X] de la SCP [B] [X], qui a notamment le pouvoir de représenter les héritiers de [D] [Y] dans les actes civile ou en justice, en demande et en défense, et de procédure aux travaux d’urgence. Elle relève que Me [X] a même été autorisée, par ordonnance en date du 23 mai 2023 du président du tribunal judiciaire de Nice, à prendre part à toutes les délibérations dans le cadre des conseils d’administration et des assemblées générales des sociétés [24], [19] et [35] de [Localité 34].

A titre subsidiaire, elle indique avoir été témoin, dans le cadre de l’exercice de sa mission, du conflit qui oppose les associés de la société [19] de nature à mettre en péril ses intérêts sociaux.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 22 juin 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, Me [V] [X] de la SCP [B] [X], en tant que mandataire successoral à la succession de [D] [Y], sollicite de la cour qu’elle :

– la reçoive en son intervention volontaire ;

– confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a désigné un administrateur provisoire de la société [19] ;

– condamne in solidum les appelants à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamne in solidum aux entiers dépens.

Elle indique avoir un intérêt à intervenir à la procédure, à titre accessoire, en application des articles 31, 329, 330 et 554 du code de procédure civile afin d’appuyer les prétentions de Mme [O] [Y]. Elle explique que les successeurs de feu [D] [Y] étant propriétaires des parts composant le capital de la société [19], le blocage de cette société ainsi que son fonctionnement normal impactent gravement la succession dont elle est chargée d’administrer.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 janvier 2024.

Par soit-transmis en date du 19 février 2024, la cour a indiqué aux parties qu’elle s’interrogeait sur la recevabilité de l’intervention volontaire en cause d’appel de Maître [C] [T] de la SELARL [18], en tant d’administrateur provisoire de la SCI [19], aux termes de conclusions transmises le 11 janvier 2024, mentionnant à tort sa qualité d’intimé, dès lors que seul Maître [C] [T] de la SELARL [18], en tant qu’administrateur provisoire de l’indivision de M. [D] [Y] et de Mme [O] [Y], a été intimé, au regard de sa qualité et de son intérêt à intervenir en cause d’appel s’agissant d’une voie de recours formée par la SCI [19], prise en la personne de son représentant légal en exercice, Mme [U] [Y], et M. [D] [Y] aux fins de voir contester la désignation de Maître [C] [T] de la SELARL [18], en qualité d’administrateur provisoire de la SCI [19], par le juge de première instance, et ce, malgré le caractère immédiatement exécutoire de l’ordonnance de référé.

S’agissant d’une fin de non-recevoir qu’elle entend soulever d’office, la cour a imparti aux parties un délai expirant le 27 février 2024 à minuit pour lui transmettre, si cela leur semblait utile et/ou opportun, leurs observations sur ce point précis, par une note en délibéré (articles 444 et 445 du code de procédure civile).

Par une note en délibéré transmise le 27 février 2024, les appelants exposent avoir interjeté appel de l’ordonnance entreprise contre Mme [O] [Y], la SELARL [18], représentée par Me [C] [T], pris en sa qualité d’administrateur provisoire à l’indivision [Y] et de la SELARL [18], représentée par Me [C] [T], en qualité d’administrateur provisoire de la SCI [19]. Ils relèvent que la SELARL [18], représentée par Me [C] [T], en qualité d’administrateur provisoire de la SCI [19], a conclu dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu’elle estime qu’il a été régulièrement intimée à la procédure.

Par une note en délibéré transmise le 27 février 2024, Mme [O] [Y] indique que l’ordonnance entreprise étant immédiatement exécutoire, Mme [U] [Y] a été immédiatement dessaisie de ses fonctions de gérante de la société [19], de sorte qu’elle ne pouvait interjeter appel. Elle relève que la SELARL [18], représentée par Me [C] [T], a été intimée en qualité d’administrateur judiciaire de la société [19]. Elle considère donc qu’elle était irrecevable à intervenir volontairement à la procédure, de sorte que l’appel n’a pas été régularisé.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des interventions

Devant le premier juge, comme devant la cour, l’intervention peut être volontaire ou forcée.

En application de l’article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

L’article 555 du même code énonce que ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause.

Sur l’intervention volontaire de Me [V] [X] de la SCP [B] [X], en tant que mandataire successoral à la succession de [D] [Y]

Par jugement en date du 10 février 2023, le tribunal judiciaire de Nice a, à la demande de Mme [O] [Y], désigné Me [V] [X] de la SCP [B] [X], en tant que mandataire successoral avec pour mission d’administrer provisoirement la succession de [D] [Y], en application de l’article 813-1 du code civil, en raison de la mésentente entre les co-partageants.

Aux termes de conclusions transmises le 22 juin 2023, Me [V] [X] de la SCP [B] [X], agissant ès qualités, est intervenue volontairement à la procédure.

Dès lors que le litige, qui oppose des héritiers, s’inscrit dans les opérations de liquidation-partage de la succession de feu [D] [Y], Me [V] [X] de la SCP [20], en tant que mandataire successoral de ladite succession, justifie de sa qualité de tiers et de son intérêt à intervenir à la procédure en cause d’appel en tant qu’intervenant accessoire venant appuyer les prétentions de Mme [O] [Y].

Il y a donc lieu de déclarer son intervention volontaire, à laquelle aucune des parties ne s’oppose, recevable.

Sur l’intervention forcée de Me [E] [A] de la SELARL [10], en tant qu’administrateur provisoire à l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et M. [D] [Y]

Me [C] [T] de la SELARL [18] a été mis en cause dans la première procédure en tant qu’administrateur provisoire de l’indivision existant entre M. [D] [Y] et Mme [O] [Y], sans que cela ne pose la moindre difficulté.

Il a été régulièrement intimé par les appelants, Me [C] [T] de la SELARL [18], ès qualités, ayant constitué avocat.

Or, par jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Avignon, en date du 20 décembre 2022, soit au cours de la procédure d’appel, la SELARL [18] a été remplacée, à la demande M. [D] [Y], par la SELARL [10] en tant qu’administrateur judiciaire à l’indivision de M. [D] [Y] et Mme [O] [Y], sur le fondement de l’article 815-6 du code civil.

C’est ainsi que, par exploit d’huissier en date du 5 juin 2023, la société [19], Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] ont assigné, à hauteur d’appel, en intervention forcée Me [E] [A] de la SELARL [10], en tant qu’administrateur provisoire à l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et M. [D] [Y].

Dès lors que l’administrateur judiciaire à l’indivision de M. [D] [Y] et Mme [O] [Y] était déjà partie à l’instance d’appel originaire, l’intervention forcée de Me [E] [A] de la SELARL [10], désigné en cette qualité, se justifie par l’évolution du litige caractérisée par le remplacement de l’administrateur judiciaire intervenu au cours de la procédure d’appel.

Il convient d’ailleurs de relever que Me [C] [T] de la SELARL [18], bien qu’ayant régulièrement constitué avocat en cette qualité, n’a pas conclu en tant qu’administrateur judiciaire à l’indivision de M. [D] [Y] et Mme [O] [Y] mais uniquement en tant qu’administrateur de la société [19].

Il y a donc lieu de déclarer son intervention forcée recevable, même si aucune prétention n’est directement formulée à l’encontre de la SELARL [10], agissant en tant qu’administrateur judiciaire à l’indivision de M. [D] [Y] et Mme [O] [Y].

Sur l’intervention forcée de Me [C] [T] de la SELARL [18], en tant qu’administrateur provisoire de la société [19]

Les dernières conclusions transmises par Me [C] [T] de la SELARL [18], le 11 janvier 2024, le sont en tant qu’administrateur provisoire de la société [19], et non en tant qu’administrateur provisoire de l’indivision existant entre M. [D] [Y] et Mme [O] [Y].

Les parties font observer, en réponse au soit-transmis adressé par la cour, que Me [C] [T] de la SELARL [18], en tant qu’administrateur provisoire de la société [19], a été intimé à la procédure.

S’il apparaît effectivement dans la déclaration d’appel en tant qu’intimé, à la suite de quoi il a constitué avocat, il reste que Me [C] [T] de la SELARL [18], agissant en qualité d’administrateur provisoire de la société [19], n’a été ni partie, ni représenté en première instance, dès lors qu’il a été désigné en cette qualité par le juge de première instance.

Or, c’est précisément cette désignation qui est contestée par les appelants, et en particulier par la société [19], représentée par son représentant, à savoir Mme [U] [Y].

Dans ces conditions, la qualité de tiers doit être nécessairement reconnue à Me [C] [T] de la SELARL [18], agissant en qualité d’administrateur provisoire de la société [19], et ce, peu important le caractère immédiatement exécutoire de l’ordonnance de référé.

L’intervention forcée applicable aux tiers non parties en première instance n’est possible que dans l’hypothèse d’une évolution du litige caractérisée par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit née de la décision ou postérieure à celle-ci modifiant les données juridiques du litige.

Tel n’est pas le cas en la cause dès lors que le litige a toujours porté sur la désignation d’une administrateur provisoire pour représenter la société [19].

Il convient dès lors de déclarer irrecevable, pour absence d’évolution du litige, son intervention forcée en cause d’appel.

Sur la recevabilité des conclusions des appelants

En affirmant que la société [19] ne peut être représentée devant la cour que par l’administrateur provisoire désigné par le premier juge, Mme [O] [Y] entend soulever, non par une irrecevabilité des conclusions prises par les appelants, mais l’irrecevabilité de leurs demandes.

L’article 122 du code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité et le défaut d’intérêt.

En l’espèce, dès lors qu’il est admis que seuls les organes légaux d’une société représentant celle-ci dans l’instance dirigée contre elle et tendant à la désignation d’un administrateur provisoire ont, en cette qualité, le pouvoir d’exercer les voies de recours ouvertes à l’encontre de la décision de désignation et, dès lors, de conclure au nom de la société concernée, malgré le caractère immédiatement exécutoire de l’ordonnance de référé qui les a dessaisis, seule la société [19], prise en la personne de son représentant légal en exercice, avait qualité pour agir et, dès lors, conclure en cause d’appel.

Il en résulte que l’appel portant précisément sur la désignation de Me [C] [T] de la SELARL [18], agissant en qualité d’administrateur provisoire de la société [19], aucune irrégularité ne résulte du fait pour Mme [U] [Y] d’avoir interjeté appel et conclu, aux côtés de M. [D] [Y], à titre personnel et en tant que représentante légale de la société [19].

Il y a donc lieu de rejeter la demande de Mme [O] [Y] tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions prises par les appelants pour défaut de qualité à agir de la société [19].

Sur la désignation d’un administrateur provisoire

L’article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il s’ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle il est statué l’imminence d’un dommage, d’un préjudice ou la méconnaissance d’un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines. Un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l’intervention du juge des référés. La constatation de l’imminence du dommage suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets.

La désignation d’un administrateur provisoire chargé d’un mandat général de gestion est une mesure exceptionnelle, qui suppose que soient réunies cumulativement deux conditions relatives à la gravité de la crise sociale, de nature à rendre impossible le fonctionnement normal de la société, et à l’urgence, du fait d’un péril imminent menaçant l’intérêt social.

En l’espèce, avant son décès, [D] [Y] détenait 60 parts sociales de la société [19] tandis que son épouse et ses trois enfants détenaient, chacun, 10 parts sociales.

Depuis le décès de [D] [Y] et la cession par Mme [G] [Y] de ses 10 parts sociales en faveur de sa soeur et son frère, à concurrence de 5 parts chacun, le capital social de la société [19] est réparti de la manière suivante :

– Mme [U] veuve [Y] détient 10 parts en pleine propriété et 60 parts en usufruit ;

– M. [D] [Y] détient 15 parts en pleine propriété et 30 parts en nue-propriété ;

– Mme [O] [Y] détient 15 parts en pleine propriété et 30 parts en nue-propriété.

Il s’ensuit que Mme [U] veuve [Y] et M. [D] [Y], à eux deux, disposent de la majorité lors des assemblées générales de la société [19].

La société [19] a pour objet la propriété par toutes voies et moyens de droit de biens et droits immobiliers particulièrement les biens et droits immobiliers dépendant d’un ensemble immobilier situé à [Localité 12] dans les [Localité 11], connu sous le nom de résidence du [23] [Adresse 8], l’administration, la gestion, la location à titre d’habitation, professionnelle ou commerciale, à toute personne physique ou morale de tous immeubles lui appartenant, et généralement, toutes opérations immobilières et financières pouvant se rattacher, directement ou indirectement, à l’objet social.

Il s’avère que la société [19] est propriétaire de plusieurs lots dépendant de l’ensemble immobilier dénommé résidences du [23], à savoir :

– dans l’immeuble Bengali, un magasin avec mezzanine d’environ 100 m2 qui était loué, jusqu’à la constatation de la résiliation du bail en mai 2021, par la société [38] ; trois locaux situés en sous-sol d’une surface de 25 m2 environ occupés par la société [24] de [Localité 12] ;

– dans l’immeuble [16], deux locaux en sous-sol occupés par la société [24] de [Localité 12] ;

– dans l’immeuble [17], 13 locaux en sous-sol d’une surface de 125 m2 environ occupés par la société Hôtelière du [23] de [Localité 12] ;

– dans l’immeuble Flamant, 10 locaux en sous-sol d’une surface de 40 m2 environ occupés par la société [24] de [Localité 12] ; un magasin avec mezzanine d’environ 50 m2 loué à la société [33] ;

– dans l’immeuble [26], 14 locaux en sous-sol d’une surface de 45 m2 occupés par la société [24] de [Localité 12] ; un magasin sur parc attenant au restaurant de 31 m2 environ occupé par la même société ; un magasin de 34 m2 sur parking occupé par la même société ; 7 magasins réunis de plus de 200 m2 sur parking occupés par la même société ; un magasin d’environ 32 m2 loué à la société [32] ; 26 parkings sur la dalle [26] Gamma occupés par la société [24] de [Localité 12] ;

– dans l’immeuble [21], 10 locaux en sous-sol de près de 40 m2 occupés par la même société ; trois magasins de près de 70 m2 occupés par la même société.

Alors même que la société [24] de [Localité 12] occupait elle-même les locaux appartenant à la société [19], elle va consentir, suivant acte en date du 13 septembre 2019, une location-gérance à la société [13] afin d’exploiter le fonds de commerce hôtel-restaurant exploité sous les enseignes ‘[30]’, soit un hôtel cinq étoiles comptant 75 chambres et suites, ‘[31]”, un restaurant gastronomique situé au rez-de-chaussée de l’hôtel, ‘[29]’, un bar situé au rez-de-chaussée de l’hôtel, ainsi que la réalisation d’opérations événementielles dans le parc situé devant l’hôtel d’une superficie de 3 850 m2.

C’est donc désormais la société [13] qui occupe les locaux appartenant à la société [19].

Le contrat de location-gérance a été signé entre les parties en présence de Mme [U] [Y] et de M. [D] [Y]. L’article 3.2 (en page 5) stipule que ces derniers s’engagent irrévocablement, de manière libre et éclairée, à ce que :

– les baux dont est bénéficiaire [24] ne fassent l’objet d’aucune modification de quelque nature que ce soit, notamment, s’agissant des conditions financières qui y sont stipulées,

– l’occupation et l’exploitation des locaux puissent se poursuivre sans qu’il y soit apporté de modification de quelque nature que ce soit,

de telle sorte que la sécurité juridique du Contrat de Location-Gérance puisse être assurée et que la gestion paisible de l’Hôtel puisse être garantie.

Alors même que la société [19] a consenti à la société [24] de [Localité 12] un bail portant sur des locaux commerciaux dépendant de l’immeuble sis [Adresse 8] pour la période initiale allant du 1er avril 2001 au 31 mars 2010, renouvelable par tacite reconduction, le loyer mensuel principal initial de 3 800 euros hors taxes est toujours celui applicable au moment de la location-gérance, comme le relèvent les avis d’échéance portant sur les années 2021 et 2022 versés aux débats.

Il en est de même du contrat de concession consenti, le 21 décembre 2005, portant sur l’exploitation de parkings, pour une durée d’une année renouvelable par tacite reconduction, moyennant une redevance annuelle de concession initiale de 20 000 euros.

En outre, il n’est pas contesté que les lots 405 et 406 dépendant de la copropriété [27] sont occupés par la même société, sans contrat écrit, moyennant un loyer mensuel de 900 euros et que d’autres locaux, à savoir les magasins et les locaux situés en sous-sol, sont occupés sans contrat écrit, ni contrepartie financière, ce que rappelle Mme [U] [Y] elle-même dans un courrier en date du 16 février 2022.

Or, l’article 5 (page 5) du contrat de location-gérance stipule que ce dernier est consenti et accepté pour une durée initiale de 21 ans, qui prendra effet le 1er octobre 2019 pour se terminer le 31 décembre 2039, renouvelable.

Il en résulte que Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] se sont engagés auprès de la société [13], pendant 21 ans, voire 42 ans, le contrat étant renouvelable, à ce que les baux, dont est bénéficiaire la société [24] de [Localité 12], ne fassent l’objet d’aucune modification, et ce, alors même que les loyers résultant des contrats écrits consentis par la société [19] n’ont jamais été révisés et que la société [24] occupe des locaux sans aucun contrat écrit, ni aucune contrepartie financière.

Si cette situation n’apparaissait pas contraire aux intérêts de la société [19], appartenant à la famille [Y], du temps où l’hôtel-restaurant était exploité par la société [24] de [Localité 12], gérée par M. [D] [Y], soit par un membre de la famille [Y], il en va différemment depuis que ce fonds de commerce est exploité par une société tierce, à savoir la société [13].

Cela est d’autant plus vrai que, concomitamment au contrat de location-gérance, les sociétés [13] et [14] ont pris des participations minoritaires dans le capital social des sociétés [24] de [Localité 12] et [36], qui exploite une plage située en face de l’hôtel, outre le fait que la société [13] a voulu acquérir des parts sociales de la société [19].

D’une part, aux termes de promesses synallagmatiques de cession sous plusieurs conditions suspensives, en date du 27 septembre 2019, M. [D] [Y] a vendu aux sociétés [13] et [14] une partie de ses parts sociales détenues au sein de la [24] de [Localité 12], de manière à répartir son capital social entre Mme [U] [Y] (une action en pleine propriété et 3 658 actions en usufruit), M. [D] [Y] (une action en pleine propriété et la moitié indivise en nue-propriété des 3 658 actions), Mme [O] [Y] (915 actions en pleine propriété et la moitié indivise en nue-propriété des 3 658 actions), la société [13] (1 520 actions en pleine propriété) et la société [14] (5 actions en pleine propriété).

D’autre part, par acte de cession en date du 27 septembre 2019, la société [24] a vendu à la société [13], 33 % du capital social de la société [36], le cédant conservant alors les 67 % parts restantes.

Or, le 27 septembre 2019, ces sociétés ont signé un pacte avec Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] en présence, non seulement de la société [24] de [Localité 12], représentée par son président, Mme [U] [Y], et de la société [36], représentée par sa gérante, Mme [U] [Y], mais aussi de la société [19], représentée par sa gérante, Mme [U] [Y].

L’article 1 stipule que le groupe [13] a accepté de prendre des participations minoritaires au capital des sociétés [24] de [Localité 12] et [36], ainsi que d’assister activement ces sociétés dans la réalisation des opérations de restructuration, sous la réserve du parfait respect par le [22] des engagements souscrits aux termes du Pacte et, plus généralement, de l’ensemble de tous les autres accords conclus avec le Groupe [39], étant ici rappelé si besoin était que [O] [Y] n’est pas partie au Pacte (…).

Les parties conviennent, à l’article 2 du titre 2, concernant le fonctionnement de la société [24] de [Localité 12] que le conseil d’administration devra être dorénavant composé, en permanence, d’un nombre maximum de 7 membres désignés par l’assemblée générale ordinaire des actionnaires dont 4 membres au moins devront obligatoirement être désignés sur proposition du Groupe [13] et que Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] :

– s’engagent irrévocablement, pendant toute la durée du Pacte, à présenter aux actionnaires (et/ou administrateurs en cas de cooptation) d’HGH et à voter favorablement toutes résolutions ayant pour objet la mise en oeuvre de l’accord relatif à la composition du conseil d’administration d’HGH et, notamment, de la désignation des quatre (4) membres proposés par le Groupe [13], et à voter en faveur de leur adoption,

– s’interdisent irrévocablement de s’abstenir de voter en faveur des résolutions susvisées,

– s’interdisent irrévocablement de voter en faveur de toute résolution ayant pour objet de mettre un terme au mandat d’un ou plusieurs des administrateurs désignés sur proposition du Groupe [13], sauf à procéder à leur remplacement immédiat par tous candidats proposés par le Groupe [13] à cet effet.

Les mêmes engagements ont été pris concernant le changement de président, la gestion, la location-gérance et le projet immobilier.

Il en va de même concernant la gestion de la [36] (titre 3) et la gestion de la société [19] (titre 4). Sur ce dernier point, l’article 9 (pages 11 et 12) stipule que :

La SCI a, notamment, donné à bail commercial à [24] ou mis à disposition de celle-ci divers locaux dont elle est propriétaire.

Il est de la réussite des Opérations de Restructuration qu’il ne soit procédé, sous réserve de ce qui résulterait de la loi ou de la réglementation applicable, notamment au regard des augmentations de loyer ou d’une décision de justice à :

– aucune modification des baux consentis par la SCI à [24] et, plus généralement, des conditions d’occupation des locaux mis à disposition par la SCI d’HGH,

– aucune modification des baux consentis par la SCI à des tiers,

– aucune cession et/ou constitution de gage et/ou d’hypothèques sur l’un des actifs immobiliers de la SCI.

Compte tenu de ce qui précède, Mme [U] [Y] et M. [D] [Y], agissant libre et éclairée :

– s’engagent irrévocablement, pendant toute la durée du Pacte, à présenter aux associés de la SCI et à voter favorablement toutes résolutions ayant pour objet de maintenir en vigueur (i) aux mêmes conditions, les baux consentis par la SCI à [24] ou à des tiers (ii), les conditions d’occupation des locaux mis à disposition d’HGH,

– s’interdisent irrévocablement de s’abstenir de voter en faveur des résolutions susvisées,

– s’interdisent irrévocablement de voter en faveur de toute résolution soumise à l’assemblée générale des associés de la SCI, ayant pour objet (i) de céder l’un de ses actifs immobiliers ou de consentir une quelconque garantie sur ces biens et (ii) de mettre un terme ou de modifier les baux consentis à [24] ou à des tiers, ainsi que les conditions d’occupation des locaux mis à disposition d’HGH.

Ces engagements, qui ont été pris par Mme [U] [Y] et M. [D] [Y], seuls, sans que Mme [O] [Y] ne soit présente au pacte, révèlent incontestablement un conflit entre associés.

Ce conflit est d’autant plus grave que Mme [U] [Y] et M. [D] [Y], qui détiennent, à eux deux, la majorité du capital social de la société [19], s’en remettent à la seule volonté du groupe [13] concernant les décisions à prendre pour cette société.

Ce faisant, ce n’est plus le groupe familial [39] qui assure le fonctionnement de la société [19], mais bien le groupe [13], de manière indirecte, et ce alors même qu’il ne dispose d’aucun droit au sein de cette société en tant qu’organe délibérant.

En effet, si la volonté la société [13] est effectivement de participer directement au fonctionnement de la société [19], en ce qu’elle a acheté le compte courant d’associé de M. [D] [Y] dans les livres de la société [19] d’un montant de 295 330,46 euros, par délibérations du conseil d’administration de la société [24] en date du 27 septembre 2019, et en ce qu’elle a voulu, suivant promesses synallagmatiques de cession en date du 27 septembre 2019, acheter les parts sociales en pleine propriété de M. [D] [Y] et Mme [U] [Y] détenues dans la société [19] ainsi que la moitié indivise en nue-propriété des 60 parts détenues par M. [D] [Y] dans la même société, ces cessions n’ont pas pu aboutir, Mme [O] [Y] refusant, lors de l’assemblée générale du 10 mars 2021, l’agrément de la société [13] en qualité de nouvel associé.

Or, le fait pour Mme [U] [Y] et M. [D] [Y] de s’interdire de voter, au sein de la société [19], en faveur d’une valorisation des baux consentis par la société [19], que ce soit à la société [24] de [Localité 12] ou aux autres sociétés, d’une modification des conditions d’occupation des locaux mis à leur disposition et de toute cession de l’un de ses actifs immobiliers, sans que la société [13], locataire-gérant de la société [24] n’en soit l’associée, caractérise un péril menaçant l’intérêt collectif de la société.

M. [D] [Y] a lui-même expliqué, lors de l’assemblée générale du 10 mars 2021 de la société [19], aux termes de laquelle la cession des parts sociales détenues en pleine propriété par M. [D] [Y] au bénéfice de la société [13] et l’agrément de cette société en qualité de nouvel associé ont été refusés, que la non perception des loyers sur des locaux utilisés par le [23] et la non valorisation des baux commerciaux liant le [23] à la SCI [19] [s’expliquent par] une décision historique et collective des associés depuis plus de 20 ans, avec l’accord de tous y compris de Madame [O] [Y]. En effet, la société [24] et la SCI [19] fonctionnent ensemble dans l’intérêt commun de leurs associés, les locaux dont s’agit ayant été rénovés par la société [24] à ses frais. Le fait de percevoir de nouveaux loyers fragiliseraient la société [24] d’autant que le [23] est fermé depuis de nombreux mois du fait de la crise sanitaire actuelle et ne fait pas conséquent plus aucun chiffre d’affaires. De plus, il serait beaucoup plus cohérent de tenter de trouver un accord afin de sortir de l’indivision [Y] et de vendre les actifs de la succession, la société [24] et la SCI [19] devant nécessairement être vendus ensemble pour satisfaire tout acquéreur.

Ainsi, si le gel des loyers a été fait dans l’intérêt collectif des sociétés [24] et [19], du temps où elles étaient exploitées par la famille [Y], tel n’est pas le cas depuis que la même décision a été prise dans l’intérêt de la société [13], locataire-gérant de la société [24], soit une personne extérieure à la famille [Y], sachant que le gel des loyers et des actifs immobiliers qui a été décidé s’étend même aux baux consentis à des sociétés autres que la société [24], et en particulier à la société [33], suivant un bail conclu le 1er avril 2012, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges d’un montant de 15 600 euros, porté à la somme, après révision, de 16 492 euros, à M. [K], suivant bail en date du 1er mars 2009, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 8 463,36 euros, porté à la somme, après révision, de 9 946,68 euros et à la société [38], suivant un bail conclu le 1er juin 2014, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges d’un montant de 42 000 euros, sachant que la constatation de la résiliation du bail résulte d’une ordonnance, en date du 1er avril 2021, rendu par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, l’arriéré locatif ayant été arrêté à la somme de 73 329,94 euros à la date du 28 janvier 2021.

Le fait de ne pas permettre à la société [19] de valoriser ses actifs immobiliers, dans le but d’avantager la société [13], dont la volonté est d’acquérir les deux sociétés, va nécessairement à l’encontre de l’intérêt collectif de la société [19], à un moment où son résultat d’exploitation est passé de 94 107 euros en 2018 à 83 791 euros en 2019, 33 562 euros en 2020, 70 611 euros en 2021 et 47 189 euros en 2022.

En effet, l’indivision [Y] pourra décider d’en sortir en prenant la décision, non pas de vendre les parts sociales de la société [19], mais de la dissoudre avec liquidation-partage des actifs, de sorte que l’intérêt collectif de la société passe nécessairement par la valorisation de ses actifs.

C’est d’ailleurs la précipitation avec laquelle M. [D] [Y] et Mme [U] [Y] ont cherché à désengager la gouvernance familiale au sein de la société [24] de [Localité 12] à compter du mois de septembre 2019, alors même que Mme [O] [Y] a toujours manifesté son opposition au projet voulu par son frère et sa mère d’accueillir des investisseurs afin de dynamiser le patrimoine social de cette société, qui a conduit la cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 16 mars 2020, à confirmer la décision de première instance, en date du 4 novembre 2019, qui a désigné la SELARL [18] en qualité d’administrateur judiciaire à l’indivision, avec pour mission d’administrer et de veiller aux intérêts de l’indivision ainsi que de la représenter, tant en défense qu’en demande, devant les juridictions.

Ce n’est donc pas une impossibilité pour la société [19] de fonctionner, par suite de la paralysie d’un organe délibérant ou de gestion, mais bien des anomalies de fonctionnement, à savoir des engagements pris par deux des trois associés, dont la gérante, qui permettent à une société tierce de s’immiscer dans le fonctionnement et la gestion de la société [19], dont la gravité est telle, qu’elles mettent en péril, non pas la société dans son existence, mais son intérêt collectif, distinct des intérêts personnels de Mme [U] [Y] et M. [D] [Y], associés majoritaires, à eux deux, et de Mme [O] [Y], associée minoritaire, à elle seule, en empêchant la valorisation de ses actifs immobiliers.

Les simples irrégularités de gestion alléguées, qui consisteraient pour Mme [U] [Y] à ne pas répondre aux demandes de sa fille ou à l’administrateur à l’indivision successorale sur l’état des actifs et la gestion des baux afin de leur permettre de voter aux assemblées générales de manière éclairée ou à avoir perçu directement les loyers destinés à la société [19], à l’origine d’un compte courant d’associée débiteur de plus de 500 000 euros ( lequel a été, depuis, en partie remboursé), voire les prétendues difficultés financières (qui peuvent effectivement s’expliquer par la crise sanitaire liée à la Covid-19 et l’arriéré locatif de près de 100 000 euros dû par la société [38] à la date à laquelle elle a été expulsée des lieux, plus que par un arriéré de charges locatives qui serait dû par la société [24] de [Localité 12]) ainsi que le péril qui menacerait la société dans son existence, points sur lesquels portent, pour l’essentiel, les moyens développés par les appelants, ne sont donc pas les raisons qui justifient la mesure sollicitée.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a désigné un administrateur provisoire pour représenter la société [19] avec pour mission de la gérer activement et passivement en lieu et place de Mme [U] [Y] née [M].

En effet, dès lors que toute nomination d’un administrateur provisoire chargé d’un mandat général d’administration et de gestion d’une société entraîne le dessaisissement des organes sociaux jusque-là en place, à l’inverse du mandat spécial donné à un mandataire ad hoc, il n’y a pas lieu de cantonner la mission de l’administrateur provisoire, comme le demandent les appelants, à l’action initiée, le 27 octobre 2023, devant le tribunal judiciaire de Nice à l’encontre de Mme [U] [Y].

Concernant la personne à désigner en qualité d’administrateur provisoire, les appelants se prévalent d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Avignon, en date du 20 décembre 2022, aux termes duquel la SELARL [18] a été remplacée, à la demande M. [D] [Y], par la SELARL [10] en tant qu’administrateur judiciaire à l’indivision de M. [D] [Y] et Mme [O] [Y], au regard de la défiance manifestée ouvertement par M. [D] [Y] à l’égard de M. [C] [T], et notamment en le faisant citer directement, le 14 juin 2022, devant le tribunal correctionnel de Grasse aux fins de le voir déclarer coupable de délits de fausses attestations et de tentative d’escroquerie, à la suite de quoi l’administrateur judiciaire s’est désisté de sa demande d’annulation de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [26] du 29 octobre 2021.

Il n’en demeure pas moins que la SELARL [10] a pour mission de poursuivre les autres actions en cours engagées par la SELARL [18], et en particulier l’action en nullité de la convention de location-gérance, initiée par acte d’huissier en date du 18 février 2022, faute d’avoir été autorisée en assemblée générale extraordinaire de la société [24].

Or, de la même manière que cette décision ne démontre aucunement les irrégularités qui auraient été commises par la SELARL [18] dans le cadre de sa mission d’administrateur judiciaire de l’indivision de M. [D] [Y] et de Mme [O] [Y], ils ne démontrent pas son inertie et/ou des fautes de gestion commises au détriment de la société [19] depuis sa désignation en tant qu’administrateur provisoire de cette société. En effet, les appelants reconnaissent eux-mêmes que c’est Mme [O] [Y] qui s’est opposée à la candidature des personnes voulant occuper les anciens locaux de la société [38]. De plus, l’action en référé initiée par eux devant le président du tribunal judiciaire de Grasse aux fins de voir ordonner l’ajournement de l’assemblée générale de la société [19] prévue le 12 octobre 2023 et de faire interdiction à la SELARL [18] de convoquer une assemblée générale de la société [19] dans l’attente de décisions judiciaires, démontre que l’administrateur provisoire remplit sa mission en organisant les assemblées générales, outre le fait qu’il n’est pas contesté qu’il a initié, le 27 octobre 2023, une action judiciaire à l’encontre de Mme [U] [Y] afin de la voir condamner à rembourser à la société [19] la somme dont elle est débitrice au titre de son compte courant d’associée.

Pour toutes ces raisons, il y lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a désigné la SELARL [18], prise en la personne de Me [C] [T], en cette qualité.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Dès lors que les appelants succombent en appel, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle les a condamnés in solidum aux dépens de première instance mais a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

En tant que parties perdantes, ils seront tenus in solidum aux dépens de la procédure d’appel.

Par ailleurs, l’équité commande de les condamner in solidum à verser à Mme [O] [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.

Les appelants, en tant que parties perdantes, seront déboutés de leur demande formée sur le même fondement.

Enfin, l’équité ne commande pas de faire application de ces dispositions en faveur de Me [E] [A] de la SELARL [10], intervenant forcé, en tant qu’administrateur provisoire à l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et de M. [D] [Y], pas plus qu’en faveur de Me [V] [X] de la SCP [B] [X], intervenante volontaire, en tant que mandataire successoral à la succession de [D] [Y], ni même en faveur de Me [C] [T] de la SELARL [18], agissant en qualité d’administrateur provisoire de la SCI [19], dont l’intervention volontaire a été déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevable l’intervention forcée en cause d’appel de Me [C] [T] de la SELARL [18], agissant en qualité d’administrateur provisoire de la SCI [19], pour absence d’évolution du litige ;

Déclare recevable l’intervention forcée en cause d’appel de Me [E] [A] de la SELARL [10], agissant en qualité d’administrateur provisoire à l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et de M. [D] [Y] ;

Déclare recevable l’intervention volontaire en cause d’appel de Me [V] [X] de la SCP [B] [X], agissant en qualité de mandataire successoral à la succession de [D] [Y] ;

Déclare recevable l’action et les conclusions prises par les appelants, et en particulier la SCI [19], prise en la personne de son représentant légal en exercice ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne in solidum la SCI [19], Mme [U] [Y] et M. [D] [R] [Y] à verser à Mme [O] [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Déboute la SCI [19], Mme [U] [Y] et M. [D] [R] [Y] de leur demande formée sur le même fondement ;

Déboute Me [C] [T] de la SELARL [18], agissant en qualité d’administrateur provisoire de la SCI [19], de sa demande formée sur le même fondement ;

Déboute Me [E] [A] de la SELARL [10], agissant en qualité d’administrateur provisoire à l’indivision successorale de Mme [O] [Y] et de M. [D] [Y], de sa demande formée sur le même fondement ;

Déboute Me [V] [X] de la SCP [20], agissant en qualité de mandataire successoral à la succession de [D] [Y], de sa demande formée sur le même fondement ;

Condamne in solidum la SCI [19], Mme [U] [Y] et M. [D] [R] [Y] aux dépens de la procédure d’appel.

La greffière Le président

 


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