Conflits entre associés : décision du 5 juillet 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/05117

Conflits entre associés : décision du 5 juillet 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/05117

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 35F

13e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 05 JUILLET 2022

N° RG 20/05117

N° Portalis DBV3-V-B7E-UDRV

AFFAIRE :

[J] [S]

C/

[Y] [L]

….

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section : 0

N° RG : 17/04928

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

Me Victoire GUILLUY

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [J] [S]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 004610

Représentant : Me Mariannick CANEVET de la SELARL CABINET CANEVET, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

APPELANTE

C/

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Victoire GUILLUY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 446

Représentant : Me Aurélien AUCHER de l’AARPI LIZEE AUCHER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Maître [U] [M] pris en sa qualité d’administrateur provisoire de la SCI RB

[Adresse 3]

[Localité 5]

Défaillant

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Mai 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente chargée du rapport et Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

Mme [J] [S] et M. [Y] [L] ont constitué le 19 mai 1999 la SCI RB dont la première détenait 80 % des parts sociales et le second 20%, tous deux étant cogérants.

La société a acquis, le 28 septembre 1999, au moyen d’un prêt de 500 000 euros, dont M. [L] s’est porté caution solidaire, un appartement à usage d’habitation destiné à être loué par Mme [S], les loyers mensuels devant couvrir les échéances du prêt.

Mme [S] ayant rencontré des difficultés à payer les loyers et des dissensions étant survenues entre les cogérants dans le fonctionnement de la SCI, M. [L] a démissionné de ses fonctions de gérant le 12 décembre 2012. Le procès-verbal n’ayant pas été enregistré a été repris dans une nouvelle assemblée générale en date du 21 février 2013 et enregistré le 13 mars suivant.

En 2016, la société RB a confié à un expert-comptable la mission d’établir les comptes sociaux depuis 1999, lesquels n’ont pas été approuvés à raison de l’aggravation des tensions entre les associés et du refus de Mme [S] qui a procédé à des rectifications qu’elle a soumises au vote de l’assemblée générale du 25 janvier 2017, M. [L] refusant pour sa part de les approuver.

C’est dans ces circonstances que M. [L], par acte du 24 avril 2017, a assigné Mme [S] en dissolution de la SCI, nullité des procès-verbaux de plusieurs assemblées générales et désignation d’un administrateur judiciaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire, assorti de l’exécution provisoire du 14 mai 2020, a :

– déclaré irrecevable l’exception de nullité de l’assignation opposée par Mme [S] ;

– rejeté la fin de non-recevoir opposée par Mme [S] ;

– dit que M. [L] est créancier de la SCI RB, au titre de son compte courant d’associé, d’une

somme de 60 446,57 euros décomposée comme suit :

* 2 241,01 euros entre le 26 octobre 1999 et le 30 décembre 2000 (compte ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne) ;

* 58 220,56 euros entre le 1er juin 2001 et le 30 juin 2009 (compte ouvert dans les livres de la Banque populaire Nord de Paris) ;

– rejeté la demande en nullité du procès-verbal d’assemblée générale de la SCI RB du 25 janvier 2017 ;

– prononcé la nullité des procès-verbaux des assemblées générales des 11 juillet 2017, 31 juillet

2018 et 27 août 2019 ainsi que de toutes les résolutions qu’ils comportent ;

– ordonné la dissolution de la SCI RB ;

– désigné maître [M], administrateur judiciaire, en qualité d’administrateur provisoire de la SCI RB avec pour mission de :

* gérer, jusqu’à sa dissolution, la SCI RB en prenant toutes les mesures qu’imposent l’urgence et la nécessité et notamment, dans ce cadre, soumettre à l’assemblée générale l’approbation des comptes de la SCI RB pour la période courant de l’année 2013 à la date de sa dissolution, ces comptes devant intégrer au passif une créance de 60 461,57 euros au profit de M. [L] au titre de son compte courant d’associé ;

* procéder à toutes les démarches et formalités nécessaires à la dissolution et à la liquidation judiciaire de la SCI RB dans le respect des pouvoirs légaux et statutaires de l’assemblée générale ;

– fixé à huit mois la durée de la mission de l’administrateur provisoire en fixant à la charge de la SCI RB la provision à valoir sur les frais de l’administrateur provisoire ;

– rejeté la demande reconventionnelle de Mme [S] ainsi que sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [S] à verser à ce titre la somme de 3 000 euros à M. [L] ;

– condamné Mme [S] aux dépens.

Par deux déclarations en date des 15 et 16 juin 2020, Mme [S] a relevé appel de ce jugement. Les deux instances ont été jointes. La déclaration d’appel a été signifiée le 12 août 2020 à personne habilitée pour la SCI RB, représentée par maître [M] en qualité d’administrateur provisoire, laquelle n’a pas constitué avocat.

Saisi par M. [L], le conseiller de la mise en état, par ordonnance en date du 9 juin 2021, a prononcé la caducité de la déclaration d’appel du 16 juin 2020, enregistrée sous le RG 20/02568; rejeté l’exception de nullité de la déclaration d’appel du 15 juin 2020, enregistrée sous le RG 20/02552 ; dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de M. [L].

Par requête déposée au greffe et notifiée par RPVA le 24 juin 2021, Mme [S] a déféré l’ordonnance d’incident du 9 juin 2021 devant la cour d’appel de Versailles, laquelle, par arrêt contradictoire en date du 18 janvier 2022 a :

– déclaré recevables les déférés ;

– déclaré recevable les demandes de M. [L] ;

– confirmé l’ordonnance du 9 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

– débouté M. [L] de sa demande tendant à voir prononcer l’extinction de l’instance ;

– débouté les parties de leur demande d’indemnité procédurale ;

– ordonné le partage des dépens du déféré par moitié entre les parties.

Mme [S], dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 novembre 2020 puis signifiées à personne habilitée le 10 novembre 2020 à maître [M], ès qualités, demande à la cour de :

– annuler l’entier jugement et de statuer à nouveau, à l’exception des décisions prises sur :

* la démission de M. [L] de son rôle de gérant lors de l’assemblée générale du 12 décembre 2012;

* la validité de l’assemblée générale du 25 janvier 2017 ;

* la nullité des prétentions de M. [L] pour les périodes intercalaire du 30 décembre 2000 au 1er juin 2001 et postérieure au 30 juin 2009 ;

Sur la recevabilité,

– la déclarer recevable et bien fondée ;

– déclarer la SCI RB recevable et bien fondée ;

– débouter M. [L] de toutes ses demandes ;

– dire et juger que M. [L] n’est pas recevable à agir, qu’il n’a aucun intérêt légitime à agir, invoquant notamment une créance sans fondement ni preuve ;

– dire et juger qu’il n’y aura pas lieu à ‘exécution provisoire du jugement du 14 mai 2020 en toutes les dispositions de la décision à intervenir’ ;

– dire et juger que les demandes en paiement de M. [L] et toutes demandes qui en découlent du fait de la prétendue créance de M. [L], et notamment la dissolution, liquidation, et la désignation de l’administrateur, sont irrecevables ;

Sur l’application des statuts de la SCI RB,

– dire et juger que les statuts s’imposent aux associés et dirigeants en toutes leurs dispositions, le cas échéant aux tiers, et qu’à défaut, les actes et décisions contraires, sont nuls et non avenus, sans préjudice d’éventuels dommages et intérêts ;

– dire et juger en conséquence, que le tribunal doit veiller au respect des dispositions des statuts par les associés, et en l’espèce par M. [L], ce que le tribunal a volontairement ignoré ;

Sur la fonction de gérant et usurpation par M. [L],

– dire et juger que M. [L] s’est comporté comme gérant actif de 1999 à 2016, notamment agissant seul envers le cabinet Ferco expert-comptable et l’administration fiscale par le dépôt et son unique signature des déclarations fiscales alors qu’il n’y était pas légitime selon le jugement du 14 mai 2020 depuis le 12 décembre 2012, mais aussi sa signature des quittances de loyer qu’il lui a remises jusqu’en novembre 2015 en qualité de gérant pour lui donner le change ;

– dire et juger que M. [L] a fait un faux et usage de faux avec le procès-verbal d’assemblée générale du 21 février 2013 pour enregistrer sa démission auprès du RCS de Nanterre le 13 mars 2013 à son insu, en imitant sa signature par trois fois sur les formulaires, et révélé par infogreffe en 2016 ;

– dire et juger que M. [L] a pu agir légitimement en qualité de gérant, jusqu’à sa démission datée par le procès-verbal d’assemblée générale au 12 décembre 2012 ;

– dire et juger en conséquence qu’il était jusqu’au 12 décembre 2012 légitime à représenter le bailleur à savoir la SCI RB, et responsable de la perception et gestion des loyers de la location qui lui a été accordée ;

– dire et juger que ses pouvoirs de gérante ont été diminués du fait de l’article 20 titre 6ème des statuts chapitre III-10 du fait de la signature du contrat de bail le 30 septembre 1999 par les deux associés, la mettait en situation de locataire et M. [L] en position de gérant représentant de la SCI RB pour la gestion des revenus locatifs de la SCI RB ;

– dire et juger que M. [L] a usurpé la fonction de gérant de fin 2012 jusqu’en septembre 2016 et à l’insu de son associée, et des tiers qu’il a sciemment trompés ;

Et en conséquence,

– dire et juger qu’il doit assumer la pleine responsabilité de ses actes et décisions jusqu’à la date de la révélation de sa démission aux tiers et associé, et notamment leur inopposabilité tant à la SCI qu’à elle ou les tiers selon le cas échéant ;

– dire et juger que M. [L] est défaillant comme gérant de 1999 à fin 2012, dans son obligation de tenue de la comptabilité, de convoquer l’assemblée générale au moins une fois l’an, afin de présenter les comptes sociaux à son associée, ainsi que de faire voter toute décision importante telle que la fermeture du compte bancaire, l’usage de son compte bancaire personnel comme compte bancaire de la SCI, réouverture de compte bancaire, validation de compte courant d’associé, le paiement ou non-paiement des loyers, entre autres ;

Sur le paiement des loyers effectué par elle,

– dire et juger qu’elle justifie du paiement des loyers, notamment avec des quittances de loyer signées par M. [L] et précisément sur les deux périodes retenues par le tribunal pour reconnaître la prétendue créance de M. [L] ;

– dire et juger que M. [L] ne peut pas réclamer cet argent parce qu’il l’a déjà reçu en vue de le verser au profit de la SCI RB comme revenu foncier locatif ;

– condamner M. [L] au remboursement des loyers à la SCI RB, sur la période de 1999 à 2015 au titre des loyers détournés si le jugement venait à être confirmé en appel ; et qu’il a tenté de faire qualifier en compte courant d’associé et notamment à minima à hauteur de 72 150 euros pour la période retenue par le juge de première instance sous toutes réserves de mise à jour de cette somme;

Sur l’absence de compte courant d’associé de M. [L],

– dire et juger que les statuts fixent des modalités précises de création et validation des comptes courants d’associé, qui s’imposent à M. [L] et au tribunal ;

– dire et juger que M. [L] ne justifie pas avoir respecté les dispositions statutaires, ni d’aucun fondement ou cause, ayant pu le contraindre ou justifier à faire l’avance de sommes d’argent sur le compte bancaire de la SCI, ou sur son compte bancaire personnel faisant office de compte bancaire de la SCI ;

– dire et juger que les versements que M. [L] a pu effectuer l’ont été au titre de ses loyers reçus, et que par conséquent, il ne s’agit pas de compte courant d’associé ;

– dire et juger que les déclarations fiscales effectuées par M. [L] des exercices 2013 à 2015 sont fausses notamment en ayant déclaré à 0 les revenus fonciers alors que l’appartement était loué et que les loyers étaient payés ;

– dire et juger que M. [L] ne justifie pas avoir respecté son obligation de déclarer le montant de son compte courant d’associé auprès de l’administration fiscale, et qu’en conséquence, aujourd’hui il ne peut s’en prévaloir à l’encontre ‘des intimées’ ;

En conséquence,

– dire et juger que M. [L] n’est créancier d’aucune somme à l’égard de la SCI RB, ni à son égard;

Subsidiairement,

– ordonner la consultation par la SCI RB d’un expert, afin d’éclairer la cour sur les mouvements bancaires et remises de fonds entre les associés dans le cas où la cour d’appel confirmerait le jugement du 14 mai 2020 pour les périodes retenues par le juge ou pour toute autre période qui paraîtrait nécessaire ;

Sur l’intégration de la dette au passif de la SCI RB,

– dire et juger qu’en cas de reconnaissance d’une créance ou d’une dette, qui devrait être intégrée dans les comptes de la société, cette intégration ne pourra se faire que par le vote en assemblée générale, et que c’est à tort que le tribunal a ordonné une inscription de compte courant au passif de la SCI RB avant d’en avoir fait vérifier la véracité ;

– dire et juger que la nomination d’un administrateur provisoire ne peut avoir pour objet que de vérifier la situation de la société et de rendre compte au tribunal des solutions possibles avant toute décision sur la dissolution et la liquidation ;

Sur la dissolution et désignation d’un administrateur,

– dire et juger qu’elle accomplit pleinement ses fonctions de gérante, par la gestion des loyers, par la tenue régulière des assemblées, et par l’envoi des déclarations aux services fiscaux ;

– dire et juger qu’il n’y a pas lieu à dissolution de la société ;

– dire et juger qu’il n’y a pas lieu à désignation d’un mandataire provisoire ;

– dire et juger que pour mettre fin au litige entre les associés, il y a lieu d’autoriser M. [L] à lui céder ses parts, à la valeur nominale, ou à tout acquéreur de son choix, et en cas de refus de cession volontaire, le condamner à la cession forcée de ses parts sociales à la valeur nominale, à elle ou à tout acquéreur de son choix, et ce dans un délai de 45 jours, à compter de la décision à intervenir;

Sur la nullité des procès verbaux des assemblées,

– dire et juger qu’il n’y a pas lieu à prononcer la nullité des procès-verbaux des assemblées générales des 11 juillet 2017, 31 juillet 2018 et 27 août 2019 ainsi que de toutes les résolutions qu’ils comportent ;

– dire et juger que les assemblées générales du 11 juillet 2017, du 31 juillet 2018, du 27 août 2019 n’ont pas supprimé le compte d’associé de M. [L], du fait de l’absence de déclaration du compte courant d’associé au bilan de la SCI ;

– confirmer le rejet de la demande en nullité du procès-verbal d’assemblée générale de la SCI RB du 25 janvier 2017 ;

– dire et juger que la SCI RB n’a pas à rembourser les versements qu’elle a perçus et qui lui étaient dus ;

– annuler sa condamnation de première instance aux entiers dépens ;

Sur les dommages et intérêts – dépens – article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 500 000 euros et à payer à la SCI RB la somme de 65 400 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamner M. [L] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 15 000 euros ;

– ordonner l’exécution provisoire du jugement d’appel en toutes les dispositions ci-dessus ;

– dire et juger que M. [L] et non la SCI est le donneur d’ordre au cabinet Ferco d’effectuer une mission de comptabilité rétroactive sur plusieurs années ;

– dire et juger que les quittances sont des preuves ;

– dire et juger que M. [L] a agi en qualité de représentant de la SCI, bailleresse et signataire du contrat de location avec elle en tant que locataire ;

– annuler l’exécution provisoire ;

A titre subsidiaire, et pour le cas où la cour confirmerait le jugement,

– dire et juger que M. [L] devra restituer le montant des loyers à la SCI du locataire, elle-même, pour la période retenue par le juge en première instance pour sa créance, à savoir 72 150 euros qu’il a détourné à son profit, et l’y condamner au besoin ;

– dire et juger que M. [L] devra restituer le montant des loyers à la SCI RB, perçus du locataire pour la période de clôture du compte bancaire de la SCI RB, à savoir du 30 juin 2009 au 28 juillet 2012, soit 24 050 euros (650 euros x 37 mois) , et l’y condamner au besoin ;

– condamner M. [L] à payer à la SCI RB les intérêts de retard des toutes les sommes dues à ce titre du paiement tardif des loyers ;

– dire et juger que M. [L] devra restituer le montant des apports en capital social apportés par elle et dont il a failli d’en conserver la trace comptable selon ses responsabilités de gérant depuis 1999 tout au long des péripéties qu’il a orchestrées avec les comptes bancaires.

M. [L], dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 février 2021, demande à la cour de :

in limine litis,

– déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées par Mme [S] et notamment:

* sa demande de condamnation à céder ses parts sociales au nominal (sic) ;

* sa demande de condamnation pour ne pas avoir informé les autorités fiscales de son compte courant d’associé (demande ne reposant sur aucun moyen juridique) ;

* sa demande de condamnation à lui payer 500 000 euros de dommages et intérêts ;

* la demande de paiement formée à son encontre visant à réclamer l’apport en capital effectué par Mme [S] dont il aurait manqué de conserver trace ;

et statuant au fond,

– déclarer Mme [S] mal fondée en son appel, l’en débouter ;

– confirmer le jugement du 14 mai 2020 en ses entières dispositions ;

A titre subsidiaire si l’existence du compte courant n’est pas reconnue par la cour,

– dire qu’il détient une créance à l’égard de son associée, Mme [S], au titre de son recours en contribution ;

A titre infiniment subsidiaire, et si ses paiements effectués sont qualifiés de « loyers » alors :

– dire qu’il détient un recours subrogatoire contre la locataire, Mme [S] ;

En tout état de cause,

– débouter la SCI RB et Mme [S] de toutes leurs demandes plus amples et/ou contraires;

– condamner Mme [S] à lui payer la somme de 9 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de maître Victoire Guilluy, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

A l’audience du 16 mai 2022, M. [L] a indiqué à la cour abandonner ses demandes formées in limine litis à l’exception de celle concernant l’irrecevabilité des demandes nouvelles.

SUR CE,

A titre liminaire, il est rappelé que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif mais qu’elle ne statuera pas sur les formules de l’appelante tendant à ‘constater’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

Mme [S] ne développant aucun moyen au soutien de sa demande d’annulation du jugement, celle-ci ne pourra qu’être rejetée.

1- Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles formées par Mme [S]

M. [L] qui observe que l’appelante vise plus de quarante-deux nouveaux chefs de demandes distincts dans son dispositif alors qu’en première instance elle se limitait à demander le rejet de ses demandes, le paiement de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité procédurale, conclut à l’irrecevabilité de l’ensemble des demandes nouvelles.

Mme [S] n’a formulé aucune observation en réponse sur ce point.

L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 du même code précise que les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, l’article 566 indique que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, les demandes de Mme [S] relatives aux fonctions de gérant de M. [L], à ses défaillances en cette qualité, au remboursement des loyers à la SCI RB, au non-respect des

obligations déclaratives de M. [L], à la consultation par la SCI RB d’un expert, à la nullité de la mission confiée au cabinet Ferco, expert-comptable, à la cession des parts sociales de M. [L] et leurs conséquences sont nouvelles en cause d’appel et ne remplissent pas les conditions visées par les textes rappelés en sorte qu’elles doivent être déclarées irrecevables.

Le sont également, celles qu’elle forme pour le compte de la SCI RB dès lors que ‘Nul ne plaide par procureur’ et que cette société est représentée à l’instance par maître [M], ès qualités.

En revanche sont recevables, celles concernant le défaut d’intérêt à agir de M. [L], le compte-courant et l’éventuelle créance de celui-ci, les loyers, la nullité des procès-verbaux des assemblées générales, la dissolution de la SCI et la désignation d’un administrateur provisoire, la demande en paiement de dommages et intérêts dès lors qu’elles ont été soumises au premier juge ou qu’elles en sont la conséquence.

2- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de M. [L]

Aucune des parties ne développe de moyen juridique sur ce point.

M. [L], associé de la société RB, a intérêt à agir pour obtenir le remboursement de son compte courant, la nullité des procès-verbaux des assemblées générales et la dissolution de la société. Ses demandes sont donc recevables.

3- Sur la demande en paiement formée par M. [L] au titre de son compte courant d’associé

Mme [S], qui reproche au tribunal de ne pas avoir fait application des statuts de la société et du contrat de bail, affirme pour l’essentiel qu’elle a payé les loyers en espèces à M. [L] qui les auraient détournés et ‘qu’on’ ne peut pas apporter d’argent en compte-courant alors que le capital n’est pas encore consommé. Elle prétend qu’il ne peut pas y avoir de compte courant d’associé s’il n’est pas pris en compte dans la comptabilité et que pour prétendre à un compte courant, M. [L] se base sur des projets de comptes non validés, faux et obtenus frauduleusement et que la demande en paiement de l’intimé serait prescrite conformément aux dispositions régissant les dettes locatives.

M. [L] expose qu’entre janvier 2000 et mars 2001, il avançait des fonds à Mme [S] afin qu’elle puisse remplir ses obligations de locataire puis qu’à compter de cette date, conscient que la SCI ne pourrait jamais rembourser l’emprunt en l’absence de paiement des loyers par l’appelante, il a versé de l’argent en compte courant d’associé sur le compte de la SCI afin de rembourser le prêt et de payer la totalité des charges. Il précise que le montant total de ces sommes, avancées dans l’intérêt de la société et non de la locataire, était de 133 724,17 euros au 31 décembre 2015 et qu’elles ont été isolées en comptabilité, soulignant qu’il demande le remboursement des sommes prêtées à la société et non pas de celles prêtées à Mme [S]. Il précise que n’étant pas le bailleur, sa créance n’est pas une dette locative et n’est pas atteinte par la prescription.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Mme [S] et dit que M. [L] était créancier d’une somme de 60 451,57 euros au titre de son compte-courant d’associé.

Le jugement sera, par conséquent confirmé de ces chefs.

3- Sur la nullité du procès-verbal de l’assemblée générale de la SCI RB du 25 janvier 2017

Mme [S] explique que la convocation à cette assemblée générale a été faite selon les règles et que M. [L], qui ne s’y est pas présenté, n’a pas pu refuser d’approuver la correction des comptes 2013 à 2015, soulignant que les résolutions votées s’imposent à lui et que celui-ci ne détient que 20% des droits de vote. Elle considère qu’elle n’a pas pu expurger les comptes d’un compte courant d’associé qui n’existait pas préalablement dans la comptabilité et qu’elle n’a donc pas augmenté les engagements financiers de M. [L] sans son consentement.

M. [L], qui rappelle qu’il n’était pas présent à cette assemblée générale, soutient que les déclarations fiscales pour 2013 à 2015 rectifiées par Mme [S] sont erronées en ce que celle-ci a cessé de payer les loyers à compter de 2001 et qu’elle ne rapporte d’ailleurs pas la preuve des paiements en espèces qu’elle allègue.

M. [L] n’invoquant pas plus à hauteur d’appel qu’en première instance de moyen susceptible d’entraîner l’annulation de ce procès-verbal, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de ce procès-verbal.

4- Sur la nullité des procès-verbaux des assemblées générales des 11 juillet 2017, 31 juillet 2018 et 27 août 2019

Mme [S] expose avoir convoqué ces assemblées générales en conformité avec les statuts, dans les mêmes conditions que l’assemblée générale extraordinaire du 25 janvier 2017 qui a été validée par le tribunal, relevant que M. [L] n’a pas fourni les justificatifs d’un changement d’adresse et que les avis de réception sont revenus signés. Elle considère là-encore qu’elle n’a pas pu expurger les comptes d’un compte courant d’associé qui n’existait pas préalablement dans la comptabilité et qu’elle n’a donc pas augmenté les engagements financiers de M. [L] sans son consentement.

M. [L] soutient que lors de ces trois assemblées générales Mme [S], à la fois présidente, scrutateur et secrétaire de séance a voté seule les dispositions relatives à l’approbation des comptes, au référentiel de comptabilité et au quitus de gérance et qu’elle a tenté par une décision collective de supprimer le compte courant qu’il détenait, conduisant à augmenter ses engagements financiers à l’égard de la société, sans son consentement, en violation des articles 1836, alinéa 2, du code civil et 20.VI.§2 des statuts. Il ajoute, s’agissant des assemblées générales de 2018 et 2019, qu’il a été convoqué à une adresse que Mme [S] savait ne plus être la bonne.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a prononcé la nullité des procès-verbaux des assemblées générales des 11 juillet 2017, 31 juillet 2018 et 27 août 2019.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

5- Sur la dissolution de la SCI et la désignation d’un administrateur provisoire

Mme [S] estime que la procédure en cours n’empêche pas le fonctionnement de la SCI, lequel n’est pas bloqué puisqu’elle a repris le contrôle de la gérance depuis le 22 septembre 2016 et qu’elle est associée majoritaire à 80% ; que la réduction de l’affectio societatis est créée de toutes pièces par M. [L] qui veut quitter la société en la dépouillant de son bien. Elle demande à la cour de constater la caducité de la désignation de l’administrateur provisoire puisque la SCI n’a pas payé la provision fixée par le tribunal et demande au contraire la désignation d’un mandataire judiciaire avec une mission qu’elle détaille.

M. [L] prétend que le fonctionnement de la SCI est bloqué compte tenu du refus manifeste de la gérante de respecter les dispositions légales applicables pour procéder à la validation des comptes de la société pour les exercices 2013 et suivants mais aussi au regard du conflit entre associés lié au remboursement de son compte courant et aux sommes à déclarer aux services fiscaux. Il considère que la mésentente entre les associés et la disparition totale d’affectio societatis sont manifestes et qu’un blocage permanent est à craindre puisque les décisions collectives doivent être prises à l’unanimité. S’agissant de la désignation d’un administrateur provisoire, il ne formule aucun argument.

Comme relevé par les premiers juges, les nombreuses pièces produites par les parties, qui montrent notamment que Mme [S] a tenté lors de l’assemblée générale du 25 janvier 2017 de ‘révoquer’ M. [L] de sa qualité d’associé, ainsi que leur inaptitude à établir des comptes consensuels traduisent une mésentente grave et insurmontable entre les associés, prolongement d’un conflit personnel et d’une incapacité évidente à dialoguer, qui caractérise la disparition de l’affectio societatis.

En outre, contrairement à ce que soutient l’appelante, la société ne peut pas fonctionner dès lors que les statuts précisent en leur article 20 VI que ‘Dans le cas où il n’existerait que deux associés, toutes décisions qui sont de la compétence de l’assemblée générale devront être prises d’un commun accord avec lesdits associés’, étant observé que la liste des décisions qui sont de la compétence de l’assemblée générale est importante et concerne toute la vie sociale.

Enfin, outre que la mission sollicitée par l’appelante est peu compréhensible, aucun élément ne justifie de procéder à la désignation d’un mandataire judiciaire à la place d’un administrateur provisoire.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la dissolution de la SCI RB et désigné un administrateur provisoire mais de l’infirmer en ce qu’il a mis la provision à valoir sur les frais de celui-ci à la charge de la société qui ne les a pas payés pour les mettre à la charge de M. [L] qui y a intérêt.

6- Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts

Invoquant l’article 1240 du code civil, l’appelante affirme subir un préjudice du fait des malversations de M. [L] ainsi détaillées : ‘

La quittance de loyer est en fait un reçu pour bon paiement du loyer, pas autre chose. Le bail suffit à justifier les écritures de charges en comptabilité.

On a vu que Mme [S] présente les quittances de loyer prouvant que le gérant de la SCI RB a bien reçu les montants des revenus locatifs qui sont dus à la SCI RB.

On a vu que M. [L] n’est pas en mesure de présenter au tribunal les bilans rendus chaque année de 2001 à 2009 des comptes à l’actif et au passif de la SCI tels que prévus par les statuts (pour la période retenue par le juge) afin de prouver ses avances d’associé. Il présente à la place des virements d’argent de ses propres comptes bancaires sur le compte de la SCI RB qu’il a en effet déjà reçus de sa locataire. Ces montants sont dus à la SCI comme revenus locatifs et ne peuvent prétendre à un quelconque remboursement. L’action en justice menée par M. [L] n’est donc pas fondée, et il s’agit bien d’une escroquerie au jugement.’

Elle précise ensuite que son état de santé s’est dégradé depuis leur séparation en raison de la mauvaise foi de celui-ci qui cherche à tirer avantage de sa fragilité, listant en page 36 de ses écritures plus de huit traumatismes imputables, selon elle, à l’intimé. Considérant qu’il lui a fait perdre un projet d’activité professionnelle, elle demande la compensation d’un préjudice économique à hauteur de 500 000 euros.

M. [L] réplique que Mme [S] ne rapporte pas la preuve de son état de santé et que celui-ci serait causé par son comportement. Il observe en outre qu’il n’y a aucun fondement juridique à l’appui de ces prétentions. Il considère que Mme [S] souhaite avant tout conserver la jouissance d’un bien qu’elle n’a jamais financé mais toujours occupé gracieusement et que si elle est ‘stressée’ par le fait de devoir se reloger cela ne peut lui être reproché à lui.

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Si l’appelante produit de nombreuses pièces attestant de la fragilité de son état de santé, la preuve n’est pas rapportée d’un lien entre les fautes qu’elle reproche à M. [L], non établies compte tenu du sens de cet arrêt, et le préjudice économique allégué résultant de l’absence de réalisation d’un projet professionnel dont le caractère certain n’est pas plus établi.

Sa demande de dommages et intérêts sera par conséquent également rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,

Déboute Mme [S] de sa demande d’annulation du jugement ;

Déclare irrecevables les demandes formées par Mme [J] [S] relatives aux fonctions de gérant de M. [L], à ses défaillances en cette qualité, au remboursement des loyers à la SCI RB, au non-respect des obligations déclaratives de M. [L], à la consultation par la SCI RB d’un expert, à la nullité de la mission confiée au cabinet Ferco, expert-comptable, à la cession des parts sociales de M. [L] et leurs conséquences

Déclare irrecevables les demandes formées par Mme [J] [S] pour le compte de la SCI RB ;

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a fixé à la charge de la SCI RB la provision à valoir sur les frais de l’administrateur provisoire ;

Statuant de ce chef,

Met à la charge de M. [L] la provision de 3 000 euros à valoir sur les frais de l’administrateur provisoire ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [J] [S] du surplus de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

Condamne Mme [J] [S] à payer à M. [Y] [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [J] [S] aux dépens d’appel avec droit de recouvrement au profit de maître Guilluy, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l’avance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x