Conflits entre associés : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06617

Conflits entre associés : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06617

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 24 JUIN 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06617 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSGY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021061493

APPELANTE

S.A.S. ARTES HOLDING agissant poursuites et diligences de son représentant légal en cette qualité au siège,

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Jonathan BELLAICHE de la SELEURL GOLDWIN SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K103

INTIMEE

S.A.R.L. ARTES BUSINESS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée par Me Vanessa DHAINAUT, avocat au barreau de PARIS, toque B1205

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 mai 2022, en audience publique, Florence LAGEMI, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Bérengère DOLBEAU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier.

La Société Fiduciaire Artes est une société d’expertise comptable, créée le 14 avril 2014 par Mme [M], expert comptable.

M. [P], exerçant la profession de comptable, salarié de la société d’expertise comptable, Agifex, dirigée par M. [U], jusqu’au 31 décembre 2017, a constitué le 26 décembre 2017 la société Artes Business ayant pour activité le conseil, la formation et l’assistance administrative aux entreprises.

Par acte du 8 janvier 2018, Mme [M] a cédé à la société Artes Business 333 parts sur les 1.000 composant le capital social de la société Fiduciaire Artes.

Par acte du même jour, la société Agifex a cédé à la société Fiduciaire Artes une partie de sa clientèle au prix de 150.000 euros.

Par acte également conclu le 8 janvier 2018, en présence de M. [P], les sociétés Fiduciaire Artes et Artes Business ont conclu un contrat de prestation de services prévoyant notamment, que sous la supervision de l’expert comptable, cette dernière assurerait le suivi des dossiers, l’encadrement des collaborateurs et le relationnel client moyennant le versement d’une rémunération mensuelle de 10.000 euros HT.

Par acte du 25 janvier 2018, les associés de la société Fiduciaire Artes, Mme [M] et la société Artes Business, ont conclu un pacte d’associés comportant, notamment, une clause de retrait en cas de mésentente (article 5 du pacte), laquelle prévoit, dans l’hypothèse où chaque associé entendrait se maintenir au capital social, la mise en place d’une procédure d’enchères.

Le 10 décembre 2019, Mme [M] a constitué la société Artes Holding dont elle est l’associée unique, en lui apportant les parts qu’elle détenait dans la société Fiduciaire Artes. La société Artes Holding s’est substituée à Mme [M] dans les engagements stipulés dans le pacte d’associés.

Au cours de l’année 2020, des désaccords multiples sont survenus entre les associés, les sociétés Artes Holding et Artes Business, conduisant à une dégradation progressive des relations et à la mise en place, sans succès, d’une médiation.

C’est ainsi que par lettre recommandée du 12 juillet 2021, M. [P] en qualité de gérant de la société Artes Business, a notifié à la société Artes Holding sa volonté de mettre en oeuvre la clause de retrait pour cause de mésentente et de se maintenir au capital de la société Fiduciaire Artes.

Par courrier recommandé du 26 juillet 2021, la société Artes Holding a contesté la réunion des conditions permettant la mise en oeuvre de cette clause.

La société Artes Business, persistant dans sa décision de mettre en oeuvre l’article 5 du pacte d’associés, a demandé, le 27 juillet 2021, à la société Artes Holding de déposer son offre auprès de la société Venezia & Associés, huissier de justice, précisant que les offres seraient décachetées le 11 août suivant. A cette date, l’huissier de justice s’est présenté au siège de la société Fiduciaire Artes où l’accès lui fut refusé par Mme [M], et a reçu l’enveloppe cachetée de la part de M. [P] contenant l’offre de prix de la société Artes Business pour l’acquisition des parts de son associée et le nom de la personne titulaire du diplôme d’expertise comptable devant se substituer à elle.

Une conciliation a, de nouveau et en vain, été mise en place en application de l’article 26 du pacte.

Soupçonnant une collusion frauduleuse entre M. [P] et son ancien employeur, M. [U], lequel a constitué, en août 2021, la société d’expertise comptable Artplus Conseil devant se substituer à la société Artes Business, et reprochant à M. [P] d’avoir créé une mésentente lui permettant de faire jouer la clause de retrait afin d’instrumentaliser la procédure prévue à l’article 5 du pacte d’associés pour écarter la société Artes Holding et Mme [M] de la société Fiduciaire Artes, cette dernière a alerté le service déontologique de l’ordre des experts-comptables de [Localité 2] les 3 août et 3 décembre 2021.

Par acte du 21 décembre 2021, la société Artes Business a fait assigner la société Artes Holding devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris afin, notamment, qu’il lui soit enjoint, sous astreinte, de remettre sous enveloppe cachetée à Maître [E], huissier de justice, son offre de rachat des parts sociales détenues par elle dans le capital de la société Fiduciaire Artes.

Par ordonnance du 30 mars 2022, ce magistrat a :

enjoint à la société Artes Holding, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d’exécuter l’article 5 du pacte d’associés en remettant sous enveloppe cachetée son offre de rachat de l’intégralité des parts sociales détenues par la société Artes Business dans la société Fiduciaire Artes, à Maître [E], huissier de justice, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance pour une durée de 30 jours ;

dit qu’à défaut d’exécution dans le délai de 30 jours à compter de la signification de la décision, l’offre de rachat de la société Artes Holding sera réputée inférieure d’un euro à celle de la société Artes Business ;

condamné la société Artes Holding au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 5 avril 2022, la société Artes Holding a relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Autorisée par ordonnance du 20 avril 2022, la société Artes Holding a fait assigner à jour fixe, par acte du 26 avril 2022, la société Artes Business pour l’audience du 19 mai suivant.

Aux termes de ses conclusions remises et notifiées le 18 mai 2019, la société Artes Holding demande à la cour de :

déclarer son appel recevable et fondé ;

infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

condamner la société Artes Business à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

débouter la société Artes Business de ses prétentions.

Aux termes de ses conclusions remises et notifiées le 16 mai 2022, la société Artes Business demande à la cour de :

débouter l’appelante de ses prétentions ;

confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

condamner la société Artes Holding au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Selon l’article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article 873, alinéa 2, du même code dispose que dans les cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, il est soutenu par la société Artes Business que l’application de l’article 5 du pacte d’associés conclu le 25 janvier 2018 ne se heurte à aucune contestation sérieuse et qu’elle est justifiée par l’existence d’une mésentente profonde entre les associés de la société Fiduciaire Artes, laquelle entraîne des répercussions graves tant à l’égard des salariés de la société que de la clientèle.

La société Artes Holding considère que l’exécution de l’article 5 ordonnée par le premier juge se heurte à des contestations sérieuses tenant :

d’une part, à la nullité encourue par cet article, qui, comme l’ensemble du pacte, avait pour objet de contourner les règles d’ordre public régissant l’exercice de la profession d’expert comptable et le fonctionnement des sociétés à responsabilité limitée et qui ne comporte aucune détermination du prix de cession,

d’autre part, à la mise en oeuvre de mauvaise foi et de façon déloyale de la clause de retrait,

enfin, à l’existence d’un groupe de contrats constitué de l’ensemble des actes interdépendants conclus entre les parties.

Sur la contestation tenant à la nullité de l’article 5 du pacte d’associés

Le pacte d’associés conclu le 25 janvier 2018 contient un article 5 intitulé ‘clause de retrait en cas de mésentente’, aux termes duquel les parties ont prévu ‘qu’au cas où un désaccord persistant et sérieux surviendrait entre elles (mésentente)’ une procédure de mise aux enchères serait mise en place dans l’hypothèse où ‘tous les associés notifient leur intention de se maintenir au capital de la société’.

Il a ainsi été convenu que ‘sauf meilleur accord entre les parties, les enchères se tiendront en présence d’un huissier au siège social de la société le 30ème jour de la notification de déclenchement de la procédure de retrait étant précisé que si cela tombait un jour férié ou chômé, le délai serait prorogé à la première date ouvrée. Lors des enchères chaque associé remettra à l’huissier convoqué par l’associé le plus diligent une enveloppe cachetée indiquant le prix proposé pour l’acquisition de l’ensemble des parts sociales des autres associés.

Les enveloppes seront décachetées en présence des associés (ou toute personne les représentant) par les soins de l’huissier dûment convoqué.

Les associés pourront être accompagnés s’ils le souhaitent de leur conseil respectif.

L’associé le plus offrant sera tenu d’acquérir les parts sociales des autres associés au prix qu’il aura proposé. Les associés moins disant, seront obligés de céder leurs parts sociales, la cession devant intervenir au plus tard dans les quarante-cinq jours suivant la date des enchères (…)’.

Les parties sont convenues de définir contractuellement ‘la mésentente’ comme notamment, ‘le fait pour un associé de ne plus travailler activement au quotidien dans la société, accompagné de divergences des associés dans la stratégie de la société’ ou ‘la disparition de l’affectio societatis entre les associés’.

Enfin, l’article 11 du pacte, intitulé ‘Dispositions spécifiques à la situation d’Artes Business’, rappelle que l’associé unique de cette société, M. [P], n’étant pas titulaire du diplôme d’expertise comptable, celle-ci ne peut, conformément aux règles régissant la profession d’expert comptable, détenir plus d’un tiers des droits de vote de la société.

Tenant compte de cette situation, les parties ont prévu que les dispositions, notamment, de l’article 5 ‘seront adaptées lors de leur éventuelle application (…)’ et ‘dans l’hypothèse où Artes Business se trouve en situation de racheter l’intégralité des titres des autres associés (elle) aura la possibilité de se substituer tout tiers titulaire d’un diplôme d’expertise comptable’.

Au regard des pièces versées aux débats, l’existence d’une mésentente entre les associés de la société Fiduciaire Artes est manifeste.

En effet, il résulte des échanges de mails et courriers produits et des tentatives de médiation et conciliation mises en oeuvre, que des divergences de vue importantes opposent les associés sur l’organisation et la gestion de la société, provoquant des tensions et conflits.

Il apparaît ainsi que les désaccords persistants entre les associés quant à la répartition des tâches et le suivi des dossiers, en dépit des tentatives de rapprochements amiables, ont été à l’origine d’un climat particulièrement délétère au sein de la société.

La dégradation manifeste des relations a porté atteinte aux conditions de travail des salariés, lesquels ont exprimé devant le médecin du travail une souffrance morale en lien avec celles-ci ainsi qu’il résulte des courriers d’alerte adressés à la société Fiduciaire Artes les 25 novembre et 1er décembre 2021, et ne peut qu’être contraire à l’intérêt social, des clients s’étant d’ailleurs plaints des prestations exécutées et certains ayant décidé de confier l’établissement de leur comptabilité à d’autres cabinets d’expertise comptable.

Ainsi que l’a exactement relevé le premier juge la situation conflictuelle existant entre les associés a eu pour effet de faire disparaître l’affectio societatis entre eux de sorte que contrairement à ce que soutient la société Artes Holding, il n’apparaît nullement que la mésentente aurait été créée par M. [P], associé unique et dirigeant de la société Artes Business afin de l’écarter.

La disparition évidente de l’affectio societatis que Mme [M], associée unique et dirigeante de la société Artes Holding, a contesté tout en prenant acte, par courrier du 15 septembre 2021, de la volonté de la société Artes Business de ‘partir’, celle-ci écrivant à M. [P] ‘Personne ne te contraint et tu demeures libre de quitter la société (…)’, caractérise ‘la mésentente’ au sens de l’article 5 du pacte d’associés dont l’objet est précisément d’organiser la sortie d’un associé en cas de conflit de nature à remettre en cause la volonté de tous les associés de collaborer ensemble et sur un pied d’égalité à la poursuite de l’oeuvre commune.

Contrairement à ce que soutient la société appelante, il n’apparaît pas des termes particulièrement clairs, précis et dépourvus de toute ambiguïté de l’article 5 du pacte, que celui-ci serait susceptible d’encourir une quelconque nullité pour violation de dispositions d’ordre public ou indétermination du prix.

En effet, la faculté de substitution énoncée à l’article 11 du pacte en cas d’acquisition par la société Artes Business des parts de son associé, a été expressément stipulée, d’un commun accord entre les associés, pour ne pas enfreindre les règles régissant la profession d’expert comptable.

Au surplus, il apparaît du mail adressé à Mme [M] le 6 août 2021 par le service déontologie de l’ordre des experts comptables de [Localité 2], que ‘ce type de convention est autorisé’ dès lors que les conditions posées par l’Ordonnance du 19 septembre 1945 réglementant le titre et la profession d’expert comptable sont respectées.

En tout état de cause, la cour relève que la faculté de substitution ayant pour finalité de permettre que les deux tiers des droits de vote soient détenus par un expert comptable inscrit à l’ordre, permet de faire perdurer la situation créée en 2018 entre M. [P] et Mme [M] sans que cette dernière n’ait eu alors à s’en plaindre.

S’agissant de l’atteinte alléguée aux règles régissant le fonctionnement des sociétés à responsabilité limitée, la société appelante rappelle que seul le gérant est investi du pouvoir de représentation légale de la société, que ‘le principe de hiérarchie des organes sociaux et de répartition légale des pouvoirs interdit à tout organe de la société ou à toute personne, membre ou tiers, d’empiéter sur les pouvoirs légaux d’un organe donné’, que ‘doivent être annulées les conventions qui confèrent à un tiers des missions qui se confondent avec le pouvoir de direction et de représentation des dirigeants’, et que ‘s’il est admis que des clauses statutaires puissent limiter les pouvoirs des gérants en soumettant certaines de leurs décisions à une autorisation de l’assemblée des associés, une convention ne saurait conférer à un associé un droit de veto sur les décisions de gestion et les engagements pris au nom de la société par un gérant sauf à porter atteintes aux règles de représentation de la société et aux pouvoirs légaux des dirigeants’.

Cependant, l’article 5 du pacte ne porte aucune atteinte au pouvoir de représentation et de direction de la gérante de la société Fiduciaire Artes et l’appelante ne précise pas davantage quelle clause du pacte permettrait à la société Artes Business d’empiéter sur les pouvoirs de cette dernière.

Par ailleurs, il ne peut sérieusement être soutenu que l’article 5 serait nul pour indétermination du prix de cession dès lors que les parties sont convenues d’une procédure d’enchères permettant à chaque associé de formuler des offres croisées et qu’elles se sont engagées à accepter l’offre la mieux disante tout en renonçant à formuler une surenchère ultérieure. Le prix de cession des parts, qui ne dépendait pas de la seule volonté d’une partie, mais résultait des modalités préalablement fixées entre les associés, était déterminable, de sorte que la validité de la clause ne souffre aucune discussion.

Sur la contestation tenant à la mise en oeuvre de mauvaise foi de la clause de retrait

Il est reproché à la société Artes Business d’avoir, par lettre du 12 juillet 2021, mis en oeuvre de mauvaise foi la clause de retrait et de se faire substituer par la société Artplus Conseil, constituée en août 2021 par l’ancien employeur de M. [P].

Or, ainsi qu’il a été précédemment indiqué, il n’apparaît pas des pièces produites que la mésentente a été orchestrée par M. [P], de surcroît, avec la complicité de son ancien employeur, M. [U] afin d’évincer la société Artes Holding et sa gérante et fondatrice de la société Fiduciaire Artes, Mme [M].

En effet, les désaccords persistants entre les parties qui n’apparaissent pas exclusivement imputable à M. [P], ont eu une incidence certaine sur le fonctionnement de la société et justifient la mise en oeuvre de la clause litigieuse du pacte d’associés, qui tient lieu de loi entre les parties.

S’il résulte de la lettre que M. [U] a adressé à l’ordre des experts comptables le 3 janvier 2022, que M. [P] lui a fait part des difficultés rencontrées au sein de la société Fiduciaire Artes et de sa volonté de mettre en oeuvre la clause de retrait en cas de mésentente, il n’est toutefois pas démontré, au regard de la mésentente objective et manifeste relevée entre les associés, qu’il serait impliqué dans celle-ci.

En outre, le fait que la société constituée par M. [U] en août 2021 se substitue à la société Artes Business en application de l’article 11 du pacte d’associés, ne peut suffire à caractériser, avec toute l’évidence requise en référé, l’existence d’une collusion frauduleuse entre M. [P] et M. [U] au détriment des intérêts de Mme [M] s’inscrivant dans le cadre d’une entreprise de concurrence déloyale à l’égard de la société Fiduciaire Artes dès lors que la procédure d’enchères prévue par les associés était suffisamment protectrice de leurs intérêts respectifs, puisque chaque associé fixait le prix qu’il était prêt à payer pour acquérir les parts de l’autre.

En tout état de cause, la société Artes Holding ne peut sérieusement soutenir que M. [P] aurait eu l’intention de détourner des clients de la société Fiduciaire Artes puisque la société Artes Business qu’il dirige a toujours manifesté sa volonté de rester au capital de la société Fiduciaire Artes et que les pertes de clients enregistrées par cette société se sont effectuées au profit de cabinets d’expertise comptable tiers ainsi qu’il résulte des courriers que ces derniers ont adressés à la société Fiduciaire Artes.

Enfin, la société Artes Holding ne peut invoquer pour caractériser la mauvaise foi de l’intimée dans la mise en oeuvre de la clause de retrait, des faits survenus postérieurement au dépôt de son offre effectuée le 15 avril 2022 en exécution de l’ordonnance entreprise, consistant, selon elle, dans la lecture et la diffusion de mails confidentiels avec son avocat et dans l’ouverture des enveloppes contenant les offres de prix hors sa présence.

En effet, la procédure de retrait ayant été engagée le 12 juillet 2021, c’est à cette date que doit s’apprécier l’éventuelle mauvaise foi de la société Artes Business, en l’espèce, non caractérisée.

Si la prise de connaissance et la communication de mails confidentiels échangés entre la gérante de la société Fiduciaire Artes et son avocat, mails dont il n’est pas contesté qu’ils ont été découverts sur une boîte mail interne de la société, sont regrettables, elles sont cependant sans incidence sur la procédure d’enchères, la cour observant que la société Artes Business avait remis à l’huissier de justice son offre de prix avec l’identité de la société devant se substituer à elle dès le 11 août 2021, soit huit mois avant la découverte de ces mails qui, en tout état de cause, ne portaient pas sur le prix.

En outre, il ne saurait être reproché à la société intimée d’avoir demandé à l’huissier de justice d’ouvrir les enveloppes, le 29 avril 2022, hors la présence de la société Artes Holding dès lors que cette dernière a fait le choix de ne pas se présenter alors que plusieurs dates lui avaient été proposées ainsi qu’à son conseil, entre le 20 et le 28 avril 2022, par l’huissier de justice, que le conseil de la société Artes Business a proposé la date du 28 avril et convoqué les parties pour cette date et qu’en l’absence de la société appelante, une nouvelle convocation par mail lui a été adressée, en vain, pour le lendemain.

En tout état de cause, l’ouverture des enveloppes est sans lien avec les conditions de mise en oeuvre de la clause de retrait.

Enfin, il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que l’ordonnance entreprise ne prévoyait pas de délai pour l’ouverture des enveloppes et que la procédure d’appel était pendante, dès lors que l’article 5 du pacte, régulièrement mis en oeuvre, prévoyait que les enchères se tiendraient le 30ème jour de la notification de déclenchement de la procédure de retrait, délai largement expiré à la date du 29 avril 2022.

Sur la contestation relative au sort du groupe de contrats

La société appelante soutient que le premier juge ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, statuer sur la mise en oeuvre de la clause de retrait sans statuer sur le sort du contrat de prestation de services conclu entre les sociétés Fiduciaire Artes et Artes Business, qui était conditionné au maintien de la seconde dans le capital de la première et à la persistance des modalités convenues dans le pacte d’associés.

Or, saisi, dans le cadre d’un conflit entre associés, d’une demande tendant à l’exécution d’une obligation résultant d’une clause du pacte d’associés, le premier juge a statué dans les strictes limites de sa saisine et n’avait, donc, pas à statuer sur le sort d’un contrat conclu entre la société et l’un de ses associés.

Il résulte donc des motifs qui précèdent que l’exécution par la société Artes Holding de son obligation prévue à l’article 5 du pacte de remettre sous enveloppe cachetée son offre de rachat, ne se heurte à aucune contestation sérieuse. L’exécution de cette obligation était au surplus justifiée par l’urgence tenant à la nécessité de préserver l’intérêt social compromis par les désaccords existant.

Il convient donc de confirmer l’ordonnance entreprise de ce chef.

Le sort des dépens de première instance et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.

Succombant en ses prétentions, la société Artes Holding sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Artes Business, contrainte d’exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense devant la juridiction du second degré, la somme complémentaire de 3.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Condamne la société Artes Holding aux dépens d’appel et à payer à la société Artes Business la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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