Conflits entre associés : décision du 20 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-23.961

Conflits entre associés : décision du 20 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-23.961

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Rejet non spécialement motivé

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10561 F

Pourvoi n° N 19-23.961

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 OCTOBRE 2021

La société [X], société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [M] [X], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société JBS, a formé le pourvoi n° N 19-23.961 contre l’arrêt rendu le 1er août 2019 par la cour d’appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société JBS, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], représentée par la société AJ associés, en la personne de M. [D] [Z], prise en qualité d’administrateur provisoire de la société JBS,

2°/ à la société JBS, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à M. [U] [V], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations écrites de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société [X], ès qualités, et l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, Mme Vallansan, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [X], ès qualités, aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société [X], en la personne de M. [M] [X], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société JBS.

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Me [M] [X]
[X], ès qualités, de sa demande d’extension à la SCI JBS de la liquidation judiciaire de la Sarl Le Crazy,

Aux motifs qu’« aux termes de l’article L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce, à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. 1. Il existe entre la SCI JBS et la SARL Le Crazy des éléments de rapprochement certains mais imparfaits entre les deux personnes morales qui ne portent pas en soi atteinte à leur autonomie. – Le capital social des sociétés SCI JBS et SARL Le Crazy était pour l’essentiel entre les mains des mêmes personnes. S’agissant de la SCI JBS, elle a été immatriculée le 5 juillet 1995 au registre du commerce et des sociétés de Fort-de-France. Ses associés fondateurs étaient les époux [O], M. [P] [B] et M. [U] [V], respectivement détenteurs de 46%, 22,5%, 31,5% du capital social. L’acte en date du 12 janvier 2001, par lequel les époux [O] avaient cédé à MM. [V] et [B] leurs parts sociales a été annulé par un jugement du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 8 novembre 2005 confirmé par un arrêt de cette cour du 27 avril 2007. Mais, à la faveur de l’augmentation de capital du 1er décembre 2005, validée par le jugement du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 30 mai 2017, la part des époux [O] a été réduite à 4,5%, tandis que celles de M. [P] [B] et de M. [U] [V] sont passées à 47,25% et 48,15%, soit 95,40% à eux deux. La SARL Le Crazy a été immatriculée le 29 mars 2010 au registre du commerce et des sociétés de Fort-de-France. Ses associés fondateurs étaient Mme [L] [H] et M. [G] [R], titulaires chacun de 10% du capital social, M. [U] [V] et M. [P] [B], titulaires chacun de 40% du capital social, soit 80% à eux deux. M. [U] [V] et M. [P] [B] étaient ainsi associés majoritaires des deux sociétés, à hauteur de 95,40 % pour l’une et de 80% pour l’autre mais, quoique minoritaires, les époux [O], non associés de la SARL Le Crazy, ont oeuvré en justice pour faire respecter leurs droits d’associés et les intérêts propres de la SCI JBS. – Les deux sociétés ont le même siège social, localisé dans les locaux loués par la SCI JBS à la SARL Le Crazy. – M. [D] [A], à qui le juge-commissaire au redressement judiciaire de la SARL Le Crazy a demandé d’expertiser la comptabilité de cette entreprise, a relevé que les pièces comptables avaient été stockées et archivées indistinctement avec celles de la SCI JBS. – Les gérants des deux sociétés n’étaient cependant pas les mêmes. M. [P] [B] est devenu le gérant de la SCI JBS à compter du 18 mai 2000 ; il serait décédé en décembre 2013, sans qu’un remplacement ait été officialisé puisqu’il figure toujours sur l’extrait K-bis du 5 septembre 2018. Tandis que, selon le rapport de M. [D] [A], le gérant statutaire de la SARL Le Crazy était M. [G] [R], qui a été remplacé en avril 2014 par M. [S] [B], lequel figure bien sur l’extrait K-bis du 2 décembre 2016. 2. La société Le Crazy a été constituée pour séparer l’activité commerciale de la propriété immobilière dans laquelle elle est exercée, ce qui, outre qu’il n’existait pas une identité parfaite d’associés et de dirigeants, n’est pas en soi illicite. Les relations entre les deux sociétés reposent sur un bail commercial qui a fait l’objet d’un écrit sous seing privé non daté, signé par M. [U] [V] au nom de la SCI JBS, et M. [G] [R] pour la SARL Le Crazy. Si l’exécution du bail a couvert ses irrégularités formelles, il est certain que son loyer, fixé à 10 000 € par mois, a été sous-évalué, ainsi qu’il résulte du rapport du cabinet d’expertises [Q] [N], sollicité par l’administrateur provisoire de la SCI JBS, qui a conclu, en mai 2012, à une valeur locative d’ensemble de 36 000 € dont 33 000 € pour la construction à usage d’établissement de nuit, et 3 000 € pour le foncier résiduel. La SCI JBS déplore à tort l’absence de caractère contradictoire du rapport de ce technicien, alors qu’il a été mandaté dans son intérêt par son propre représentant commis par une décision de justice. Il est en tout état de cause versé aux débats et soumis à la discussion des parties et peut donc être retenu comme élément de preuve. Emanant d’un spécialiste désigné par un mandataire de justice, il est en outre bien documenté et complété par les offres de location reçues par cet administrateur provisoire, au vu desquelles le tribunal a estimé la valeur locative du bien à 20 000 € dans son jugement du 30 mai 2017. Mais cette sous-évaluation du loyer ne permet pas de conclure à une confusion de patrimoine entre les deux sociétés. 3. M. [T] [A] a retrouvé, dans les livres de la SARL Le Crazy un “compte 4671 débiteur SCI JBS”. Mais d’une part l’irrégularité de la relation juridique qu’il constate n’est pas établie, d’autre part cet expert convient que les montants (solde inférieur à 4 000 e) ne sont pas significatifs. 4. L’essentiel de l’argumentation du liquidateur, et de la motivation du jugement déféré, réside en fait dans le défaut de réclamation et de recouvrement prolongé des loyers par la bailleresse, qui a généré une dette de la SARL Le Crazy évaluée a minima à 23 270 000 € à fin 2013. Cependant, comme le souligne M. [U] [V], un administrateur provisoire a été désigné à la SCI JBS, en raison d’un conflit entre associés, par l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 6 mai 2011 confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France du 2 décembre 2011. Cet administrateur est resté en fonction sans discontinuer jusqu’au jugement de redressement judiciaire de la SCI JBS du 20 juin 2017 ; il est devenu administrateur judiciaire au cours de la procédure collective clôturée pour extinction du passif le 17 avril 2018 ; il a de nouveau été investi d’une mission d’administration provisoire par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 20 avril 2018 et représente d’ailleurs à ce titre la SCI JBS dans la présente instance. Il avait reçu pour mission, notamment, de faire toutes opérations conformes aux statuts et entrant dans l’objet social de la société et permettant la conservation du patrimoine et le respect des obligations légales, – en assurer la gestion et l’administration, – faire toute action en justice dans l’intérêt de la société. Il en résulte corrélativement que le gérant de la SCI JBS s’est trouvé privé des pouvoirs correspondants d’administration et de gestion de la société, en particulier en ce qui concerne les loyers, et, en définitive, de tout pouvoir de direction de celle-ci. La SARL Le Crazy était à jour du paiement des loyers au mois d’avril 2011 si bien que la dette locative s’est constituée postérieurement à la nomination de l’administrateur judiciaire qui a, dans le cadre de sa mission :- fait estimer, en mai 2012, l’immeuble de la SCI JBS tant en valeur locative qu’en valeur vénale, – saisi, le 6 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Fort-de-France qui, par une ordonnance du 31 janvier 2014, a condamné la SARL Le Crazy au paiement d’un arriéré de loyers de 270 000 €, – pratiqué une saisie-attribution à l’encontre de la SARL Le Crazy le 28 avril 2014, – déclaré la créance de la SCI JBS auprès du mandataire judiciaire de la SARL Le Crazy le 25 septembre 2014. Il en résulte que, dans ces conditions, l’accumulation de la dette de loyers ne peut être vue comme participant d’un intérêt commun entre les deux sociétés ni constitutive d’une relation financière anormale ou artificielle entre la bailleresse et la locataire par l’effet d’une connivence, d’une volonté ou d’une défaillance de leurs dirigeants contraires aux principes de bonne gestion des sociétés. En conséquence, en l’absence de confusion de patrimoine caractérisée imputable à l’une ou l’autre des deux sociétés, l’extension à la SCI JBS de la liquidation judiciaire de la SARL Le Crazy n’est pas justifiée, si bien qu’il y a lieu d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de rejeter la demande présentée à cet effet par Maître [X] ès qualités. Les dépens seront supportés par Maître [X], ès quotités, chacune des parties conservant la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés »

1°) Alors que la confusion de patrimoines entre deux sociétés, justifiant l’extension de la procédure collective ouverte à l’encontre de l’une d’elles, peut notamment résulter de l’existence de flux financiers anormaux entre ces deux entités ; que de telles relations financières anormales sont notamment constituées par des rapports contractuels à des conditions ne correspondant manifestement pas à celles du marché ; qu’en l’espèce, après avoir constaté que la SCI JBS et la société Le Crazy avaient les mêmes associés majoritaires (arrêt, p. 5, 3ème à 7ème §), que ces deux sociétés partageaient le même siège social, situé dans les locaux appartenant à la SCI JBS et donnés à bail à la société Le Crazy (p. 5, avant-dernier §), que leurs documents comptables y étaient indistinctement stockés (p. 5, dernier §), la cour d’appel a relevé que la SCI JBS avait mis ses locaux à disposition de la société Le Crazy moyennant un loyer mensuel de 10.000 €, très largement inférieur à la valeur locative de l’immeuble, évaluée par un expert à 36.000 € mensuels (arrêt, p. 6, 4ème à 6ème §) ; qu’en jugeant que cette sous-évaluation du loyer facturé par la SCI JBS ne permettait pas de caractériser une confusion de patrimoine entre les deux sociétés, quand elle constatait que le bail liant la SCI JBS à la société Le Crazy avait été conclu moyennant un loyer dont le montant était sans rapport avec le marché locatif, ce qui caractérisait une relation financière anormale entre ces deux sociétés, la cour d’appel a violé l’article L. 621-2, alinéa 2, du code de commerce ;

2°) Alors, en outre, que la mise à disposition par une SCI à une autre société d’un local, en contrepartie d’un loyer dérisoire dont elle s’abstient de réclamer le paiement caractérise l’existence de flux financiers anormaux qui justifient l’extension de la procédure collective de la locataire à la bailleresse ; que la circonstance qu’un administrateur provisoire ait été désigné au sein de la société bailleresse n’affecte en rien l’existence de tels flux financiers anormaux ; qu’en l’espèce, les juges du fond ont constaté que la bail conclu entre la SCI et la SARL stipulait un loyer de 10.000 dont la valeur était en réalité de 36.000 € (arrêt, p. 6, § 5) ; qu’ils ont également relevé que le paiement des loyers n’avait été réclamé qu’en 2014 (arrêt, p. 7, dernier §), par un administrateur provisoire désigné en 2011 (arrêt, p. 7, § 2) ; qu’en se fondant sur la circonstance inopérante que la désignation d’un administrateur provisoire au sein de la SCI avait privé le dirigeant de tous pouvoirs, pour exclure la confusion des patrimoine qui résultait pourtant de ses constatations, la cour d’appel a encore violé l’article L. 621-2, alinéa 2, du code de commerce ;

3°) Alors en tout état de cause que l’existence de relations financières anormales entre deux sociétés, constitutives d’une confusion des patrimoines, doit être appréciée de manière globale au regard d’un faisceau d’indices concordants ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la SCI JBS et la société Le Crazy avaient les mêmes associés majoritaires (arrêt, p. 5, 3ème à 7ème §), que ces deux sociétés partageaient le même siège social, situé dans les locaux appartenant à la SCI JBS et donnés à bail à la société Le Crazy (p. 5, avant-dernier §), que leurs documents comptables y étaient indistinctement stockés (p. 5, dernier §), et que la SCI JBS avait mis ses locaux à disposition de la société Le Crazy moyennant un loyer mensuel de 10.000 €, très largement inférieur à la valeur locative de l’immeuble, évaluée par un expert à 36.000 € mensuels (arrêt, p. 6, 4ème à 6ème §) ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions d’appel de l’exposant, p. 10 et s.), si l’ensemble de ces éléments, appréciés de manière globale, ne permettaient pas de caractériser la confusion des patrimoines des deux sociétés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de violé l’article L. 621-2, alinéa 2, du code de commerce.

 


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