Conflits entre associés : décision du 17 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02604

Conflits entre associés : décision du 17 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02604

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

(n° , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02604 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFTK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020006005

APPELANT

Monsieur [Z] [P]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 11] (ROYAUME-UNI)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, avocat postulant

présent et assisté de Me Arnaud CLARET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0495, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 6]

S.E.L.A.F.A. MJA, en la personne de Me [D] [AE]

en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL FILM FACTORY

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame Anne-France SARZIER, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Exposé des faits et de la procédure

La SARL FILM FACTORY a été créée en juillet 1995. Elle avait pour activité la post-production de films publicitaires. de clips vidéo, et les éditions musicales.

M. [AZ] [P] qui était associé à hauteur de 6,47%, a exercé les fonctions de gérant du 7 septembre 2012 au 28 octobre 2016, date à laquelle il a été révoqué par l’associé majoritaire, Mme [A] [U]- [Y], détenteur de 68,27% des parts sociales outre 4,88% via sa société C’EST AU 4.

Par ordonnance en date du 17.11.2016 rendue par le tribunal de commerce de PARIS une procédure de conciliation a été ouverte et Me [V] [CS] a été nommé conciliateur avec pour mission d’assister Mme [A] [U]-[Y] dans ses discussions avec les créanciers.

Suite à une requête du 22 novembre 2016, par ordonnance en date du 28.11.2016 le cabinet d’expertise comptable SAADI a été mandaté pour établir un rapport sur la situation comptable et financière de la société. Le rapport a été déposé le 3 janvier 2017.

Le 19 janvier 2017 Mme [A] [U]-[Y] a déposé une déclaration de cessation des paiements devant le tribunal de commerce de PARIS.

Par jugement du 1er février 2017 le tribunal de commerce de PARIS a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL FILM FACTORY et a désigné la SELASU [I] [CS] en qualité d’administrateur judiciaire et la SELAFA MJA en qualité de mandataire judiciaire.

Un bilan économique, social et environnemental a été établi par l’administrateur judiciaire, Me [V] [CS], en date du 27 mars 2017.

Par jugement du 19 juillet 2017, le tribunal de commerce a converti le redressement de la SARL FILM FACTORY en liquidation judiciaire et désigné la SELAFA MJA en qualité de liquidateur.

Aux termes des opérations de liquidation l’insuffisance d’actif s’établit à 2.125.199 euros hors créances provisionnelles et hors compte courant de Monsieur [AZ] [P], dont 732.695 euros ressortant de la période suspecte.

Par actes du 24.01.2020, la SELAFA MJA prise en la personne de Me [D] [AE], mandataire judiciaire liquidateur de la SARL FILM FACTORY a assigné M. [Z] [P] et Mme [WE] [MX] dirigeants allégués de fait de la SARL FILM FACTORY en sanction personnelle.

Par jugement du 18.01.2022 le tribunal de commerce a:

– dit que Mme [WE] [MX] n’était pas dirigeante de fait et dit n’y avoir lieu à sanction à son encontre

– interdit à M.[Z] [P], dirigeant de fait de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, en tout cas toute personne morale et fixe la durée de cette mesure à 3 ans ;

– condamné Monsieur [Z] [P] à payer à la SELFA MJA la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

– Dit qu’en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

– Dit que les dépens du présent jugement liquidés à la somme de 139,87 euros TTC (dont TVA: 23,10 euros) seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Le tribunal a:

– écarté le grief de retard de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans la mesure où le dirigeant de fait ne pouvait procéder à la déclaration de cessation des paiements

– retenu le grief relatif à la comptabilité irrégulière

– retenu le grief relatif à l’existence de transferts sans contrepartie.

Monsieur [Z] [P] a formé appel le 01.02.2022

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 29.06.2022 Monsieur [Z] [P] demande à la cour de:

INFIRMER le jugement n° 2020/006005 rendu le 18 janvier 2022 par la 5ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :

. interdit a M. [Z] [P], en sa qualité de dirigeant de fait de la SARL FILM FACTORY, de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, en tout cas toute personne morale, et fixe la durée de cette mesure à 3 ans ;

. condamné M. [Z] [P] a payer a la SELAFA M.J.A. la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, déboutant du surplus de la demande;

Statuant à nouveau sur les points qui précèdent,

DIRE ET JUGER que M. [Z] [P] n’était pas dirigeant de fait de la société FILM FACTORY ;

DIRE ET JUGER que M. [Z] [P] n’a pas commis de faute de gestion ;

DIRE ET JUGER n’y avoir lieu à sanction personnelle à l’encontre de M. [Z] [P];

Sur l’appel incident,

REJETER les prétentions, fins et moyens de la SELAFA M.J.A. ;

Dans tous les cas,

CONDAMNER le SELAFA M.J.A., es-qualités de liquidateur judiciaire de la société FILM FACTORY, a payer à M. [Z] [P] la somme de six mille euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER le SELAFA M.J.A., es-qualités de liquidateur judiciaire de la société FILM FACTORY, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la S.C.P. GRAPPOTE BÉNÉTREAU, avocats au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 3.05.2022 la SELAFA MJA es- qualités de liquidateur de la société FILM FACTORY demande à la cour de:

CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 janvier 2022 en ce qu’il a jugé :

– que Monsieur [Z] [P] a la qualité de gérant de fait de la société FILM FACTORY,

– que la comptabilité de la société FILM FACTORY est irrégulière,

– que Monsieur [Z] [P] a fait des biens ou du crédit de la société FILM FACTORY un usage contraire à I’intérêt de celle-ci pour favoriser la société ZORA PRODUCTION LTD dans laquelle il était intéressé,

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 janvier 2022 en ce qu’il a écarté à l’égard de Monsieur [Z] [P] le grief d’omission de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de la société FILM FACTORY dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements ;

Statuant à nouveau,

CONSTATER, DIRE et JUGER que Monsieur [Z] [P] a omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de la société FILM FACTORY dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements ;

CONFORMEMENT au pouvoir souverain d’appréciation de la Cour;

A titre principal,

PRONONCER la faillite personnelle de Monsieur [Z] [P], pour telle durée qu’iI appartiendra à la Cour de fixer ;

A titre subsidiaire, PRONONCER à l’égard de Monsieur [Z] [P] l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute personne commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci et pour la durée qu’il appartiendra à la Cour de fixer;

CONDAMNER Monsieur [Z] [P] à payer à la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [D] [AE], la somme de 3 000 € en application de I’articIe 700 du Code de procédure civile, s’ajoutant à la condamnation prononcée sur ce même fondement par le jugement entrepris ;

CONDAMNER Monsieur [Z] [P] en tous les dépens et DIRE qu’iIs pourront être recouvrés par Maître Vincent GALLET, Avocat, conformément aux dispositions de I’articIe 699 du Code de procédure civile.

Selon avis signifié le 17.05.2022, le ministère public est d’avis d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas retenu le retard dans la déclaration de cessation des paiements et de retenir ce grief, de confirmer la décision en ce qu’elle a condamné Monsieur [P] à une interdiction de gérer à 3 ans.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la direction de fait

Monsieur [P] expose qu’il est le neveu de M. [AZ] [P], qu’il a rejoint comme salarié la société FILM FACTORY courant 2014 afin de s’occuper de l’activité liée à la production et à la post-production, que parallèlement à cette activité salariée, il réalisait également certaines prestations commerciales et de conseil au profit de la société FILM FACTORY par le biais de sa propre société de conseils, la SAS [P] & PARTNERS.

Il expose que la jurisprudence a défini la notion de dirigeant de fait comme celui qui, en toute souveraineté et indépendance, exerce une activité positive de gestion et de direction, qu’il convient donc d’établir 1° une activité effective de gestion et de direction, 2° exercée en toute indépendance et souveraineté, que les éléments produits aux débats démontrent une activité relevant des fonctions commerciales qu’il exerçait mais interdisent de retenir la souveraineté d’exercice de l’appelant, qu’aucune des multiples pièces produites en première instance par la SELAFA M.J.A. ne démontre en effet la moindre prise de décision de la part de l’appelant, hors l’exercice de sa mission de directeur commercial, qu’à aucun moment, il n’a pris des décisions, que le fait qu’il ait été destinataire d’informations concernant le fonctionnement de la société ne

saurait constituer une prise de décision au sens où l’entend la jurisprudence relative à la direction de fait des sociétés commerciales, que du reste, le tribunal de commerce n’a pas été en mesure de retenir la moindre décision positive et active de l’appelant dans la direction de la société FILM FACTORY, qu’en réalité la dirigeante de la société était Mme [Y] [U].

La société MJA expose que Monsieur [Z] [P]:

– était expéditeur ou destinataire ou dans la boucle de nombreux courriels concernant les relations entre les associés de la SARL FILM FACTORY,

– a été associé à la préparation d’un rendez-vous avec Maître [D] [AE] et aux réponses aux explications sollicitées,

– était expéditeur ou destinataire ou dans la boucle de courriels concernant la comptabilité de la société FILM FACTORY,

– suivait quotidiennement la trésorerie de la société FILM FACTORY, en se faisant communiquer les soldes des différents comptes bancaires de la société.

– était en relation avec les différentes administrations,

– était en relation étroite avec les salariés de la société FILM FACTORY, à qui il donnait des instructions ou qui prenaient des instructions auprès de lui et lui soumettaient leurs demandes de congés ou d’achat de fournitures,

– bien qu’il n’ait pas la signature en banque, se mêlait des relations avec les partenaires bancaires de la société ou était associé auxdites relations.

– se chargeait de trouver de nouveaux investisseurs pour le compte de la société FILM FACTORY,

– était en relation étroite avec les fournisseurs et les sous-traitants.

– est expéditeur ou destinataire ou dans la boucle de nombreux courriels concernant le règlement des fournisseurs

– était en relation étroite avec les clients de la société FILM FACTORY.

– était également très impliqué dans le recouvrement des créances clients.

– était omniprésent dans la direction de la société FILM FACTORY, dont il n’était pas qu’un simple attaché commercial ou prestataire par l’intermédiaire de la société [P] & PARTNERS et accomplissait des actes positifs de gestion en toute indépendance au sens de la jurisprudence de la cour de cassation.

Le ministère public invite la cour à confirmer la qualité de dirigeant de fait de M. [Z] [P] au vu des très nombreux courriels fournis par le liquidateur qui démontrent que le rôle de ce dernier dépassait très largement celui d’attaché commercial puisqu’il intervenait de façon active auprès de toutes les personnes en relation avec la société (associés, fournisseurs, clients, sous traitants, salariés, administration ) et que notamment il supervisait la comptabilité et suivait quotidiennement la trésorerie, qu’il s’agit d’un faisceau d’indices permettant de démontrer qu’il accomplissait des actes positifs de gestion en toute indépendance.

Sur ce

La société FILM FACTORY est une société de post production qui employait environ 28 personnes lors de l’ouverture du redressement judiciaire.

Son gérant de droit était Monsieur [AZ] [P].

Monsieur [Z] [P], neveu du gérant, était directeur commercial étant précisé que ses feuilles de paye sont établies avec la mention attaché commercial. Il facturait également des honoraires à la société au titre de la prospection commerciale. Il apparait donc qu’il prenait en charge la partie commerciale s’agissant de la recherche des contrats de post production de films et assurait à ce titre:

– la prospection de clientèle,

– la négociation des contrats et l’établissement des devis commerciaux,

– la signature des contrats

– et le suivi du paiement des contrrats..

La réalisation technique des contrats conclus par lui n’était pas de sa compétence et donc son périmètre d’intervention n’incluait pas:

– les commandes des matériels, consommables et services nécessaires à la réalisation des contrats de post production,

– l’engagement des personnels recrutés soit de façon pérenne par la société dans le cadre de son activité, soit de façon ponctuelle dans le cadre de l’exécution d’un contrat nécessitant un personnel plus important ou présentant des qualifications particulières,

– la négociation des conditions des contrats des personnes intervenant dans l’exécution des contrats.

Le suivi financier des activités de la société n’était pas non plus intégré dans le périmètre de sa fonction de responsable commercial s’agissant en particulier de décisions concernant:

– le paiement de factures établies par des prestataires extérieurs,

– mais également du suivi quotidien de la situation financière de la société,

– de la recherche de ressources financières,

– des relations avec les établissements bancaires et les fournisseurs,

– des négociations avec l’administration fiscale.

La jurisprudence a défini la notion de dirigeant de fait comme celui qui, en toute souveraineté et indépendance, exerce une activité positive de gestion et de direction.

Le mandataire judiciaire a produit de très nombreux mails au soutien de son action en responsabilité engagée à l’encontre de Monsieur [Z] [P].

De très nombreux mails ont été adressés par Mme [HO] assistante administrative et financière, soit à [Z] [P], [AZ] [P] et [WE] [MX], soit seulement à [Z] [P] et [WE] [MX] concernant:

– les soldes quotidiens bancaires du 2 mai 2016 au 26 octobre 2016,

– les saisies, les inscriptions de privilège, les courriers adressés par les banques de la société (pièce 31).

Madamer [HO] a également adressé à [Z] [P], comme à [AZ] [P] et [WE] [MX] un mail leur transférant un courrier de la commission de sécurité s’agissant de la non conformité des locaux du [Adresse 2] (pièce 30)

De très nombreux mails ont été adressés à [Z] [P] seul, par Mme [MX] qui s’occupait entre autre de la comptabilité et qui est présentée par Monsieur [Z] [P] comme la directrice financière de la socété, s’agissant du transfert d’éléments comptables, en particulier les bilans et comptes de résultats (pièce 28).

Elle propose ainsi à Monsieur [C] [NK], expert comptable de la société en 2015 et en partie en 2016, de les rencontrer, elle et [Z] [P] pour comprendre comme traiter comptablement et fiscalement les dossiers de coproduction (mail compris dans la pièce 28 adressé par [WE] [MX] à Monsieur [C] [NK] et à Monsieur [Z] [P] en date du 30.06.2016 dont les termes sont les suivants: ‘[C], comme tu le sais FILM FACTORY rentre en copro sur pas mal de projet et [E] et moi souhaitons faire un rendez vous avec toi afin de nous expliquer comment traiter comptablement et fiscalement ces dossiers’).

Lorsque la société n’est pas en mesure de payer les salaires début avril 2016, Madame [MX] en informe [AZ] [P] et [Z] [P] le 4.04.2016 en leur écrivant: aucun virement de salaire n’a pu être effectué car les banques sont toutes débitrices. Recifilm ne nous a rien viré et tous les prélèvements qui se sont présentés sur la HSBC ont été rejetés. Je vous appelle vers 16h.

S’agissant de la gestion des ressources humaines [Z] [P] était destinataire, comme [AZ] [P] et [WE] [MX], de différents courriels adressés par les salariés ou stagiaires de la société relatifs aux problèmes de paiement que ceux ci ont pu rencontrer avec la société.

Il était destinataire comme [AZ] [P] et/ou [WE] [MX] de différents courriels en relation avec la gestion des ressources humaines (congés, maladie, remplacements, emploi de personnel intermittent…).

Enfin il était destinataire comme [AZ] [P] et/ou [WE] [MX] de différents courriels concernant le fonctionnement de la société: organisation des plannings, de l’activité, achat de matériel à effectuer.

Il ressort de l’ensemble des emails versés aux débats par le mandataire judiciaire que monsieur [Z] [P] a été destinataire d’informations qui excédaient le périmètre de ses fonctions de responsable commercial en ce qu’il était informé de l’ensemble du fonctionnement de la société s’agissant des aspects commerciaux (de son ressort), financiers, comptables, bancaires, techniques, organisationnels et de gestion des ressources humaines (qui n’étaient pas de son ressort).

S’agissant des actes positifs de gestion et de direction effectués par Monsieur [Z] [P] en toute indépendance il convient de retenir:

– le fait que Monsieur [Z] [P] a engagé un processus de négociation avec les services fiscaux.

Pièce 30 première page: Monsieur [Z] [P] et l’administration fiscale s’agissant du SIE [Localité 8] Nord ont échangé des mails dont la teneur est la suivante;

Le 21.03.2016 Monsieur [Z] [P] écrit: Bonjour Madame, pourrions nous nous voir la première semaine du mois d’avril car j’aimerai trouver une solution de paiement pour régulariser ma situation pour l’année 2014′

Il lui est répondu par mail du 8.04.2016 envoyé par Monsieur [FD] chef du service comptable du service des impôts des entreprises de Boulogne Nord: je vous invite à envoyer en PDF le bilan 2014 et un échéancier des règlements à venir.

Ce mail est transféré par [Z] [P] à [WE] [MX] avec le message ‘For You’.

Ce mail démontre que Monsieur [Z] [P] a engagé un processus de négociation avec le SIE, ce qui constitue un acte de gestion positif et indépendant, peu important qu’il ait ensuite délégué à Mme [MX] la mise en oeuvre du processus de négociation engagé.

En effet Monsieur [Z] [P] ne rapporte pas la preuve que le gérant de droit, Monsieur [AZ] [P], lui a donné un mandat de négociation avec les services fiscaux au titre des sommes dues par la société, et ne rapporte donc pas plus la preuve du périmètre dudit mandat.

– le fait que Monsieur [Z] [P] a donné des ordres d’achat de services, de matériel ou de consommables

pièce 31: Par mail daté du 18.08.2016 Monsieur [Z] [P] demande à [AP] [HO] de passer à KODAK une commande et organise le paiement de celle ci pour l’envoi de la commande. Ce mail a comme destinataire en copie [AZ] [P], [WE] [MX], [R] et [W]. Ce mail est une mise en oeuvre d’une demande de commande de produits chimiques effectués par Monsieur [J].

Pièce 34: Sont produits les échanges entre la société Digital District qui envoie une facture de 12.000 euros avec la mention ‘votre commande, [Z] [P]’ accompagnée d’un devis établi pour FILM FACTORY mais avec la mention ‘à l’attention de [Z] [P]’, et ce dernier. Celui ci transfère l’échange à [WE] [MX] qui écrit le 13.10.2015: ‘t’en as beaucoup des factures à 12.000 euros que je n’ai jamais reçu”””’ .

Pièce 34: mail de confirmation de commande de la société PALL COLLECTION mentionnant ‘votre commande: email [Z] [P], commande reçue le 23.11.2015″.

pièce 34: devis pour la refonte du site web de FILM FACTORY adressé à [Z] [P]

pièce 34 mail de [Z] [P] décidant de prendre une pleine page de publicité dans le catalogue des rencontres de coproduction francophones, le 5.09.2016.

pièce 34 emails échangés avec [N] [JM] de la société TF1le 20 et 24 mai 2016 au sujet des frais de réencodage que Monsieur [Z] [P] décide que FILM FACTORY prendra à sa charge.

Pièce 34: facture de la SARL MALAKOFF STUDIO pour les ‘têtes de l’emploi’ adressée à FILM FACTORY à l’attention de [Z] [P]

Pièce 34: mail du 29.09.2016 de [Z] [P] demandant à KODAK un devis pour une commande.

Pièce 35: mail de la société COPIMAGE en date du 9.10.2016 adressant à [Z] [P] une facture suite à une commande passée par lui s’agissant d’une plaquette commerciale

pièce 35: mail de Monsieur [AZ] [HB] adressé à [Z] [P] avec en copie [WE] [MX]: On n’a pas discuté le montant de mon intervention. On verra ça à notre prochain rendez vous. Mais peux tu me faire un virement de 300 euros. Aujourd’hui’ Ci-joint une première facture de ce montant et mon RIB.

Mail de [OJ] [WS] en date du 5.03.2016 envoyé à [Z] [P] avec en copie [WE] [MX] dont l’objet est facture mix.Tramontane: Salut les amis, comme convenu avec [E], une minuscule facture pour le mixage de Tramontane.(…)

Ces différents mails démontrent que [Z] [P] a passé divers contrats ou commandes au titre de l’exécution des contrats signés, ou s’agissant de la communication externe de la société, alors que lesdites décisions n’entrent pas dans les fonctions de responsabilité commercial, y compris avec une mission de prospection, et qu’il n’est pas par ailleurs établi que le gérant de droit de la société lui ait confié par délégation ces missions dans le cadre d’un mandat englobant l’engagement financier de la société. Le fait que [AZ] [P] ait été en copie de différents mails ne suffit pas à rapporter la preuve que les décisions prises par [Z] [P] l’étaient sous la direction du gérant de droit mais démontrent au contraire une co-gérance entre [AZ] [P] et [Z] [P] sur divers aspects de la gestion de la société.

Les décisions prises par Monsieur [Z] [P] au titre de la passation de diverses commandes démontrent donc que celui ci a pris dans la gestion de la société des décisions en toute indépendance.

– le fait que Monsieur [Z] [P] a pris des décisions concernant la gestion des ressources humaines:

Pièce 31:

Mail de Monsieur [T] [GC] relatif d’une part à son emploi une journée de plus et d’autre part au paiement d’une indemnité repas au cours de l’intégralité de son contrat et dont il est indiqué que ce paiement avait été convenu avec [Z].

Mail du 15.09.2016 adressé par [AP] [HO] à Monsieur [Z] [P] avec en copie [WE] [MX] dont la teneur est la suivante: ‘[Z], j’ai préparé le contrat avec [X], peux tu me confirmer la durée de son contrat svp’ La dernière fois il était en contrat chez nous pendant 4 mois. Peux tu me dire aussi ce qui a été prévu pour le CDD [S]”

Pièce 34: mail de [IN] [M] adressé à [Z] [P] en date du 4.08.2015 indiquant Salut [Z], je t’envoie les 2 premières factures que vous devez me régler. Nous devons aussi établir un contrat écrit, signé par FILM FACTORY et moi même…

Ces mails établissent que certaines décisions concernant l’embauche de certaines personnes ou les conditions des contrats d’embauche ont été prises par Monsieur [Z] [P], quand bien même les réponses apportées ne sont pas produites, du fait que lesdites demandes lui sont spécifiquement adressées démontrant qu’il était la personne de référence pour certains intervenants, alors qu’il n’entre pas dans les fonctions de responsable commercial la gestion des ressources humaines et qu’il n’est pas rapporté la preuve qu’un mandat spécifique lui a été donné par le gérant de droit à ce titre.

Les décisions qui ont été ainsi prises par Monsieur [Z] [P] doivent être qualifiées de décisions de gestion prises en toute indépendance.

– le fait que Monsieur [Z] [P] a pris des décisions concernant la gestion financière de la société:

– concernant la gestion des comptes bancaires

Pièce 32:

– mail de [Z] [P] à [DR] [K], conseiller à la Société Générale, en date du 21.04.2016 demandant une augmentation du plafond de carte bleue pour que la société puisse faire des achats de matériel pour préparer les 8 films à présenter à [Localité 9],

– mail de Monsieur [Z] [P] demandant à Mme [HO], après que celle ci ait fait des recherches sur la façon de saisir le médiateur de la banque HSBC suite à la décision de la banque de couper les lignes Dailly, de voir ça avec [WE] et de réunir tous les éléments

– mails entre divers représentants d’HSBC et Monsieur [Z] [P], Mme [MX] et Mme [HO] concernant les daillys démontrant que Monsieur [Z] [P] était le contact de la banque HSBC pour la société.

– s’agissant de rechercher un investisseur pour obtenir un prêt

mail du 26.10.2016 adressé par Monsieur [Z] [P] à [DR] [YC] aux termes duquel il lui présente la société, sollicite un prêt de 200.000 euros et lui indique que [AZ] ([P]) serait heureux de lui attribuer 10% des actions de la société en nantissement.

– concernant les fournisseurs

pièce 34 mail de monsieur [B] [VF] de la société PROGERIS à l’attention de Monsieur [Z] [P] concernant l’absence de règlement de la dette de FILM FACTORY vis à vis de LEASECOM.

Pièce 35: mail en date du 22.01.2016 de [TT] [L] intitulé Factures en attente VIDEOAUDI et indiquant: Chers tous, suite à vos retards de paiement et à la visite d'[Z] hier en nos locaux, nous avons donc pour l’instant 3 chèques de 3000 euros sur 22.000 euros que vous nous devez sur l’année dernière. Nous encaissons 3000 euros de suite et vous reviendrez vers nous pour les deux autres chèques. [Z] nous a signifié que les montants seront révisés à la hausse et que les règlements seront effectués par virement (nous détruirons les chèques si tel est le cas). Nous espèrons que toute la dette se régularise dans les 3 prochains mois. Pour les travaux exempts de cette dette, les règlements se font à 30 jours. Nous acceptons ces conditions en toute confiance vis-à-vis d'[Z].

Mail de Kodak du 5.02.2016 adressé à [Z] [P], [WE] [MX] et sur l’adresse structurelle de la comptabilité de FILM FACTORY débutant par ‘Bonjour [Z]’, récapitulant les factures à venir et les paiements effectués et terminant par ‘dès ce règlement vous aurez à nouveau un crédit de 5000 euros’.

– s’agissant de donner des ordres de paiement:

pièce 34:

mail du 25.02.2016 de [Z] [P] à [WE] [MX] demandant le paiement de la facture établie par Kodak après que [Z] [P] ait demandé un devis à l’entreprise

mail de [Z] [P] en date du 3.08.2016 demandant à [WE] [MX] et [AP] [HO] de verser 3000 euros à Monsieur [ZO] [O] en paiement de sa facture n°1

échange de mails le 23.08.2016 aux termes desquels la société 3M rappelle à [Z] [P] qu’ils ne pourront plus le livrer tant que l’intégralité des sommes ne sera pas réglée et la réponse de celui ci transférant le mail le mail à [AP] [HO], en indiquant que celle ci va régulariser la situation.

Mail du 8.09.2016 de [Z] [P] demandant à [WE] [MX] et [AP] [HO]: [WE], peux tu mettre en paiement la facture de mstudio.

Mail du 9.09.2016 de [Z] [P] demandant à [WE] [MX] et [AP] [HO] de mettre en paiement de la facture de [F] [YP] pour ‘Vive la crise’.

Mail de [Z] [P] à [WE] [MX] en date du 4.10.2016 lui transfèrant un mail reçu de Monsieur [SU] [NW], créancier, et lui indiquant: ‘c’est un gros con. Il faut le régler’.

Pièce 35:

mail de [Z] [P] du 4.04.2016 à [WE] [MX] concernant la demande de devis report optique Rosalie Blum: Hello [WE] voici le 2° virement urgent.

Ce mail est la suite d’un échange entre [T] [G] et [LY] [H] de FILM FACTORY: d’abord un premier échange aux termes duquel le second demande au premier un devis pour le report d’un film intitulé Rosalie Blum, puis un second échange aux termes duquel le premier indique au second que concernant les sons du film Rosalie Blum les négatifs devraient être prêts ce mercredi et demandant d’envoyer la preuve du règlement ainsi que de régler la facture d’Asphalte. [LY] [H] de FILM FACTORY indique alors à [T] [G]: je laisse [Z] en copie de ce mail revenir vers toi pour le règlement de Rosalie Blum et de Asphalte. D’où l’intervention de [Z] [P] pour ordonner le paiement.

L’ensemble des éléments rapporte la preuve que Monsieur [Z] [P] a pris des décisions dans la gestion financière de la société alors que celle ci ne rentrait pas dans le périmètre de ses fonctions de responsable commercial de la société et que par ailleurs il n’est pas rapporté la preuve qu’une délégation lui avait été consentie expressément à ce titre par le gérant de droit et que les décisions prises dans le cadre de la gestion financière de la société l’étaient sous le contrôle de celui ci.

La preuve est donc rapportée que Monsieur [Z] [P] a pris des décisions de gestion de la société en toute indépendance.

En conclusion:

Il a été démontré que Monsieur [Z] [P] a pris des décisions relevant de différents aspects de la gestion de la société sans relation avec ses fonctions de responsable commercial et sans qu’il rapporte la preuve qu’il est intervenu en délégation et sous le contrôle du dirigeant de droit en particulier au titre des engagements financiers de la société. La preuve qu’il co-dirigeait la société aux côtés de [AZ] [P] est donc établie et justifie qu’il soit qualifié de dirigeant de fait de la société.

Sur les griefs

Sur le retard dans la déclaration de cessation des paiements:

Le mandataire judiciaire expose que prenant activement part à la gestion comptable et financière de la société Monsieur [Z] [P] en sa qualité de dirigeant de fait ne pouvait ignorer la situation de cessation des paiements, que la direction de fait ne saurait exonérer son auteur de la responsabilité encourue par un dirigeant de droit, qu’en outre Monsieur [Z] [P] qui avait une connaissance pleine et entière de la situation financière de la socété FILM FACTORY aurait dû inciter Monsieur [AZ] [P] à procéder au dépôt de la déclaration de cessation des paiements et que c’est donc à tort que les premiers juges ont écarté ce grief à l’égard d'[Z] [P].

Le ministère public expose que selon la jurisprudence le dirigeant de fait peut être tenu pour responsable du retard dans la déclaration de cessation despaiements s’il n’a pas incité le dirigeant de droit à l’effectuer alors qu’il avait connaissance des difficults de l’entreprise.

Monsieur [Z] [P] expose que n’ayant jamais été dirigeant légal de la société la demande visant à le rendre responsable de la prétendue absence d’une demande d’ouverture d’une procédure collective est infondée.

Sur ce

L’article L 653-8 du code de commerce dispose dans son alinéa 1 que dans les cas prévus aux articles L 653-3 à L 653-6 le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnel, l’interdiction de dirigern gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commercile ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci et dans son alinéa 3 qu’ elle peut être également prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L 653-1 qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la date de cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

En l’espèce au regard du rôle joué par Monsieur [Z] [P] dans le cadre de la gestion de la société et en particulier au regard du fait qu’il était informé de la situation financière de la société au jour le jour puisqu’il recevait quotidiennement les soldes bancaires des trois comptes de la société et était particulièrement investi dans la recherche de solutions de financement au regard des difficultés rencontrées par la société il est indéniable que Monsieur [Z] [P] était conscient que la société n’était pas en mesure de faire face au son passif exigible avec son actif disponible, ce qui explique les démarches effectués pour reporter les paiements ou les aménager.

A ce titre il aurait du inciter le dirigeant de droit à effectuer une déclaration de cessation des paiements.

Pour autant aucun élément n’établit que cette absence d’incitation a été faite sciemment, c’est à dire volontairement et en toute connaissance de cause des conséquences. Au contraire il apparait des éléments produits aux débats, s’agissant des très nombreux mails, que cette absence d’incitation relève de la croyance que des solutions, en particulier concernant la signature de contrats plus rémunérateurs, vont être trouvées compte tenu du savoir faire et de la notoriété professionnelle de FILM FACTORY.

En conséquence ce grief ne sera pas retenu à l’encontre de Monsieur [Z] [P].

Sur le défaut de comptabilité

Monsieur [P] expose que le mandataire judiciaire ne formulait aucune demande particulière de ce fait à son encontre, que ni celui ci ni la décision critiquée n’ont établi que la comptablité aurait été établie par lui, qu’il est seulement relevé que la société a fait l’objet d’un redressement fiscal au titre des exercices 2015 et 2016 mais que l’existence de ces contrôles fiscaux ne prouve pas son implication personnelle et donc sa responsabilité dans les faits ayant donné lieu à redressement. Il critique la validité du rapport SAADI et fait valoir que la décision rendue par le tribunal de commerce ne démontre pas en quoi les prétendues irrégularités comptables seraient caractérisées et n’établit pas l’existence d’un quelconque lien entre les irrégularités comptables évoquées par ce rapport et lui même

Le mandataire judiciaire demande que ce grief prévu à l’article L 653-5 6° du code de commerce soit retenu et fait valoir le rapport du cabinet SAADI comme établissant les irrégularités affectant la comptabilité contre lequel Monsieur [Z] [P] n’apporte aucune contradiction sur le fond. Il fait valoir que les carences dans l’établissement de la comptabilité a eu pour conséquence une proposition de rectification fiscale et ont contribué à masquer la réalité de la situation sociale et ce faisant à retarder la régularisation de la déclaration de cessation des paiements.

Le ministère public expose que le rapport SAADI a été effectué durant la période de conciliation et a été jugé non contrdictoire par deux arrêts de la cour d’appel de PARIS et par ailleurs a été établi dans un contexte de conflit entre les associés de sorte que son objectivité peut être sujette à caution, qu’en revanche l’administration fiscale a opéré plusieurs redressement dont des redressements de TVA pour les exercices 2015 et 2016 sous la gestion de fait de Monsieur [Z] [P] d’un montant de 677.440 euros dont 202.541 euros de majorations et amendes, que le grief semble donc caractérisé.

Sur ce

L’article L 653-5 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait, d’une personne morale contre leqyel a été relevé l’un des faits ci-après:

– 6° avoir fait disparaitre des documents comptables ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Un expert comptable est intervenu en 2015 en la personne du cabinet ACEL en charge d’une mission d’examen des comptes. Ce cabinet est également intervenu jusqu’en octobre 2016 puis a cessé ses fonctions principalement du fait du changement de gérance étant précisé que ses honoraires n’ont pas été réglés.

Il ressort par ailleurs des éléments que Mme [MX] intervenait pour une mission d’ordre administratif et comptable par l’intermédiaire de sa société [MX] CONSEIL. Dans le cadre de cette mission elle assurait l’enregistrement des opérations comptables.

Une comptabilité était donc tenue et a d’ailleurs été remise à l’administrateur judiciaire et au mandataire judiciaire pour 2015 et en partie pour 2016.

Le cabinet d’expertise comptable SAADI a été mandaté pour effectuer un audit comptable, par ordonnance du président du tribunal de commerce dans le cadre de la mission de conciliation organisée.

Il y a lieu cependant d’écarter le rapport SAADI dont il a été jugé précédemment par la présente cour du caractère non contradictoire et qui a été établi dans un contexte de conflit entre associés.

Aucun autre élément n’est produit aux débats.

La lettre de rectification adressée par l’administration fiscale suite à la vérification de comptabilité opérée pour les exercices 2015 et 2016 ne permet pas de caractériser le caractère incomplet et donc non probant de la comptabilité. Au contraire l’administration fiscale se fonde sur la comptabilité pour établir le redressement de TVA en procédant à un nouveau calcul des droits dus et en rappelant que les déclarations de TVA ont bien été enregistrées dans la comptabilité mais n’ont jamais été souscrites par la société. Par ailleurs elle se fonde également sur la comptabilité pour démontrer que la société a effectué des prestations au bénéfice des clients établis dans d’autres états de la communauté économique européenne sans établir de déclaration européenne des services.

En conséquence il convient d’écarter ce grief à l’encontre de Monsieur [Z] [P].

Sur l’usage des biens de la société contraire à l’intérêt de celle ci pour favoriser une société dans laquelle il était directement intéressé

Monsieur [P] soutient que les versements à la société ZORA PRODUCTION étaient fondées économiquement et ont donné lieu à des contreparties au moins équivalentes, que dès lors la décision critiquée n’a pas caractérisé quel aurait été le prétendu usage des biens ou du crédit de la société FILM FACTORY contraire à son intérêt dans les rapports qu’elle entretenait avec la société ZORA PRODUCTION ltd.

La SELAFA MJA expose qu’à l’examen de la comptabilité de la société FILM FACTORY il a été constaté des transferts sans contrepartie au préjudice de cette société et en faveur de la société ZORA PRODUCTION LTD, qu’il n’apparait pas que ces flux soient fondés sur un contrat conclu entre les sociétés FILM FACTORY et ZORA PRODUCTIONS, ni qu’ils s’appuient sur des factures émises par cette dernière, que Monsieur [Z] [P] et Monsieur [AZ] [P] sont tous deux associés de la société ZORA PRODUCTIONS, que les demandes d’explications de l’expert comptable n’ont pas été suivies d’effet, que la tentative d’explication de Monsieur [Z] [P] qui a prétendu que les transferts auraient pour contrepartie des prestations effectuées par la société ZORA PRODUCTIONS au profit de la société FILM FACTORY, qui auraient permis de développer l’activité internationale de cette dernière apparaît tardive, non documentée et purement opportune, qu’il convient donc de retenir ce grief.

Le ministère public expose que le grand livre général de la société FILM FACTORY enregistre 4 flux en faveur de la société ZORA PRODUCTION formant un total de 273.000 euros qu’il n’apparaît pas que ces flux soient fondés sur un contrat conclu entre les sociétés ni qu’ils s’appuient sur des factures émises par ZORA PRODUCTION, que les demandes d’explication relatives à ces flux financiers émanant de l’expert comptable n’ont pas été suivies d’effet et celles foumies dans le cadre de la présente instance sont tardives et insuffisamment documentées.

Sur ce

L’article L 653-4 du code de commerce dans son alinéa 3 dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:

3° avoir fait du bien ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

En l’espèce une somme totale de 273.000 euros a été transférée en 4 virements intervenus entre décembre 2015 et février 2016 de la société FILM FACTORY à la société ZORA PRODUCTION dont Monsieur [Z] [P] était associé, avec son oncle [AZ] et Monsieur [PI].

Aucune facture n’a été remise à la comptabilité pour justifier des sommes versées.

Seul le contrat signé le 23.05.2015 entre la société FILM FACTORY et la société ZORA PRODUCTIONS LIMITED dans lesquels étaient associés Messieurs [AZ] et [Z] [P] et Monsieur [PI] a été produit; bien que tardivement.

Ce contrat prévoit que ZORA PRODUCTIONS remplit des fonctions de consultant au bénéfice de FILM FACTORY dans le cadre de la recherche de contrats commerciaux dans le milieu de l’audiovisuel, pour un prix mensuel de 20.000 euros.

Sa date de début d’exécution est fixée par les parties au 1er avril 2015.

Il convient de souligner qu’il n’est pas mentionné le nom du représentant de la société FILM FACTORY ayant signé le contrat comme il n’est pas indiqué le nom du représentant de la société ZORA PRODUCTIONS ayant signé le contrat.

Aux termes de son attestation en date du 30.05.2022 Monsieur [PI] atteste des conditions de création et de fonctionnement de la société ZORA PRODUCTIONS s’agissant d’une société créée pour essayer de développer l’activité de la société FILM FACTORY sur le marché anglo-saxon et cette attestation, bien qu’elle aussi tardive, crédibilise l’existence de cette société et les conditions de son intervention à l’égard de FILM FACTORY.

Pour autant aucune facture n’est produite aux débats concernant les sommes transférées entre les deux sociétés.

Si les trois premiers versements effectués en novembre et décembre 2015 pour 90000 euros chacun, et en janvier 2016 pour 16.000 euros semblent se rattacher au montant des frais prévus dans le contrat, le versement effectué le 4.02.2016 pour un montant de 77.000 euros n’est pas compréhensible au regard du contrat signé, étant rappelé qu’aucune facture n’est produite.

Enfin aucun élément n’est versé aux débats concernant la réalité de l’activité de la société ZORA PRODUCTIONS. En effet si l’intervention de la société FILM FACTORY au titre de de la post-productions d’une série THE COLLECTION et d’un film d’Emir KUSTURICA On the milky way, est rapportée par les factures établies, aucun élément n’est versé aux débats rapportant la preuve que ces contrats ont été conclus grâce et par l’intermédiaire de ZORA PRODUCTIONS

Le transfert non justifié de sommes de la société liquidée vers une société dans laquelle l’appelant était directement intéressé pour en être actionnaire, caractérise le grief constitué par le fait d’avoir fait des biens de la personne morale un usage contraire à son intérêt pour favoriser une personne morale dans laquelle le dirigeant était intéressé.

Il convient donc de retenir ce grief à l’encontre de Monsieur [Z] [P].

Sur la nature et le quantum de la sanction

La nature et le quantum de la sanction prononcée s’agissant d’une interdiction de gérer d’une durée de trois ans sont proportionnés au grief retenu à l’encontre de Monsieur [Z] [P] de telle sorte que le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

Il est inéquitable de laisser la SELAFA MJA es qualité de liquidateur de la société FILM FACTORY supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et il convient de lui allouer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens sont laissés à la charge de l’appelant.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a retenu à l’encontre de Monsieur [Z] [P] le grief de comptabilité irrégulière

Statuant à nouveau

Dit n’y avoir lieu de retenir à l’encontre de Monsieur [Z] [P] le grief de comptabilité irrégulière

Y ajoutant

Condamne Monsieur [Z] [P] à payer à la SELAFA MJA es-qualités la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur [Z] [P] aux dépens.

La greffière La présidente

 


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