Conflits entre associés : 9 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/04945

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Conflits entre associés : 9 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/04945

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 35G

14e chambre

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 09 MARS 2023

N° RG 22/04945 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VK5C

AFFAIRE :

[Z] [P]

C/

[M] [X]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Juillet 2022 par le Président du TJ de Nanterre

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 09.03.2023

à :

Me Malik GUELLIL, avocat au barreau de PARIS

Me Chantal DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [Z] [P]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 10] (Algérie)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2] / France

Représentant : Me Malik GUELLIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1957

APPELANT

****************

Madame [M] [X]

née le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentant : Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 21522

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe SCARZELLA, au barreau de Paris

S.C.I. DU [Adresse 4]

Représentée par la SELARL ARVA, prise en la personne de Maître [U] [T], sise [Adresse 8], en sa qualité d’administrateur provisoire

[Adresse 2]

[Adresse 2] / France

(défaillante)

SELARL AJRS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 43101

Ayant pour avocat plaidant Me Marie GICQUEL,

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport et Madame Marina IGELMAN, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

M. [Z] [P] et Mme [M] [X] se sont mariés le [Date mariage 3] 1992 sous le régime de la séparation des biens.

Par acte sous seing privé en date du 1er mars 1993, il a été constitué la SCI du [Adresse 4], dont le siège social initial était situé au [Adresse 4], immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 390 624 062, dont M. [P] est le gérant. Les statuts précisaient que Mme [X] était titulaire des parts sociales 1 à 80 et M. [P] des parts 81 à 100.

L’objet social de cette société civile immobilière est l’acquisition, la gestion, l’administration, l’exploitation par bail (ou autre) de biens et droits immobiliers. Dans ce cadre, la SCI du [Adresse 4] a fait l’acquisition d’un local commercial à cette adresse le 31 mars 1993.

Le 1er mars 1993, jour de la constitution de la société civile immobilière du [Adresse 4], M. [P] et Mme [X] ont conclu une convention de portage aux termes de laquelle Mme [X] reconnaissait qu’elle portait les parts sociales pour le compte de M. [P] dans la société civile immobilière, M. [P] étant le propriétaire de ces parts sociales. Mme [X] conteste la validité de cette convention et a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre d’une procédure en nullité, la procédure étant actuellement pendante.

Le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre a prononcé le divorce des époux le 23 décembre 2021.

Par ordonnance en date du 10 juin 2021, le président du tribunal judiciaire de Paris, saisi par Mme [X], a désigné Maître [V] [R] en qualité de mandataire ad’hoc de la société civile immobilière [Adresse 4], avec pour mission notamment de convoquer une assemblée générale ordinaire avec pour ordre du jour l’approbation des comptes de l’exercice 2020. Maître [V] [R] a déposé un rapport de fin de mission le 17 novembre 2021.

Par ordonnance sur requête en date du 22 décembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Nanterre, saisi par Mme [X], a désigné la Selarl AJRS, prise en la personne de Maître [S] [C], en qualité de mandataire ad hoc chargé de :

– se constituer séquestre des 80 parts de la SCI [Adresse 4] (RCS Nanterre n° 390 624 062) appartenant à Mme [M] [X] épouse [P] (parts n° 1 à 80) revendiquées par M. [Z] [P] sur le fondement d’une « convention de portage » datée du 1er mars 1993 en l’attente d’une décision judiciaire définitive tranchant les contestation relatives à la validité de cette convention et la légalité du transfert desdites parts ou en présence d’un accord de nature transactionnel signé entre les parties et mettant fin au litige sur la propriété des parts sociales ;

– exercer pendant la durée du mandat ad hoc les prérogatives et notamment le droit de vote attaché aux 80 parts séquestrées lors des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la SCI [Adresse 4].

Par acte d’huissier de justice délivré le 21 janvier 2022, Mme [X] a fait assigner en référé la SCI [Adresse 4], la société AJRS prise en la personne de Maître [S] [C] administrateur judiciaire et M. [P] aux fins d’obtenir principalement de :

– ordonner la nomination d’un administrateur provisoire de la société [Adresse 4] avec pour mission de procéder à tous actes de gestion et d’administration utiles au fonctionnement de la société et notamment de convoquer une assemblée pour l’approbation des comptes sociaux et la fixation d’un nouveau siège pour la société,

– autoriser l’administrateur provisoire à prendre toute décision dictée par 1’urgence dans l’intérêt de la société avec les pouvoirs du gérant et notamment engager toute action judiciaire pour la défense de l’intérêt social,

– autoriser l’administrateur provisoire à procéder à la vérification de la conformité à l’intérêt social des actes de gestion et notamment des charges et dépenses comptabilisées sous le poste ‘ autres charges et charges externes ‘exposées par M. [P] dans le cadre de sa gestion au cours des cinq derniers exercices,

– ordonner que 1’administrateur provisoire se fera remettre ou communiquer par M. [P] ou tout tiers les documents, fonds et archives financières comptables et juridiques nécessaires à l’accomplissement de sa mission,

– autoriser l’administrateur provisoire à se faire assister de tout sachant pour les besoins de 1’accomplissement de sa mission,

– fixer la durée de la mission de 1’administration provisoire à 12 mois laquelle durée pourra être prorogée par ordonnance de référé,

subsidiairement,

– nommer un mandataire ou administrateur judiciaire avec pour mission convoquer les associés et le mandataire ad hoc titulaire de droit de vote attaché aux parts séquestrées pour une assemblée générale ordinaire, extraordinaire ou mixte, de la société [Adresse 4] avec pour ordre du jour :

– 1’approbation des comptes sociaux de l’exercice 2020

– la révocation du gérant (article 18 des statuts)

– la désignation d’un nouveau gérant (article 17 des statuts).

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 7 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

– rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par M. [P],

– déclaré recevables les demandes de Mme [X],

– désigné la société ARVA prise en la personne de Maître [U] [T], [Adresse 8], en qualité d’administrateur provisoire de la SCI du [Adresse 4] (RCS Nanterre 390 624 062) avec pour mission de :

– procéder à tous actes de gestion et d’administration utiles au fonctionnement de la société et notamment de convoquer une assemblée pour l’approbation des comptes sociaux ;

– prendre toute décision dans l’intérêt de la société avec les pouvoirs du gérant, notamment la représenter dans toute action judiciaire pour la défense de l’intérêt social ;

– procéder à la vérification de la conformité à l’intérêt social des actes de gestion et notamment des charges et dépenses comptabilisées de l’exercice en cours et des exercices 2021, 2020, 2019, 2018 et 2017 ;

– se faire remettre ou communiquer par le gérant ou tout détenteur les documents, fonds et archives financières, comptables et juridiques de la société nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

– se faire assister de tout sachant pour les besoins de l’accomplissement de sa mission ;

– rendre compte de l’exercice de sa mission au tribunal dans les conditions habituelles et lui soumettre pour examen les frais exposés, de même que sa demande d’honoraires ;

– dit que les fonctions de l’administrateur cesseront de plein droit à l’expiration d’un délai de 12 mois à compter de la notification de l’ordonnance, sauf prorogation dûment sollicitée sur requête ou en référé et qu’en cas d’empêchement il sera pourvu au remplacement de l’administrateur par ordonnance rendue sur simple requête ;

– désigné le juge chargé du service des administrateurs judiciaires et des séquestres pour suivre la mesure,

– fixé à la somme de 3 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’administrateur qui sera versée par la demanderesse à titre d’avance pour le compte de la société,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 25 juillet 2022, M. [P] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [P] demande à la cour, au visa des articles 31, 32, 117, 122, 695 et suivants et 700 du code de procédure civile et 1159 et 1961 du code civil, de :

‘- infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée rendue le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

à titre liminaire et principal :

– infirmer l’ordonnance déférée rendue le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

– déclarer Mme [X] dénuée de tout pouvoir à agir et de prononcer la nullité de fond de ses demandes ;

à titre subsidiaire :

– infirmer l’ordonnance déférée rendue le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

– déclarer Mme [X] irrecevable, pour défaut de qualité à agir ;

– déclarer Mme [X] irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir ;

à titre subsidiaire :

– infirmer l’ordonnance déférée rendue le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

– dire Mme [X] mal fondée en sa demande de désignation d’un administrateur provisoire, au regard des règles régissant une telle désignation ;

– dire Mme [X] mal fondée en sa demande de désignation d’un administrateur provisoire, au regard des règles régissant le séquestre, en ce que cette demande empiète sur les pouvoirs transférés à Maître [S] [C] en sa qualité de mandataire ad hoc ;

– débouter Mme [X] de sa demande de désignation d’un administrateur provisoire ;

– débouter Mme [X] de sa demande de désignation d’un mandataire ad hoc aux fins de convocation à une assemblée des associés ;

en tout état de cause :

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée rendue le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner Mme [X] à payer à M. [P] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [X] aux entiers dépens’.

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société AJRS demande à la cour de :

‘- donner acte à la société AJRS, prise en la personne de Maître [S] [C], qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la cour de céans sur la décision à intervenir ;

– condamner tous contestants, aux entiers dépens de l’instance’.

Dans ses dernières conclusions déposées le 9 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [X] demande à la cour de :

‘- confirmer l’ordonnance de référé du 7 juillet 2022 en toutes ses dispositions ;

– débouter en tant que de besoin M. [P] de l’ensemble de ses moyens fins et conclusions ;

– condamner M. [P] à payer à Mme [X] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui seront recouvrés par Maître de Carfort, Avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile’.

La société SCI du [Adresse 4], à qui la déclaration d’appel a été signifiée par remise à l’étude de l’huissier le 22 septembre 2022 et à qui les conclusions d’appelant ont été signifiées le 9 novembre 2022, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité de la demande de Mme [X]

M. [P] indique que, compte tenu de la mesure de séquestre des parts sociales ordonnée sur requête, l’ensemble des pouvoirs attachés aux 80 parts sociales ont été transférés au séquestre, Maître [C].

Il en déduit qu’en application de l’article 1159 du code civil, les époux ont ainsi été dessaisis de leurs pouvoirs et Mme [X] ne peut donc plus s’en prévaloir.

Il conclut que Mme [X] est dénuée de tout pouvoir à agir et demande de prononcer la nullité de ses demandes.

Mme [X] indique en réponse que le séquestre qui est une mesure provisoire portant sur la propriété d’une chose n’affecte pas la capacité juridique du titulaire du droit dont la propriété est contestée.

Elle en déduit qu’elle a conservé son droit d’ester en justice et qu’aucune nullité ne peut être retenue à ce titre.

Sur ce,

Si l’article 1159 code civil du code civil dispose que ‘l’établissement d’une représentation légale ou judiciaire dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant. La représentation conventionnelle laisse au représenté l’exercice de ses droits’, il convient de constater que cet article, relatif à la représentation des personnes incapables majeures ou mineures n’est pas applicable en l’espèce.

En effet, la mise sous séquestre d’actions dont la propriété est litigieuse est une mesure conservatoire qui altère les pouvoirs de l’actionnaire sur son patrimoine mais n’en transfère pas la propriété.

Il n’y a donc pas lieu de prononcer la nullité des demandes de Mme [X] sur ce fondement.

Sur le défaut de qualité et d’intérêt à agir de Mme [X]

M. [P] soutient que, même si une procédure est actuellement pendante aux fins de contester la validité de la convention de portage conclue entre les époux le 1er mars 1993, Mme [X] n’est, en l’état et jusqu’à une éventuelle décision contraire, pas propriétaire des parts sociales numérotées 1 à 80, ce qui implique qu’elle n’a pas qualité à agir pour solliciter la désignation d’un mandataire provisoire de la société.

Arguant également d’un défaut d’intérêt direct et personnel à agir de Mme [X], l’appelant affirme en second lieu que l’ensemble des prérogatives attachées aux parts sociales ont été transférées à Me [C] par l’ordonnance du 22 décembre 2021 et que seule Me [C] pourrait donc avoir qualité à agir pour solliciter la nomination d’un mandataire.

Sur le défaut de qualité, Mme [X] soutient que, si la décision de séquestre a confié à Maître [C] l’exercice du droit de vote, elle n’est cependant pas privée des autres prérogatives d’un associé : le droit à l’information, le droit d’assister aux assemblées, la vocation aux bénéfices et aux pertes et l’exercice de toute action à caractère social.

Elle fait valoir qu’elle a d’ailleurs sollicité et obtenu la désignation d’un séquestre, ce qui implique que sa qualité à agir avait été admise.

Concernant son intérêt à agir, Mme [X] soutient que la production par M. [P] d’une convention de portage juste après la procédure de divorce, qui a pour incidence de modifier profondément son patrimoine, démontre qu’elle a intérêt à protéger ses droits d’associée même s’il existe une contestation sur ce point.

Sur ce,

S’il existe une contestation sur la propriété des parts de la société civile immobilière litigieuse, il convient de constater que les statuts de la société civile immobilière indiquent que les parts sociales sont réparties entre Mme [X] (80 parts sociales) et M. [P] (20 parts).

Dès lors que la validité de la convention de portage alléguée par M. [P] est judiciairement contestée, il n’est pas établi que Mme [X] ne serait pas propriétaire des 80 parts sociales susmentionnées et celle-ci dispose donc, en tant qu’associée, de la qualité à agir en vue d’obtenir la désignation d’un administrateur provisoire et d’un intérêt à agir dès lors qu’elle évoque des faits de détournement de biens sociaux, l’existence d’un séquestre étant sans incidence sur le droit de l’actionnaire putatif à ester en justice.

Sur la nomination d’un administrateur provisoire

Faisant valoir que la désignation d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui implique l’existence d’une situation de crise aigüe de nature à paralyser le fonctionnement de la société et à mettre gravement en péril les intérêts sociaux, M. [P] indique que ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce.

Il explique ainsi que l’absence de convocation à des assemblées générales ne rend pas impossible le fonctionnement de la société ni ne cause un péril imminent.

Il soutient que Mme [X] n’est pas propriétaire des 80 parts dont elle se prévaut et que d’ailleurs, entre 1993 et 2021, ne s’est jamais prétendue réelle associée de la société civile immobilière litigieuse, n’a jamais réclamé de convocation à une assemblée générale et l’a laissé gérer seul cette société.

Il expose que la société fonctionne de la même manière depuis le 1er mars 1993 et qu’aucune paralysie ne peut être invoquée, étant précisé que l’administrateur désigné par le premier juge n’a pas convoqué l’assemblée générale pour approuver les comptes de l’exercice 2021, ce qu’il regrette.

Sur la communication des éléments sociaux, l’appelant indique qu’il est normal qu’il ne fournisse pas ces éléments à Mme [X] dès lors qu’il ne la considère pas comme associée de la société.

Il soutient sur le fond qu’il n’existe aucun péril puisque le bien immobilier appartenant à la société civile immobilière est actuellement loué dans le cadre d’un bail commercial moyennant un loyer annuel de 24 000 euros, la société civile immobilière n’a aucune dette financière, elle est bénéficiaire et son actif est évalué à la somme de 400 000 euros.

M. [P] affirme que le conflit avec Mme [X] n’est pas de nature à créer une paralysie de la société.

Il se fonde également sur les règles régissant le séquestre pour affirmer que les demandes formées par Mme [X] empiètent sur les pouvoirs transférés à Maître [C], en qualité de mandataire ad’hoc et sont donc mal fondées.

Il indique enfin que, si Mme [X] demande à l’administrateur de convoquer une assemblée générale aux fins de le révoquer de son mandat, une telle décision risquerait d’entraîner une carence dans la gestion de la SCI et donc de compromettre l’intérêt social, alors que la société fonctionne sans difficulté depuis 30 ans.

Mme [X] soutient en réponse que la société litigieuse présente un fonctionnement anormal et conflictuel dès lors que le gérant ne convoque pas d’assemblées générales depuis plusieurs exercices et s’oppose à leur tenue, même dans le cadre du mandat ad’hoc, qu’il ne lui transmet aucun élément comptable et que les associés n’ont plus aucune relation.

Elle affirme que le fonctionnement de la société est totalement bloqué et qu’il existe un risque d’actes de gestion contraires à l’intérêt social puisque M. [P] refuse de transmettre les relevés bancaires, alors que la société est bénéficiaire d’environ 15 000 euros par an et devrait donc bénéficier d’une trésorerie importante.

Elle expose craindre que M. [P] ait utilisé les revenus de la société civile immobilière pour financer son train de vie personnel, ce qu’elle a déjà pu constater dans le cas de la SNC Sharel également constituée entre les époux et placée sous administration provisoire.

Elle en déduit que ces éléments, extrêmement urgents et impérieux, justifient la désignation d’un administrateur provisoire permettant d’assurer la protection de l’intérêt social de la SCI du [Adresse 4].

Sur ce,

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

En vertu des dispositions de l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’article 1833 du code civil dispose que : « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés.

La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »

La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent.

Il appartient à Mme [X], qui sollicite la désignation d’un administrateur provisoire, de justifier que ces deux conditions sont remplies en l’espèce.

L’existence d’irrégularités affectant la vie sociale de la SCI du [Adresse 4] est établie par deux éléments essentiels, au demeurant non contestés par M. [P] :

– M. [P] n’a jamais fourni à Mme [X] les éléments comptables et financiers sur la société qu’elle lui a pourtant réclamés à plusieurs reprises ;

– M. [P] n’a convoqué aucune assemblée générale d’actionnaires depuis la création de la société.

Si M. [P] indique à juste titre qu’il est fréquent que cette organisation soit mise en place dans le cadre de sociétés civiles immobilières familiales, cette argumentation ne peut plus à l’évidence être satisfaisante lorsque les relations entre les associés sont durablement dégradées, comme en l’espèce, une application des règles légales de convocation des assemblées générales et de communication des documents financiers et comptables devenant alors impérative.

Ces carences sont suffisamment graves pour être qualifiées de fonctionnement anormal de la société.

Sur l’existence d’un péril imminent, Mme [X] démontre que M. [P] fait obstacle à toutes ses démarches en vue d’obtenir des renseignements sur la société civile immobilière du [Adresse 4] :

– le mandataire ad’hoc désigné par le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de convoquer les associés à une assemblée générale ordinaire de la société civile immobilière du [Adresse 4] et se faire remettre l’ensemble des éléments comptables, bancaires et financiers de la société, exposait notamment : ‘Me [N] [avocat de Mme [X]] m’a indiqué que sa cliente souhaitait que soit ajouté à l’ordre du jour de l’assemblée générale devant être convoquée une résolution portant sur la révocation du gérant en exercice par application de l’article 18 des statuts de la SCI. J’ai alors fait le constat des deux difficultés suivantes :

– la question de la révocation du gérant doit être tranchée par la juridiction du fond et ne peut donc pas être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale convoquée par le mandataire ad’hoc désigné sur requête,

– ma désignation en qualité de mandataire ad’hoc n’a pas été faite dans la forme requise car les dispositions du décret de 1978 sur les SCI stipulent que la désignation d’un mandataire ad’hoc pour la convocation d’une assemblée générale requiert le recours à une procédure accélérée au fond, de sorte que l’assemblée générale que je serais susceptible de convoquer en l’état pourrait par la suite être contestée.

De plus, M. [P] ne m’a pas transmis les éléments me permettant de convoquer une assemblée générale pour l’approbation des comptes 2020 et l’affectation des résultats de sorte qu’en l’état, je ne suis pas en mesure de convoquer les associés de la SCI en assemblée générale sur l’ordre du jour fixé dans l’ordonnance qui m’a désignée.

Dans ces conditions, je ne peux mener à bien la mission qui m’a été confiée et qui prendra fin le 10 décembre prochain.’ ;

– le mandataire ad’hoc désigné par le président du tribunal de commerce de Paris pour convoquer une assemblée générale ordinaire de la SNC Sharel indique quant à lui dans son courrier du 15 juillet 2021 : ‘M. [P] n’a pas souhaité participer à ma mission et agit comme s’il n’avait pas de comptes à rendre à son associée au-delà de l’établissement des liasses fiscales et comptes annuels.’

Or le rapport d’expertise réalisé le 29 septembre 2019 par M. [O], désigné dans le cadre de la procédure de divorce sur le fondement de l’article 255-9° du code civil, constate des irrégularités dans les comptes de la SNC Sharel qui appartient également à M. [P] (50 %) et Mme [X] (50% ), des frais de séminaire, de réceptions, de voyages et de déplacement n’apparaissant pas cohérents avec l’activité de la société (location de murs commerciaux d’une boutique). Même si cette société n’est pas concernée par le litige, cet élément est de nature à étayer les allégations d’irrégularité de l’intimée. Au surplus, ce rapport précise, s’agissant de la société civile immobilière du [Adresse 4], que les comptes annuels n’ont pas été établis et qu’il n’est donc pas possible d’en apprécier la structure financière ni les composantes du compte de résultat.

Il y a lieu de dire que cette obstruction systématique de M. [P] aboutissant à l’impossibilité d’accéder à toute information relative à la société litigieuse, qui alimente les soupçons invoqués par Mme [X] concernant l’existence d’éventuels détournements de biens sociaux concernant la SCI du [Adresse 4], caractérise un péril imminent justifiant la désignation d’un administrateur provisoire. L’ordonnance querellée sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

L’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. [P] ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Il devra en outre supporter les dépens d’appel, qui pourront être recouvrés avec distraction au profit de l’avocat qui en a fait la demande.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à Mme [X] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. M. [P] sera en conséquence condamné à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut,

Confirme l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. [Z] [P] à verser à Mme [M] [X] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] [P] aux dépens d’appel avec application au profit des avocats qui le demandent des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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