Conflits entre associés : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04978

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Conflits entre associés : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04978

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2023

N° 2023/031

Rôle N° RG 22/04978 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFSF

S.C.I. SUN INVEST

C/

Société LANDESBANK SAAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Olivier FERRI

Me Lionel LECOLIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de TOULON en date du 10 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00030.

APPELANTE

S.C.I. SUN INVEST,

immatriculée au RCS de Paris sous le n° D 341 090 868

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Olivier FERRI de l’AARPI FERRI – BRUNET & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉE

Société LANDESBANK SAAR

inscrite au registre du commerce (Handelsregister) de SARREBRUCK (ALLEMAGNE) sous le HRA n° 8589

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 7] (ALLEMAGNE)

assignée à jour fixe par acte de transmission d’une demande de signification dans un état membre le 25/07/22,

représentée et assistée par Me Lionel LECOLIER de l’ASSOCIATION KIEFFER LECOLIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 26 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022, puis prorogé au 05 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties

La société Landesbank Saar (ci-après la banque) poursuit à l’encontre de la SCI Sun Invest suivant commandement du 16 février 2021, la vente de biens et droits immobiliers lui appartenant situés sur la commune de [Localité 4] (Var) dans un ensemble immobilier en copropriété , [Adresse 1] et [Adresse 6], cadastré [Cadastre 3], à savoir :

-le lot n°4 : au rez-de-chaussée sur la rue du port, un appartement comprenant : salon, chambre, débarras, 2 chambres à usage de bureau et un balcon. Superficie loi Carrez : 45,22m² et 162/1000èmes des parties communes générales.

– le lot n°6 : au premier étage sur la rue du port, un appartement comprenant : salon, cuisine, salle d’eau, 2 chambres. Superficie loi Carrez : 48,01m² et 165/1000èmes des parties communes générales,

pour obtenir paiement d’une somme de 252 736,96 euros en principal, intérêts et frais, en vertu de la copie exécutoire d’un acte de prêt reçu le 6 juillet 2007 par maître [H] [Y], notaire à [Localité 5], garanti par un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle.

Ce commandement, publié le 5 mars 2021, étant demeuré sans effet, la banque , seul créancier inscrit, a fait assigner la débitrice à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Toulon devant lequel la SCI Sun Invest a soulevé la nullité du commandement en ce qu’il porte sur des biens ne lui appartenant pas et a sollicité l’autorisation de vendre aimablement des biens saisis, contestation et demande auxquelles la société poursuivante s’est opposée.

Par jugement du 10 mars 2022 le juge de l’exécution a essentiellement :

‘ retenu comme montant de la créance du poursuivant, décompte d’intérêts arrêté au 2 février 2021, la somme de 252 736,69 euros en principal, intérêts et frais, sans préjudice de tous autres dus notamment des frais judiciaires et de ceux d’exécution ;

‘ taxé le montant des frais préalables à la somme de 2105,44 euros, qui sera versée par l’acquéreur en plus du prix de vente ;

‘ autorisé la SCI Sun Invest à poursuivre la vente amiable des droits et biens immobiliers saisis;

‘ dit que le prix de vente ne pourra être inférieur à 550 000 euros pour les deux lots saisis ;

‘ dit que la réalisation de la vente sera examinée à l’audience du 28 avril 2022 à 9heures tenue par le juge de l’exécution, saisie immobilière ;

‘ condamné la SCI Sun Invest à verser à la banque la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

La société Sun Invest à laquelle ce jugement a été signifié le 21 mars 2022 en a interjeté appel par déclaration du 4 avril 2022 mentionnant l’intégralité des chefs du dispositif de la décision.

Par ordonnance du 12 avril 2022 elle a été autorisée à assigner à jour fixe et l’assignation délivrée à cette fin par exploit du 25 juillet 2022, a été remise au greffe le 8 août suivant.

Aux termes de ses écritures notifiées le 20 octobre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions (énumérées au dispositif de ses écritures) ;

Statuant à nouveau :

– Au principal, prononcer la nullité, et à défaut dire et juger nul avec toutes suites et conséquences de droit le commandement de payer valant saisie immobilière du 16 février 2021 en ce qu’il porte sur des biens n’appartenant pas à la SCI Sun Invest ;

– débouter la banque de ses demandes, fins et prétentions ;

– Subsidiairement,

Vu la sommation faite à la banque « d’avoir à signifier », « voir la banque qu’elle entend engager » ou non une procédure pour faire valoir une prescription acquisitive des parties communes de la copropriété située [Adresse 1] et [Adresse 6], sur l’immeuble cadastré Section [Cadastre 3],

Vu l’engagement de la SCI Sun Invest d’engager une telle procédure pour lui permettre de vendre au prix de 580 000 euros les 2 lots, et/ou de retenir la responsabilité de la banque, en l’appelant dans la cause pour qu’elle prenne telles conclusions qu’il lui plaira, dans les délais de la loi s’agissant d’une société étrangère n’ayant pas d’établissement en France, avec nécessité de faire traduire les actes, et préalablement de faire désigner un syndic susceptible de défendre à l’action,

– renvoyer l’audience d’orientation à telle date qu’il plaira au juge de l’exécution,

– autoriser la vente amiable des biens saisis, sous réserve de toute décision le lui permettant, au prix de 580 000 euros pour les 2 lots conformément aux dispositions des article R322-20 et R.322-21 du code des procédures civiles d’exécution,

– condamner la banque au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du cpc ainsi qu’aux dépens,

– subsidiairement, réserver les dépens.

A l’appui de ses demandes la SCI Sun Invest soutient pour l’essentiel que depuis 2019, date à laquelle elle aurait pu vendre ses lots, elle se trouve dans l’impossibilité d’y procéder en raison d’une erreur commise par la banque, l’acte authentique de vente du 6 juillet 2007 portant sur les lots 4 et 6 avec des superficies plus importantes que celle retenue au rapport de l’expert de la banque puisqu’est intégré un couloir donnant accès au lot n°4 appartenant à M. [C] [P], nu propriétaire et à sa mère, Mme [E] [P] née [J], usufruitière.

Elle ajoute qu’il est concevable qu’elle ait acquis par prescription le couloir, « partie commune », mais qui appartiendrait en l’état à la copropriété, et ce sur le fondement de l’article 2272 du code civil puisqu’elle est propriétaire depuis 2007, et que cette question préjudicielle relève de la compétence du tribunal judiciaire de Toulon, l’action devant être dirigée contre la copropriété et tous les copropriétaires et que pour ce faire il convient de faire désigner, préalablement, un syndic à la copropriété donc de solliciter, la désignation d’un administrateur provisoire qui sera chargé de réunir l’assemblée générale laquelle désignera le syndic professionnel. Elle précise que sur sa requête une ordonnance rendue le 20 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Toulon a désigné Maître [R] [W] en qualité d’administrateur provisoire de la copropriété.

Elle estime que si les lots ne mesurent pas ce qui a été financé, la responsabilité de la banque serait engagée, qu’elle ne peut poursuivre la vente des parties communes de l’immeuble, entraînant la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière.

L’appelante signale que le notaire qu’elle a interrogé suite au prononcé du jugement entrepris l’a informé que la vente des lots ne pourrait s’envisager dans un délai de 45 jours au regard du formalisme d’une vente en copropriété et lui signale que « dans votre dossier, la chose n’est pas déterminée du fait que les parties communes de la copropriété sont intégrées dans votre lot et que vous ne bénéficiez ni d’un droit de propriété, ni d’une jouissance exclusive sur ladite partie commune. Le règlement de copropriété démontre bien que les escaliers et une partie du corridor appartiennent à la copropriété et non à vous. En conséquence, et préalablement à toute vente amiable ou judiciaire, vous devez régulariser auprès du syndic la situation juridique des parties communes insérées dans votre lot, savoir établir un nouveau règlement de copropriété, individualiser les lots par un géomètre expert, obtenir les autorisations en la matière du syndic et de l’ensemble des copropriétaires, afin de rendre la chose déterminée, et pouvoir procéder à une aliénation. »

Par écritures en réponse notifiées le 13 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens, la banque demande à la cour de :

– débouter la SCI Sun Invest de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

‘ déclaré régulier le commandement de payer et a rejeté la demande de nullité présentée par la la SCI Sun Invest,

‘ constaté que les conditions des articles L311-2, L311-4 et L311-6 du code des procédures civiles d’exécution sont remplies,

‘ retenu comme montant de la créance du créancier poursuivant, décompte d’intérêts arrêté au 2 février 2021, la somme de 252.736,69 euros, en principal, intérêts et frais, sans préjudice de tous autres dus, notamment des frais judiciaires et de ceux d’exécution,

‘ condamné la SCI Sun Invest au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ ordonné l’emploi des dépens en frais taxés de vente,

– réformer le jugement entrepris en ses autres dispositions (reproduites au dispositif des écritures)

Statuant à nouveau sur ces points,

– ordonner la vente forcée des biens saisis à l’audience qui sera fixée par le juge de l’exécution,

– débouter la SCI Sun Invest de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de vente.

A cet effet l’intimée affirme que ni le commandement de payer valant saisie, ni le cahier des conditions de vente n’intègre dans les lots saisis, le « couloir donnant accès au lot n°4 », dont l’appelante prétend qu’il s’agit d’une partie commune, elle ajoute que les deux lots de copropriété saisis sont décrits dans le cahier des conditions de vente déposé au greffe, de manière conforme à l’état descriptif de division de la copropriété et au titre de propriété de la société Sun Invest.

Elle relève que le fait que celle-ci ait, a priori, seule l’usage du « couloir donnant accès au lot n°4 » ne vaut pas annexion d’une partie commune et qu’en tout état de cause cette situation de fait ne constitue pas un obstacle à la saisie immobilière régulièrement mise en oeuvre.

Au soutien de son appel incident l’intimée souligne que la débitrice, qui ne conteste ni la créance poursuivie ni le titre exécutoire fondant la saisie, sollicite à titre subsidiaire l’autorisation de vendre à l’amiable les biens saisis au prix de 580 000 euros, « sous réserve de toute décision le lui permettant » , indiquant s’engager à « mettre en oeuvre une procédure pour faire valoir une prescription acquisitive des parties communes », conditionnant ainsi la vente amiable à l’exercice par elle d’une action en usucapion. Elle ne justifie donc pas qu’une vente non judiciaire peut être conclue dans des conditions satisfaisantes au sens de l’article R.322-5 du code des procédures civiles d’exécution et dans le respect des délais prévus par le même code.

La banque précise que par jugement du 23 juin 2022, le juge de l’exécution, constatant l’absence de vente amiable, a ordonné la vente forcée des biens saisis sur la mise à prix de 80 000 euros et fixé l’audience d’adjudication au 13 octobre 2022, dont elle sollicitera le report dans l’attente du présent arrêt.

A l’audience les parties ont été invitées à présenter leurs observations en cours de délibéré sur la rectification d’erreur matérielle du jugement d’orientation qui dans ses motifs rejette la demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière présentée par la SCI Sun Invest , disposition omise dans le dispositif ;

Elles n’ont pas usé de cette faculté.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière :

C’est à tort que la SCI Sun Invest soutient cette demande au motif que la saisie porte sur des parties communes dont elle n’est pas propriétaire , à savoir un couloir donnant accès au lot n°4, alors ainsi que le relève exactement l’intimée, la désignation des biens saisis figurant audit commandement et la description des lots de copropriété saisis au procès verbal descriptif du 20 avril 2021 annexé au cahier des conditions de vente, sont strictement conformes à l’état descriptif de copropriété dressé le 17 novembre 1983 par Me [T], notaire associé au [Localité 4], publié le 11 janvier 1984 qui n’a pas été modifié et au titre de propriété de la SCI Sun Invest qui a acquis les deux lots selon acte reçu le 6 juillet 2007 par maître [Y] notaire associé à Paris.

Et les contestations portant sur le mesurage prétendument erroné des lots à cet acte de vente et sur l’intégration alléguée des parties communes dans le lot n°4, propriété de la SCI Sun Invest, ne relèvent pas de la compétence du juge de l’exécution.

Il s’ensuit le rejet de la demande.

Il convient en application de l’article 462 du code de procédure civile de rectifier d’office le jugement entrepris qui a rejeté cette demande dans ses motifs, sans la reprendre dans son dispositif.

Sur l’orientation de la procédure :

La SCI Sun Invest n’a pas sollicité en référé le sursis à l’exécution du jugement entrepris qui a autorisé la vente amiable des biens saisis.

L’intimée demande incidemment la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a autorisé la vente amiable du bien .

Toutefois sa demande de vente forcée est devenue sans objet dès lors que faute de réalisation de la vente amiable autorisée dans le délai prévu par l’article R.322-21 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution par jugement du 22 juin 2022 a ordonné la vente forcée des biens saisis.

Sur les autres demandes :

La SCI Sun Invest qui succombe en son recours sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d’appel et sera tenue d’indemniser l’intimée des frais qu’elle a exposés pour se défendre devant la cour, à hauteur de la somme de 3000 euros réclamée.

Les dépens d’appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

RECTIFIE le jugement déféré en complétant son dispositif par la mention suivante : Rejette la demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière ;

DIT que cet arrêt rectificatif sera mentionné sur la minute et sur les expéditions du jugement entrepris ;

CONFIRME ledit jugement en ses dispositions appelées ;

Vu le jugement rendu le 22 juin 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille ;

DIT devenue sans objet la demande tendant à la vente forcée des biens saisis ;

Y Ajoutant,

CONDAMNE la SCI Sun Invest à payer à la société Landesbank Saar la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

REJETTE la demande formée à ce titre par la SCI Sun Invest ;

DIT que les dépens d’appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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