Conflits entre associés : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/16182

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Conflits entre associés : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/16182

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2023

N° 2023/ 029

Rôle N° RG 21/16182 N° Portalis DBVB-V-B7F-BIM4I

[M] [K]

C/

[Z] [K]

Copie exécutoire délivrée

le :

:

Me Sarah CAMINITI-ROLLAND

Me Sandra JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 09 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/01691.

APPELANT

Monsieur [M] [K]

né le 17 Mars 1966 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté par Me Sarah CAMINITI-ROLLAND, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

Madame [Z] [K]

née le 14 Avril 1971 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me François TANDONNET, avocat au barreau d’AGEN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 26 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022, puis prorogé au 05 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, Procédures et prétentions des parties :

Monsieur [M] [K] est propriétaire à [Localité 2], au [Adresse 1] d’un immeuble d’habitation situé en rez de jardin. Sa cousine, Madame [Z] [K], possède l’étage situé au-dessus et également le deuxième étage édifié en 2002 à l’emplacement d’un grenier.

Elle lui a contesté le droit, après qu’il ait obtenu une permis de construire le 26 août 2016 de réaliser une extension de son habitation.

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse dans une décision en date du 2 mai 2017, a condamné Monsieur [M] [K] a stoppé immédiatement les travaux qu’il avait engagés sur un immeuble situé lieu-dit la Tourache et remettre les lieux dans leur état initial sous astreinte de 200 € par jour commençant à courir passé le délai d’un mois à compter de la notification de la décision.

La signification de la décision précitée est intervenue par acte du 11 mai 2017. Cette ordonnance soumise à la cour d’appel d’Aix-en-Provence a été confirmée en toutes ses dispositions par un arrêt du 5 juillet 2018, signifié le 6 septembre 2018.

Saisi en liquidation de l’astreinte par Madame [Z] [K], le juge de l’exécution de Grasse a le 9 novembre 2021 :

-liquidé l’astreinte à la somme de 60’000 €,

– condamné monsieur [M] [K] à payer cette somme à madame [K],

-fixé une astreinte définitive de 350 euros par jour de retard, commençant à courir un mois après la notification du jugement rendu ou de sa signification à la diligence des parties et ce pendant deux mois,

-condamné Monsieur [M] [K] à payer à Madame [Z] [K] la somme de 1500 €

au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté les autres demandes.

Monsieur [M] [K] a fait appel de la décision par déclaration du 17 novembre 2021.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 16 février 2022 auxquelles il est ici renvoyé, il demande à la cour de :

– infirmer le jugement du Juge de l’Exécution près le Tribunal Judiciaire de Grasse en date du 9 novembre 2021 (RG n°20/01691) en toutes ses dispositions,

A titre principal,

– dire les demandes de madame [Z] [K] irrecevables et la débouter de toutes ses prétentions,

– A titre subsidiaire,

– fixer à de plus justes proportions le montant de l’astreinte liquidée, sans que celle-ci ne puisse excéder, en tout état de cause, la somme de 2000 euros,

En tout état de cause,

– supprimer toute astreinte, provisoire ou définitive,

– condamner madame [Z] [K] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de la procédure.

Il observe que madame [K] a attendu plus de trois ans avant de solliciter la liquidation de l’astreinte. La Cour de Cassation, retient dans le cadre d’une copropriété qui ne comprend que deux personnes, le copropriétaire initiant l’action en démolition doit obligatoirement attraire en la cause le Syndicat des copropriétaires, quitte à solliciter, au préalable, la désignation d’un administrateur provisoire lorsque la copropriété n’est pas organisée (Cass 8 juillet 2015 n°14-16975). Les demandes de l’intimée sont donc irrecevables. A titre subsidiaire, il expose que le montant de l’astreinte n’est pas justifié compte tenu de son comportement et de sa disproportion avec l’enjeu du litige. Il résulte d’un procès verbal de constat du 29 mai 2017 que les travaux d’extension étaient terminés à cette date et les menus aménagements réalisés par la suite ne démontrent pas une poursuite des travaux : pose d’une pergola démontable sur la terrasse et d’un évier, aucune ouverture supplémentaire n’a été créée. L’exécution de la condamnation en démolition porterait une atteinte disproportionnée au regard du droit au respect du domicile protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales 4 . La Cour de cassation retient qu’il appartient au juge saisi d’apprécier encore, de manière concrète, s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date 15 mars 2022, auxquelles il est renvoyé Madame [Z] [K] demande à la cour de :

– debouter Monsieur [M] [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Grasse en date du 9 novembre 2021,

– condamner Monsieur [M] [K] à lui payer la somme de 4000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner Monsieur [M] [K] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Monsieur [M] [K] a engagé des travaux d’extension qui défigurent complètement l’immeuble. Ils portent atteinte également à la vue depuis le premier étage et dévalorise la valeur locative du bien. Ils sont une violation de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 sur le statut de la copropriété car aucune consultation préalable auprès d’elle n’a été faite. Malgré la décision rendue en référé, monsieur [K] a poursuivi les travaux et n’a jamais remis les lieux en l’état. Les demandes qu’elle forme ne sont pas soumises au statut de la copropriété, elle a déjà obtenu la démolition de l’immeuble en justice mais ces prétentions sont uniquement axées sur la liquidation de l’astreinte et à ce titre sont recevables. Ce à quoi le premier juge a déjà répondu, il ne lui revient pas de modifier le titre. Le comportement obstiné de l’appelant doit être sanctionné, car contrairement à ce qu’il affirme, il a bien continué les travaux après la décision rendue, ce qu’établit un constat d’huissier de justice du 7 janvier 2020. Une extension supplémentaire de superficie assez importante a été ajoutée, la terrasse couverte par une structure solidement ancrée au sol. Monsieur [K] ne travaille pas dans cet immeuble, il dispose d’un garage automobile à [Localité 4]. Le montant de l’astreinte n’est nullement disproportionné par rapport au litige, aux inconvénients qu’elle subit, ses locataires ayant préféré quitter les lieux, et au dommage visuel ainsi créé par ce ‘blockaus’.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2022.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

sur la recevabilité des demandes de l’intimée

Il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’exécution, dans le cadre desquels statue actuellement la cour, de modifier le titre dont il est chargé d’assurer la mise en oeuvre.

En l’espèce, comme elle l’observe, madame [K], intimée a déjà eu gain de cause en justice pour obtenir la remise en état des lieux, ce en référé, par les décision du 2 mai 2017 et du 5 juillet 2018, de sorte que le débat actuel s’organise uniquement sur la liquidation de l’astreinte et son maintien. Il appartenait à monsieur [K] de faire valoir antérieurement ses oppositions procédurales et juridiques tirées du droit de la copropriété devant le juge des référés. Cet obstacle juridique ne peut plus être examiné par la cour au stade de l’exécution.

Madame [K] qui bénéficie de titres exécutoires est tout à fait recevable désormais à faire liquider l’astreinte prononcée à son bénéfice.

Sur la liquidation de l’astreinte :

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie, s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

La décision de référé du 2 mai 2017, confirmée en appel, a retenu à la charge de monsieur [K] l’existence d’un trouble manifestement illicite et caractérisé, elle l’a condamné, non seulement à stopper immédiatement les travaux engagés sur l’immeuble mais également à remettre les lieux en leur état initial, ce sur quoi il ne s’explique guère, tant il est manifeste qu’aucune remise en état des lieux n’a été faite.

L’huissier de justice, lors de son déplacement et du constat dressé sur place le 7 janvier 2020, indique que depuis son passage en février 2017, les extensions réalisées en rez de chaussée n’ont pas été détruites mais au contraire ont été finalisées. Il décrit une construction maçonnée avec parement en pierres, toit recouvert d’herbe, terrasse couverte dont le sol est carrelé avec sous cette terrasse, une ouverture dans la façade principale de la maison où semble être positionnée une arrivée d’eau et un bac évier en pierre. Monsieur [K] reconnaît expressément dans ses écritures l’installation de cette arrivée d’eau et de cet évier.

La comparaison du PV de constat du 7 janvier 2020, à celui du 29 mai 2017, produit par l’appelant lui même confirme la poursuite des travaux et l’absence de remise en état bien évidente. Les abords de l’extension ont été aménagés par un accès gravilloné et pavé, les joints de parements en pierre ajoutés, ainsi qu’une terrasse couverte aménagée avec point d’eau et évier.

Comme le rappelle l’appelant dans ses écritures dans un arrêt très récent, la Cour de cassation le 20 janvier 20225, a considéré que : « …si l’astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l’objectif d’une bonne administration de la justice, à assurer l’exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l’astreinte, en cas d’inexécution totale ou partielle de l’obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l’exécuter et de sa volonté de se conformer à l’injonction, il n’en appartient pas moins au juge saisi d’apprécier encore, de manière concrète, s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige».

La liquidation de l’astreinte doit dès lors être envisagée au regard du comportement de celui qui est soumis à l’injonction judiciaire, de sa volonté à s’y soumettre, des difficultés ou causes étrangères qui ont pu être des obstacles pour lui, sans que les sommes ainsi déterminées ne soient excessives par rapport aux circonstances de la cause, à ses enjeux et aux droits de chacune des parties, car elle ne doit pas aboutir à une spoliation ou une négation de leurs droits fondamentaux.

Concernant les enjeux du litige, madame [K] outre l’importance des travaux réalisés, l’aspect esthétique discutable de l’adjonction, démontre que l’immeuble qui avait un but locatif, a été délaissé par ses occupants, en particulier monsieur et madame [H], avec un préjudice de vue puisque fenêtres et balcon de son logement donnent désormais directement sur une aire en béton qui masque la vue sur le jardin et les espaces verts, l’agrément en a été sensiblement altéré ainsi que l’établissent en particulier les photographies annexées au constat du 7 janvier 2020. De son côté monsieur [K], n’a ni stoppé les travaux, ni procédé à la remise en état, manifestant sa volonté de poursuivre dans ses errements avec en particulier l’installation après signification de la décision de référé, d’une terrasse couverte supplémentaire. Le montant de l’astreinte liquidée peut être rapprochée du coût des travaux réalisés et du non respect des droits de propriété et paisible jouissance de l’autre propriétaire de l’immeuble, madame [Z] [K].

En conséquence de quoi, la cour adoptant également la motivation du premier juge, confirmera la décision prononcée de ce chef.

Sur l’astreinte définitive :

Afin de tenir compte de l’importance des travaux à entreprendre, et de pouvoir adapter une nouvelle condamnation financière au comportement qui aura été adopté par monsieur [K], ce que ne permet pas une astreinte définitive dont le montant ne peut être revu, la décision de première instance sera réformée sur ce point, avec fixation d’une astreinte provisoire comme indiqué au dispositif de la présente décision.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 4 000 euros sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, monsieur [K] supportant en outre, puisque partie perdante, les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

INFIRME la décision déféré en ce qu’elle a prononcé une astreinte définitive,

Statuant de ce chef,

ORDONNE une nouvelle astreinte provisoire d’un montant de 200 euros par jour, commençant à courir passé le délai de 4 mois à compter de la signification de la présente décision, et ce pour une durée de 6 mois, au terme desquels il pourra être à nouveau statué,

CONFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE monsieur [K] [M] à payer à madame [K] [Z], la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [K] [M] aux entiers dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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