COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 28E
DU 24 JANVIER 2023
N° RG 21/06095
N° Portalis DBV3-V-B7F-UYTQ
AFFAIRE :
[Y] [V]
C/
[X], [B], [T] [V] et autres
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le Président du Tribunal Judiciaire de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 20/008583
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Louise VANRENTERGHEM,
-Me Isabelle TOUSSAINT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [Y] [V]
né le 07 Septembre 1955 à [Localité 14] (ALLEMAGNE)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 1] – BELGIQUE
représenté par Me Louise VANRENTERGHEM, avocat postulant – barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 334
Me Jérémie DAZZA de la SELEURL JEREMIE DAZZA, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : C1912
APPELANT
****************
Monsieur [X], [B], [T] [V]
né le 29 Août 1956 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 3]
Madame [P], [U], [F] [V]
née le 24 Juin 1958 à [Localité 12] (CONGO)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
Madame [I], [R] [V]
née le 16 Novembre 1960 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Monsieur [M], [O], [B] [V]
né le 16 Septembre 1964 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentés par Me Isabelle TOUSSAINT, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 249
Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : B0140
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
**********************
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 11 mars 2020, M. [Y] [V] a fait assigner M. [X] [V], Mme [P] [V], Mme [I] [V] et M. [M] [V] devant le président du tribunal judiciaire de Versailles, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement des articles 771 et 772 du code civil, afin qu’il lui soit accordé un délai supplémentaire, d’au moins six mois, pour prendre parti sur l’acceptation ou non de la succession de [A] [E], et d’obtenir la condamnation des parties défenderesses au paiement d’une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation aux dépens.
Par exploits d’huissier de justice des 7 et 8 septembre et 26 octobre 2020, M. [Y] [V] a fait assigner M. [X] [V], Mme [P] [V], Mme [I] [V] et M. [M] [V] devant le président du tribunal judiciaire de Versailles, statuant selon la procédure accélérée au fond, à l’effet, de désigner sur le fondement des dispositions des articles 813-1 et suivants du code civil, un mandataire successoral pour administrer provisoirement les successions de [J] [V] et de [A] [E], et subsidiairement, de désigner, en application de l’article 815-6 du code civil, un administrateur provisoire, extérieur aux parties, pour administrer les biens indivis issus desdites successions, et de condamner les défendeurs à lui payer chacun une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que leur condamnation aux dépens.
Par un jugement contradictoire du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :
– Déclaré recevables les demandes de M. [Y] [V],
– Rejeté l’ensemble des demandes de M. [Y] [V],
– Condamné M. [Y] [V] à payer la somme de 500 euros à M. [X] [V], la somme de 500 euros à Mme [P] [V], la somme de 500 euros à Mme [I] [V] et la somme de 500 euros à M. [M] [V] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné M. [Y] [V] aux dépens,
– Rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Le 6 octobre 2021, M. [Y] [V] a interjeté appel de cette décision à l’encontre de M. [X] [V], Mme [P] [V], Mme [I] [V] et M. [M] [V].
Par d’uniques conclusions notifiées le 24 novembre 2021, M. [Y] [V] demande à la cour de :
Vu les articles 771, 772, 813 1, 815 3, 715 6, 815 8 et 1844 du code civil,
Vu l’article L225 110 du code de commerce,
Vu la sommation de prendre parti délivrée à M. [Y] [V],
Vu le jugement entrepris du président du tribunal judiciaire de Versailles du 8 juillet 2021,
– Infirmer les dispositions du jugement entrepris par lesquelles, le 8 juillet 2021, le président du tribunal judiciaire de Versailles a refusé de désigner un mandataire successoral sur les successions de [J] [V] et de [A] [E],
Statuant à nouveau, désigner un mandataire successoral sur les successions de [J] [V] et de [A] [E], avec pour mission de
* représenter les indivisions successorales de chacun de [J] [V] et de [A] [E] au sein de la société anonyme immobilière de construction [Localité 6], en y exerçant le droit de vote attaché à la qualité d’actionnaire de chacun des Défunts,
* accomplir toutes démarches nécessaires en vue de l’établissement de la déclaration (définitive) de succession de [A] [E] ; pour ce faire, s’adjoindre les services de tout expert,
* représenter chacune des indivisions successorales de [J] [V] et de [A] [E], tant en demande qu’en défense, dans toutes les instances dont l’objet entre dans la limite de ses pouvoirs, à l’exclusion de celles qui aboutiraient à des actes de disposition sur les biens,
* payer toutes dettes et frais privilégiés de chacune des indivisions successorales de [J] [V] et de [A] [E], régler tous comptes, en donner valables quittances, percevoir les revenus et, après paiement des charges et frais, reverser ceux ci aux co indivisaires à proportion des droits de chacun,
A défaut,
– Infirmer les dispositions du jugement entrepris par lesquelles, le 8 juillet 2021, le président du tribunal judiciaire de Versailles a refusé de désigner un administrateur provisoire sur les successions de [J] [V] et de [A] [E],
Statuant à nouveau, désigner un administrateur provisoire sur les successions de [J] [V] et de [A] [E], avec pour mission de
* représenter les indivisions successorales de chacun de [J] [V] et de [A] [E] au sein de la société anonyme immobilière de construction [Localité 6], en y exerçant le droit de vote attaché à la qualité d’actionnaire de chacun des Défunts ;
* accomplir toutes démarches nécessaires en vue de l’établissement de la déclaration (définitive) de succession de [A] [E]; pour ce faire, s’adjoindre les services de tout expert,
* représenter chacune des indivisions successorales de [J] [V] et de [A] [E], tant en demande qu’en défense, dans toutes les instances dont l’objet entre dans la limite de ses pouvoirs, à l’exclusion de celles qui aboutiraient à des actes de disposition sur les biens,
payer toutes dettes et frais privilégiés de chacune des indivisions successorales de [J] [V] et de [A] [E], régler tous comptes, en donner valables quittances, percevoir les revenus et, après paiement des charges et frais, reverser ceux ci aux co indivisaires à proportion des droits de chacun,
En tout état de cause,
– Infirmer les dispositions du jugement entrepris par lesquelles, le 8 juillet 2021, le président du tribunal judiciaire de Versailles a refusé d’accorder un délai supplémentaire à M. [Y] [V] pour prendre parti sur l’acceptation ou non de la succession de [A] [E],
Statuant à nouveau, accorder un délai supplémentaire, d’au moins six mois, à M. [Y] [V] pour prendre parti sur l’acceptation ou non de la succession de [A] [E],
– Infirmer les dispositions du jugement entrepris par lesquelles, le 8 juillet 2021, le président du tribunal judiciaire de Versailles a rejeté les demandes de M. [Y] [V] au titre des frais de procédure et des dépens ;
– Infirmer les dispositions du jugement entrepris par lesquelles, le 8 juillet 2021, le président du tribunal judiciaire de Versailles a condamné M. [Y] [V] au titre des frais de procédure et des dépens,
Statuant à nouveau, condamner chaque partie intimée à payer une somme de 1.000 euros à M. [Y] [V], en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner les parties intimées aux dépens ;
– Rejeter l’ensemble des demandes des parties intimées.
Par d’uniques conclusions notifiées le 20 décembre 2021, M. [X] [V], Mme [P] [V], Mme [I] [V] et M. [M] [V] demandent à la cour de :
Vu les articles 813 1 et 815 – 6 du code civil
Vu les articles 771 et 772 du code civil
– Débouter M. [Y] [V] de l’intégralité de ses demandes.
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, du 8 juillet 2021 du tribunal judiciaire de Versailles
– Condamner M. [Y] [V] au paiement de la somme de 1.500 euros, à chacun des concluants sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Les limites de l’appel
Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d’appel se présente dans les mêmes termes qu’en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.
Selon l’article 954, les parties formulent expressément leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions, la cour ne statuant que sur celles-ci. L’adverbe « expressément » qualifie sans aucun doute possible une volonté clairement exprimée.
Il s’ensuit que faute de prétentions relatives à la recevabilité des demandes de M. [Y] [V] dans le dispositif des conclusions des intimés, la cour ne répondra pas aux moyens exposés de ce chef dans le corps de leurs écritures.
La demande principale de désignation d’un mandataire successoral et la demande subsidiaire de désignation d’un administrateur provisoire
M. [Y] [V] poursuit l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il l’a débouté de ces demandes. À l’appui, il fait valoir que les défunts ont laissé plusieurs actifs, qui faute de partage, sont actuellement en indivision entre les parties et qui requièrent une gestion rigoureuse et suivie ; que les parties intimées ont cherché à l’écarter des opérations de succession qu’ils ont confiées à leur notaire, leur permettant manifestement de dissimuler des avantages dont ils ont pu bénéficier de la part des défunts ainsi que de l’administration du patrimoine successoral qu’ils organisent désormais seuls, dans la plus grande opacité ; qu’il a pu néanmoins découvrir que certains de ses frères et s’urs d’une part avaient dissimulé des gratifications reçues du défunt, y compris à des périodes pendant lesquelles ceux-ci étaient incapables et, d’autre part, que depuis la mort de leurs parents, ils avaient utilisé les fonds indivis pour régler des dettes personnelles des héritiers, ces faits ayant été dissimulés lors de l’établissement de la déclaration de succession de [J] [V].
Il affirme que les intimés cherchent à l’évincer du règlement particulièrement opaque des successions, leur notaire ayant refusé de lui donner une information éclairée sur l’état des successions et des actifs indivis ainsi que sur son travail effectué à son insu.
Il ajoute que la consistance exacte du patrimoine successoral de [J] [V] reste à déterminer et qu’aucun inventaire n’a eu lieu dans aucune des successions. Ainsi, il espère que le mandataire successoral ou l’administrateur provisoire qu’il demande à la cour de désigner lui fournira les informations utiles – retenues par les intimés – qui lui permettront d’apprécier la consistance exacte des successions et de prendre ainsi le cas échéant position sur la succession de [A] [E].
Il soutient que les conditions de l’article 813-1 du code civil sont réunies en ce que la mésentente entre les héritiers est évidente ; que le fait que le premier juge ait retenu que celle-ci lui est imputable est insuffisant dès lors que la mésentente entre les parties, encore accentuée depuis l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 2 mars 2017 ayant rejeté une première fois cette demande, empêche une administration paisible des biens des successions. Il en veut pour preuve qu’il a dû solliciter l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [J] [V] ; que les intimés lui contestent sa qualité même d’héritier ; que ces derniers ont dissimulé de nombreuses libéralités, sont réticents à lui fournir la valeur actualisée des biens acquis à partir des libéralités de sommes d’argent et s’accaparent les biens indivis, des biens immobiliers attachés à la société anonyme immobilière de construction Le Chesnais Trianon.
Le comportement critiquable qu’il reproche aux intimés, qui administrent les biens indivis, justifie selon lui la désignation d’un mandataire successoral, la succession, depuis le décès de [A] [E], étant devenue complexe dans la mesure où elle comprend des actions de la société anonyme immobilière de construction [Localité 6] Trianon, indivises. Il en déduit qu’un représentant unique est nécessaire pour que l’indivision puisse valablement voter aux assemblées générales, ce qui relève d’après lui d’une évidente complexité au sens de l’article 813- 1du code civil.
Subsidiairement, M. [Y] [V] poursuit l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a refusé la désignation d’un administrateur provisoire. À l’appui, il fait valoir que le risque d’intérêts divergents entre les indivisaires est de nature à justifier le recours aux dispositions de l’article 815-6 du code civil. Tenu selon lui à l’écart de la gestion des biens indivis, il dit craindre légitimement que les parties intimées n’accomplissent pas les actes nécessaires à la gestion du patrimoine indivis en bon père de famille au regard de l’effondrement des valeurs des portefeuilles de titres indivis.
M. [X] [V], Mme [P] [V], Mme [I] [V] et M. [M] [V], ci-après désignés » les consorts [V] « , concluent à la confirmation du jugement de ces chefs.
Ils exposent que M. [Y] [V] procède par un ensemble d’allégations et d’accusations qu’aucune pièce produite aux débats ne vient étayer et n’apporte aucun moyen pertinent critiquant la décision entreprise. Ils rappellent que dès les années 1990, leurs parents ont préparé leur succession et procédé à un certain nombre de donations au profit de leurs cinq enfants, l’ensemble étant indiqué dans le projet d’acte de donation-partage produit aux débats par le demandeur.
Ils répliquent qu’il appartient à M. [Y] [V] de démontrer que les conditions de désignation d’un mandataire successoral prévues par l’article 813-1 du code civil sont bien réunies alors que pour ce faire, il fonde uniquement son action sur l’affirmation qu’il existerait une mésentente entre les héritiers, ce qui est manifestement insuffisant.
En ce qui concerne la sauvegarde des actifs de l’indivision, ils estiment que les arguments avancés par M. [Y] [V] ne reposent sur aucun élément de preuve et surtout ne résistent pas à un examen sérieux des faits de l’espèce.
Ils considèrent que le patrimoine de leurs parents ne présente aucune particularité ou difficultés de nature à rendre sa gestion ardue puisqu’il est composé de valeurs mobilières de placement à l’exception d’un appartement au [Localité 6] et est parfaitement connu des héritiers notamment grâce au projet de donation-partage réalisé par Maître [L] et aux éléments communiqués par Maître [K], notaire. Ils en déduisent qu’il n’existe aucune difficulté quant à la gestion quotidienne des actifs indivis qui ne souffrent d’ailleurs d’aucun péril.
Ils imputent la mésentente entre les héritiers à M. [Y] [V]. Ils observent qu’à l’examen des pièces produites par le demandeur, celle-ci sont constituées à l’exception du projet d’acte de donation-partage, de courriers, de mails et surtout des nombreuses procédures dont il est l’auteur, procédé bien facile pour tenter d’accréditer ses allégations.
Ils ajoutent que l’unique élément avancé par M. [Y] [V] pour tenter de crédibiliser la thèse de la mésentente est le projet de donation-partage qui n’a jamais été régularisé et est au demeurant antérieur au décès de leurs parents.
Ils soutiennent que les allégations de l’appelant ne reposent sur aucun élément de preuve comme l’a d’ailleurs retenu le juge des référés dans une décision du 28 mai 2015.
Ils précisent que la mésentente seule n’est pas suffisante pour entraîner la désignation d’un tel mandataire mais qu’il est nécessaire que celle-ci entraîne un blocage des opérations de succession et/ou mette en péril les actifs dépendant de celle-ci, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Ils maintiennent que la constitution du patrimoine des de cujus est parfaitement connue du demandeur au travers des projets d’actes de donation-partage et la déclaration de succession de sa mère, l’ensemble des moyens exposés dans l’assignation démontrant au contraire qu’il a une parfaite connaissance de la composition de ce patrimoine.
Ils rétorquent que M. [Y] [V] se contente de verser aux débats des pièces dont il est à l’origine et/ou qui ne démontrent ni abus de faiblesse ni recel successoral.
Ils remarquent que les moyens développés ne sont pas plus légitimes puisque, quand bien même leur réalité serait établie, la nomination d’un mandataire successoral ou d’un administrateur provisoire ne permettrait en rien d’y remédier.
Quant à la demande subsidiaire de désignation d’un administrateur provisoire, outre que, d’après eux elle ne serait pas recevable faute pour M. [Y] [V] d’avoir accepté la succession de ses parents, ils s’interrogent sur les mesures urgentes fondées sur l’intérêt commun qui justifieraient une telle demande dès lors que de simples craintes et/ou affirmations du demandeur ne sont pas suffisantes pour justifier la nomination d’un administrateur provisoire.
Appréciation de la cour
L’article 813-1 du code civil dispose :
» Le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.
La demande est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public « .
L’article 815-6 du code civil dispose : » Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun. Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l’indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l’emploi. Cette autorisation n’entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l’héritier. Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l’obligeant s ‘il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s’appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l’administrateur, s’ils ne sont autrement définis par le juge « .
Au regard des conditions exigées par ces textes pour la désignation d’un mandataire successoral, il est inopérant que certains des intimés aient ou non bénéficié de sommes d’argent de la part de [J] [V] dissimulées lors de l’établissement de la déclaration de succession de celui-ci. En effet, en application de l’article 843 du code civil, chacun des héritiers est tenu de rapporter aux successions les sommes dont il a bénéficié, comme M. [Y] [V] le rappelle d’ailleurs lui-même dans ses écritures. Ainsi, si M. [Y] [V] est en capacité de rapporter la preuve de ce qu’il avance à cet égard, cette question sera réglée lors des opérations de liquidation et de partage dont il a sollicité en justice l’ouverture. Il en ira de même de l’utilisation des fonds indivis pour le règlement des droits personnels de succession. De même, le notaire désigné par le jugement ayant ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage procédera à l’inventaire des successions de sorte que M. [Y] [V] obtiendra à cette occasion toutes les informations lui permettant d’apprécier la consistance exacte des successions.
En outre, si la mésentente entre les héritiers est certes consommée, M. [Y] [V] ne fournit aucun exemple précis et concret de ce qu’elle empêche une administration paisible des biens des successions. Il se fonde en effet sur des échanges de mails entre les frères et s’urs dépourvus de tout caractère probant. La seule lecture des déclarations de succession de [J] [V] (pièce n° 8 de l’appelant) et de [A] [E] (pièce n° 9 de l’appelant), ce second document étant au demeurant non signé, ne saurait établir la diminution de valeur des actifs alléguée, dès lors que la seconde ne reprend pas le montant de l’actif de la communauté ayant existé entre [J] [V] et [A] [E]. En d’autres termes, les deux documents n’adoptant pas la même méthode de calcul, ils ne sont pas comparables.
Plus généralement, les comportements que M. [Y] [V] reproche à ses frères et s’urs, si tant est qu’il soit en mesure d’en administrer la preuve, feront l’objet d’un règlement global dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage.
S’agissant de la société anonyme immobilière de construction [Localité 6] Trianon, comme l’a exactement retenu le tribunal, M. [Y] [V] ne démontre par aucun élément de preuve précis et objectif que le fonctionnement de celle-ci est entravé.
En résumé, devant la cour, M. [Y] [V] reprend ses moyens de première instance sans articuler de critique précise à l’encontre du jugement déféré qui a justement retenu, par des exacts motifs adoptés par la cour, qu’il avait eu connaissance des forces successorales et qu’il ne rapportait pas la preuve d’une volonté de ses frères et s’urs d’agir en fraude pour l’évincer d’une partie de ses droits aux successions. En tout état de cause, il sera pleinement informé par le notaire chargé par le tribunal des opérations de compte liquidation et partage des successions, à l’occasion desquelles chacun des héritiers devra en outre rendre compte de la gestion des biens indivis.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de désignation d’un mandataire successoral. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d’être exposés, il sera confirmé sur le rejet de la demande de désignation d’un administrateur provisoire, M. [Y] [V] ne justifiant pas plus devant la cour qu’en première instance de la nécessité de mesures urgentes requises par l’intérêt commun au sens de l’article 815-6 du code civil. Quant au risque d’intérêts divergents entre les indivisaires, si certes la mésentente entre les cohéritiers est consommée, il n’est démontré par aucun élément de preuve précis et objectif qu’elle est de nature à compromettre l’intérêt commun. La cour rappelle à cet égard que l’effondrement des valeurs des portefeuilles de titres n’est pas démontré.
La demande de délais pour accepter la succession de [A] [E]
M. [Y] [V] poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de cette demande. À l’appui, il fait valoir que la cour ne pourra pas suivre le raisonnement du Premier juge à cet égard dans la mesure où il doit avoir une information suffisante pour se prononcer en toute connaissance de cause. Il estime que les simples projets désormais anciens d’acte de donation-partage ou les comptes rendus de la curatrice de [A] [E] sont très insuffisants pour l’éclairer sur la situation patrimoniale de la succession.
Les consorts [V] concluent à la confirmation du jugement sur ce point. Ils exposent que le délai demandé par leur frère, six mois, est d’ores et déjà inférieur au temps écoulé depuis la saisine de la juridiction de première instance et que ce dernier n’a toujours pas pris position expressément. Ils estiment qu’il ne démontre pas l’existence de motifs sérieux et légitimes qui ne lui ont pas permis de prendre position. Ils maintiennent que la constitution du patrimoine des de cujus lui est parfaitement connue, l’ensemble des moyens qu’il expose le démontrant également.
Ils ajoutent que les moyens visant à modifier le montant de la masse des actifs de la succession par le rapport de donations antérieures ou de prélèvements prétendument indus n’ont d’intérêt que s’il accepte la succession. Ils en déduisent que la demande de délais n’est pas légitime alors qu’elle ne fait que retarder les opérations de succession qui, elles seules, lui permettraient de faire valoir ses arguments quant à la consistance de la succession de ses parents.
Ils rappellent que M. [Y] [V] a saisi le tribunal judiciaire de Versailles d’une demande de partage judiciaire et d’une demande de nomination d’un administrateur provisoire, lesquelles supposent une qualité d’héritier acceptant et sont dès lors de nature à constituer une acceptation tacite de la succession qui le prive d’intérêt à agir dans le cadre de sa demande de délai supplémentaire.
Appréciation de la cour
Compte tenu des motifs ci-dessus développés et de l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage, que cette demande dilatoire ne saurait entraver, celle-ci n’est pas justifiée puisque, précisément, en complément de tous les éléments qui ont déjà été portés à la connaissance de M. [Y] [V], il recevra une information complète à cette occasion.
Les demandes accessoires
M. [Y] [V] poursuit l’infirmation du jugement déféré sur les frais de procédure et les dépens. À l’appui, il fait valoir que, compte tenu de ce qu’il vient d’exposer, il n’a pas eu d’autres options que d’agir en justice et donc d’exposer des frais que la cour ne peut, en toute équité, pas laisser à sa charge.
Appréciation de la cour
Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
En tant que partie perdante tenue aux dépens, M. [Y] [V] ne peut qu’être débouté de sa demande sur ce même fondement.
En outre, cet appel injustifié a engendré pour les parties intimées des frais irrépétibles supplémentaires qu’il est inéquitable de laisser à leur charge. En conséquence, M. [Y] [V] sera condamné à leur payer à chacune une indemnité supplémentaire de 500 euros (soit la somme totale de 2000 euros) en indemnisation de leurs frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le président du tribunal judiciaire de Versailles,
Et, y ajoutant,
DÉBOUTE M. [Y] [V] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le CONDAMNE à payer à ce titre à M. [X] [V], Mme [P] [V], Mme [I] [V] et M. [M] [V] la somme supplémentaire de 500 euros à chacun,
CONDAMNE M. [Y] [V] aux dépens d’appel.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,