Conflits entre associés : 2 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/04799

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Conflits entre associés : 2 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/04799

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 35G

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MARS 2023

N° RG 22/04799 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VKPH

AFFAIRE :

[C] [G] [X] [J]

C/

[I] [R]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Juin 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE

N° RG : 21/01022

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02.03.2023

à :

Me Monique TARDY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Malick DIOUF, avocat au barreau de VERSAILLES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [C] [G] [J]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentant : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 005334

Ayant pour avocat plaidant au barreau du Val d’oise Me Sébastien BALZARINI-NOACHOVITCH

APPELANTE

****************

Monsieur [I] [R]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

SCI DU CHÂTEAU 18T

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentant : Me Malick DIOUF, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 723

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport et Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] [X] [J] est associée pour 10% et M. [I] [R] pour 90 % des parts de la SCI du Château 18T dont ce dernier est le gérant.

Mariés depuis le [Date mariage 3] 1990, Mme [X] [J] et M. [R] sont actuellement en instance de divorce.

Par acte d’huissier de justice délivré le 10 novembre 2021, Mme [X] [J] a fait assigner en référé la société du Château 18T et M. [R] aux fins d’obtenir principalement la désignation d’un administrateur provisoire de ladite SCI.

Par ordonnance contradictoire rendue le 14 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :

– débouté Mme [X] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné Mme [X] [J] à payer la somme de 800 euros à la SCI du Château 18T et la somme de 800 euros à M. [R] en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [X] [J] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 19 juillet 2022, Mme [X] [J] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 5 décembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [X] [J] demande à la cour, au visa des articles 809 du code de procédure civile et 1844-1, 1855 et 1856 du code civil, de :

‘- infirmer l’ordonnance rendue le 14 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu’il a :

– débouté Mme [X] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné Mme [X] [J] à payer la somme de 800 euros à la SCI du Château 18T et la somme de 800 euros à M. [R] en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [X] [J] aux dépens,

en conséquence, et statuant de nouveau :

– désigner Maître [B] [P], administrateur judiciaire, exerçant au [Adresse 6]) en qualité d’administrateur provisoire de la SCI du Château 18T, ou, subsidiairement, tout administrateur qu’il plaira à Madame ou Monsieur le président du Tribunal ;

– dire que la mission de l’administrateur a une durée de six mois renouvelables ;

– dire que l’administrateur aura pour mission notamment de :

– se faire communiquer les livres et documents sociaux pour les exercices clos de 2015 à 2020 et d’établir pour chacun d’eux un rapport mentionnant les bénéfices et les pertes éventuelles ;

– réunir une assemblée générale pour statuer sur les exercices clos courant la période de 2015 à 2020, les approuver et se prononcer sur l’affectation des résultats ;

– pratiquer tout acte nécessaire à la bonne gestion de la SCI, tant concernant les biens immobiliers, que les éventuels contrats conclus par le gérant ;

– dresser un état de l’intégralité des sommes perçues par la SCI, ou qui auraient dû être perçues par elle depuis sa création ;

– engager toute action judiciaire à l’encontre du gérant dans l’hypothèse d’une fraude aux droits de la SCI ou de ses associés, en désignant, le cas échéant, un avocat pour se faire ;

– procéder aux opérations de liquidation de la société jusqu’à la réalisation et ce y compris la vente des biens immobiliers ou attribution des actifs et règlement du passif, et formalités de clôture de liquidation jusqu’à radiation du RCS ;

– fixer la rémunération de l’administrateur ainsi nommé et dire que cette rémunération sera supportée par M. [R] ;

– débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires ;

– déclarer irrecevable la demande de voir condamnée Mme [J] à une amende civile à hauteur de 10 000 euros ;

– condamner M. [R] au paiement à Mme [J] de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [R] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Monique Tardy, Avocat aux offres de droit’.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 20 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la SCI du Château 18T et M. [R] demandent à la cour, au visa des articles 542 et 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil, de :

‘- juger recevable l’intégralité des moyens de la SCI du Château 18T et de M. [R] ;

– confirmer dans toutes ces dispositions l’ordonnance du 14 juin 2022 rendue par le tribunal judiciaire de Pontoise ;

reconventionnellement,

– condamner Mme [X] [J] à une amende civile de 10 000 euros ainsi qu’au versement de la somme de 3 000 euros à la SCI du Château 18T et la somme de 3 000 euros à M. [R] au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

– condamner, en conséquence, Mme [X] [J] à payer à la SCI du Château 18T la somme de 2 000 euros et à M. [R] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [X] [J] aux entiers dépens dont le remboursement des deux timbres fiscaux d’un montant tmitaire de 225 euros payés par la SCI du Château 18T et M. [R], ainsi qu’aux frais d’actes et d’exécution de l’arrêt à intervenir’.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Au visa des articles 809 du code de procédure civile (devenu l’article 835 du même code) et des articles 1844-1, 1855 et 1856 du code civil, Mme [X] [J] sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée et la désignation d’un administrateur ad hoc.

Elle demande que soit confiée à celui-ci une mission comptable, mais aussi aux fins d’engager toute action judiciaire à l’encontre du gérant dans l’hypothèse d’une fraude du gérant et de procéder aux opérations de liquidation de la SCI, comprenant la réalisation (y compris la vente des biens immobiliers) des actifs jusqu’à sa radiation au RCS.

Elle soutient qu’en application de la jurisprudence de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 21 juin 2018 (n° 17-13212), la désignation d’un administrateur « provisoire » peut être justifiée par la simple mésentente entre les associés.

Elle soutient que cette mésentente résulte des relations très tendues entre les associés de la SCI depuis le début de la procédure de divorce et de la gestion obscure et contraire à l’intérêt de la société menée par M. [R].

Elle met en particulier en exergue le fait que l’assemblée générale ordinaire du 25 juin 2021 et celle extraordinaire du 6 septembre 2021 ont été convoquées à des dates où elle ne pouvait être ni présente ni représentée, le fait que M. [R] n’a pas respecté son engagement de reporter l’assemblée du 25 juin 2021 et le fait qu’il ne lui communique aucun des documents comptables et de gestion qu’elle réclame.

Elle pointe également des anomalies dans la gestion comptable de la SCI.

La SCI du Château 18T et M. [R] s’opposent à cette désignation, faisant d’abord valoir que les textes de loi visés par l’appelante ne sont pas de nature à fonder sa demande.

Ils prétendent qu’en l’espèce, M. [R] n’a jamais refusé de réunir une assemblée générale, ces assemblées ayant bien été tenues, et qu’il a bien communiqué à Mme [X] [J] les comptes annuels.

Ils ajoutent que s’agissant des autres documents réclamés par l’appelante, il lui a été indiqué qu’ils étaient disponibles au siège de la société.

En particulier, ils font valoir que c’est Mme [X] [J] qui a fait obstruction à ce que soit évoquée sa cession des parts sociales, alors qu’il est mentionné au procès-verbal d’assemblée générale du 4 septembre 2021 qu’une autre assemblée se tiendra le 6 novembre suivant sur cette question, ainsi que celle, le cas échéant, de la dissolution et de la liquidation de la société, assemblée à laquelle elle ne s’est pas présentée.

Ils soutiennent également qu’au vu de la kyrielle de mesures que l’appelante sollicite, elle ne souhaite en réalité pas la désignation d’un mandataire ad hoc, mais celle d’un administrateur provisoire, dont les conditions de désignation sont plus rigoureuses et non réunies.

Ils contestent toute gestion obscure et fournissent des explications aux actes reprochés par l’appelante.

Ils formulent une demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive, mettant en avant l’absence de fondement juridique sérieux de la demande de Mme [X] [J], l’inanité des moyens développés, sa mauvaise foi et le préjudice que M. [R] subit.

Sur ce,

Aux termes de l’article 834 alinéa 1 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent.

L’administrateur ad hoc est une personne qui peut être investie d’une mission ponctuelle consistant à observer ou à informer les associés dans des cas où la situation n’est pas suffisamment grave pour justifier la nomination d’un administrateur provisoire ; il ne se substitue pas au dirigeant et ce dernier continue d’exercer ses fonctions.

Il s’agit d’un mandat judiciaire spécial d’accomplir un acte déterminé ou des tâches précises, alors que pour l’administrateur provisoire, il s’agit d’un mandat judiciaire général d’administration courante.

En l’espèce, il résulte des termes des conclusions de Mme [X] [J] que celle-ci argue uniquement d’une mésentente entre associés, sans tenter de caractériser ni le fonctionnement anormal de la SCI du Château 18T, ni le péril imminent qui la menacerait, de sorte qu’elle est uniquement fondée à solliciter la désignation d’un administrateur ad hoc.

S’agissant pour un tel mandataire de se voir confier uniquement l’exécution d’une opération ponctuelle et limitée dans le temps, Mme [X] [J] n’est donc pas fondée à solliciter que lui soit attribuée une mission consistant à :

« – pratiquer tout acte nécessaire à la bonne gestion de la SCI, tant concernant les biens immobiliers, que les éventuels contrats conclus par le gérant ;

– dresser un état de l’intégralité des sommes perçues par la SCI, ou qui auraient dû être perçues par elle depuis sa création ;

– engager toute action judiciaire à l’encontre du gérant dans l’hypothèse d’une fraude aux droits de la SCI ou de ses associés, en désignant, le cas échéant, un avocat pour se faire ;

– procéder aux opérations de liquidation de la société jusqu’à la réalisation et ce y compris la vente des biens immobiliers ou attribution des actifs et règlement du passif, et formalités de clôture de liquidation jusqu’à radiation du RCS ».

En effet, lui octroyer des pouvoirs aussi étendus reviendrait à lui conférer une véritable mission d’administration générale de la SCI, laquelle ne peut être ordonnée, comme ci-dessus rappelé, qu’en cas de caractérisation d’un fonctionnement anormal de la société et d’une menace de péril imminent pesant sur elle, ce que l’appelante n’offre pas de démontrer.

S’agissant des demandes relatives à la communication des « livres et documents sociaux pour les exercices clos de 2015 à 2020 » et à la réunion d’ « une assemblée générale pour statuer sur les exercices clos courant la période de 2015 à 2020, les approuver et se prononcer sur l’affectation des résultats », l’appelante ne démontre pas avoir sollicité vainement la communication de ces pièces pour les années indiquées, se contentant dans ses écritures de prétendre que de « très nombreux éléments devraient être transmis par M. [R] afin que la société puisse faire l’objet d’une évaluation financière transparente », et notamment « les grands livres comptables de l’ensemble des postes du bilan et du compte de résultat pour les exercices 2018, 2019, 2020 et 2021 », soit pour des années qui ne correspondent que partiellement aux demandes de communication.

En outre, Mme [X] [J] produit elle-même en ses pièces n° 25 et 26 les bilans et détails des postes pour les exercices 2020 et 2021.

Dans ces conditions, l’appelante ne justifie pas de la nécessité de la nomination d’un mandataire ad hoc et l’ordonnance querellée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a ainsi jugé.

Les intimés sollicitent le prononcé d’une amende civile, lequel relève du seul pouvoir d’initiative de la cour qui en l’espèce, n’estime pas légitime d’y recourir.

S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sollicitée par la SCI du Château 18T et M. [R] par application des dispositions des articles 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil, il sera relevé pour la rejeter qu’en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, aucune faute ne peut résulter de l’absence de critique énoncée comme telle de la décision frappée d’appel et qu’en outre, l’erreur sur le fondement juridique invoqué n’est que partielle et ne saurait constituer une faute.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de ce qui précède, l’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, Mme [X] [J] ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens dans la limite de ceux limitativement énumérés par l’article 695 du code de procédure civile.

Par équité, s’agissant essentiellement d’un litige ayant pour trame de fond le divorce conflictuel de Mme [X] [J] et M. [R], il sera dit n’y avoir lieu à appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance du 14 juin 2022 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette le surplus des demandes des parties,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel,

Dit que Mme [C] [X] [J] supportera les dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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