Conflits entre associés : 16 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02790

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Conflits entre associés : 16 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02790

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 16/03/2023

Me Corinne BAYLAC

la SARL ARCOLE

ARRÊT du : 16 MARS 2023

N° : 34 – 23

N° RG 21/02790

N° Portalis DBVN-V-B7F-GOUS

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Président du du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 22 Octobre 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265267378057147

Madame [W] [G] ÉPOUSE [J]

née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 12]

[Adresse 11]

[Localité 7]

Ayant pour avocat Me Corinne BAYLAC, membre de la SAS ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265278696845139

Monsieur [R] [J]

Président Directeur Général de la SAS AUVERNICE

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Comparant en personne,

Ayant pour avocat postulant Me Catherine GAZZERI-RIVET, membre de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Jean-François MERIENNE, membre de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

S.A.S. AUVERNICE

Prise en la personne de son Président en exercice, Monsieur [R] [J], domicilié de droit audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 9]

Ayant pour avocat postulant Me Catherine GAZZERI-RIVET, membre de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Jean-François MERIENNE, membre de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 28 Octobre 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 24 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 19 JANVIER 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 16 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La SAS Auvernice a pour objet l’acquisition, la détention et la gestion de participations dans des sociétés.

Les associés de la SAS Auvernice sont M. [R] [J], associé majoritaire, également président de la société, Mme [W] [G] épouse [J], son épouse, également directrice générale jusqu’au 31 juillet 2021, MM. [B] et [D] [J], leurs deux fils, et la SAS ITM Entreprises (groupement Intermarché).

Les époux [J], mariés le [Date mariage 1] 1981 sous le régime de la communauté des biens, sont actuellement en instance de divorce.

Madame [W] [G] épouse [J] estimant que la préservation des intérêts de la SAS Auvernice et des actionnaires minoritaires n’était plus garantie a, par actes d’huissiers de justice des 16 et 19 août 2021, fait assigner la SAS Auvernice et M. [R] [J] devant le président du tribunal de commerce de Tours statuant en référé afin d’obtenir la désignation d’un administrateur provisoire pour gérer et administrer la SAS Auvernice aux lieu et place de son dirigeant actuel, M. [R] [J], avec une mission de six mois.

Par ordonnance du 22 octobre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Tours a :

Vu les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile,

Vu les pièces du dossier,

– renvoyé les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles en aviseront, mais, dès à présent et vu l’urgence,

– débouté Mme [W] [G] épouse [J] de sa demande de nomination d’un administrateur provisoire et de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

– condamné Mme [W] [G] épouse [J] à payer à la SAS Auvernice et à M. [R] [J] la somme de 1 500 € à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– laissé à la charge de Mme [W] [J] les entiers dépens.

Suivant déclaration du 28 octobre 2021, Mme [W] [G] épouse [J] a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de cette décision en intimant la SAS Auvernice et M. [R] [J].

Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er février 2022, Mme [W] [G] épouse [J] demande à la cour de :

– faire droit à toutes exceptions de procédure, annuler sinon infirmer et à tout le moins réformer la décision rendue le 22 octobre2021 par le tribunal de commerce de Tours en ce qu’elle a :

* débouté Mme [W] [G] épouse [J] de sa demande de nomination d’un administrateur provisoire et de toutes autres demandes, fins ou conclusions,

* condamné Mme [W] [G] épouse [J] à payer à la SAS Auvernice et à M. [R] [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* débouté Mme [W] [G] épouse [J] du surplus de ses demandes et l’a condamnée aux entiers dépens,

Vu les dispositions de l’article 47 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 1844-6 du code civil,

Vu les dispositions des articles 872, 873, 873-1 du code de procédure civile,

Vu l’intérêt légitime de la minorité des associés et la disparition de tout affectio societatis,

Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats devant la cour,

– ordonner la désignation de tel administrateur qu’il plaira à la cour de désigner avec une mission provisoire de six mois sur la base de la mission suivante :

* gérer et administrer la SAS Auvernice en lieu et place de son dirigeant actuel,

* se faire remettre par le dirigeant et le comptable de la société, la COGEP, l’ensemble des documents comptables, fiscaux et bancaires de toutes les sociétés du groupe Auvernice ainsi que l’état des avoirs bancaires de la totalité des sociétés du groupe à compter du 1er janvier 2019 et les codes d’accès aux comptes bancaires,

* établir un constat des avoirs et liquidités existant sur les comptes des sociétés depuis le 1er  janvier 2019 et dresser un inventaire des actifs des sociétés (biens immobiliers et valeurs mobilières) en procédant à l’évaluation des avoirs,

* établir un constat des prélèvements effectués sur les comptes des sociétés par le dirigeant et/ou les actionnaires depuis le 1er janvier 2019 et leur destination,

* établir un bilan de l’entreprise à la date de son entrée en fonction et à la fin de sa mission,

* procéder contradictoirement à l’arrêté des comptes entre associés,

* prendre toutes mesures utiles dans l’intérêt de la société à l’effet de remédier à une situation de blocage et de paralysie et notamment de convoquer le cas échéant toutes assemblées générales des associés,

* rédiger un rapport détaillé de ses diligences, de sa gestion des avancées ou difficultés rencontrées, le cas échéant, dans l’exercice de sa mission,

* autant que faire se peut tenter de concilier les parties,

– ordonner que l’administrateur ainsi désigné devra dresser un rapport de ses constatations et de ses diligences à l’issue de la période de six mois à compter de sa saisine,

– ordonner que la provision destinée à la mise en ‘uvre de l’administrateur judiciaire provisoire ou ad hoc sera mise à la charge de la SAS Auvernice et en tant que de besoin l’y condamner,

– condamner M. [R] [J] à verser à Mme [W] [G] [J] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 7 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel et frais éventuels d’exécution.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 31 décembre 2021, la SAS Auvernice et M. [R] [J] demandent à la cour de :

Vu les articles 872 et 873 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de référé du tribunal de commerce de Tours du 22 octobre 2021,

Vu l’appel formé par Mme [W] [G] épouse [J],

– dire et juger cet appel mal fondé,

En conséquence,

– confirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions,

Au surplus,

– condamner Mme [J] à payer à la SAS Auvernice et à M. [R] [J] la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 février 2022.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS :

A titre préalable, il convient d’observer que Mme [W] [G] épouse [J] ne fait état dans ses écritures d’aucune exception de procédure auquelle elle demande de faire droit dans son dispositif. Il n’y a donc pas lieu de statuer de ce chef.

L’article 872 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

En vertu de l’article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est constant que la désignation judiciaire d’un administrateur provisoire de la société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société concernée et menaçant celle-ci d’un péril imminent. La demande est présentée par un ou plusieurs associés ou organe d’administration.

La mésentente grave entre associés ne peut donner lieu à la désignation d’un administrateur provisoire que si celle-ci fait obstacle au fonctionnement de la société, qu’elle paralyse les organes de la direction ou qu’elle mette en péril la société.

A l’appui de sa demande, Mme [W] [G] épouse [J] se prévaut de :

1) la décision unilatérale par M. [R] [J], en tant qu’associé majoritaire, de la vente du fonds de commerce de l’Intermarché d'[Localité 9] et mise au chômage technique d’office de son épouse de son poste de directrice générale de la société Auvernice, sans aucune concertation ni information préalable,

2) l’organisation d’une assemblée générale de la société Auvernice qui s’est tenue le 29 avril 2021 en vue de la cession des parts sociales de la totalité des filiales du groupe et de l’octroi à M. [R] [J] en qualité de président de représenter la société Auvernice dans chaque société qui statuera sur la cession de leur immobilier,

3) la soustraction de la totalité des objets de valeur garnissant l’ancien domicile conjugal du couple situé à [Adresse 8],

4) le refus de communiquer les bilans des sociétés du groupe à Mme [W] [G] épouse [J] malgré sa double qualité d’associé de la société Auvernice et d’épouse commune en biens,

5) les violences physiques et morales de M. [R] [J] sur son épouse ayant entraîné un rappel à la loi par le procureur de la république,

6) les actes frustratoires et menaces à l’encontre de Mme [W] [G] épouse [J] de la part de M. [R] [J], tels que la révocation de son poste de directrice générale, la suppression de son badge d’autoroute, de son téléphone portable et de ses codes d’accès aux comptes bancaires de la société,

7) la réalisation de travaux très importants avec des fonds communs et sans l’accord de son épouse dans le domaine de l’Epinière où M. [R] [J] a fixé sa résidence principale avec sa nouvelle compagne,

8) les prélévements importants de fonds de près d’un million d’euros sur les comptes communs et notamment sur le compte de la SC Foncières Chabrières,

9) la limitation des subsides à son épouse, laquelle n’a plus aucun accès aux comptes professionnels et ne perçoit aucun revenu depuis sa révocation de son poste de directrice générale.

Si l’ensemble de ces faits caractérisent indéniablement un ‘conflit irréductible’ entre M. [R] [J], le dirigeant de la société Auvernice, et Mme [W] [G] épouse [J], actionnaire minoritaire, selon les termes de cette dernière, il n’est pas pour autant établi qu’ils mettent gravement en péril les intérêts de la société.

En effet, certains d’entre eux ne concernent pas la société Auvernice mais relèvent du différend conjugal opposant les parties, tels ceux évoqués aux points 3), 5), 6), 7), 8) et 9), étant observé sur ce dernier point que par ordonnance du 12 novembre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Tours a fixé la pension alimentaire dont est redevable M. [R] [J] envers son épouse à la somme de 6 000 euros par mois et que celle-ci a en outre perçu d’importants dividendes en 2020 et 2021.

Il n’est pas discuté concernant le point 1) que Mme [W] [G] épouse [J] a signé avec son époux le protocole d’accord de cession d’actions ainsi que l’arrêté de prix définitif de cession des actions de la société Calfo et des parts sociales de la société Magus le 15 férier 2019 et le 21 janvier 2020.

Quant à la révocation de Mme [W] [G] épouse [J] de son poste de directrice générale suivant procès-verbal de décision du 31 juillet 2021, elle a eu lieu après convocation de cette dernière, au motif d’une diminution de l’activité de la société Auvernice, en application de l’article 17 des statuts qui stipule que ‘le directeur général est révocable par le président à tout moment, sans motivation ni indemnité’.

Concernant le point 2), il a effectivement été mis à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 29 avril 2021 la cession des parts sociales de la société Pierreugene, de la SCEA les 3P et de la GFA de Montfrery, mandat à donner à son président pour représenter la société Auvernice dans chaque société qui statuera sur la cession de leur immobilier et réorientation des investissements immobiliers vers des placements mobiliers. Il résulte du procès verbal de cette assemblée qui s’est tenue en présence d’un huissier mandaté par Mme [W] [G] épouse [J] que M. [R] [J] a expliqué les raisons de ce choix stratégique aux autres asssociés -privilégiant un dispositf d’optimisation fiscale complexe avec placement d’une grande partie des avoirs acquis au Luxembourg et au Canada, avant que ces résolutions ne soient soumises au vote et adoptées avec les seules voix du président, Mme [W] [G] épouse [J] votant contre et les deux fils [J] s’abstenant.

Quant au point 4), il convient de relever que Mme [W] [G] épouse [J] indique avoir eu communication des bilans lors de l’assemblée générale du 29 avril 2021 sur intervention de l’huissier qui l’assistait.

Les différents points utilement évoqués par Mme [W] [G] épouse [J] ne révèlent pas d’atteinte au fonctionnement normal de la société -qui ne subit aucun blocage ni paralysie- ni la mise en péril de l’intérêt social, la dilapidation des actifs de la société n’étant pas démontrée au regard de meilleurs rendements escomptés par son dirigeant du fait du changement de stratégie pour ce qui est de la vente des filiales comme des modifications intervenues dans le portefeuille d’actions et d’obligations situé au Luxembourg, et de la bonne situation financière de la société Auvernice qui détient un actif important selon l’attestation de son expert-comptable du 27 septembre 2021.

En dépit de la mésentente entre les associés, il apparaît que la société est en mesure de fonctionner normalement et que les intérêts sociaux ne sont pas gravement compromis.

Quant à la protection des intérêts de l’actionnaire minoritaire également invoquée par Mme [W] [G] épouse [J] à l’appui de sa demande, elle ne peut justifier la désignation d’un administrateur provisoire qu’en cas de crise sociale quelle qu’en soit la cause si, en raison de cette crise, l’intérêt social de la société se trouve gravement compromis. Or en l’espèce une telle preuve n’est pas rapportée.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que les conditions pour désigner un administrateur provisoire n’étaient pas remplies. Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Mme [W] [G] épouse [J], qui succombe, sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et supportera la charge des dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu en équité de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance du 22 octobre 2021 du juge des référés du tribunal de commerce de Tours en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [W] [G] épouse [J] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne Mme [W] [G] épouse [J] aux dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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