Conflit sur l’exécution d’un bail rural : enjeux d’astreinte et obligations contractuelles entre co-indivisaires.

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Conflit sur l’exécution d’un bail rural : enjeux d’astreinte et obligations contractuelles entre co-indivisaires.

Contexte de l’affaire

Monsieur [L] [S] [C] a géré des parcelles appartenant à l’indivision [C], composée de cinq frères, au sein de L’EARL Des Merisiers. Cette exploitation a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par le tribunal de Rennes le 17 octobre 2019.

Décisions judiciaires initiales

Le 7 janvier 2020, le tribunal a ordonné la cession de l’exploitation de monsieur [L]-[S] [C] et de l’EARL Des Merisiers au GAEC de [Adresse 22], avec des conditions spécifiques concernant l’entrée en jouissance et la régularisation des actes de cession.

Demande de validation des promesses de bail

Le 24 décembre 2020, le liquidateur et monsieur [L] [S] [C] ont demandé au tribunal de confirmer la validité des promesses de bail signées le 26 novembre 2019 au profit du GAEC de [Adresse 22]. Le tribunal paritaire des baux ruraux de Fougères a débouté les demandeurs le 22 juin 2021.

Appel et décision de la cour d’appel

Suite à cet échec, un appel a été interjeté. Le 1er juin 2023, la cour d’appel de Rennes a infirmé le jugement précédent, validant les promesses de bail et ordonnant à monsieur [I] [C] de signer un bail rural conforme, sous peine d’astreinte.

Procédure de liquidation de l’astreinte

En raison du refus de monsieur [I] [C] de signer le bail, le liquidateur a saisi le juge de l’exécution pour liquider l’astreinte. L’affaire a été retenue pour audience le 19 septembre 2024, où des demandes de liquidation et de nouvelles astreintes ont été formulées.

Arguments des parties

Le liquidateur a soutenu que monsieur [I] [C] ne justifiait pas son inaction, tandis que ce dernier a contesté les projets de bail, évoquant des erreurs et des irrégularités. Le GAEC a également demandé la liquidation de l’astreinte.

Décision du juge de l’exécution

Le juge a déclaré recevable l’intervention du GAEC et a liquidé l’astreinte à 3.000 €, tout en condamnant monsieur [I] [C] à verser cette somme à chaque partie. Une nouvelle astreinte de 50 € par jour a été fixée pour une durée de 90 jours, avec un délai d’exécution de deux mois.

Conséquences financières

Monsieur [I] [C] a été condamné à payer les dépens de la procédure et à verser une indemnité de 1.200 € à chaque partie pour les frais non compris dans les dépens. L’exécution provisoire a été ordonnée conformément à la législation en vigueur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG
24/03193
Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 19] – [Localité 9] – tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L’EXÉCUTION

Audience du 07 novembre 2024
Affaire N° RG 24/03193 – N° Portalis DBYC-W-B7I-K6SP

RENDU LE : SEPT NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.

ENTRE :

– La SELARL LEX MJ prise en la personne de Me [U] [J], Mandataire judiciaire, immatriculée au RCS de ANGERS sous le numéro 923 536 676 dont le siège social est situé [Adresse 4] [Localité 13] et ayant un établissement secondaire [Adresse 7] – [Localité 10]
1°) ès-qualités de liquidateur judiciaire de l’EARL DES MERISIERS, entreprise agricole à responsabilité , dont le siège social est [Adresse 23] – [Localité 11], en vertu d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de RENNES du 17 octobre 2019;
2°) ès-qualités de liquidateur judiciaire de M. [L]-[S] [C], né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 20] (35), domicilié [Adresse 23] – [Localité 11], en liquidation judiciaire en vertu d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de RENNES du 17 octobre 2019 ;

représentée par Me François MOULIERE, avocat au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Me Hortense BERNARD

Partie(s) demanderesse(s)

ET :

– Monsieur [I] [C], demeurant [Adresse 21] – [Localité 12]
représenté par Me Anne-cécile SIMON, avocat au barreau de RENNES

Partie(s) défenderesse(s)

– G.A.E.C. FERME DE [Adresse 22] dont le siège social est sis [Adresse 22] – [Localité 14], pris en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

Ayant pour avocat plaidant, Maître François TANGUY , avocat au barreau de Paris et pour avocat postulant, Maître Sylvie PELOIS avocat au barreau de RENNES au sein de la SELARL d’Avocats PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN

Partie intervenante volontaire

DEBATS :

L’affaire a été plaidée le 19 Septembre 2024, et mise en délibéré pour être rendue le 31 octobre 2024. A cette date le délibéré a été prorogé au 7 novembre 2024.

JUGEMENT :

En audience publique, par jugement Contradictoire
En PREMIER RESSORT, par mise à disposition au Greffe

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [S] [C] a exploité des parcelles propriété de l’indivision [C] (composée de cinq frères : [X], [R], [B], [I] et [L]-[S]) au sein de L’EARL Des Merisiers.

L’EARL Des Merisiers et monsieur [L]-[S] [C] ont été placés en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de Rennes du 17 octobre 2019.

Le 7 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Rennes a notamment :
– ordonné la cession de l’exploitation de monsieur [L]-[S] [C] et de l’EARL Des Merisiers au GAEC de [Adresse 22],
– dit que l’entrée en jouissance interviendra le 13 janvier 2020 sous condition de la justification de la consignation du prix de cession entre les mains du liquidateur,
– autorisé le liquidateur à régulariser des conventions d’entrée en jouissance avec le repreneur, dans l’attente de la régularisation des actes de cession,
– dit que la régularisation des actes devra intervenir au plus tard dans un délai de 4 mois à compter du jugement, les frais restant à la charge du cessionnaire hormis le bornage, comme prévu à l’offre.

Par requête reçue le 24 décembre 2020, maître [U] [J] ès-qualités de liquidateur de l’EARL Des Merisiers et monsieur [L] [S] [C] représenté par maître [U] [J] ont demandé notamment au tribunal paritaire des baux de:

– dire que les promesses de bail signées le 26 novembre 2019 ont été valablement consenties par l’ensemble des membres de l’indivision [C] au profit du GAEC de [Adresse 22] sur les parcelles WK [Cadastre 15] Q, [Cadastre 18], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], WE [Cadastre 6], WI [Cadastre 17] et WL [Cadastre 8] pour une surface totale de 29 ha 84 a 50 ca sis à [Localité 11] pour une durée de 18 ans avec prise d’effet au 13 janvier 2020 et dont le montant du fermage annuel convenu est de 200 euros par hectare,
– dire que le jugement à intervenir vaut bail.

A défaut de conciliation entre les parties, le tribunal paritaire des baux ruraux de Fougères a suivant jugement contradictoire du 22 juin 2021 :
– débouté maître [U] [J] ès-qualités de liquidateur de l’EARL Des Merisiers et monsieur [L] [S] [C] représenté par maître [U] [J] de leurs demandes,
– dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné maître [U] [J] ès-qualités de liquidateur de L’EARL Des Merisiers aux dépens.

Suivant déclaration en date du 15 juillet 2021, maître [U] [J], ès-qualités, et monsieur [L] [S] [C] ont interjeté appel de cette décision.

Le 1er juin 2023, la cour d’appel de Rennes a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau a jugé, entre autres dispositions que :
– les promesses de bail signées le 26 novembre 2019 ont été valablement consenties par messieurs [I], [X], [R], [L] [S] et [B] [C] au GAEC Ferme de [Adresse 22] sont valables et valent bail rural pour une durée de 18 ans pour un fermage annuel de 200 euros l’hectare ;
– condamné monsieur [I] [C] à signer un bail rural à long terme conforme à la promesse de bail consentie au profit du GAEC Ferme de [Adresse 22] ;
– dit que la signature du bail devra intervenir dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision et qu’à défaut, monsieur [I] [C] sera condamné à une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant un délai de 180 jours, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit ;
– dit que le contentieux de l’astreinte (liquidation ou instauration d’une nouvelle astreinte) sera traité par le juge de l’exécution territorialement compétent, la cour ne se réservant pas le contentieux de l’astreinte.

Monsieur [I] [C] s’est pourvu en cassation contre cette décision qui lui a été signifiée le 7 juillet 2023.

Par ordonnance du 6 juin 2024, la Première présidence de la Cour de cassation a rejeté la requête de maître [U] [J], ès-qualités de liquidateur judiciaire de L’EARL des Merisiers et de monsieur [L] [S] [C] en radiation de l’affaire du rôle.

Se prévalant du refus de monsieur [I] [C] d’exécuter l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes, maître [U] [J], ès-qualités de liquidateur judiciaire de L’EARL des Merisiers et de monsieur [L] [S] [C] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de liquidation de l’astreinte.

Après deux renvois pour échange de pièces et conclusions entre les parties, l’affaire a été retenue à l’audience du 19 septembre 2024.

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 19 septembre 2024 et soutenues oralement, maître [U] [J], ès-qualités de la liquidateur judiciaire de L’EARL des Merisiers et de monsieur [L] [S] [C] demandent au juge de l’exécution de :

“Vu les articles L.131-2 et suivants du CPCE,
Vu l’arrêt du 1er juin 2023 et sa signification en date du 7 juillet 2023,
– Prononcer la liquidation de l’astreinte d’un montant de 100 € par jour pour la période courant du 8 août 2023 au 4 février 2024 soit 180 jours ;
– Condamner M. [I] [C] à payer à ce titre à Me [J] es qualité de liquidateur judiciaire de l’EARL DES MERISIERS et de M. [L]-[S] [C] la somme de 100 € par jour pour cette période de 180 jours soit 18.000 € ;
– Ordonner une nouvelle astreinte définitive d’un montant de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et pour une nouvelle durée de 180 jours ;
– Rejeter toute demande plus ample ou contraire formée par M. [I] [C] ;
– Condamner Monsieur [I] [C] à verser à Me [J] es qualité de liquidateur judiciaire de l’EARL DES MERISIERS et de M. [L]-[S] [C] la somme de 2.000 € ;
– Condamner Monsieur [I] [C] aux entiers dépens de l’instance.”

Maître [U] [J], ès-qualités, soutient que monsieur [I] [C] s’obstine à ne pas régulariser le bail rural conforme à la promesse de bail consentie au GAEC Ferme de [Adresse 22]. Il estime qu’aucune des circonstances évoquées par le défendeur ne justifie l’absence d’exécution de l’obligation mise à sa charge par la cour d’appel.

Par écritures visées par le greffe le 19 septembre 2024, monsieur [I] [C] demande au juge de l’exécution de :

“Vu les articles L 131-2 et suivant du code des procédure civile d’exécution
Vu l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution
– Débouter Maître [J] es qualité de liquidateur judiciaire de l’EARL DES MERISIERS et de Monsieur [L]-[S] [C] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
– Débouter le GAEC Ferme de [Adresse 22] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

– Subsidiairement réduire à une somme symbolique les demandes d’astreinte formées à l’encontre de Monsieur [I] [C],
– Condamner Maître [J] es qualité de liquidateur judiciaire de l’EARL DES MERISIERS et de Monsieur [L]-[S] [C] à payer à Monsieur [I] [C] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner le GAEC Ferme de [Adresse 22] à payer à Monsieur [I] [C] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner les mêmes solidairement aux entiers dépens.”

Monsieur [I] [C] admet que le bail rural n’a toujours pas été régularisé auprès du notaire mais conteste toute inertie de sa part.

Il soutient à ce titre que les projets de bail qui lui ont été transmis comportaient des erreurs et n’étaient pas établis conformément aux termes de l’arrêt de la cour d’appel et que le bail n’est d’ailleurs toujours pas en état d’être conclu.

Par conclusions d’intervention volontaire à l’instance visées par le greffe le 19 septembre 2024, le GAEC Ferme de [Adresse 22] demande au juge de l’exécution de :

“- Déclarer recevable les prétentions du GAEC FERME DE [Adresse 22],
– Rejeter l’ensemble des prétentions de Monsieur [I] [C],
– Liquider l’astreinte fixée par l’arrêt de la cour d’appel de RENNES du 1er juin 2023, d’un montant de 100 € par jour pour la période courant du 8 août 2023 au 4 février 2024 soit 180 jours,
– Condamner en conséquence Monsieur [I] [C] à payer au GAEC FERME DE [Adresse 22] la somme de 18.000 euros (100 euros/jour pendant 180 jours),
– Ordonner une nouvelle astreinte définitive d’un montant de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et pour une nouvelle durée de 180 jours,
– Condamner Monsieur [I] [C] à verser au GAEC FERME DE [Adresse 22] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.”

Le GAEC Ferme de [Adresse 22] fait état de la volonté de monsieur [I] [C] de se dérober à son obligation en retardant la signature de l’acte au prétexte de motifs indifférents.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, le juge de l’exécution se réfère aux conclusions susvisées des parties en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

I – Sur l’intervention volontaire du GAEC Ferme de [Adresse 22]

Selon l’article 325 du Code de procédure civile, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

En l’espèce, le GAEC Ferme de [Adresse 22], qui a été partie à l’instance à l’issue de laquelle monsieur [I] [C] a été condamné sous astreinte, est en droit de solliciter à son profit la liquidation de celle-ci ainsi que le prononcé d’une nouvelle astreinte.

Son intervention volontaire à l’instance en liquidation, qui se rattache aux prétentions initiales par un lien suffisant, doit par conséquent être déclarée recevable.

II – Sur la liquidation de l’astreinte provisoire

En vertu de l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

Il ressort de cet article, tel qu’interprété à la lumière de l’article 1 du protocole n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le juge qui statue sur la liquidation d’une astreinte provisoire peut apprécier s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige.

Il est acquis par ailleurs qu’il appartient au débiteur de l’obligation prescrite par la juridiction de fond de rapporter la preuve de l’exécution de ladite obligation ou de démontrer qu’il s’est heurté à des difficultés dans l’exécution de ladite obligation.

En l’espèce, par décision en date du 1er juin 2023, la cour d’appel de Rennes a condamné monsieur [I] [C] à signer un bail rural à long terme conforme à la promesse de bail consentie au profit du GAEC Ferme de [Adresse 22] et a dit que cette signature devait intervenir dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt, délai passé lequel monsieur [I] [C] serait redevable d’une astreinte de 100 € par jour de retard et ce, pour une durée de180 jours.

Il n’est pas contesté que la décision ayant été signifiée le 07 juillet 2023, l’astreinte a commencé à courir le 08 août 2023, et jusqu’au 04 février 2024 inclus.

En l’espèce, il résulte des pièces produites que dès le 10 juillet 2023, soit trois jours après la signification de la décision comportant l’injonction assortie d’une astreinte, monsieur [I] [C] a pris attache avec le notaire afin d’obtenir le projet de bail ainsi qu’une date aux fins de signature de l’acte authentique portant bail rural.

Le 13 juillet 2023, l’étude notariale lui a accusé réception de son courrier et lui a indiqué “nous devons avoir copie du jugement par maître [J] avant de convoquer toutes les parties pour la signature du bail à long terme (bailleurs et preneur).”

La situation est demeurée en l’état jusqu’à l’envoi d’un nouveau courriel de monsieur [I] [C] au notaire le 1er mars 2024.

Certes, au terme de la période de liquidation de l’astreinte, aucun bail rural à long terme conforme à la promesse de bail consentie au profit du GAEC Ferme de [Adresse 22] n’avait été signé par monsieur [I] [C], de sorte que l’obligation à laquelle ce dernier était soumis n’était pas exécutée alors qu’il lui appartenait de faire preuve d’initiative afin d’y satisfaire dans les temps.

Le demande de liquidation de l’astreinte est donc fondée en son principe.

Pour autant, il doit être tenu compte de la démarche entreprise par monsieur [I] [C] dès la signification de l’arrêt de la cour d’appel afin de s’y conformer et de la réponse du notaire qui s’est ensuivie, laquelle laissait à penser qu’il serait recontacté ultérieurement par ce dernier et devait donc patienter, élément de nature à justifier pour partie l’inertie du débiteur de l’obligation de faire sur la période de temps considérée et qui doit être pris en considération pour minorer l’astreinte.

S’y ajoute le bénéfice attendu de l’exécution de l’obligation qui demeure limité pour les créanciers dans un contexte où le GAEC Ferme de [Adresse 22] exploite déjà les parcelles de terre et verse une somme d’argent en contrepartie, circonstance devant conduire à proportionner le montant de cette liquidation à l’enjeu du litige.

En considération des éléments qui précèdent, le montant de l’astreinte liquidée sera fixée à la somme de 3.000 €.

L’arrêt de la cour d’appel ne précise pas quel est le créancier de l’astreinte assortissant l’injonction de signature de l’acte authentique. Selon l’arrêt de la cour d’appel, le prononcé d’une astreinte ayant été sollicité tant par maître [U] [J], ès-qualités, que par le GAEC Ferme de [Adresse 22], il doit être considéré que la condamnation au paiement doit bénéficier à ces deux parties mais être répartie par parts viriles.

Monsieur [I] [C] sera en conséquence condamné à payer à maître [U] [J], ès-qualités, et au GAEC Ferme de [Adresse 22] la somme de 1.500 € chacun.

III – Sur la fixation d’une astreinte définitive

L’article L.131-1 al.2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. Il s’agit d’une simple faculté laissée à l’appréciation du juge.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que des échanges sont intervenus entre monsieur [I] [C] et le notaire afin d’apporter des modifications aux différents projets de bail rural qui ont été successivement adressés à ce dernier.

S’il a pu obtenir satisfaction sur certains points, il estime toutefois que le quatrième et dernier projet qui lui a été soumis le 4 septembre 2024 ne peut toujours pas être signé en ce que :

– il n’y figure pas de clause aux termes de laquelle la chambre interdépartementale des notaires a indiqué que le bail sera rédigé en application des termes de la décision définitive de justice et de la promesse de bail et que tel n’étant pas le cas, puisqu’il n’y a pas encore de décision définitive, il se réserve la possibilité de saisir la juridiction compétente en cas de réformation de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes par la Cour de cassation,
– le rappel de la procédure reste incomplet s’agissant de l’exposé des faits et de l’existence d’un pourvoi en cassation ainsi que du rejet de la requête de maître [U] [J], ès-qualités, aux fins de radiation du pourvoi,
– il faut modifier l’indication selon laquelle le notaire a demandé la copie de l’arrêt alors qu’il lui a été répondu par courriel du 13 juillet 2023 que le notaire devait recevoir une copie de la décision par le mandataire liquidateur avant de convoquer les parties ;
– le paragraphe relatif à la division cadastrale de la parcelle WK [Cadastre 16] doit être supprimé puisqu’elle n’a jamais été publiée au fichier immobilier, de sorte que les parcelles WK [Cadastre 2] et [Cadastre 3] sont inexistantes,
– la superficie donnée à bail est erronée : il ne s’agit pas de 29 ha 84 a et 50 ca mais de 29 ha 17 a et 70 ca ; la parcelle [Cadastre 2] n’est par ailleurs pas exploitée,
– il existe une possible erreur sur le SAU du GAEC Ferme de [Adresse 22] ;
– il y a lieu de rappeler d’une part que le jugement du 7 janvier 2020 ordonnant la cession de l’exploitation de l’EARL des Merisiers au GAEC Ferme de [Adresse 22] a expressément écarté les dispositions de l’article L. 642-1 du Code rural en ce qu’elles prévoient notamment une dispense d’autorisation d’exploiter ce qui a été réaffirmé par le tribunal administratif par jugement du 2 mai 2023, d’autre part que le GAEC Ferme de [Adresse 22] a reçu en 2021 une mise en demeure par la DDTM de cesser d’exploiter les parcelles appartenant à l’indivision litigieuse,
– il faut prévoir dans le bail une clause de résiliation automatique du bail en cas de refus définitif au GAEC Ferme de [Adresse 22] de l’autorisation d’exploiter, et à défaut, prévoir que le coût de la procédure qui devra être initiée par le bailleur soit à la seule charge des autres membres de l’indivision ;
– il y a lieu de rectifier les termes de “nullité” de la décision du préfet de refus d’autorisation d’exploiter par “annulation” et ne pas mentionner que la cour d’appel a reconnu l’existence d’un bail en cours d’exécution entre l’indivision [C] et le GAEC Ferme de [Adresse 22] laissant à penser qu’il faudrait reprendre le projet de bail rural à long terme du 19 janvier 2021 alors que la cour d’appel l’a condamné à conclure un bail conforme à la promesse de bail du 26 novembre 2019.

Ainsi que le rappelle monsieur [I] [C] l’arrêt de la cour d’appel le condamne à signer un bail rural à long terme conforme à la promesse de bail du 26 novembre 2019 consentie au profit du GAEC Ferme de [Adresse 22].

Les dispositions de cet arrêt s’imposent aux parties et au juge de l’exécution qui ne peut, en application des dispositions de l’article R 121-1 alinéa 2, en modifier les termes.

Il ne peut donc subordonner la signature du bail à l’insertion dans l’acte authentique d’une clause de nullité automatique du bail rural ou à défaut d’une clause le protégeant du coût d’une action en nullité du bail en cas de refus définitif pour le GAEC Ferme de [Adresse 22] de l’autorisation d’exploiter requise au titre du contrôle des structures.

La désignation des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] dans le projet de bail rural – à l’instar de ce qui a été mentionné dans la promesse de bail du 26 novembre 2019 – comme étant issues de la parcelle W[Cadastre 16] est suffisamment explicitée par une clause du bail laquelle précise bien que le document d’arpentage y afférent sera publié en même temps que le bail.

Quant à la superficie que le GAEC Ferme de [Adresse 22] exploite, celle qui figure dans le projet de bail est conforme à celle indiquée dans la promesse de bail. En toute hypothèse, une erreur serait sans emport sur la validité du bail, l’obligation du preneur de faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail, la superficie et la nature des biens qu’il exploite afin que ces mentions figurent expressément dans le bail, n’étant assortie d’aucune sanction.

Les autres différents mis en avant par monsieur [I] [C] ne constituent pas davantage des obstacles de nature à l’autoriser à se soustraire à son obligation dès l’instant que les parties au bail, l’objet et la durée du bail ainsi que son prix sont respectés, sauf à ajouter des conditions au titre.

En considération de ces éléments mais également de l’ancienneté de l’injonction judiciaire non encore exécutée, le prononcé d’une nouvelle astreinte se justifie.

Il n’y a cependant pas lieu de prononcer une astreinte définitive, la situation justifiant que le juge de l’exécution conserve une faculté d’appréciation de la sanction s’il devait y avoir lieu à nouvelle liquidation d’astreinte.

L’astreinte sera ainsi fixée à 50 € par jour pendant 90 jours, avec un délai d’exécution de deux mois à compter de la signification du présent jugement pour que monsieur [I] [C] se conforme à son obligation.

III – Sur les mesures accessoires

Monsieur [I] [C] qui perd le litige sera condamné au paiement des dépens de la présente instance en application de l’article 696 du Code de procédure civile. Ce faisant, sa demande au titre des frais non répétibles ne peut pas aboutir.

Il sera également condamné à payer à maître [U] [J], ès-qualités, et au GAEC Ferme de [Adresse 22] une somme au titre des frais non compris dans les dépens qu’ils ont été contraints d’exposer pour faire valoir leurs droits que l’équité commande de fixer à 1.200 € pour chacun d’eux.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort,

– DÉCLARE recevable l’intervention volontaire du GAEC Ferme de [Adresse 22] ;

– LIQUIDE à la somme de 3.000 € l’astreinte provisoire fixée par arrêt de la cour d’appel de Rennes du 1er juin 2023 à l’encontre de monsieur [I] [C] ;

– CONDAMNE en conséquence monsieur [I] [C] à verser à maître [U] [J], ès-qualités de liquidateur judiciaire de L’EARL des Merisiers et de monsieur [L] [S] [C] d’une part et au GAEC Ferme de [Adresse 22] d’autre part, la somme de 1.500 € chacun au titre de la liquidation de cette astreinte ;

– FIXE une nouvelle astreinte provisoire de 50 € par jour de retard à courir à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement et pendant une durée totale de quatre-vingt dix jours, pour la condamnation suivante prononcée à la charge de monsieur [I] [C] par arrêt de la cour d’appel de Rennes en date du 1er juin 2023
“ Condamne monsieur [I] [C] à signer un bail rural à long terme conforme à la promesse de bail consentie au profit du GAEC Ferme de [Adresse 22]”

– CONDAMNE monsieur [I] [C] au paiement des dépens de la présente procédure ;

– CONDAMNE monsieur [I] [C] à verser à maître [U] [J],ès-qualités de liquidateur judiciaire de L’EARL des Merisiers et de monsieur [L] [S] [C] d’une part et au GAEC Ferme de [Adresse 22] d’autre part, une indemnité de 1.200 € chacun en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,

Le Greffier, Le Juge de l’Exécution,


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