Conflit sur l’exécution des obligations contractuelles et la reconnaissance des travaux supplémentaires dans le cadre d’un contrat de construction.

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Conflit sur l’exécution des obligations contractuelles et la reconnaissance des travaux supplémentaires dans le cadre d’un contrat de construction.

La société Aménager et bâtir, spécialisée dans la pose de charpente et de couverture, a été engagée par la société Daxso pour un projet de construction d’un immeuble. Un devis de 153 000 euros HT a été accepté le 28 juin 2016, mais plusieurs factures sont restées impayées. Après des mises en demeure infructueuses, Aménager et bâtir a saisi le tribunal de commerce d’Évry pour réclamer 33 023,50 euros, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive. Le tribunal a condamné Daxso à payer la somme due, mais a débouté Aménager et bâtir de sa demande de dommages-intérêts. Une rectification a été faite pour ajouter une condamnation de Daxso à verser 3 000 euros au titre des frais d’avocat. Daxso a interjeté appel, demandant l’infirmation des jugements et le rejet des demandes d’Aménager et bâtir. En réponse, Aménager et bâtir a demandé la confirmation du jugement initial et des dommages-intérêts pour résistance abusive. La cour a finalement infirmé les jugements précédents, rejeté la demande d’Aménager et bâtir pour les factures impayées, et a condamné cette dernière à payer des frais à Daxso.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/00453
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2024

(n° /2024, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00453 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE53W

Décision déférée à la Cour : jugement du 01 décembre 2021 – tribunal de commerce d’EVRY – RG n° 2020F00025

APPELANTE

S.A.R.L. DAXO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Harry ORHON de la SELARL SELARL MAKOSSO ORHON & FERNAND, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 31

INTIMEE

S.A.R.L. AMENAGER ET BATIR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Vasco JERONIMO de la SCP LCA – LES CONSEILS ASSOCIES, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ

ARRET :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Ludovic JARIEL, président et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Aménager et bâtir a pour activité principale la pose de charpente et de couverture et, à ce titre, elle s’est vu attribuer le lot  » charpente et couverture  » par la société Daxso, titulaire d’un marché de construction d’un immeuble de 20 logements et d’un cabinet médical à [Localité 3].

Le 28 juin 2016, le devis dudit lot a été accepté par la société Daxso pour un montant total de 153 000 euros HT.

La société Aménager et bâtir a émis les factures au gré de l’avancement du chantier et certaines sont restées impayées par la société Daxso qui ne les a pas contestées.

Le 29 janvier 2019, n’ayant pu en obtenir le paiement, la société Aménager et bâtir a adressé à la société Daxso une lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure d’avoir à lui payer la somme de 33 023,50 euros.

Le 19 mars 2019, une seconde lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure a été transmise à la société Daxso, en vain.

Faute d’obtenir satisfaction, la société Aménager et bâtir a saisi le tribunal de commerce d’Evry pour obtenir le paiement de cette somme, 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée, 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er décembre 2021, le tribunal de commerce de Evry a statué en ces termes :

Condamne la société Daxso à payer à la société Aménager et bâtir la somme de 33 023,50 euros au titre des factures impayées,

Déboute la société Aménager et bâtir de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

Déboute les parties de leurs autres demandes, les disant mal fondées, contraires aux motifs ou devenues sans objet,

Rappelle que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit,

Condamne la société Daxso aux dépens de l’instance.

Ce jugement a fait l’objet d’une rectification d’erreur matérielle par décision du 26 janvier 2022 :

Ordonne la rectification du jugement du tribunal de commerce d’Evry en y ajoutant dans le  » Par ces motifs « , en 7ème paragraphe :

 » Condamne la société Daxso à payer à la société Aménager et bâtir la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile « .

Le 29 décembre 2021, la société Daxso a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Aménager et bâtir.

La société Daxso est également appelante du jugement en rectification d’erreur matérielle en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’une somme de 3 000 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 17 janvier 2023.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2022, la société Daxso demande à la cour de :

Déclarer recevable et en tous cas bien fondée la société Daxso en son appel,

Y faisant droit,

Déclarer irrecevable et mal fondée la société Aménager et bâtir en son appel incident,

L’en débouter,

Infirmer les jugements rendus par le tribunal de commerce d’Evry les 2 décembre 2021 et 26 janvier 2022,

Statuant à nouveau,

Déclarer irrecevable et en tous cas mal fondée la société Aménager & bâtir et la débouter de ses demandes en paiement de factures pour un montant de 33 023,50 euros,

La condamner au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2022, la société Aménager et bâtir demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Daxso à verser à la société Aménager et bâtir la somme de 33 023,50 euros au titre des factures impayées ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

Recevoir l’appel incident de la société Aménager et bâtir en ce que le tribunal l’a débouté de sa demande de condamnation de la société Daxso au paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée, en y faisant droit,

Statuant à nouveau,

Condamner la société Daxso à payer à la société Aménager et bâtir la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

Condamner la société Daxso à payer à la société Aménager et bâtir la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Daxso aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jeronimo, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 29 mai 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 5 juin 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la demande en paiement

Moyens des parties

La société Aménager et bâtir fait valoir que la société Daxso n’a pas contesté les factures qu’elle a été mise en demeure de payer à deux reprises.

Les travaux supplémentaires ont été commandés et réalisés justifiant une facturation supplémentaire même si les devis n’ont pas été signés.

La société Daxso fait valoir qu’elle n’a accepté qu’un seul devis pour le montant de 153 000 euros HT.

Elle conteste les factures pour travaux supplémentaires établies après le procès-verbal de réception avec réserves du 30 janvier 2017.

Elle indique que les réserves n’ont pas été levées et que la société Aménager et bâtir a établi un décompte général et définitif qui n’a pas été validé.

Elle soutient que des travaux n’ont pas été réalisés.

Réponse de la cour

Selon l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l’occurrence en raison de la date d’acceptation du devis initial du 28 juin 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutés de bonne foi.

Aux termes de l’article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier 1er paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

Aux termes de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Les travaux supplémentaires

Quelle que soit la qualification retenue du marché, les travaux supplémentaires ne sont dus à l’entrepreneur que s’ils ont, soit été commandés avant leur réalisation, soit acceptés sans équivoque après leur exécution (3e Civ., 27 septembre 2006, pourvoi n° 05-13.808, Bull. 2006, III, n° 189).

L’acceptation non équivoque des travaux doit être caractérisée par les juges du fond et le fait que le maître d’ouvrage n’ait pas protesté à la réception ne suffit pas à établir qu’il avait commandé les travaux supplémentaires avant leur réalisation ou les avait acceptés sans équivoque après leur exécution (3e Civ., 5 juillet 2018, pourvoi n° 17-18.295).

En l’espèce, la société Aménager et bâtir a procédé à des travaux de charpente et de couverture selon un devis du 28 juin 2016 pour un montant de 183 600 euros TTC soit 153 000 euros HT, dûment accepté par la société Daxso à la même date.

Elle réclame le paiement d’autres factures émises après le procès-verbal de réception avec réserves du lot charpente-couverture en date du 30 janvier 2017.

Elle a établi une facture FA-2476 du 24 mai 2017 de 3 272,96 euros TTC pour des travaux de couverture correspondant à une situation n°5 qui incluait notamment des travaux supplémentaires de gouttières, suivant devis du 19 octobre 2016 et d’habillage sur zinc sur casquette suivant devis du 24 janvier 2017.

Le 15 juin 2017, la société Daxso a apporté des modifications à cette facture sans qu’il soit possible de déterminer lesquelles.

Le 8 août 2017, la société Daxso a accepté le principe du paiement de la situation n° 5 et de la situation n° 6 à hauteur de 3 240, 26 euros ; ce montant étant inférieur au montant réclamé dans la situation n°5, il ne peut pas en être déduit que la société Daxso a accepté de payer les travaux supplémentaires devisés et facturés.

La société Aménager et bâtir n’apporte aucun élément de nature à établir l’acceptation non équivoque de la société DAXSO des travaux supplémentaires également facturés les :

– 21 août 2017, FA-2610 pour 13 951,28 euros TTC relative à des travaux de couverture et notamment d’habillage de casquette supplémentaire et de corniche, suivant devis du 15 mai 2017,

– 12 novembre 2018, FA-3396 pour 7 712,99 euros TTC relative à des travaux de charpente et de couverture et incluant une remise commerciale sur les deux factures précédentes et la retenue de garantie.

La retenue de garantie

L’application d’une retenue de garantie dans un marché de travaux n’est pas automatique et implique que le contrat s’y réfère expressément, elle vise à garantir l’exécution des travaux de levée de réserves et non la bonne fin du chantier (3e Civ., 7 décembre 2005, pourvoi n° 05-10.153, Bull. 2005, III, n° 238).

En l’espèce, les parties s’accordent sur le principe de la retenue de garantie dans le cadre de leur marché de travaux.

Il est produit un procès-verbal de réception avec réserves pour le lot charpente-couverture en date du 30 janvier 2017 et une levée des réserves au 10 février 2017 et une lettre recommandée avec demande d’avis de réception de la société Daxso à la société Aménager et bâtir du 5 novembre 2018 qui fait état d’une absence de levée des réserves à cette date.

Il s’en infère que la société Aménager et bâtir ne rapporte pas la preuve qu’elle a levé les réserves justifiant la libération de la retenue de garantie à son profit et qu’elle n’est donc pas fondée à en réclamer le paiement.

Le jugement du tribunal de commerce d’Evry du 1er décembre 2021 sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Daxso à payer la somme de 33 023,50 euros à la société Aménager et bâtir.

Sur la demande de dommages et intérêts

Moyen des parties

La société Aménager et bâtir demande des dommages et intérêts pour résistance abusive au motif que le non-paiement des factures réclamées lui cause un préjudice compte tenu de leur ancienneté et de l’impact sur sa trésorerie de l’avance du coût social de la main-d »uvre sans avoir reçu les fonds.

La société Daxso soutient que la société Aménager et bâtir reprend la même argumentation qu’en première instance alors qu’elle a été déboutée de sa demande à ce titre.

Réponse de la cour

La société Aménager et bâtir qui succombe dans sa demande en paiement ne peut pas voir sa demande de condamnation en dommages et intérêts pour résistance abusive prospérer.

Le jugement du tribunal de commerce d’Evry du 1er décembre 2021 sera donc confirmé sur ce point.

Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à infirmer les jugements des 1er décembre 2021 et 26 janvier 2022 sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de dire que les dépens de première instance seront supportés par la société Aménager et bâtir et qu’elle sera condamnée à payer la somme de 1 000 euros à la société Daxso au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, la société Aménager et bâtir, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme les jugements en leurs dispositions soumises à la cour sauf en ce que la société Aménager et bâtir a été déboutée de sa demande de condamnation de la société Daxso à lui payer des dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande de la société Aménager et bâtir en paiement de la somme de 33 023,50 euros au titre de factures impayées,

Condamne la société Aménager et bâtir aux dépens de première instance et d’appel,

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Aménager et bâtir à payer à la société Daxso la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

Condamne la société Aménager et bâtir à payer à la société Daxso la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

La greffière,

Le président,


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