Madame [L] [R] et Madame [W] [F] ont assigné la S.A. [10] et la S.A. CGI BATIMENT devant le Juge des référés pour obtenir des provisions au titre des pénalités de retard liées à une garantie de livraison. Elles réclament 18 603,90 € pour la période du 02 juin 2023 au 12 avril 2024, ainsi que 2 000 € pour les frais de justice. La S.A. CGI BATIMENT conteste ces demandes, évoquant des créances dues par les demanderesses et demandant à être déboutée. La S.A. [10] se remet à la décision du Tribunal concernant la demande de provision. Les demanderesses actualisent leur demande à 23 802,79 € et confirment leurs prétentions. Le Juge des référés, dans son ordonnance, rejette la demande de provision des demanderesses, les condamne à verser 800 € à la S.A. CGI BATIMENT pour les frais de justice, et les condamne aux dépens. L’ordonnance est exécutoire immédiatement.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
RÉFÉRÉ : I. N° RG 24/00205 – N° Portalis DBZJ-W-B7I-KVNC
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 08 OCTOBRE 2024
DEMANDERESSES :
Madame [L] [R],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laurent MULLER, demeurant [Adresse 1], avocat au barreau de METZ, vestiaire : A405, avocat postulant, Me Christophe GUITTON de la SELARL GUITTON GROSSET BLANDIN, demeurant [Adresse 4], avocats au barreau de NANCY, avocat plaidant
Madame [W] [F],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laurent MULLER, demeurant [Adresse 1], avocat au barreau de METZ, vestiaire : A405, avocat postulant, Me Christophe GUITTON de la SELARL GUITTON GROSSET BLANDIN, demeurant [Adresse 4], avocats au barreau de NANCY, avocat plaidant
DÉFENDERESSES :
S.A. CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIERE DU BATIMENT (CGI BATIMENT),
en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentée par Me Sébastien JAGER de la SCP [13], demeurant [Adresse 5], avocats au barreau de METZ, vestiaire : B100, avocat postulant, Me Vincent CHAMARD-SABLIER de l’AARPI EYMARD SABLIER ASSOCIES, demeurant [Adresse 6], avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A. [10], en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 8]
représentée par Me Arnaud BLANC, demeurant [Adresse 9], avocat au barreau de METZ, vestiaire : D600, avocat postulant, Me Stéphane BONNET de la SELAS LEGACITE, demeurant [Adresse 3], avocats au barreau de LYON, avocat plaidant
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Débats à l’audience publique du 27 AOÛT 2024
Président : Monsieur Manuel DELMAS-GOYON, Président du Tribunal Judiciaire
Greffier : Madame Anna FELTES
Les parties ont été avisées que l’ordonnance serait mise à leur disposition au greffe le 08 OCTOBRE 2024
EXPOSÉ DU LITIGE
Par actes de commissaire de Justice signifiés en date des 16 et 25 avril 2024, auxquels il est renvoyé pour un exposé complet des termes du litige, Madame [L] [R] et Madame [W] [F] ont fait assigner la S.A. [10] et la S.A. CGI BATIMENT devant le Juge des référés, sur le fondement des articles L.231-2, L.231-6 et suivants et R.231-614 du Code de la construction et de l’habitation, de l’article L.622-24 du Code de commerce et des articles 835 alinéa 2, 514 et 700 du Code de procédure civile, aux fins de voir :
– Déclarer Mesdames [L] [R] et [W] [F] recevables et parfaitement fondées en leurs demandes, fins et prétentions ;
En conséquence :
– Condamner la S.A. CGI BATIMENT à verser à Mesdames [L] [R] et [W] [F] la somme de 18 603,90 € à titre de provision au titre des pénalités de retard de la garantie de livraison du 02 juin 2023 au 12 avril 2024 ;
– Fixer la créance de Mesdames [L] [R] et [W] [F] à l’encontre de la S.A. [10] à la somme de 18 603,90 € à titre de provision au titre des pénalités de retard de la garantie de livraison du 02 juin 2023 au 12 avril 2024 ;
– Condamner la S.A. CGI BATIMENT à verser à Mesdames [L] [R] et [W] [F] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner la S.A. CGI BATIMENT aux entiers dépens de l’instance ;
– Rappeler l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par conclusions enregistrées le 04 juin 2024, Madame [L] [R] et Madame [W] [F] modifient leurs précédentes demandes comme suit :
– Condamner solidairement la S.A. [10] et la S.A. CGI BATIMENT à verser à Mesdames [L] [R] et [W] [F] la somme de 18 603,90 € à titre de provision au titre des pénalités de retard de la garantie de livraison ;
– Condamner solidairement la S.A. [10] et la S.A. CGI BATIMENT à verser à Mesdames [L] [R] et [W] [F] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner la S.A. [10] et la S.A. CGI BATIMENT aux entiers dépens de l’instance.
La S.A CGI BATIMENT a constitué avocat.
Par conclusions enregistrées le 18 juin 2024, elle demande de :
– Dire et juger que les demandes de provision de Madame [L] [R] et Madame [W] [F] se heurtent à de sérieuses contestations ;
– Dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de Madame [L] [R] et Madame [W] [F] ;
– Débouter Madame [L] [R] et Madame [W] [F] de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société CGI BATIMENT ;
– Déduire subsidiairement du montant de la provision réclamée :
Les sommes restant dues par Madame [L] [R] et Madame [W] [F] sur le prix convenu de la construction, qui, faute de justification, seront établies à 177 180€,La somme de 8 859 € due au titre de la franchise du garant de livraison ;- Condamner in solidum Madame [L] [R] et Madame [W] [F] à verser une indemnité de 2 000 € à la société CGI BATIMENT sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner in solidum Madame [L] [R] et Madame [W] [F] aux dépens de l’instance.
La S.A. [10] a constitué avocat.
Par conclusions enregistrées le 19 juin 2024, elle demande de :
– Donner acte à la société [10] de ce qu’elle s’en remet à la sagesse du Tribunal s’agissant de la demande de condamnation formée à son encontre à titre de provision au titre des pénalités de retard ;
– Débouter Madame [L] [R] et Madame [W] [F] de leurs prétentions au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens.
Par conclusions enregistrées le 09 juillet 2024, les demanderesses actualisent leurs demandes et sollicitent désormais la somme de 23 802,79 € à titre de provision au titre des pénalités de retard et de la garantie de livraison.
Par conclusions enregistrées le 23 juillet 2024, Madame [L] [R] et Madame [W] [F] confirment leurs précédentes demandes.
Par conclusions enregistrées le 27 août 2024, la S.A CGI BATIMENT modifie ses précédentes demandes et sollicite désormais de :
– Déduire subsidiairement du montant de la provision réclamée les sommes restant dues par Madame [L] [R] et Madame [W] [F] sur le prix convenu de la construction, soit 26 577 euros.
L’affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la demande de provision
L’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le Juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le Juge des référés peut intervenir sur le fondement de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile sans subordonner sa décision à la preuve de l’urgence de la mesure sollicitée.
La provision est une somme à valoir sur la condamnation définitive, somme qui peut être égale à la totalité de la somme susceptible d’être demandée au fond.
Selon les dispositions de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, Madame [L] [R] et Madame [W] [F] ont conclu avec la S.A.S.U. [11] un contrat de construction de maison individuelle en date du 08 avril 2021, pour un montant de 177 180 €.
La société [11] est garantie au titre de la livraison du prix et délais convenus par la S.A. CGI BATIMENT, selon acte de cautionnement du 17 décembre 2021.
La livraison de la maison aurait dû avoir lieu le 02 juin 2023, selon contrat du 08 avril 2021. Par décision du Tribunal de commerce de NANCY du 13 juin 2023, la S.A.S.U. [11] a été placé en liquidation judiciaire.
Les demanderesses ont sollicité la S.A. [10] en sa qualité de propriétaire de l’enseigne [12], exploitée par la S.A.S.U. [11], pour trouver une solution à leurs difficultés. Les demanderesses ont adressé à la S.A. [10] une demande d’indemnités de retard. Le 04 et le 05 janvier 2024, la société leur a fait parvenir deux avenants avec offres d’indemnisation.
Par courriel du 29 janvier 2024, les demanderesses ont sollicité des explications quant aux sommes retenues dans le calcul des pénalités de retard. Le courrier est resté sans réponse. Dans ces conditions, Mesdames [L] [R] et [W] [F] ont mis en demeure la S.A. [10] de s’expliquer sur le chiffrage des indemnités de retard mais également une demande de paiement d’acompte.
Les demanderesses sollicitent une provision de 23 802,79 € au titre des pénalités de retard.
La convention du 08 avril 2021 prévoit dans son article 2.7, une clause ainsi libellée :
» La durée de réalisation des travaux sera de 12 mois à compter de l’ouverture du chantier si le contrat est inférieur à 91 470 €, et augmentée d’un mois minimum par tranche entamée de
15 245 € supplémentaires, soit 13 mois si le prix convenu forfaitaire est compris entre 91 470 € et 106 715 € et ainsi de suite.
Ce délai sera prolongé de la durée des périodes d’intempéries pendant lesquelles le travail est arrêté, conformément aux dispositions des articles L. 5424-6 et suivants du code du travail. Ces intempéries seront justifiées par un bulletin météo d’une station proche du chantier. La définition des intempéries est :
– En cas de températures inférieures à 1°C au matin
– En cas de pluies supérieures à 4 heures par jour sur le temps de travail
– En cas de canicule
Il sera prolongé en cas de retard imputable au maître d’ouvrage :
– Du fait de l’exécution ou inexécution de travaux à sa charge
– Du fait d’avenant au présent contrat dont le but est de faire réaliser par le constructeur des travaux non prévus au prix convenu forfaitaire, une prorogation du délai d’exécution pourra avoir lieu sans que des pénalités de retard soient réclamées par le maître d’ouvrage. Cet avenant fera mention du délai supplémentaire de réalisation par tranche entamée. En cas d’avenant négatif, le délai de construction n’en est pas pour autant diminué
– Du fait de retard non justifié de paiement des appels de fonds sans aucune mise en demeure préalable ou autre information
– Du fait de recours des tiers, du déféré préfectoral et/ou du retrait administratif exercé à l’encontre des autorisations administratives délivrées au maître d’ouvrage. Dans ce cas, la reprise des travaux suspendus ne pourra avoir lieu que lorsqu’une décision rendue en dernier ressort aura définitivement rejeté les recours
Ce délai d’exécution s’entend pour tous travaux prévus au contrat ou évalués au descriptif et nécessaires à l’habitation et suppose le respect par le maître d’ouvrage de ses propres obligations. Tous ces retards seront consignés dans les comptes rendus du chantier « .
Ainsi qu’une clause de pénalités de retard 2.8, ainsi rédigée :
» En cas de retard dans l’achèvement de la construction (pour d’autres raisons que celles prévues à l’article 2.7), une pénalité de 1/3000 du prix convenu forfaitaire indiqué aux conditions particulières hors avenant par jour de retard est due par le Constructeur. Le calcul des pénalités de retard sera réalisé sur une base de jours calendaires et a pour terme la réception effective de la construction « .
L’avenant du 26 novembre 2021 au contrat du 08 avril 2021 modifie la grille d’appel de fonds et prévoit notamment le paiement de 55% du prix à la mise hors d’eau de la construction et de 70% du prix à l’achèvement des cloisons et de la mise hors d’air du bien.
Il ressort de ces éléments que la date limite de livraison était le 02 juin 2023. Néanmoins, la S.A. CGI BATIMENT fait valoir que les pénalités de retard ne peuvent s’appliquer dès lors que ledit retard serait dû au non-paiement d’un appel de fonds par les demanderesses, comme le prévoit la convention dans son article 2.7.
Il apparaît, selon pré-rapport d’expertise contradictoire du 31 août 2023 que la construction est hors d’eau et hors d’air. Ainsi, en application des stipulations contractuelles, les consorts [R]-[F] sont redevables d’une somme équivalente à 70% du prix fixé forfaitairement à 177 180 €.
Il ressort des factures produites par Mesdames [L] [R] et [W] [F] qu’elles ont déjà réglé un montant de 97 449 €, soit l’équivalent de 55% du prix fixé. Néanmoins, les demanderesses n’apportent pas la preuve d’avoir réglé les 70% du prix comme contractuellement prévu. Dès lors, le non-paiement d’un appel de fonds par le maître d’ouvrage constitue un des cas pour lesquels le délai de livraison est prolongé, le cas échéant, il ne peut être fait application de la clause de pénalités de retard, applicable qu’en dehors des hypothèses prévues à l’article 2.7.
Ainsi, la demande de provision souffre d’une contestation sérieuse, l’obligation qui la fonde n’étant pas établie. En conséquence, il convient de débouter Madame [L] [R] et Madame [W] [F] de leur demande de provision.
Sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile
Selon l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Madame [L] [R] et Madame [W] [F], parties qui succombent, seront condamnées aux entiers frais et dépens.
Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens,
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s’il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat.
Il convient d’allouer la somme de 800 € à la S.A. CGI BATIMENT en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que Madame [L] [R] et Madame [W] [F] devront verser.
Madame [L] [R] et Madame [W] [F], parties succombantes, seront déboutées de cette même demande.
Le Juge des référés, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort :
DIT n’y avoir lieu à référé quant à la demande de provision de Madame [L] [R] et Madame [W] [F] ;
CONDAMNE Madame [L] [R] et Madame [W] [F] à payer à la S.A. CGI BATIMENT la somme de huit cents euros (800 €) en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [L] [R] et Madame [W] [F] aux dépens ;
RAPPELLE que cette ordonnance de référé est immédiatement exécutoire à titre provisoire et sans constitution de garantie particulière, même en cas d’appel.
Ordonnance rendue publiquement par mise à disposition au greffe le huit octobre deux mil vingt quatre par Monsieur Manuel DELMAS-GOYON, Président du Tribunal Judiciaire, assisté de Madame Anna FELTES, Greffier.
Le Greffier Le Président