La SCCV ARAGO LABINAL a confié à la société APPLICATION PLOMBERIE MODERNE (APM) la réalisation de travaux de plomberie-sanitaire-CVC pour un montant de 1.260.000 euros TTC, avec réception des travaux le 23 mars 2021. APM a assigné SCCV ARAGO LABINAL en avril 2022 pour réclamer un solde de 119.427,65 euros, en se basant sur un décompte général définitif non contesté. La SCCV ARAGO LABINAL a contesté la demande, affirmant ne pas avoir reçu le décompte et ayant proposé un montant inférieur. Le tribunal a finalement condamné la SCCV ARAGO LABINAL à payer 77.179,85 euros TTC à APM, avec des pénalités de retard, des dépens et des frais irrépétibles. L’exécution provisoire a été ordonnée.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
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7ème chambre 1ère section
N° RG :
N° RG 22/05257 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWBYG
N° MINUTE :
Assignation du :
26 Avril 2022
JUGEMENT
rendu le 08 Octobre 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. Application Plomberie Moderne
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Olivia LAHAYE-MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocats au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire #129
DÉFENDERESSE
Société ARAGO LABINAL
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Valérie-ann LAFOY de la SELASU DABBENE-LAFOY Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E0269
Décision du 08 Octobre 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 22/05257 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWBYG
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame ROBERT, Vice-Président
Monsieur DELSOL, Juge rapporteur
Madame KOURAR, Juge
assistée de Ines SOUAMES, Greffier, lors des débats et de Lénaîg BLANCHO, Greffier, lors de la mise à disposition.
DÉBATS
A l’audience du 10 Juin 2024 tenue en audience publique devant Monsieur DELSOL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Perrine ROBERT, Présidente et par Madame Lénaïg BLANCHO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SCCV ARAGO LABINAL a fait réaliser un ensemble immobilier [Adresse 3] à [Localité 6]. Dans ce cadre, elle a confié à la société APPLICATION PLOMBERIE MODERNE (ci-après APM), titulaire du lot N°12, plomberie-sanitaire-CVC pour la somme de 1.260.000 euros TTC.
La réception des travaux est intervenue le 23 mars 2021.
Par acte d’huissier en date du 26 avril 2022, la société APM a assigné SCCV ARAGO LABINAL devant le Tribunal Judiciaire de Paris en vue de réclamer le solde du prix du marché qu’elle estime lui être dû.
Par ordonnance du 20 juin 2023, le juge de la mise en état a :
-débouté la société APPLICATION PLOMBERIE MODERNE (APM) de sa demande tendant à ce que les pièces de la SCCV ARAGO LABINAL soient écartées des débats,
-déclaré la demande de la société APPLICATION PLOMBERIE MODERNE (APM) recevable,
Aux termes de son assignation, elle demande au tribunal de :
« -Dire la société APPLICATION PLOMBERIE MODERNE « APM », recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
EN CONSEQUENCE,
Condamner la SCCV ARAGO-LABINAL à payer à la société APPLICATION PLOMBERIE MODERNE « APM » la somme de 119.427,65 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L.441-10 ancien L441-6 du code de commerce) et ce, à compter de la date d’échéance de la facture soit le 08.11.2021
Ordonner l’anatocisme des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil.
Condamner la SCCV ARAGO-LABINAL au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la SCCV ARAGO-LABINAL aux entiers dépens de la présente instance.
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie»
Au soutien de ses prétentions, elle explique qu’elle a émis un décompte général définitif (ci-après DGD), non contesté par la SCCV ARAGO LABINAL, incluant le prix du marché ainsi que deux ordres de services pour des travaux supplémentaires pour les montants respectifs de 14.581,05 euros et 4.942,52 euros, pour un montant total de 1.279.524 euros TTC. Elle indique que la SCCV ARAGO LABINAL a réglé la seule somme de 944.933,46 euros TTC et qu’en déduisant la retenue de garantie et le compte prorata, elle demeure débitrice de la somme de 119.427,65 euros TTC. Elle demande les pénalités de retard prévues à l’article L.441-10 du code de commerce avec capitalisation des intérêts.
***
Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 06 octobre 2023 la SCCV ARAGO LABINAL demande au Tribunal de :
« – DEBOUTER la société APM de l’ensemble de ses fins demandes et prétentions,
ECARTER toute demande d’exécution provisoire de droit.
CONDAMNER la société APM à payer à la SCCV ARAGO LABINAL la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens. »
Au soutien de ses prétentions, elle expose qu’elle n’a jamais été destinataire du DGD du 08 novembre 2021, que son envoi n’est pas justifié par la société APM. Elle ajoute qu’en l’absence de réception de son DGD, elle a adressé à la société APM un projet de décompte définitif selon courrier recommandé distribué le 6 décembre 2021 pour la somme de 42.247.80 euros TTC et le règlement de cette somme. Elle en déduit qu’en l’absence de contestation de la société APM, et en application du CCAP, son décompte est devenu définitif.
Elle précise qu’à réception du paiement réalisé le 14 janvier 2022, la société APM s’est alors rendue compte qu’elle n’avait pas formulé d’observations et a transmis par mail un soi-disant décompte rectifié du décompte qu’elle aurait établi le 8 novembre 2021 tenant compte du règlement effectué d’un montant de 42 247.80 euros TTC et réclamant alors la somme de 77.179.85 euros TTC.
Elle souligne enfin que la société AMP a reconnu dans ses conclusions d’incident que seule la somme de 77.179.85 euros TTC demeurait due.
***
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience du 10 juin 2024 et mise en délibéré au 08 octobre 2024.
Sur la demande principale de la société APM
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de l’article L.441-1 du code de commerce, « I.-Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.
(…)
II.-Les conditions de règlement mentionnées au I de l’article L. 441-1 précisent les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l’année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l’année en question. Pour le second semestre de l’année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l’année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due. »
En l’espèce, il est d’abord rappelé que le tribunal n’est saisi que des conclusions au fond, et non des conclusions d’incident déposées devant le juge de la mise en état.
Le CCAP, dont l’application n’est pas remise en cause par les parties, stipule en son article XX-4 Décompte définitif que :
« Le délai imparti à l’entreprise titulaire du marché pour la présentation à la Maîtrise d’Oeuvre de son décompte définitif est fixé à 30 jours calendaires à compter de la date de réception des ouvrages.
Celui-ci sera fourni en 4 exemplaires originaux.
Le Maître d’Ouvrage à (sic) 30 jours pour notifier le décompte accepté ou non à l’Entreprise. Passé ce délai, le décompte est réputé accepté.
Après notification du décompte, l’Entreprise titulaire du marché dispose de 8 jours pour présenter par écrit ses observations éventuelles. Le Maître d’Ouvrage dispose à son tour de 15 jours ouvrés pour faire connaître par écrit s’il accepte ou non ces observations.
Il est précisé que la signature du procès-verbal de réception n’emporte pas acceptation du décompte définitif de l’Entreprise titulaire du marché. (…) »
La société APM produit un DGD qu’elle dit avoir adressé à la SCCV ARAGO LABINAL le 08 novembre 2021. Toutefois, elle ne produit aucun justificatif d’envoi ou de réception de ce DGD à la société défenderesse, et ne répond pas au moyen de cette dernière sur ce point. Au surplus, le DGD est adressé à la SCCV ARAGO LABINAL alors que le CCAP prévoit qu’il doit être adressé au maître d’œuvre.
La SCCV ARAGO LABINAL produit quant à elle :
– un courrier recommandé ayant pour objet « Décompte général définitif » mentionnant un numéro d’accusé de réception, dépourvu de l’accusé de réception lui-même, accompagné d’un document intitulé « certificat de paiement » signé par le maître d’œuvre pour un montant de 42.247,80 euros, mentionnant le prix du marché et des deux ordres de service pour travaux supplémentaires, pour un solde à payer de d’un montant de 42.247,80 euros.
– un certificat de paiement signé par elle et le maître d’œuvre le 14 janvier 2022, d’un montant de 42.247,80 euros TTC.
– un e-mail de la société APM du 10 février 2022 rédigé dans les termes suivants : « je vous prie de bien vouloir trouver en pièce jointe notre DGD remis à ajour suite au virement reçu du 21/01/2022 » accompagné du DGD daté du 08 novembre 2021 d’un montant de [119.427,65 euros initialement réclamée par la société APM – 42.247,80 euros TTC=] 77.179,85 euros TTC.
Force est de constater que la seule production du courrier recommandé ayant pour objet « Décompte général définitif » ne comporte pas l’accusé de réception mentionné. Il n’est donc pas établi que celui-ci a été reçu. Seul le certificat de paiement du 14 janvier 2022 a été reçu puisque la société APM en a accusé réception.
Toutefois, ce certificat de paiement ne constitue pas un DGD au sens de la clause précitée puisque selon celle-ci, le décompte doit initialement être émis par l’entreprise au maître d’œuvre, avant d’être validé ou non par le maître de l’ouvrage. Le DGD produit par la SCCV ARAGO LABINAL ne peut donc être considéré comme un DGD empêchant la société APM de réclamer le paiement du solde du marché.
Surabondamment, il ne ressort pas de la lecture de la clause précitée que l’expiration du délai de 8 jours imparti à l’entreprise pour présenter par écrit ses observations éventuelles sur le décompte est sanctionné par le caractère définitif de celui-ci et par l’impossibilité de formuler des contestations par la suite.
En dehors du caractère définitif de ce qu’elle considère comme un DGD, la SCCV ARAGO LABINAL ne formule aucune contestation sur le montant de 119.427,65 euros réclamé par la société APM, composé du marché de travaux et des ordres de service, que la SCCV ARAGO LABINAL ne conteste pas avoir acceptés et qui figurent dans son certificat de paiement. Elle prouve toutefois avoir réglé la somme de 42.247,80 euros, de sorte qu’elle demeure débitrice de la somme de 77.179,85 euros TTC.
Les pénalités de retard prévues à l’article L.441-10 du code de commerce étant applicables, le point de départ de celle-ci sera fixé soixante jours après la réception du DGD par la SCCV ARAGO LABINAL, soit le [10 février + 30 jours] = 12 mars 2022.
En conclusion, la SCCV ARAGO LABINAL sera condamnée à payer à la société APM la somme de 77.179,85 euros TTC, assortie des pénalités de retard prévues à l’article 441-10 du code de commerce, à compter du 12 mars 2022, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur les demandes accessoires
• Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, la SCCV ARAGO LABINAL sera condamnée aux dépens.
• Sur les frais irrépétibles :
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, la SCCV ARAGO LABINAL sera condamnée à payer la somme de 2.000 euros à la société APM au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
• Sur l’exécution provisoire :
L’article 514 du Code de procédure civile, issu de l’article 3 du décret du 19 novembre 2019 applicable aux instances introduites au 01er janvier 2020, dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Toutefois, l’article 514-1 du Code de procédure civile prévoit que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En conséquence, l’exécution provisoire est de droit.
Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :
CONDAMNE la SCCV ARAGO LABINAL à payer à la société APM la somme de 77.179,85 euros TTC, assortie des pénalités de retard prévues à l’article 441-10 du code de commerce, à compter du 12 mars 2022, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE la SCCV ARAGO LABINAL aux dépens ;
CONDAMNE la SCCV ARAGO LABINAL à payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Fait et jugé à Paris le 08 Octobre 2024
Le Greffier Le Président