Contexte du PrêtLa société BANQUE EDEL a accordé un prêt personnel de 37 500 euros à M. [Z] [W] et Mme [M] [P] le 9 décembre 2013, remboursable en 144 échéances de 419,82 euros à un taux fixe de 8,67 % l’an, sans assurance. Procédures de RétablissementM. [Z] [W] a bénéficié d’un effacement de sa dette dans le cadre d’une Procédure de rétablissement personnel à partir du 11 juin 2020. Mme [P] a reçu un moratoire de 24 mois à partir du 31 janvier 2021 pour sa dette envers la BANQUE EDEL. Assignation en PaiementLa BANQUE EDEL a assigné Mme [M] [P] en paiement du solde du prêt le 1er juillet 2023, après qu’elle n’ait pas repris les paiements à l’issue du moratoire, le premier impayé étant daté du 30 janvier 2023. Demandes de la BANQUE EDELLa BANQUE EDEL a demandé le rejet des demandes adverses et la condamnation de Mme [M] [P] à payer 24 348,89 euros, plus intérêts et frais, tout en justifiant la déchéance du terme de la créance. Réponse de Mme [M] [P]Mme [M] [P] a contesté les demandes de la banque, affirmant avoir repris les paiements à hauteur de 250 euros par mois et demandant la condamnation de la BANQUE EDEL à lui verser 26 598,89 euros, ainsi que des délais de paiement. Recevabilité de la DemandeLe tribunal a jugé la demande de la BANQUE EDEL recevable, le premier impayé étant survenu moins de deux ans avant l’assignation, malgré les réaménagements de paiement. Bien-fondé de la DemandeLe tribunal a constaté que la déchéance du terme avait été prononcée à tort avant l’échéance du 30 avril 2023, car Mme [P] avait continué à effectuer des paiements partiels, rendant la demande de la banque infondée. Décision du TribunalLe tribunal a débouté la BANQUE EDEL de sa demande, l’obligeant à verser 500 euros à Mme [M] [P] pour ses frais, et a condamné la banque aux dépens. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE STRASBOURG
11ème Chambre Civile, Commerciale
et des Contentieux de la Protection
[Adresse 5]
CS 60444
[Localité 7]
11ème civ. S4
N° RG 23/09831
N° Portalis DB2E-W-B7H-MLQE
Minute n°
Copie exec. à :
– Me Grégoire FAURE
– Me Arnaud MULLER
Le
Le Greffier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU
15 NOVEMBRE 2024
DEMANDERESSE :
S.A. BANQUE EDEL
Inscrite au RCS de TOULOUSE sous le n° B 306 920 109
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Elise MAYER substituant Me Grégoire FAURE, avocats au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 163, avocat postulant et Me Christine DUSAN, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
DEFENDERESSE :
Madame [M] [C]
née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 8] (94)
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Ludivine BUDRIA substituant Me Arnaud MULLER, avocats au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 153
OBJET : Prêt – Demande en remboursement du prêt
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Catherine GARCZYNSKI, 1ère Vice-Présidente, Juge des Contentieux de la Protection
Maryline KIRCH, Greffier lors des débats
Stéphanie BAEUMLIN, Greffier lors du prononcé
En présence de [T] [J], auditrice de justice
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Septembre 2024 à l’issue de laquelle le Président, Catherine GARCZYNSKI, Juge des Contentieux de la Protection, a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 07 Novembre 2024. Le délibéré a été prorogé au 15 Novembre 2024.
JUGEMENT :
Contradictoire en premier ressort,
Rendu par mise à disposition au greffe,
Signé par Catherine GARCZYNSKI, Juge des Contentieux de la Protection et par Stéphanie BAEUMLIN, Greffier
Suivant offre préalable acceptée le 9 décembre 2013, la société BANQUE EDEL a accordé à M. [Z] [W] et Mme [M] [P] alors épouse [W] un prêt personnel pour le regroupement de crédits d’un montant total de 37 500 euros, remboursable au taux fixe débiteur de 8,67 % l’an, en 144 échéances de 419,82 euros sans assurance.
M. [Z] [W] a bénéficié d’un effacement de sa dette à l’égard de la BANQUE EDEL au titre de ce prêt, dans le cadre d’une Procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entrant en application le 11 juin 2020.
Mme [P] a elle-même bénéficié d’un moratoire de 24 mois à compter du 31 janvier 2021 pour sa dette à l’égard de la BANQUE EDEL au titre de ce prêt, dans le cadre des mesures imposées par la Commission de surendettement des particuliers du Bas-Rhin.
Exposant que Mme [P] n’avait pas repris les règlements à l’issue du moratoire malgré mise en demeure du 17 avril 2023, le premier impayé non régularisé remontant selon elle au 30 janvier 2023, la SA BANQUE EDEL a assigné Mme [M] [P], par acte de commissaire de justice du 1er juillet 2023, en paiement du solde du prêt.
Suivant ses dernières conclusions pour l’audience du 17 juin 2024, auxquelles son avocat s’est référé à l’audience des débats, la SA BANQUE EDEL sollicite le rejet des demandes adverses et la condamnation de Mme [M] [P] à lui payer la somme de 24 348,89 euros, outre les intérêts au taux de 8,67 % à compter du 17 avril 2023, et celle de 600 euros en application de l’article 700 du code de Procédure civile, outre les dépens.
Elle indique avoir prononcé la déchéance du terme, sa créance s’élevant à 26 598,89 euros en principal au 1er juin 2023, réduite à 24 727,26 euros au 25 avril 2024 suite aux versements intervenus. Elle produit un décompte actualisé au 6 septembre 2024 pour la somme de 23 348,89 euros, suite au paiement de la somme de 3 250 euros entre le 12 juin 2023 et le 12 août 2024.
Elle fait valoir que, si Mme [P] démontre avoir réglé la somme de 250 euros à partir de février 2023, il ne s’agissait pas de la reprise des échéances contractuelles (419,82 euros), de sorte que la déchéance du terme a été prononcée à juste titre.
Elle conteste les manquements reprochés ainsi que la demande de délais de paiement.
Par conclusions du 7 juin 2024, auxquelles son avocat s’est référé à l’audience des débats, Mme [M] [P] demande de voir « constater les demandes irrecevables et à tout le moins mal fondées ».
Elle sollicite subsidiairement la condamnation de la Banque EDEL à lui payer la somme de 26 598,89 euros, outre les intérêts au taux de 8,67 % et capitalisation annuelle, et, plus subsidiairement, la réduction des intérêts au taux légal et l’octroi de délais de paiement de 24 mois, à hauteur de 500 euros par mois, le solde au 24ème mois.
Elle réclame également la condamnation de la Banque EDEL aux dépens et à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de Procédure civile.
Elle fait valoir que la reprise des paiements devait intervenir le 1er février 2023 et non le 30 janvier 2023 et qu’elle a repris les paiements des échéances mensuelles à hauteur de 250 euros par mois, conformément à l’accord des parties, par prélèvement opéré par la Banque EDEL elle-même, de sorte que la banque est irrecevable et mal fondée en ses demandes.
Elle invoque subsidiairement des manquements de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde justifiant sa condamnation à l’indemniser à hauteur des sommes réclamées.
La décision a été mise en délibéré au 7 novembre, prorogé à ce jour.
Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l’article R312-35 du code de la consommation, le tribunal judiciaire connaît des litiges nés de l’application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
-le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
-ou le premier incident de paiement non régularisé ;
(…)
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 733-7.
En l’espèce, le moratoire de 24 mois imposé par la commission de surendettement a commencé le 31 janvier 2021 pour finir le 30 janvier 2023.
Les échéances du prêt étaient donc de nouveau exigibles à compter du 31 janvier 2023.
Selon l’historique comptable au 1er juin 2023, les échéances du « 30/01 » (plus exactement 31/01), 28/02 et « 30/03/2023 » (plus exactement 31/03) ont été impayées partiellement pour 550,26 euros.
Selon cet historique, la Banque EDEL réclame le capital restant dû après l’échéance du 30 mars 2023 pour 23 751,74 euros.
Mme [P] justifie avoir été prélevée, avant déchéance du terme, les 13/02, 13/03 et 12/04/2023 de la somme de 250 euros sur son compte bancaire à la Banque postale, soit un total de 750 euros ; les échéances s’élevant à 419,82 €, il en résulte que, après imputation de cette somme de 750 euros sur les échéances les plus anciennes, le premier impayé remonte au 28 février 2023.
La demande est donc recevable, le premier impayé non régularisé remontant à moins de deux ans avant l’assignation en date du 1er juillet 2023.
Sur le bien-fondé
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement celui qui se prétend libéré de cette obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de cette obligation.
Aux termes de l’article L312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restants dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.
En vertu de l’article D 312-16 du même code, cette indemnité est de 8% du capital restant dû à la date de défaillance.
Cependant, la déchéance du terme par le prêteur, à la suite de laquelle il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, doit être précédée d’une mise en demeure infructueuse adressée à l’emprunteur, conformément à l’article 1225, alinéa 2, du code civil.
En l’espèce, la demanderesse justifie avoir adressé à Mme [P] – à son adresse [Adresse 4] mentionnée sur les mesures imposées – une lettre recommandée datée du 17 avril 2023, remise à la poste pour envoi le 18 avril 2023, dont l’avis de réception est revenu « destinataire inconnu à l’adresse » ; elle la mettait en demeure de payer la somme de 1 259,46 euros au titre des trois échéances de février à avril 2023 ( 419,82 euros X 3), « sous 15 jours à compter de la réception de la présente lettre », à défaut de quoi la déchéance du terme serait prononcée.
Aucune date ne figure sur l’avis de réception, mais, en tout état de cause, la déchéance ne pouvait être prononcée moins de 15 jours à compter du lendemain de l’envoi du courrier à Mme [P], soit avant le 4 mai 2023.
Dès lors, c’est à tort que la déchéance du terme a été prononcée avant l’échéance du 30 avril 2023, ce d’autant qu’il ressort des relevés de compte produits par la défenderesse, confortés par l’historique comptable de la banque demanderesse, qu’elle prélevait chaque mois depuis février 2023 la somme de 250 euros sur le compte de Mme [P] au titre du prêt, manifestement suivant accord entre les parties.
Elle ne peut donc réclamer le capital restant dû avant l’échéance du 30 avril 2023, mais seulement les échéances échues impayées.
Elle ne réclame à ce titre, selon le décompte du 6 septembre 2024, que la somme de 550,26 euros.
Mme [P] justifie du prélèvement de la somme de 250 euros le 12 mai 2023 par la Banque EDEL sur son compte bancaire à la Banque postale.
De plus, il ressort du propre décompte produit par la Banque EDEL que Mme [P] a continué à payer la somme de 250 euros entre le 12 juin 2023 et le 12 août 2024, sauf en juillet 2023, soit au total la somme de 3 250 euros, soit une somme supérieure à la demande au titre des échéances échues impayées ; la demande de la Banque EDEL sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires
La demanderesse, succombant en la présente instance, supportera les dépens et sera condamnée à verser à la défenderesse la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de Procédure civile, au titre de ses frais non compris dans les dépens, elle-même étant déboutée de sa propre demande de ce chef.
La Juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :
DÉCLARE la demande recevable ;
DÉBOUTE la SA Banque EDEL de sa demande ;
CONDAMNE la SA Banque EDEL à payer à Mme [M] [P] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de Procédure civile ;
CONDAMNE la SA Banque EDEL aux dépens et la DÉBOUTE de sa demande fondée sur l’article 700 du code de Procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Ainsi fait et prononcé les jour, mois et an susdits, siégeant Madame GARCZYNSKI, 1ère Vice-Présidente, présidant l’audience, assistée de Madame le greffier, qui ont signé la minute de la présente décision.
Le Greffier La Juge des Contentieux de la Protection
Stéphanie BAEUMLIN Catherine GARCZYNSKI