Conflit relatif à la régularisation des cotisations sociales et à la contestation d’une contrainte de recouvrement

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Conflit relatif à la régularisation des cotisations sociales et à la contestation d’une contrainte de recouvrement

Affiliation et Mise en Demeure

M. [K] [O] a été affilié à la Caisse du régime social des indépendants (RSI) du 7 août 2009 au 24 mai 2018 en tant que gérant de deux sociétés. Le 18 juin 2014, le RSI a notifié au cotisant une mise en demeure pour le paiement de 5 907 euros, correspondant à des cotisations et des majorations de retard pour le deuxième trimestre 2014.

Signification de la Contrainte

Le 7 novembre 2014, un acte d’huissier a signifié au cotisant la contrainte émise le 14 octobre 2014, portant sur la même somme de 5 907 euros. En réponse, le cotisant a formé opposition à cette contrainte le 19 novembre 2014.

Jugement du Tribunal

Le 20 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine a statué en faveur du cotisant, annulant la contrainte et recevant son opposition. Le tribunal a constaté des incohérences entre la mise en demeure, la contrainte et un décompte de 2017, ainsi que des paiements non justifiés par le RSI.

Appel de l’URSSAF

Le 12 juin 2018, l’URSSAF a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la validation de la contrainte pour un montant réduit de 4 651 euros, incluant des cotisations et des majorations de retard. L’URSSAF a soutenu que le tribunal avait inversé la charge de la preuve.

Arguments du Cotisant

Le cotisant a demandé à la cour d’entériner le jugement de 2018, arguant que l’URSSAF s’était fondée sur des éléments erronés et qu’il avait effectué des paiements totalisant 26 000 euros auprès de l’huissier, sans que ceux-ci soient pris en compte.

Motifs de la Décision

La cour a rappelé que la mise en demeure et la contrainte doivent préciser la nature, la cause et le montant des sommes réclamées. Elle a également noté que le cotisant devait prouver le caractère infondé des cotisations contestées. Les cotisations provisoires pour 2014 avaient été calculées sur des revenus de 2012, et le cotisant n’avait pas payé la somme réclamée.

Conclusion de la Cour

La cour a infirmé le jugement précédent, fixant les cotisations dues à 4 651 euros, et a condamné le cotisant à payer cette somme à l’URSSAF. Elle a également condamné le cotisant aux dépens et débouté les parties de leurs demandes d’indemnité.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/03551
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

Ch.protection sociale 4-7

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 NOVEMBRE 2024

N° RG 23/03551 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WH74

AFFAIRE :

URSSAF VENANT AU DROITS DE LA CAISSE DELEGUE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS

C/

[K] [O]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 14-02467

Copies exécutoires délivrées à :

Me Gary GOZLAN

URSSAF

Copies certifiées conformes délivrées à :

URSSAF

[K] [O]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

URSSAF VENANT AU DROITS DE LA CAISSE DELEGUE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS

Département des contentieux amiables et judiciaires

D126-TSA80028

[Localité 3]

représentée par Mme [N] [C], en vertu d’un pouvoir général

APPELANTE

****************

Monsieur [K] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Gary GOZLAN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 310 substitué par Me Filiz KARAER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente,

Madame Aurélie PRACHE, présidente de chambre

Madame Charlotte MASQUART, conseillère,

Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Juliette DUPONT,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [K] [O] (le cotisant) a été affilié à la Caisse du régime social des indépendants (RSI) du 7 août 2009 au 24 mai 2018 en qualité de gérant de deux sociétés.

Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 18 juin 2014, le RSI a notifié au cotisant la mise en demeure établie le 17 juin 2014 d’avoir à payer la somme de 5 907 euros correspondant à 5 605 euros de cotisations et à 302 euros de majorations de retard, au titre du deuxième trimestre 2014.

Par acte d’huissier de justice en date du 7 novembre 2014, le RSI a signifié, à la personne même du cotisant, la contrainte émise le 14 octobre 2014 à son encontre portant sur la somme totale de 5 907 euros par référence à la mise en demeure précédente.

Le cotisant a formé opposition à la contrainte le 19 novembre 2014.

Par jugement contradictoire en date du 20 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, retenant que la mise en demeure et la contrainte ne correspondaient pas à la somme indiquée dans un décompte de 2017, qu’une mise en demeure pour le troisième trimestre 2014 fait état d’une somme de 5 907 euros et que le cotisant avait invoqué divers règlements auprès de l’huissier sans que le RSI ne justifie de ses imputations, a :

– reçu l’opposition formée par le cotisant à la contrainte délivrée par la caisse du RSI devenue la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d’Ile-de-France, le 14 octobre 2014, signifiée le 7 novembre 2014 ;

– dit que la contrainte signifiée le 7 novembre 2014 par la caisse est annulée ;

– rejeté les autres demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 12 juin 2018, le RSI a interjeté appel et les parties ont été convoquées, après radiation à l’audience du 10 septembre 2024.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’URSSAF, venant aux droits de la Caisse déléguée pour la sécurité sociale de travailleurs indépendants, demande à la Cour :

– d’infirmer le jugement rendu le 20 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

– de valider la contrainte querellée pour un montant de 4 651 euros se décomposant comme suit :

– cotisations : 4 349 euros

– majorations de retard provisoires 302 euros

– de condamner le cotisant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ;

– de condamner le cotisant aux entiers dépens.

L’URSSAF affirme que le tribunal a inversé la charge de la preuve qui incombe à celui qui conteste la contrainte.

Elle ajoute qu’elle a d’abord calculé les cotisations de l’année 2014 sur les revenus déclarés au titre de l’année 2012, à titre provisionnel, le deuxième trimestre 2014 s’élevant alors à 5 605 euros que le cotisant n’a pas payé, ce qui a entraîné l’envoi d’une mise en demeure puis d’une contrainte ; qu’à titre définitif, une fois connu les revenus 2014, le cotisant n’était plus redevable que de la somme de 4 349 euros ; que la contrainte n’est pas nulle en raison de la diminution de la somme réclamée.

Elle demande donc la validation de la contrainte.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le cotisant demande à la cour :

à titre principal,

– d’entériner le jugement rendu le 20 avril 2018 ;

statuant à nouveau :

– de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner l’URSSAF aux entiers dépens.

Le cotisant expose que l’URSSAF s’est basé sur des éléments erronés et qu’il était en droit de contester la contrainte ; que l’URSSAF n’a pas pris en compte l’ensemble des versements effectués auprès de l’huissier à hauteur de 26 000 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que :

‘Toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l’employeur ou au travailleur indépendant.

Le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.’

Aux termes de l’article L. 244-9 du même code, la contrainte décernée par le directeur d’un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans les délais et selon des conditions fixées par décret, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.

Aux termes de l’article R. 133-3 du même code,

‘Si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, le directeur de l’organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l’article L. 244-9 ou celle mentionnée à l’article L. 161-15. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

L’huissier de justice avise dans les huit jours l’organisme créancier de la date de signification.

Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la réception de l’opposition.

La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire.’

Quant à l’article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, il prévoit que l’envoi par l’organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l’article R. 155-1 de l’avertissement ou de la mise en demeure prévus à l’article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Il résulte de ces textes que l’avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur par lettre recommandée avec accusé de réception d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ; qu’à cette fin, il importe qu’elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

En matière d’opposition à contrainte, il incombe à celui qui forme opposition de rapporter la preuve du caractère infondé du redressement des cotisations dont le recouvrement est poursuivi (2e Civ. 13 février 2014, n° 13-13.921, F-D).

En application de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, les cotisations sociales des travailleurs indépendants sont dues pour la période du 1er janvier au 31 décembre et sont calculées sur les revenus procurés par cette activité au cours de l’année.

Le calcul de ces cotisations et contributions sociales intervient en deux échéances :

– calcul provisionnel sur les revenus de l’année N-2,

– régularisation sur les revenus de l’année N.

En l’espèce, il résulte des pièces produites et notamment des divers calculs détaillés, que les cotisations provisoires 2014 ont été calculées au regard des revenus déclarés par le cotisant en 2012 et qu’au titre du deuxième trimestre 2014, l’URSSAF a appelé la somme provisionnelle de 5 605 euros, somme que le cotisant n’a pas payée.

C’est ainsi que la somme de 5 605 euros lui a été réclamée dans la mise en demeure du 17 juin 2014 puis dans la contrainte du 14 octobre 2014, outre les majorations de retard pour 302 euros.

Il n’y a ainsi aucune ambiguïté sur les sommes appelées pour le deuxième trimestre 2014.

Par la suite, après réception de la déclaration des revenus 2014, nécessairement postérieure au 31  décembre 2014 et donc également à la mise en demeure et à la contrainte, l’URSSAF a procédé à la régularisation des cotisations pour 2014. Les revenus 2014 du cotisant ayant été inférieurs à ceux déclarés en 2012, base de calcul des cotisations provisionnelles 2014, le montant des cotisations définitives a été revu à la baisse.

L’URSSAF justifie, par divers tableaux de calcul de cotisations, que les cotisations définitives du deuxième trimestre 2014 s’élèvent à la somme de 4 349 euros, somme que l’URSSAF réclame au jour de l’audience, outre les majorations de retard à hauteur de 302 euros, les cotisations du deuxième trimestre 2014 n’ayant pas été payées.

Le cotisant invoque divers versements effectués auprès de l’huissier. Néanmoins il ne justifie pas que ces règlements aient été destinés au paiement des cotisations du deuxième trimestre 2014.

Il produit en effet deux décomptes d’huissier faisant état de nombreux versements de sa part :

– le premier est relatif à une contrainte du 26 août 2009 qu’il a définitivement payée le 31 mai 2020 ;

– le second concerne l’année 2009, l’année 2010, les premier et deuxième trimestre 2011 et les cotisations de ces périodes ont été soldées le 23 octobre 2018.

Il s’ensuit que les versements effectués par le cotisant ont servi à payer des cotisations antérieures à celles objet du présent litige.

Le jugement sera donc infirmé et le cotisant condamné au paiement du solde dû.

Sur les dépens et les demandes accessoires

Le cotisant, qui succombe à l’instance, est condamné aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019.

L’équité commande de débouter les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’opposition à contrainte formée par M. [K] [O] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à la somme de 4 651 euros les cotisations dues par M. [K] [O] à l’URSSAF Ile-de-France, soit : 4 349 euros au titre des cotisations dues pour le deuxième trimestre 2014 et 302 euros représentant les majorations de retard ;

En conséquence, condamne M. [K] [O] à payer à l’URSSAF Ile-de-France la somme de 4 651 euros ;

Condamne M. [K] [O] aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;

Déboute les parties de leurs demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.

La greffière La conseillère


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