Conflit relatif à la nullité d’un contrat de vente et de crédit dans le cadre d’une installation photovoltaïque

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Conflit relatif à la nullité d’un contrat de vente et de crédit dans le cadre d’une installation photovoltaïque

Contexte de l’affaire

Madame [L] [R] épouse [E] et Monsieur [X] [E] ont commandé un système de production solaire photovoltaïque auprès de la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES pour un montant de 19 900 euros, le 2 mars 2015. Pour financer cet achat, ils ont souscrit un crédit auprès de la société SYGMA BANQUE, remboursable en 132 mensualités.

Installation et liquidation de la société

L’installation a été réalisée au domicile des époux [E] le 1er avril 2015. Cependant, la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES a été placée en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce de Lyon le 20 novembre 2019.

Décès de Monsieur [X] [E]

Monsieur [X] [E] est décédé le 4 novembre 2020, et ses héritiers, Madame [B] [E], Monsieur [J] [E] et Madame [I] [E], sont intervenus dans la procédure en tant qu’ayants-droits.

Assignation en justice

Le 15 et 23 mars 2023, Madame [L] [R] épouse [E] et les héritiers de Monsieur [X] [E] ont assigné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES, demandant la nullité du contrat de vente et de crédit, ainsi que le remboursement des sommes versées.

Audiences et conclusions

L’affaire a été appelée devant le juge des contentieux de la protection le 24 mai 2023, avec plusieurs renvois jusqu’à l’audience de plaidoirie du 4 juin 2024. Les demandeurs ont déposé des conclusions pour obtenir la nullité des contrats et des réparations financières.

Réponse de la banque

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a contesté la recevabilité des demandes, invoquant la prescription et l’irrecevabilité des actions en nullité, tout en soutenant qu’aucune faute n’avait été commise dans le déblocage des fonds.

Arguments des demandeurs

Les demandeurs ont soutenu que la banque avait commis une faute en débloquant des fonds sur la base d’un bon de commande nul et ont demandé des réparations pour préjudice moral et financier.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré irrecevable la demande de nullité du contrat de vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation, mais a jugé recevable la demande de nullité pour dol. Cependant, il a débouté les demandeurs de leur action en nullité pour dol et a également rejeté la demande de nullité du contrat de crédit.

Responsabilité de la banque

La demande d’engagement de la responsabilité de la banque pour le déblocage fautif des fonds a été déclarée irrecevable en raison de la prescription, tandis que la demande pour participation au dol a été jugée recevable mais également déboutée.

Demandes accessoires et dépens

Les demandeurs ont été condamnés aux entiers dépens et à verser une somme à la banque au titre des frais irrépétibles. La décision a été rendue exécutoire à titre provisoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

31 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
23/03698
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Jérémie BOULAIRE

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien MENDES GIL
La S.E.L.A.R.L. [P] [Y]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/03698 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZW2M

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le jeudi 31 octobre 2024

DEMANDEURS
-Madame [L] [R] épouse [E] , demeurant [Adresse 11] – [Localité 4]
-Monsieur [X] [E], demeurant [Adresse 11] – [Localité 4]

Es qualité d’ayants-droits :
-Madame [B] [E], demeurant [Adresse 7] – [Localité 16]
– Monsieur [J] [E], demeurant [Adresse 9] – [Localité 14]
-Madame [I] [E], demeurant [Adresse 10] – [Localité 3]

tous représentés par Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI,

DÉFENDERESSES
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 17]
Venants aux droits de la société SYGMA BANQUE,dont le soège social était [Adresse 5] [Localité 17], et pour signification [Adresse 2] [Localité 15]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173

La S.E.L.A.R.L. [P] [Y] dont le siège social est [Adresse 8] [Localité 12], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
es qualité de mandataire liquidateur de la société FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES , dont le siège social est [Adresse 6] [Localité 13]
non comparante, ni représentée

Décision du 31 octobre 2024
PCP JCP fond – N° RG 23/03698 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZW2M

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Christine FOLTZER, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 juin 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 31 octobre 2024 par Christine FOLTZER, Vice-présidente assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans le cadre d’un démarchage à domicile, Madame [L] [R] épouse [E] et Monsieur [X] [E] ont commandé, le 2 mars 2015, auprès de la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES la fourniture et l’installation d’un système de production solaire photovoltaïque pour une somme de 19 900 euros.

Afin de financer cet achat, la société SYGMA BANQUE a consenti à Madame [L] [R] épouse [E] et Monsieur [X] [E] une offre de crédit accepté le 2 mars 2015 du même montant, remboursable en 132 mensualités de 245,62 euros, au taux nominal fixe de 5,76 % (TAEG 5,86 %) avec un report total de la première échéance du prêt d’une durée de 12 mois.

La SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES a procédé à l’installation au domicile des époux [E] suivant certificat de livraison signé Madame [L] [R] épouse [E] en date du 1er avril 2015.

La SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES a été placée en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce de Lyon par jugement en date du 20 novembre 2019 et a désigné Maître [P] [Y] en qualité de mandataire liquidateur de la société.

Un acte de décès dressé par Officier d’état-civil en date du 4 novembre 2020 atteste du décès de Monsieur [X] [E], aux droits duquel interviennent en qualité d’ayants-droits ses héritiers Madame [B] [E], Monsieur [J] [E] et Madame [I] [E].

Par actes de commissaire de justice en date du 15 mars 2023 et 23 mars 2023, Madame [L] [R] épouse [E] et Monsieur [X] [E] aux droits duquel interviennent en qualité d’ayants-droits ses héritiers Madame [B] [E], Monsieur [J] [E] et Madame [I] [E] ont respectivement assigné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et la SA FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES, prise en la personne de Maître [P] [Y], ès qualité de mandataire judiciaire de la SA FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES, devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Paris tendant à ce que celui-ci prononce la nullité du contrat de vente et de crédit affecté, constate que la banque a commis une faute la privant de sa créance de restitution, condamne la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE au remboursement de l’intégralité des sommes versées et au paiement de la somme de 19 900 euros correspondant à l’intégralité du prix de vente de l’installation, 12 521,84 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit, 5 000 euros au titre du préjudice moral, 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L’affaire a été appelée une première fois devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 24 mai 2023 et a fait l’objet de plusieurs renvois jusqu’à l’audience de plaidoirie du 4 juin 2024.

A cette audience, Madame [L] [R] épouse [E] et Monsieur [X] [E] aux droits duquel interviennent en qualité d’ayants-droits ses héritiers Madame [B] [E], Monsieur [J] [E] et Madame [I] [E], représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions auxquelles ils ont déclaré se référer lors de l’audience, tendant à demander au juge des contentieux de la protection de :
– déclarer les demandes de Madame [L] [E] recevables et bien fondées ;
– prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre Madame [L] [E] et la société FRANCE ENERGIES RENOUVABLES ;
– mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES l’enlèvement de l’installation litigieuse et la remise en état de l’immeuble à ses frais ;
-prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre Madame [L] [E] et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE ;
-constater que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté et la condamner à procéder au remboursement de l’ensemble des sommes versées par Madame [L] [E] au titre de l’exécution normale du contrat de prêt litigieux ;
-condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE à verser à Madame [L] [E] les sommes suivantes :
– 19 900 euros correspondant à l’intégralité du prix du vente de l’installation,
– 12 521, 84 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par Madame [L] [E] à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, en exécution du prêt souscrit,
– 5 000 euros au titre du préjudice moral,
– 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
En tout état de cause,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l’encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;
– condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à rembourser à Madame [L] [E] l’ensemble des intérêts versés au titre de l’exécution normale du contrat de prêt jusqu’à parfait paiement ;
– débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE et la société FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES de l’intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;
– condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE à supporter les dépens de l’instance.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE, également représentée par son conseil, a déposé des conclusions auxquelles elle a déclaré se référer à l’audience et tendant à demander au juge des contentieux de la protection de :

A titre principal :

– déclarer irrecevable la demande de l’acquéreur en nullité du contrat conclu avec la société FRANCES ENERGIES RENOUVELABLES sur le fondement d’irrégularités formelles comme prescrite ;
– déclarer irrecevable la demande des acquéreurs en nullité du contrat conclu avec la société FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES sur le fondement du dol comme prescrite ;
– déclarer irrecevable l’ensemble des demandes de l’acquéreur du fait du remboursement anticipé du contrat de crédit valant reconnaissance de dette ;
– dire et juger que la nullité du bon de commande pour une irrégularité formelle n’est pas encourue ;
– dire et juger subsidiairement que l’acquéreur a renoncé à se prévaloir d’une irrégularité purement formelle du contrat et a confirmé la nullité relative alléguée ;
– dire et juger que le dol allégué n’est nullement établi et que les conditions du prononcé de la nullité de ces chefs ne sont pas remplies ;
– en conséquence, déclarer la demande de nullité des contrats irrecevable ; A tout le moins, débouter l’acquéreur de se demande de nullité ;
Subsidiairement, en cas de nullité des contrats :
– déclarer irrecevable comme prescrite la demande Madame [L] [E] visant à ce que la Banque soit privée de sa créance de restitution ;
– dire et juger que la société SYGMA BANQUE aux droits de laquelle vient la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n’a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande ni dans le versement des fonds prêtés ;
– dire et juger, de surcroît, que l’acquéreur n’établit pas le préjudice qu’elle aurait subi en lien avec l’éventuelle irrégularité alléguée du bon de commande ou le versement des fonds, et donc avec la faute alléguée à l’encontre de la banque, ce alors même que l’installation fonctionne ;
– dire et juger, en conséquence, que l’acquéreur ne justifie pas des conditions d’engagement de la responsabilité de la banque ;
– dire et juger que, du fait de la nullité, l’emprunteur est tenu de restituer le capital prêté au prêteur ; condamner, en conséquence Madame [L] [E], à régler à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, la somme de 19.900 euros en restitution du capital prêté ;
Très subsidiairement :
– limiter la réparation qui serait due par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE eu égard au préjudice effectivement subi par le couple emprunteur, à charge pour lui de l’établir, et eu égard à sa faute ayant concouru à son propre préjudice ;
– dire et juger que l’acquéreur reste tenu de restituer l’entier capital à hauteur de 19.900 euros et ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence ;

À titre infiniment subsidiaire, si le tribunal devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge de l’emprunteur :

– condamner Madame [L] [E] à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA France la somme de 19.900 euros, correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable ;
– lui enjoindre de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à Maître [P] [Y], es-qualité de Liquidateur judiciaire de la société FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d’électricité, et dire et juger qu’à défaut de restitution, elle restera tenue du remboursement du capital prêté ;

En tout état de cause :

– dire et juger que les autres griefs formés par l’acquéreur ne sont pas fondés ;
– débouter Madame [L] [E] de sa demande de dommages et intérêts ;
– débouter la demanderesse de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE ;
– ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
– condamner Madame [L] [E] au paiement à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL ;

La société FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES prise en la personne de son mandataire liquidateur, Maître [P] [Y], bien que régulièrement convoquée n’a pas comparu à l’audience et ne s’est pas fait représenter.
Il sera référé aux écritures des parties déposées à l’audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile, le jugement rendu en premier ressort sera réputé contradictoire.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 31 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 2 du code civil selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif « , les contrats demeurent régis par les dispositions légales sous l’empire desquelles ils ont été passés.

Ainsi, compte tenu de la date de signature du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, à savoir le 2 mars 2015, il sera fait application pour l’ensemble de la décision des dispositions du code de la consommation, applicables postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, conformément aux dispositions transitoires de cette loi qui prévoient une entrée en vigueur pour les contrats conclus après le 13 juin 2014 (article 34 de la loi du 17 mars 2014).

De même, il sera fait application des disposions du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 en date du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

L’article 472 du code de procédure civile énonce que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond : le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir « donner acte », « dire et juger » et « constater » qui ne sont pas des prétentions au sens du code de procédure civile et qui ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif de la présente décision.

I-Sur la fin de non-recevoir tirée du remboursement anticipé du prêt valant reconnaissance de dette

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE invoque la reconnaissance de dette résultant du remboursement anticipé du crédit et en déduit une irrecevabilité de l’action de Madame [L] [E] et consorts [E] devant s’analyser, selon elle, en une action en répétition de l’indu.

Elle cite à cet effet deux décisions (Soc., 11 avril 1991, pourvoi n° 89-13.068, Bulletin 1991 V N° 192 et Com.,1er juin 2010, pourvoi n°09-14353) rendues, pour la première décision, en matière de paiement de cotisations personnelles d’allocations familiales, ayant posé en principe que le paiement volontaire d’une dette qui, même prescrite, conserve sa cause dans l’obligation de cotiser, ne peut donner lieu à répétition et pour la seconde, en matière de droit de succession, ayant jugé que la prescription de la créance de droits de succession ne permet pas aux héritiers d’agir en répétition des acomptes spontanément versés, peu important qu’à la date du paiement ils aient ignoré que le bénéfice de la prescription leur était acquis.

Cependant, Madame [L] [E] et consorts [E] n’agissent pas en répétition de l’indu suite à une prescription du titre dont se prévaudrait la banque mais en nullité des contrats de vente et de prêt et invoque la responsabilité de la banque pour avoir délivré des fonds sur la base d’un bon de commande nul, de sorte que la jurisprudence invoquée n’est pas transposable en l’espèce.

En outre s’il est possible de renoncer au bénéfice d’une disposition d’ordre public – notamment en droit de la consommation – c’est à la condition qu’une telle renonciation soit non équivoque et qu’elle porte sur un droit acquis.

Or, en payant les sommes dues au titre du contrat de prêt qu’elle avait contracté, Madame [L] [E] et consorts [E] n’ont fait qu’exécuter les clauses de ce contrat et n’a ainsi pas manifesté de manière non équivoque sa volonté de renoncer à appliquer les dispositions du code de la consommation.

En conséquence la fin de non-recevoir tirée du remboursement anticipé du prêt sera rejetée.

II-Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions en nullité du contrat de vente

Selon la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, Madame [L] [E] et consorts [E] ne sont pas recevables dans leurs demandes puisque celles-ci aussi bien sur le fondement du non-respect des dispositions impératives du code de la consommation que sur le fondement du dol sont prescrites.

S’agissant de la prescription en nullité exercée sur le fondement d’irrégularités formelles du bon de commande, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE invoque la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil et considère l’action comme prescrite dans la mesure où les contrats de vente et de crédit affecté ont été signés le 2 mars 2015 et l’assignation a été signifiée le 15 mars 2023, soit plus de 5 ans après.

La banque fait valoir que le point de départ de la nullité du contrat de vente en raison du non-respect des dispositions du code de la consommation débute au jour de la signature du contrat puisqu’à ce moment, l’acquéreur était en mesure de vérifier la conformité du contrat à ces dispositions et ajoute que la requérante connaissait les irrégularités soulevées dès la signature du bon de commande.

En conséquence, selon la banque, l’action en nullité exercée sur le fondement d’irrégularités formelles du bon de commande est prescrite.

S’agissant de la prescription en nullité exercée sur le fondement du dol et concernant le point de départ du délai de prescription du dol, la banque indique que les requérants ne justifient nullement qu’ils auraient découvert des éléments à même de caractériser une erreur postérieurement à la souscription des contrats et susceptibles de générer le report du point de départ du délai pour agir. Elle soulève au surplus que le bon de commande ne contient aucun engagement contractuel de nature à penser que l’installation aurait une rentabilité spécifique ou un autofinancement, d’autant plus qu’il n’est pas contesté que l’installation est bien fonctionnelle et qu’aucune expertise sérieuse n’est produite.
En conséquence, selon la banque, l’action en nullité sur le fondement du dol est prescrite.

Madame [L] [E] et consorts [E] opposent le fait que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 raccourcissant le délai de prescription de 30 ans à 5 ans, le point de départ court désormais non pas à compter de la date de la signature du contrat mais à compter du jour où le titulaire du droit a eu connaissance du manquement qu’il invoque.

Ils en déduisent que le point de départ de la prescription est décalé, par la faute de la banque, au moment de la connaissance du préjudice subi dans toute son ampleur ainsi que du fait générateur puisque le consommateur ignore légitimement, au moment de la conclusion du contrat de vente, les vices pouvant affecter le contrat.

Sur la connaissance du préjudice, les demandeurs estiment que cela correspond au moment où l’acquéreur découvre que l’opération est désavantageuse et basée sur de fausses promesses, de sorte qu’il est nécessaire d’attendre plusieurs années pour s’en apercevoir.
S’agissant de la connaissance du fait générateur de la responsabilité cela résulte du déblocage des fonds, à la suite au manquement de la banque à son devoir d’information et d’alerte, puisqu’elle n’a pas vérifié le bon de commande.

Les demandeurs invoquent également l’arrêt du 24 janvier 2024 rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation selon lequel la reproduction des dispositions du code de la consommation applicables dans le contrat de vente n’est pas de nature à caractériser une connaissance, par le consommateur profane, des irrégularités affectant l’acte, et en déduisent que la date de signature du contrat de vente ne peut constituer le point de départ du délai de prescription quinquennale qu’à la condition de démontrer que le consommateur avait bel et bien connaissance, à cette date, de l’ensemble des irrégularités soulevées et qu’il revient à la banque d’apporter la preuve de la prétendue connaissance des irrégularités.

De plus, les requérants estiment que selon la jurisprudence européenne, le consommateur doit disposer d’un  » délai utile  » pour avoir la connaissance des irrégularités du contrat, qui doit être une connaissance effective de l’irrégularité, justifiant le report du point de départ de la prescription de l’action.

Ils considèrent également que le droit à l’égalité des armes découlant de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme interdit d’opposer la prescription s’agissant des irrégularités affectant la validité d’un prêt en cours d’exécution et doit conduire à maintenir au profit du consommateur la même possibilité d’agir en justice à l’encontre de la banque, nonobstant le fait que cette action mette en cause la régularité de contrats souscrits plusieurs années auparavant.

En conséquence, Madame [L] [E] et consorts [E] estiment leur action non prescrite et donc recevable.

Sur la prescription de l’action en nullité exercée sur le fondement du non-respect des dispositions impératives du code de la consommation

Madame [L] [E] et consorts [E] fondent à titre principal leur demande de nullité du contrat de vente notamment sur le fondement de la méconnaissance des dispositions de l’article L.121-17 et L. 111-1 du code de la consommation.

L’article 2224 du code civil dispose, depuis le 19 juin 2009, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’irrégularité.
Or, il ressort du bon de commande du 2 mars 2015 que les conditions générales de vente, contiennent la reproduction apparente des articles L.121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, qui sont les dispositions applicables antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et donc non applicables à un contrat conclu le 2 mars 2015. Néanmoins, malgré cette numérotation erronée des dispositions applicables, les acquéreurs étaient en mesure de vérifier au jour de la remise de leur exemplaire du bon de commande, soit le 2 mars 2015, que ce contrat était incomplet comme ne comportant pas certaines mentions qu’ils jugeaient essentielles pour la validité de celui-ci, notamment le fait qu’il ressort très clairement du bon de commande qu’il n’est nullement renseigné la mention du délai de livraison, carence que les requérants soulèvent pour demander la nullité du contrat de vente. Dès lors, il leur était possible de s’assurer du contenu du contrat de vente et de sa validité dès la conclusion de celui-ci.
En outre, l’arrêt du 24 janvier 2024 de la 1ère chambre civile invoqué par les demandeurs ne saurait recevoir application dans la mesure où il ne vaut strictement qu’en matière de confirmation de la nullité et non s’agissant du point de départ du délai de prescription.

De plus, en enfermant la prescription dans un délai de cinq ans, le législateur a entendu garantir la sécurité juridique et ne pas permettre que tout acte puisse être remis en cause au-delà. Les requérants bénéficiaient en réalité d’un délai de cinq années à compter de la signature du bon de commande pour consulter un conseiller juridique et prendre la décision d’agir en nullité du contrat de vente s’ils estimaient que ledit contrat était affecté d’une cause de nullité depuis le moment de sa formation, ce qu’ils n’ont pas fait. Ils ne peuvent désormais invoquer à l’appui de leurs prétentions leur propre manque de diligence, quand bien même ils sont effectivement des consommateurs.

Concernant la jurisprudence de la CJUE invoquée par les requérants, il convient de relever que le principe d’effectivité signifie que les dispositions du droit interne ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union européenne. En l’espèce, et compte tenu des développements précédents, il convient de constater que les demandeurs n’apportent pas d’éléments sur les droits issus de l’ordre juridique de l’UE qu’ils seraient empêchés d’exercer.

En l’espèce, le bon de commande ayant été signé le 2 mars 2015, Madame [L] [E] et consorts [E] avaient jusqu’au 2 mars 2020 pour introduire une action en nullité du contrat de vente.
Le délai pour agir – s’agissant de la méconnaissance des dispositions du consommation – est ainsi expiré depuis le 2 mars 2020, de sorte que l’action introduite au visa de ces dispositions par assignation en date du 15 mars 2023 est prescrite.

Sur la prescription de l’action en nullité pour dol

Les requérants demandent que le contrat de vente soit déclaré nul pour cause de dol, au motif que la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES a présenté l’installation photovoltaïque comme étant rentable, voire autofinancée ce qui, selon eux, n’est pas le cas et constitue une promesse mensongère.

L’article 2224 du code civil dispose, depuis le 19 juin 2009, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En application de l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’action en nullité pour dol se prescrit par cinq ans à compter du jour où celui-ci a été découvert. Cette découverte est un fait juridique, qui se prouve donc par tous moyens. Il appartient au juge qui déclare l’action irrecevable comme prescrite de constater la date de la découverte de l’erreur alléguée.

En l’espèce, la preuve de la rentabilité effective de l’installation ne peut résulter que de l’envoi de la première facture de revenus d’électricité de ERDF, seul document pouvant permettre aux requérants d’évaluer la rentabilité de l’installation photovoltaïque.
Le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de la réception de la première facture de production, soit le 05 octobre 2021, date à laquelle Madame [L] [E] et consorts [E] ont pu se rendre compte du préjudice subi. Dès lors, les requérants avaient jusqu’au 05 octobre 2026 pour introduire leur action sur le fondement du dol.

L’action a été introduite le 15 mars 2023, soit avant le 05 octobre 2026. En conséquence, l’action en nullité exercée sur le fondement du dol n’est pas prescrite.

Sur l’action en nullité exercée sur le fondement du dol

Madame [L] [E] et consorts [E] invoquent une manœuvre dolosive de la part de la société venderesse puisqu’elle aurait présenté l’installation photovoltaïque comme une installation permettant de réaliser des économies d’énergie substantielles et par la présentation de toute une série de documents commerciaux faisant miroiter un important rendement énergétique et de promesses qui n’ont pas été laissés à Madame [L] [E].

Au surplus, les requérants estiment que la nature même du contrat induit une rentabilité puisque cet achat est motivé par le gain financier espéré ou à tout le moins de l’économie substantielle qu’il doit permettre de réaliser, de sorte que la rentabilité de l’installation est une condition déterminante du consentement dans l’achat d’un tel système de production d’électricité.

Par ailleurs, les demandeurs considèrent avoir été trompés par la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES puisque l’installation a été présentée comme autofinancée.

Or, selon les factures de production versées aux débats par les demandeurs, ces derniers estiment que les moyennes des gains générés sur la période de l’année 2017 à 2022 est de 870,12 euros par an alors que les échéances du crédit affecté s’élevaient à la somme de 245, 62 euros par mois, soit 2. 947, 44 euros par an.

Les demandeurs précisent que l’installateur était parfaitement en mesure de prévoir que l’installation vendue ne produirait jamais les valeurs annoncées et qu’en sa qualité de professionnel il ne pouvait l’ignorer et s’est gardé de révéler ce fait déterminant à son client.

En l’espèce, il résulte du bon de commande que la société venderesse ne s’engage nullement à un quelconque degré de rentabilité et que les arguments commerciaux sont sans impact s’ils ne sont pas formalisés dans le contrat qui seul lie les parties. La rentabilité n’est pas entrée dans le champ contractuel.

En outre, l’expertise en date du 31 janvier 2022 versée aux débats a été réalisée non contradictoirement, de sorte qu’elle ne pourra pas être retenue.

En outre, les requérants échouent à établir que la société venderesse se soit livrée de façon intentionnelle à des manœuvres particulières pour convaincre son client autrement que par les promesses verbales de ses démarcheurs, lesquelles ne suffisent pas à caractériser un dol.

Dès lors, les éléments constitutifs du dol ne sont pas réunis.

En conséquence, à défaut d’établir un dol, Madame [L] [E] et consorts [E] seront déboutés de leur demande en nullité sur ce fondement.

III-Sur la demande en nullité du contrat de crédit affecté

Il résulte des développements précédents et de l’interdépendance des contrats de vente et de prêt prévue par les dispositions de l’article L. 311-32 du code de la consommation que la demande d’annulation du contrat de prêt conclu le 2 mars 2015 ne pourra prospérer tant qu’elle est fondée sur le lien entre le contrat principal de vente et l’affectation du contrat de crédit à ce contrat principal.
En l’espèce, le contrat de vente n’ayant pas été annulé, le contrat de crédit ne peut également l’être.
En conséquence, la demande en nullité du contrat de prêt souscrit par Madame [L] [E] et consorts [E], subséquente à la demande d’annulation du contrat de vente sera rejetée.

IV-Sur la prescription quinquennale de l’action en responsabilité à l’encontre de la banque

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE estime que l’action en responsabilité à son encontre est prescrite car le préjudice invoqué par le demandeur résulte du déblocage fautif des fonds alors que le bon de commande est nul ou que la prestation n’est pas achevée. En conséquence, elle fait valoir que le point de départ de la prescription est la date du déblocage des fonds qui est intervenu le 7 avril 2015, de sorte que la demande d’engagement de la responsabilité est prescrite.

Le demandeur expose que la banque a commis deux fautes, la participation de la banque au dol du vendeur et le déblocage des fonds pour le financement d’un contrat nul sans s’assurer de l’exécution complète du contrat principal.
L’article 2224 du code civil dispose, depuis le 19 juin 2009, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
L’action visant à engager la responsabilité contractuelle se prescrit par cinq ans à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, c’est-à-dire le moment où la victime prend conscience du manquement de la banque et de son dommage, soit les faits lui permettant d’agir.
S’agissant du point de départ de la faute de la banque permettant d’engager sa responsabilité pour avoir débloqué les fonds sans s’assurer de l’exécution complète du contrat principal, il est constant que le point de départ de la prescription est décalé à la date de la libération des fonds par la banque, puisqu’il s’agit du fait générateur de la faute.

En l’espèce, il ressort des historiques de compte produit par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE que les fonds ont été versés le 7 avril 2015, de sorte que Madame [L] [E] et consorts [E] avaient jusqu’au 7 avril 2020 pour intenter leur action en responsabilité à l’encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE.

En conséquence, la demande d’engagement de la responsabilité de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE en raison du déblocage fautif des fonds sera déclarée irrecevable car prescrite.

Concernant la prescription de l’action en responsabilité de la banque pour participation au dol de la société venderesse, il apparait que le point de départ de la prescription est le même que celui retenu pour le dol.
Ainsi, dans la mesure où il a été retenu que le point de départ de la prescription du dol correspondait à la date de la première facture de production d’électricité intervenue le 05 octobre 2021, il convient de déclarer la demande d’engagement de la responsabilité de la banque sur le fondement de la participation au dol comme recevable puisqu’engagée selon une assignation en date du 15 mars 2023.

Sur l’action en responsabilité à l’encontre de la banque sur le fondement de la participation au dol

Les requérants estiment que la banque a commis une faute en se rendant complice du dol commis par le vendeur. Ils considèrent qu’en octroyant un prêt prévoyant un report des échéances de remboursement d’une durée de 12 mois, la banque a volontairement entretenu la croyance légitime des acheteurs dans la rentabilité et l’autofinancement de l’installation.

En vertu de l’article 1147 du code civil, applicable à la date de conclusion du contrat de prêt, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
L’engagement de la responsabilité contractuelle suppose de caractériser une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Or, comme évoqué précédemment, les manœuvres dolosives invoquées par les requérants n’étant pas caractérisées, il ne saurait être retenu l’existence d’une faute de la banque sur ce fondement.

En conséquence, Madame [L] [E] et les consorts [E] seront déboutés de leur action en responsabilité à l’encontre de la banque sur le fondement de la participation au dol.

V-Sur la demande de dommages et intérêts complémentaire

Madame [L] [E] et les consorts [E] demandent qu’une indemnisation leur soit allouée pour préjudice moral du fait de la prise de conscience d’avoir été dupés par le vendeur et de s’être engagés dans un système qui les contraint sur de nombreuses années, compte-tenu de la non-réalisation des performances et du rendement annoncés par le vendeur.

Toutefois, étant fondée sur une tromperie commise par le vendeur et rejoignant ainsi les prétentions soulevées au titre du dol, qui ont été rejetées, cette demande de dommages et intérêts ne saurait prospérer.

En conséquence, Madame [L] [E] et les consorts [E] seront déboutés de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice moral.

VI-Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels

Le demandeur sollicite la déchéance du droit de la SA BNP PARIBAS aux intérêts contractuels du crédit souscrit pour manquement de la banque à ses obligations de conseil, de mise en garde quant à l’opportunité économique du projet et de contrôles préalables obligatoires.

Le premier moyen invoqué par les requérants est le manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde prévu par l’article L 311-8 du code de la consommation puisque la banque [et non la société venderesse comme mentionné dans leurs écritures] ne s’est pas intéressée à leur besoin et à leur situation financière, ainsi qu’à leurs capacités financières leur capacité financières présentes et futures et aux garanties offertes. Ainsi en finançant des installations dont elle ne pouvait ignorer le caractère ruineux, les requérants estiment que la banque a nécessairement manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde quant à l’opportunité économique des projets.

Ce moyen sera rejeté puisque la sanction du manquement au devoir de mise en garde est l’engagement de la responsabilité de la banque et non la déchéance du droit aux intérêts.

S’agissant du devoir d’information et de conseil, il convient de rappeler que la banque n’est pas soumise à un devoir de conseil général, étant seulement tenue de procéder à des vérifications pour la régularité de l’offre de crédit qui permettent au débiteur de comprendre la portée de son engagement.

Le devoir d’information que doit accomplir la banque en vertu de l’article L 311-8 du code de la consommation consiste dans le recueil des informations de solvabilité, par la fiche dialogue, puis dans l’établissement de la FIPEN et de la fiche d’assurance.
Or, toutes ces obligations d’information doivent être accomplies au moment de la souscription du crédit.
En l’espèce, il apparaît que la fiche dialogue et l’établissement de la FIPEN et de la fiche d’assurance ont été accomplis le jour de la conclusion du contrat de crédit, soit le 2 mars 2015.
En conséquence, Madame [L] [E] et consorts [E] seront déboutés de leur demande sur ce premier moyen.
Les demandeurs invoquent également l’absence de justification par la banque que le crédit signé par les époux [E] a été distribué par un professionnel qualifié, compétent et formé dont la société FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES est responsable.

En l’espèce, concernant l’argument selon lequel la banque a une obligation de formation du professionnel distribuant ses crédits, à savoir le personnel de la société FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES, le 3ème alinéa de l’article L. 311-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, prévoit que  » les personnes chargées de fournir à l’emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l’établissement de la fiche prévue à l’article L. 311-10 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L’employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l’attestation de formation mentionnée à l’article L. 6353-1 du code du travail établi par un des prêteurs dont les crédits sont proposés sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré. Un décret définit les exigences minimales auxquelles doit répondre cette formation « .

Il résulte de ces dispositions que l’obligation de produire l’attestation de formation précitée pèse sur l’employeur de l’intermédiaire de crédit et non sur la banque.

En conséquence, aucune faute ne peut être retenue à l’encontre de la banque.

De ce fait, la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels sur ce fondement sera rejetée.

Enfin, les demandeurs considèrent que la banque aurait dû consulter le FICP avant la décision de l’octroi du crédit.

L’article L311-9 du code de la consommation, applicable à la date de la signature du contrat de prêt dispose qu’ » avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5 « .

En outre, l’article L.311-13 du code de la consommation donne au prêteur après la présentation de l’offre préalable de crédit à l’emprunteur, la faculté de refuser le crédit qui a été offert dans le délai de sept jours de la signature. Ainsi, il est possible de considérer que le prêteur dispose encore d’un délai de sept jours pour conclure le contrat de crédit et donc de consulter le FICP. Au-delà de cette date, le prêt est conclu puisque l’agrément est réputé donné en cas de mise à disposition des fonds au-delà du délai de 7 jours. Dès lors, une consultation de FICP après ce délai de sept jours doit être considérée comme tardive.

L’article L.311-48 al. 2 du même code prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté l’obligation de consultation du FICP prévue par l’article L.311-9 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l’espèce, il ressort des documents fournis par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE que la banque a consulté le FICP le 9 mars 2015 pour Madame [L] [E] et Monsieur [X] [E], soit dans le délai de sept jours après la date de la signature du contrat intervenue le 2 mars 2015.

En conséquence, Madame [L] [E] et les consorts [E] seront déboutés de leur demande de déchéance des intérêts contractuels à l’encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

VII-Sur les demandes accessoires

Madame [L] [E] et les consorts [E], parties perdantes, seront condamnés aux entiers dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Madame [L] [E] et les consorts [E], qui succombent en leur demande, seront condamnés à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande de distraction des dépens formée par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE sera toutefois rejetée s’agissant d’une instance pour laquelle la représentation par avocat n’est pas obligatoire.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement et en premier ressort, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

DÉCLARE irrecevable la demande Madame [L] [E] et des consorts [E] en nullité du contrat de vente conclu le 2 mars 2015 avec la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES sur le fondement du non-respect des dispositions impératives du code de la consommation ;

DÉCLARE recevable la demande de Madame [L] [E] et des consorts [E] en nullité du contrat de vente conclu le 2 mars 2015 avec la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES pour dol ;

DEBOUTE Madame [L] [E] et les consorts [E] de leur demande en nullité du contrat de vente conclu le 2 mars 2015 pour dol ;

DÉBOUTE en conséquence, [L] [E] et les consorts [E] de leur demande de nullité du contrat de crédit affecté conclu le 02 mars 2015 avec la société SYGMA BANQUE ;

DÉBOUTE Madame [L] [E] et les consorts [E] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la SAS FRANCE ENERGIES RENOUVELABLES, prise en la personne de Maître [P] [Y] ès-qualité de mandataire liquidateur ;

DÉCLARE irrecevable l’action en responsabilité envers la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE pour sa faute dans le déblocage des fonds ;

DECLARE recevable l’action en responsabilité envers la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SYGMA BANQUE pour la participation au dol ;

DEBOUTE Madame [L] [E] et les consorts [E] de leur action en responsabilité envers la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SYGMA BANQUE pour la participation au dol ;

DÉBOUTE, en conséquence, Madame [L] [E] et les consorts [E] de l’ensemble de leurs demandes d’engagement de la responsabilité à l’encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE ;

REJETTE la demande de Madame [L] [E] et les consorts [E] en déchéance du droit aux intérêts contractuels envers la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE ;

REJETTE la demande de dommages-intérêts formulée Madame [L] [E] et les consorts [E] au titre du préjudice moral ;

REJETTE l’ensemble des autres demandes ;

CONDAMNE Madame [L] [E] et les consorts [E] aux entiers dépens ;

CONDAMNE Madame [L] [E] et les consorts [E] à verser à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de SYGMA BANQUE de distraction des dépens au profit de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL ;

RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par la juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommées et mis à disposition au greffe.

La Greffière La juge des contentieux de la protection

Décision du 31 octobre 2024
PCP JCP fond – N° RG 23/03698 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZW2M


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