Sommaire Contexte de l’affairePar lettre recommandée du 2 octobre 2023, l’Urssaf d’Ile de France a informé la société O’Pains d’Or d’une situation de travail dissimulé, accompagnée d’une évaluation des cotisations éludées et des pénalités potentielles. Ce document a également mentionné les réductions ou exonérations de cotisations dont la société aurait pu bénéficier. Assignation de l’UrssafEn réponse, la société O’Pains d’Or a assigné l’Urssaf d’Ile de France le 8 novembre 2023, demandant l’annulation des mesures conservatoires prises par l’Urssaf et le paiement de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’affaire a été mise en délibéré après une audience prévue pour le 20 mars 2024. Défense de l’UrssafL’Urssaf a contesté la demande de la société, arguant que le juge de l’exécution n’avait pas compétence pour apprécier l’existence d’un travail dissimulé en l’absence de mesures conservatoires. Elle a également demandé que la demande principale soit déclarée irrecevable et que la demande au titre de l’article 700 soit rejetée. Décision du juge de l’exécutionLe juge a statué sur la fin de non-recevoir, précisant que la lettre de l’Urssaf ne constituait pas une décision du directeur et ne pouvait donc pas être annulée par le juge de l’exécution. Par conséquent, la demande de nullité a été déclarée irrecevable. Conséquences financièresLa société O’Pains d’Or, ayant succombé dans sa demande, a été condamnée aux dépens. Sa demande de remboursement des frais irrépétibles a également été rejetée, le juge ayant décidé qu’il n’y avait pas lieu à cette condamnation. Conclusion de l’affaireLe jugement a été rendu le 12 décembre 2024, déclarant irrecevable la demande de nullité, condamnant la société O’Pains d’Or aux dépens, et rejetant sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la compétence du juge de l’exécution en matière de contestation des mesures conservatoires ?Le juge de l’exécution, selon l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, est compétent pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. Il a également le pouvoir d’autoriser les mesures conservatoires et de connaître des contestations relatives à leur mise en œuvre. Cela inclut les demandes nées de la procédure de saisie immobilière et des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée. Cependant, il est important de noter que le juge de l’exécution n’a pas compétence pour apprécier l’existence d’un travail dissimulé en l’absence de mesures conservatoires ou d’exécution. Ainsi, dans le cas présent, la société O’Pains d’Or a contesté la décision de l’Urssaf, mais le juge a déclaré la demande irrecevable, car il n’y avait pas de mesure conservatoire en cours. Quelles sont les conséquences de la déclaration d’irrecevabilité de la demande de nullité ?La déclaration d’irrecevabilité de la demande de nullité par le juge de l’exécution a pour conséquence que la société O’Pains d’Or ne peut pas obtenir l’annulation de la décision contestée. En effet, selon l’article L133-1 du code de la sécurité sociale, la lettre de l’Urssaf du 2 octobre 2023 ne constitue pas une décision du directeur de l’Urssaf, mais un document préalable à la mise en œuvre de la procédure. Aucune disposition légale ne permet au juge de l’exécution d’annuler un tel courrier, ce qui renforce l’irrecevabilité de la demande. Ainsi, la société O’Pains d’Or se voit contrainte de supporter les conséquences de cette irrecevabilité, notamment en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles. Comment sont déterminés les dépens et les frais irrépétibles dans cette affaire ?Les dépens sont régis par l’article 696 du code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans cette affaire, la société O’Pains d’Or, ayant succombé dans sa demande, a été condamnée aux dépens. Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour les frais exposés et non compris dans les dépens. Cependant, le juge doit tenir compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée. Dans ce cas, la demande de la société O’Pains d’Or au titre de l’article 700 a été rejetée, car elle a été condamnée aux dépens. Quelles sont les implications de la décision finale du juge de l’exécution ?La décision finale du juge de l’exécution, qui déclare irrecevable la demande de nullité, condamne la société O’Pains d’Or aux dépens et rejette sa demande au titre de l’article 700, a plusieurs implications. Tout d’abord, cela signifie que la société O’Pains d’Or ne peut pas contester la lettre de l’Urssaf et doit se conformer aux obligations qui en découlent. Ensuite, la condamnation aux dépens implique que la société devra supporter les frais de la procédure, ce qui peut avoir un impact financier significatif. Enfin, le rejet de la demande au titre de l’article 700 signifie que la société ne pourra pas récupérer les frais engagés pour sa défense, ce qui pourrait également affecter sa situation économique. En somme, cette décision renforce la position de l’Urssaf et limite les recours de la société O’Pains d’Or. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT CONTENTIEUX DU
12 Décembre 2024
MINUTE : 24/1275
RG : N° 24/07254 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZT4T
Chambre 8/Section 3
Rendu par Madame COSNARD Julie, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Madame HALIFA Zaia, Greffière,
DEMANDEUR
S.A.S. O’PAINS D’OR
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Thierry TONNELLIER, avocat au barreau de PARIS – D1020
ET
DEFENDEUR
URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Madame [N] [H], muni d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS
Madame COSNARD, juge de l’exécution,
Assistée de Madame FAIJA, Greffière.
L’affaire a été plaidée le 28 Novembre 2024, et mise en délibéré au 12 Décembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé le 12 Décembre 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.
Par lettre recommandée datée du 2 octobre 2023, l’Urssaf d’Ile de France a transmis à la société O’Pains d’Or un document faisant état d’une situation de travail dissimulé et comportant l’évaluation du montant des cotisations et contributions éludées, des majorations prévues à l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale et, le cas échéant, des majorations et pénalités afférentes, ainsi que du montant des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales dont a pu bénéficier le débiteur annulées en application du deuxième alinéa de l’article L. 133-4-2.
C’est dans ce contexte que, par acte du 8 novembre 2023, la société O’Pains d’Or a assigné l’Urssaf d’Ile de France à l’audience du 20 mars 2024 devant le juge de l’exécution de la juridiction de céans et lui demande de :
– annuler la décision du directeur de l’Urssaf de procéder à des mesures conservatoires,
– condamner l’Urssaf d’Ile de France au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
À cette date, l’affaire a fait l’objet d’une déclaration de caducité, révoquée par ordonnance du 19 juillet 2024. Les parties ont été convoquées à l’audience du 28 novembre 2024.
À cette audience, la société O’Pains d’Or, représentée par son conseil, reprend son acte introductif d’instance.
S’agissant de la fin de non-recevoir soulevée en défense, elle indique que la lettre du 2 octobre 2023 précise que le juge de l’exécution peut être saisi d’une contestation.
En défense, l’Urssaf d’Ile de France demande au juge de l’exécution de :
– déclarer la demande principale irrecevable,
– rejeter la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle indique que faute de mesure conservatoire ou de mesure d’exécution, le juge de l’exécution n’a pas de pouvoir pour apprécier l’existence d’un travail dissimulé.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 12 décembre 2024.
I. Sur la fin de non-recevoir
Aux termes de l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre. Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires. Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution.
Selon l’article L133-1 du code de la sécurité sociale, I.-Lorsqu’un procès-verbal de travail dissimulé a été établi par les agents chargés du contrôle mentionnés au premier alinéa de l’article L. 243-7 du présent code ou à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, ou transmis aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code et à l’article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime en application de l’article L. 8271-6-4 du code du travail, l’agent chargé du contrôle remet, en vue de la mise en œuvre par l’organisme de recouvrement de la procédure prévue au II, à la personne contrôlée un document constatant cette situation et comportant l’évaluation du montant des cotisations et contributions éludées, des majorations prévues à l’article L. 243-7-7 du présent code et, le cas échéant, des majorations et pénalités afférentes, ainsi que du montant des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales dont a pu bénéficier le débiteur annulées en application du deuxième alinéa de l’article L. 133-4-2.
Ce document fait état des dispositions légales applicables à cette infraction ainsi que celles applicables à la procédure prévue au présent article. Il mentionne notamment les dispositions du II du présent article ainsi que les voies et délais de recours applicables. Ce document est signé par l’agent chargé du contrôle.
II.-A la suite de la remise du document mentionné au I, la personne contrôlée produit des éléments justifiant, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’Etat, de l’existence de garanties suffisant à couvrir les montants évalués. A défaut, le directeur de l’organisme de recouvrement peut procéder, sans solliciter l’autorisation du juge prévue au premier alinéa de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, à une ou plusieurs des mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du même code, dans la limite des montants mentionnés au I du présent article.
A tout moment de la procédure, la personne contrôlée peut solliciter la mainlevée des mesures conservatoires prises à son encontre en apportant auprès du directeur de l’organisme des garanties suffisantes de paiement.
III.-La décision du directeur de l’organisme peut être contestée selon les dispositions applicables à la saisine en urgence du juge de l’exécution prévues au code des procédures civiles d’exécution. Le juge statue au plus tard dans un délai de quinze jours. Le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire, notamment s’il apparaît que les conditions de mise en œuvre des mesures ne sont pas respectées ou s’il estime que les garanties produites par la personne contrôlée sont suffisantes. Le recours n’a pas d’effet suspensif.
En l’espèce, la société O’Pains d’Or sollicite la nullité de la décision du directeur de l’Urssaf de faire procéder à une ou plusieurs mesures conservatoires.
Or, la lettre de l’Urssaf du 2 octobre 2023 (pièce 3) n’émane pas du directeur de l’Urssaf et ne contient pas une telle décision. Il s’agit uniquement du courrier préalable prévu à l’article L133-1 I du code de la sécurité sociale.
Aucune disposition ne permet au juge de l’exécution d’annuler un tel courrier.
Par conséquent, faute de pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution, la demande de nullité doit être déclarée irrecevable.
II. Sur les autres demandes
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La société O’Pains d’Or, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes du 1° de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
La société O’Pains d’Or étant condamnée aux dépens, il y a lieu de rejeter sa demande formée à ce titre.
La juge de l’exécution, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE irrecevable la demande de nullité formée par la société O’Pains d’Or,
CONDAMNE la société O’Pains d’Or aux dépens,
REJETTE la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Fait à Bobigny le 12 décembre 2024.
LA GREFFIÈRE LA JUGE DE L’EXÉCUTION